De l`anamne`se d`entrée a` l`ordonnance de sortie

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ARTICLE ORIGINAL
ORIGINAL ARTICLE
J Pharm Clin 2009 ; 28 (3) : 151-6
De l’anamnèse d’entrée à l’ordonnance de sortie :
continuité des traitements médicamenteux
des patients hospitalisés dans un hôpital régional suisse
Continuity of care of hospitalised patients in a Swiss regional hospital:
from medication history on admission to discharge treatment
C. GRANDJEAN1, V. VON GUNTEN1, S. MARTY1, P. MEIER2, J. BENEY1
1
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Pharmacie de l’Institut central des hôpitaux valaisans, avenue Grand Champsec 86, 1951 Sion, Suisse
<[email protected]>
2
Département de médecine CHCVs-Sion, avenue Grand Champsec 80, 1951 Sion, Suisse
doi: 10.1684/jpc.2009.0120
Résumé. Cette étude a pour but de comparer les traitements médicamenteux pris avant l’hospitalisation avec ceux prescrits à la sortie, d’identifier si les modifications sont appropriées ou non et de déterminer leur origine. Il s’agit d’une
étude observationnelle et descriptive du processus allant de l’anamnèse d’entrée à l’ordonnance de sortie. L’étude portant sur le système et non pas sur la qualité de la prescription, toutes les modifications souhaitées par le prescripteur ont
été considérées comme appropriées, indépendamment de leur pertinence clinique. Les patients hospitalisés dans un service de médecine et suivis par le pharmacien clinicien ont été inclus (septembre 2008-janvier 2009). Leur traitement a
été relevé à 3 périodes : 1) avant l’entrée selon les données fournies par les pharmacies de ville ; 2) lors de l’hospitalisation sur la base du dossier patient et 3) à la sortie grâce à l’ordonnance et la lettre de sortie. Les modifications appropriées ont été subdivisées en : A1) ajout de nouveau médicament ; A2) arrêt de médicament et A3) substitution thérapeutique pour raisons pharmacologiques. Les modifications inappropriées ont été classées en : I1) erreur d’anamnèse
médicamenteuse à l’entrée ; I2) substitution thérapeutique ou générique sans reprise du traitement ambulatoire initial à
la sortie et I3) oubli de médicament lors de la prescription de sortie. Sur les 26 patients inclus, 24 (92 %) étaient concernés par au moins une modification appropriée et 18 (69 %) par au moins une modification inappropriée de leur traitement. En moyenne, 3,5 modifications appropriées et 1,9 modification inappropriée par patient ont été observées.
Les modifications appropriées se répartissaient en 63 % d’ajouts (A1), 30 % d’arrêts (A2) et 7 % de substitutions thérapeutiques (A3). Les modifications inappropriées se distribuaient en 53 % d’erreurs d’anamnèse (I1), 37 % de substitutions thérapeutiques/génériques (I2) et 10 % d’oublis (I3). Pour améliorer la continuité des soins et la sécurité des
patients, plusieurs pistes, dont le rôle du pharmacien et certains développements informatiques, sont discutées.
Mots clés : continuité des soins, traitement médicamenteux, hospitalisation, anamnèse médicamenteuse, pharmacien
clinicien, livret thérapeutique
Abstract. The aim of this study, comparing the medication at discharge with the drugs taken before hospital stay, is to
identify whether the observed modifications are appropriate or not, and to understand their origin. This is an observational and descriptive study of the process from the medication history on admission to the discharge prescription. As we
analyse the process and not the quality of the prescription, all modifications wished by the prescriber were considered
appropriate, irrespective of their clinical pertinence. Patients hospitalised on a medical ward and followed up by the clinical pharmacist have been included (September 2008–January 2009). Their medication has been collected at 3 steps:
1) before admission (according to outpatient pharmacy data), 2) during hospital stay (according to the inpatient medication record) and 3) at discharge (according to the discharge prescription and letter). Appropriate modifications have
been subdivided in: A1) new treatment, A2) stopped drug and A3) substitution for pharmacological reasons. Inappropriate modifications have been classified in: I1) medication history error, I2) therapeutic or generic substitution without
reintroducing initial ambulatory treatment at discharge and I3) omissions at discharge. Of the 26 patients included,
24 (92%) had at least one appropriate modification and 18 (69%) at least one inappropriate medication modification.
On average, there were 3,5 appropriate and 1,9 inappropriate modifications per patient. The appropriate modifications concerned 63% new treatments (A1), 30% stopped drugs (A2) and 7% substitutions for pharmacological reasons
(A3). The inappropriate modifications concerned 53% medication history errors (I1), 37% therapeutic or generic substitutions (I2) and 10% omissions at discharge (I3). To improve continuity of care and patient safety, several options, including the role of the pharmacist and information technology options, are discussed.
Key words: continuity of patient care, drug therapy, patient discharge, medication history, clinical pharmacist, hospital
formularies
* Correspondance et tirés à part : C. Grandjean
J Pharm Clin, vol. 28, n o 3, juillet-août-septembre 2009
151
C. Grandjean, et al.
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P
lusieurs études ont montré que les séjours hospitaliers étaient responsables de nombreux changements dans les traitements chroniques des patients
[1-5]. Malgré des méthodologies très hétérogènes, il ressort de ces études qu’en moyenne 50 % des médicaments
pris par un patient hors de l’hôpital sont modifiés lors du
séjour hospitalier [1-3, 5]. La plupart de ces études ont été
réalisées dans des services de médecine interne ou de
gériatrie [2, 4-8], et certains auteurs ont différencié les
modifications selon qu’elles étaient introduites volontairement ou non [6-9]. Les principales raisons de non concordance ont été : une anamnèse d’entrée incomplète, des
changements durant l’hospitalisation pour des raisons
médicales ou d’assortiment sélectionné par l’établissement
et une absence de bilan comparatif du traitement prescrit à
la sortie avec celui pris avant et durant l’hospitalisation
[10]. L’assortiment de médicaments utilisés préférentiellement dans un hôpital (livret thérapeutique–LT) ne comprend qu’une fraction des produits disponibles sur le
marché, ceci engendre donc inévitablement des substitutions lors d’une hospitalisation ; au moment de la sortie,
les traitements initiaux des patients devraient toutefois
être repris.
Les non concordances médicamenteuses ont souvent été
étudiées en se focalisant sur les problèmes d’anamnèse
d’entrée [6, 11-13]. L’ensemble du processus allant de
l’entrée à la sortie a été moins fréquemment analysé [3,
7, 9, 14]. Les changements de médication lors de l’hospitalisation constituent un important facteur de risque d’événements indésirables chez les patients hospitalisés et ceux
récemment sortis de l’hôpital [5, 7, 10, 11]. Les patients,
les médecins traitants et les pharmaciens d’officine sont globalement mal informés sur les raisons de ces modifications
[3, 4, 10, 15, 16]. Un bilan comparatif complet et précis
de la médication à chaque étape du processus de soins
permet de diminuer efficacement les événements indésirables médicamenteux [9, 13, 17-21]. Dans ce contexte, une
meilleure compréhension de l’origine et de la nature des
non concordances est nécessaire au sein de chaque institution afin de cibler les mesures d’amélioration [7].
Cette étude a pour objectif de comparer les traitements
médicamenteux avant l’hospitalisation avec ceux prescrits
à la sortie. Sa particularité est d’analyser le processus
dans son ensemble afin d’évaluer si les modifications
sont appropriées ou non et d’en déterminer l’origine.
Méthode
Cette étude observationnelle et descriptive du processus
allant de l’anamnèse d’entrée à l’ordonnance de sortie a
été réalisée dans un service de médecine interne de l’hôpital du Valais entre septembre 2008 et janvier 2009.
Les patients suivis par le pharmacien clinicien participant
à la visite médicale de manière bihebdomadaire ont été
inclus s’ils répondaient aux critères suivants : le médecin
avait identifié au moins un médicament sur prescription à
l’admission, les patients se rendaient dans une seule pharmacie de référence en Suisse ou recevaient leurs médicaments au sein d’une institution, les patients ne présentaient
pas de barrière à la communication (par exemple, langue,
aphasie), étaient majeurs et n’étaient pas sous tutelle.
Les patients devaient donner leur consentement oral pour
que le pharmacien puisse contacter leur officine.
152
Les patients hospitalisés moins de 2 jours, provenant d’un
autre hôpital ou transférés dans un autre établissement
hospitalier à la sortie ont été exclus. Les patients réhospitalisés durant la période d’étude n’ont pas été inclus une
deuxième fois.
Outre les données démographiques du patient (âge, sexe,
durée d’hospitalisation), le traitement médicamenteux de
chaque patient a été relevé aux étapes suivantes.
Traitement avant l’hospitalisation
Les informations concernant le traitement ont été obtenues
auprès de la pharmacie de ville ou de l’institution du
patient par le pharmacien investigateur. Ces informations
n’ont été recueillies qu’après la sortie du patient. Le pharmacien clinicien (CG) étant également investigateur, la
connaissance de ces informations durant la période de
l’hospitalisation aurait provoqué un biais dans l’étude.
Traitement durant l’hospitalisation
Les informations concernant l’anamnèse médicamenteuse
d’entrée faite par un médecin, les informations données
spontanément par le patient et le traitement prescrit durant
l’hospitalisation ont été collectés à partir du dossier du
patient et durant la visite médicale.
Traitement à la sortie
Les informations ont été recueillies dans l’ordonnance et la
lettre de sortie de l’hôpital.
Le traitement à la sortie a été comparé au traitement avant
hospitalisation. Le but n’étant pas l’analyse de la pertinence clinique des prescriptions, mais celle du processus
« médicament », toutes les modifications souhaitées par le
prescripteur ont été considérées comme appropriées. Elles
ont été classifiées en 3 types : A1) ajout, A2) arrêt de
médicament et A3) substitution thérapeutique pour raisons
pharmacologiques (voir définitions et exemples dans le
tableau 1). Les modifications inappropriées ont été subdivisées en 3 catégories : I1) erreur d’anamnèse médicamenteuse à l’entrée, I2) substitution thérapeutique ou
générique sans reprise du traitement ambulatoire initial à
la sortie et I3) oubli de médicament lors de la prescription
de sortie (voir définitions et exemples dans le tableau 1).
Les changements de dosage et/ou de posologie n’ont pas
été considérés comme des modifications.
L’étude avait pour objectifs de calculer le pourcentage de
patients ayant eu au moins une modification et de déterminer le caractère approprié ou non, ainsi que l’origine, de
ces modifications. L’origine des modifications inappropriées a été analysée plus en détail (tableau 1)
Seul le médecin chef a été informé de la nature précise du
projet afin de limiter les biais de comportement. L’activité
habituelle du pharmacien clinicien durant la visite (sans
intervenir sur les aspects de continuité des traitements) lui
a permis d’assister à certaines étapes du processus,
d’avoir les informations nécessaires à la classification
des modifications observées et de rassembler certaines
données qualitatives qui sont intégrées dans la discussion
et facilitent l’interprétation des résultats.
La Commission cantonale valaisanne d’éthique médicale
a donné son accord au projet de recherche (numéro de
référence : CCVEM 039/080).
J Pharm Clin, vol. 28, n o 3, juillet-août-septembre 2009
Continuité des traitements médicamenteux après hospitalisation
Tableau 1. Définitions et exemples de modifications appropriées et inappropriées.
Définition
Modifications appropriées
A1) Ajout de nouveau médicament
A2) Arrêt de médicament
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A3) Substitution thérapeutique
pour raison pharmacologique
Modifications inappropriées
I1) Erreur d’anamnèse
médicamenteuse à l’entrée
I2) Substitution thérapeutique ou
générique sans reprise du traitement
ambulatoire initial à la sortie
I3) Oubli de médicament
lors de la prescription de sortie
Exemple observé
Médicament volontairement introduit
durant le séjour
Un patient est hospitalisé pour un AVC. Durant le séjour, un traitement
d’Aspirine cardio® (acide acétylsalicylique) et de Sortis® (atorvastatine) est
initié. Ces nouveaux médicaments sont prescrits à la sortie.
Médicament volontairement arrêté durant le séjour Une patiente a récemment commencé un traitement par Co-Amoxi-Mepha®
(amoxicilline + acide clavulanique) et par Dafalgan® (paracétamol) pour une
dyspnée d’effort avec état fébrile. L’évolution clinique n’étant pas favorable,
la patiente est hospitalisée. Une embolie pulmonaire est diagnostiquée et
traitée. N’ayant plus d’indications, les traitements de Co-Amoxi-Mepha® et de
Dafalgan® sont arrêtés au cours de l’hospitalisation.
Médicament pris avant l’hospitalisation† substitué Une patiente atteinte de BPCO suit, entre autres, un traitement par Atrovent®
(ipratropium). Dans le cadre d’une hospitalisation pour une décompensation
par un autre médicament au sein de la même
classe thérapeutique à la sortie* pour une raison de BPCO, ce traitement est remplacé par Spiriva® (tiotropium) afin de
favoriser la compliance (diminution du nombre de prises par jour).
pharmacologique
Médicament non identifié : un patient prend Tamsulosin Mepha® avant son
hospitalisation. Ce traitement n’étant pas identifié lors de l’anamnèse
d’entrée, il n’est prescrit ni durant l’hospitalisation ni à la sortie.
Médicament mal identifié : un patient est hospitalisé pour un probable AVC, il
a des antécédents de SCA. Alors qu’il était traité par Crestor® (rosuvastatine)
avant son hospitalisation, c’est Sortis® (que le patient avait arrêté 6 mois plus
tôt) qui est relevé dans l’anamnèse. Sortis® (atorvastatine) est donc prescrit
durant l’hospitalisation ainsi qu’à la sortie.
Médicament substitué durant l’hospitalisation par Une patiente, souffrant notamment d’angor, est traitée par Coridil®
un médicament du LT, sans reprise du traitement (générique du diltiazem). Elle est hospitalisée pour une colite. Coridil® est
remplacé durant le séjour par Dilzem® (original du diltiazem, équivalent du
ambulatoire initial à la sortie*. Trois cas sont
LT). Dilzem® est prescrit à la sortie.
possibles :
Une patiente hospitalisée pour sepsis est traitée, entre autres, avec Lisitril®
– substitution de générique à original ou
(lisinopril) avant son hospitalisation. Ce médicament est remplacé durant le
inversement
– substitution de générique à générique avec des séjour par Lisinopril-Teva® (équivalent du LT). Lisinopril-Teva® est prescrit
à la sortie.
médicaments dont les noms commerciaux sont
Un patient hospitalisé pour une insuffisance rénale aiguë est sous
différents ‡
Omezol-Mepha® (oméprazole) avant son hospitalisation pour gastrite érosive.
– substitution thérapeutique
Le point de vue du patient, qui connaı̂t ses
Cette molécule est remplacée durant le séjour par Nexium® (esoméprazole,
médicaments par leur nom et non pas par leur DCI, équivalent du LT). Nexium® est prescrit à la sortie.
a été adopté.
Médicament pris avant l’hospitalisation† et identifié Un patient diabétique et hypertendu est hospitalisé pour une syncope
lors de l’anamnèse d’entrée (généralement pris d’origine indéterminée. Avant son hospitalisation il était, entre autres, traité
durant l’hospitalisation) et non repris à la sortie* par Lantus® (insuline glargine) qu’il reçoit durant toute l’hospitalisation. Sans
aucune raison apparente, ce traitement ne figure ni dans la lettre ni dans
l’ordonnance de sortie.
Médicament pris avant l’hospitalisation† non
identifié ou mal identifié lors de l’anamnèse
médicamenteuse d’entrée (par conséquent prescrit
ni durant l’hospitalisation ni à la sortie*)
* selon l’ordonnance et/ou la lettre de sortie ; † selon le dossier de la pharmacie de ville/institution du patient ; ‡ une substitution de générique à générique avec des médicaments comportant tous deux la DCI dans leur nom n’a pas été considérée comme une modification (par exemple passage de Zolpidem Teva® à Zolpidem Sandoz®). AVC = accident vasculaire cérébral. BPCO = broncho-pneumopathie chronique obstructive. SCA = syndrome
coronarien aigu. TVP = thrombose veineuse profonde. LT = livret thérapeutique. DCI = dénomination commune internationale.
Résultats
Durant la période d’étude, 26 patients parmi les 93 suivis
par le pharmacien lors des visites médicales ont été inclus
(figure 1). Leurs caractéristiques figurent dans le tableau 2.
Tous les patients inclus ont subi au moins un changement
dans leur traitement.
Vingt-quatre patients (92 %) ont eu au moins une modification appropriée et 18 patients (69 %) ont subi au moins
une modification inappropriée de leur traitement. Nous
avons constaté un total de 90 modifications appropriées
et de 49 modifications inappropriées, ce qui correspond à
une moyenne par patient de 3,5 modifications appropriées et de 1,9 modification inappropriée.
Les modifications appropriées se subdivisaient en 63 %
d’ajouts de nouveaux médicaments, 30 % d’arrêts de
médicaments et 7 % de substitutions thérapeutiques pour
raisons pharmacologiques (figure 2).
J Pharm Clin, vol. 28, n o 3, juillet-août-septembre 2009
Les modifications inappropriées se répartissaient en 53 %
d’erreurs d’anamnèse médicamenteuse, 37 % de substitutions thérapeutiques ou génériques sans reprise du traitement ambulatoire initial à la sortie et 10 % d’oublis de
médicament lors de la prescription de sortie (figure 2).
Les 26 erreurs d’anamnèse concernaient essentiellement
des médicaments qui n’avaient pas été identifiés (92 %),
plus rarement des médicaments mal identifiés. Les médicaments à usage topique (antiasthmatiques, gouttes ophtalmiques, crèmes hormonales et dermatologiques,
dispositifs transdermiques hormonaux) représentaient
38 % des erreurs d’anamnèse. Les médicaments à usage
systémique étaient surtout des médicaments à visée cardiovasculaire (8/16).
Les 18 modifications inappropriées dues à des substitutions étaient pour 1/3 des substitutions thérapeutiques et
pour 2/3 des substitutions génériques. Globalement, les
médicaments pour le système cardiovasculaire (diuréti-
153
C. Grandjean, et al.
Tableau 2. Caractéristiques des patients inclus (n = 26).
154
67 ans (40-88 ans) {69}
14 hommes (54 %), 12 femmes (46 %)
12 jours (5-42 jours) {8}
6,6 (2-15) {5}
6,7 (3-15) {6}
ques, bêtabloquants, inhibiteurs du système rénineangiotensine, anticalciques et anti-agrégants) étaient
majoritaires dans cette catégorie (11/18).
Les 5 oublis lors de la sortie concernaient deux insulines,
une érythropoïétine, un diurétique et un anxiolytique.
93 patients
suivis
67 patients exclus :
Aucun médicament sur prescription identifié
par le médecin à l’admission (29)
Discussion
Tous les patients inclus dans la présente étude ont subi au
moins un changement (approprié ou non) dans leur traitement, ce qui concorde avec les données de la littérature où
seuls 2 à 10 % des patients ne subissent aucun changement [1, 2, 5]. Plus de 90 % des patients ont eu au moins
une modification appropriée et près de 70 % des patients
ont subi au moins une modification inappropriée.
Ces résultats sont comparables avec ceux de Vira et al.
qui rapportent 60 % de modifications inappropriées [9].
Plus de la moitié des modifications inappropriées sont
dues à une anamnèse médicamenteuse inexacte ou incomplète. La revue de Tam et al. a montré qu’il y avait au
moins une erreur dans l’anamnèse d’entrée chez 10 à
67 % des patients étudiés mais cette revue incluait également les erreurs de posologie [11]. Comme les informations concernant l’anamnèse d’entrée et le traitement
avant l’hospitalisation ne précisaient pas toujours la posologie, nous n’avons pas pu en tenir compte. Les médicaments à usage topique (par exemple, antiasthmatiques,
traitements hormonaux, etc.), en dépit de leur pertinence
clinique, ont été fréquemment oubliés lors de l’anamnèse
d’entrée. Ces oublis peuvent s’expliquer par le fait que les
patients pensent moins souvent à les mentionner.
Dans notre environnement, les pharmaciens cliniciens présents dans différentes unités observent que ces traitements
topiques ne figurent pas toujours sur les prescriptions
médicales, alors que les patients les poursuivent d’euxmêmes. Les pharmaciens demandent que ces traitements
soient ajoutés sur les prescriptions, ce qui limite les oublis
lors de la sortie. Ils observent également que l’anamnèse
médicamenteuse d’entrée, effectuée habituellement dans
le service des urgences, est souvent complétée dans les
services sans documentation systématique dans le dossier.
Ce complément est réalisé à l’aide des médicaments
apportés par le patient ou parfois sur la base d’un contact
avec les médecins traitants. À notre connaissance, les
pharmaciens de ville, qui tiennent également un dossier
patient, ne sont pas contactés.
L’autre grande catégorie de modifications inappropriées
(37 %) concerne les substitutions réalisées pendant l’hospitalisation, sans que le traitement initial ne soit réintroduit à
Transfert dans un autre établissement hospitalier
à la sortie (19)
Barrière à la communication/patients mineurs
ou sous tutelle (7)
Pharmacie à l’étranger (3)
Transfert d’un autre hôpital (3)
Hospitalisation < 2 jours (2)
Refus de collaboration de la pharmacie du patient (2)
Ré-hospitalisation durant la période d’étude (1)
Décès durant l’hospitalisation (1)
26 patients
inclus
Figure 1. Diagramme d’inclusion des patients.
100
90
Nombre total de modifications
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Âge moyen (min–max) {médiane}
Sexe (% hommes, % femmes)
Durée moyenne d’hospitalisation (minmax) {médiane}
Nombre moyen de médicaments par
patient avant l’hospitalisation (min-max)
{médiane}
Nombre moyen de médicaments par
patient prescrits à la sortie (min-max)
{médiane}
la sortie. Ces changements, effectués pour des questions
de respect du LT peuvent mener le patient à poursuivre de
lui-même le traitement prescrit par son médecin traitant en
plus de celui figurant sur l’ordonnance de sortie (doublon
thérapeutique).
Malgré un système informatique permettant la reprise des
traitements de l’hospitalisation dans l’ordonnance de sortie, quelques oublis sont survenus à cette étape sans que
ceux-ci puissent être expliqués. Ils représentent une faible
part des modifications inappropriées (10 %), mais concer-
A3) 6
80
70
A2) 27
60
50
I3) 5
40
I2) 18
30
A1) 57
20
10
I1) 26
0
Modifications appropriées (n = 90) Modifications inappropriées (n = 49)
Figure 2. Répartition des modifications appropriées et inappropriées. A1) ajout de nouveau médicament ; A2) arrêt de
médicament ; A3) substitution thérapeutique pour raison pharmacologique ; I1) erreur d’anamnèse médicamenteuse à
l’entrée ; I2) substitution thérapeutique ou générique sans
reprise du traitement ambulatoire initial à la sortie ; I3) oubli
de médicament lors de la prescription de sortie.
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Continuité des traitements médicamenteux après hospitalisation
nent néanmoins des médicaments dont l’arrêt, du moins de
manière abrupte, est inopportun (par exemple, benzodiazépine).
Les classes thérapeutiques impliquées dans les modifications sont celles actives sur le système cardiovasculaire, le
système nerveux central, l’appareil digestif et le métabolisme, ce qui reflète les pathologies de la population étudiée
(service de médecine interne – néphrologie et neurologie).
Elles sont globalement les mêmes pour les modifications
appropriées et inappropriées, on ne peut donc pas relever
une classe thérapeutique particulière qui serait plus à risque
d’être modifiée de manière inappropriée. D’autres études
se déroulant dans des services de médecine interne ont également mis en évidence les médicaments du système cardiovasculaire comme classe la plus touchée [7, 8, 11, 12].
Les médicaments concernés, en plus des caractéristiques
des médecins (spécialités, nombre d’intervenants, etc.) et
des patients (âge, sexe, durée de séjour, etc.), ne permettent pas de généraliser les résultats de cette étude à d’autres
disciplines médicales.
Le nombre élevé de modifications (en moyenne 5,4 par
patient), et en particulier le fait qu’un tiers d’entre elles
soient inappropriées, génère inévitablement de la confusion auprès des patients, de leurs médecins traitants et
pharmaciens quant aux traitements qu’il est nécessaire
de poursuivre ou d’arrêter après l’hospitalisation. Audelà de la confusion, l’impact de ces modifications en termes de survenue d’événements indésirables médicamenteux et de coûts ainsi engendrés (réhospitalisations,
consultations ambulatoires, duplications inutiles de traitements) n’a pas fait l’objet de cette étude.
Une grande partie des patients éligibles ont été exclus
(67/93) ce qui constitue une limite à la généralisation de
nos résultats (figure 1). Au vu des principales raisons
d’exclusion, on peut supposer que la proportion de
patients concernés par des modifications inappropriées
aurait été plus importante si ces patients avaient été inclus
(absence de documentation de l’anamnèse médicamenteuse d’entrée dans le dossier patient, transfert dans un
autre établissement après l’hospitalisation ou barrière à
la communication). Nos critères d’exclusion étaient donc
assez restrictifs, mais cette approche prudente a permis
l’obtention de données permettant de comprendre au
mieux le processus menant aux modifications de traitement.
Le traitement de référence choisi dans cette étude était
celui figurant dans le dossier patient des pharmacies de
ville. Dans les études consultées, il n’y avait pas de consensus sur un gold standard représentant le traitement pris par
le patient avant son admission à l’hôpital. Certains auteurs
se sont basés sur un entretien avec les patients et/ou leurs
familles, d’autres sur les médicaments apportés par les
patients, d’autres sur les informations du médecin de
famille ou encore sur le dossier des pharmacies de ville,
certains ont combiné plusieurs de ces sources [2, 3, 6, 7,
9, 11-13]. Afin de nous baser sur des données aussi complètes que possible, nous avons choisi les données des officines en incluant uniquement les patients déclarant se
rendre dans une seule pharmacie pour leur traitement sur
ordonnance.
Le traitement de référence semble fiable puisque seulement
2 médicaments (calcium et acide folique) apparaissaient,
pour un seul patient, dans l’anamnèse hospitalière sans
figurer dans les traitements de l’officine.
J Pharm Clin, vol. 28, n o 3, juillet-août-septembre 2009
Perspectives
Les erreurs lors de l’anamnèse d’entrée étant le plus fréquemment à l’origine des modifications inappropriées,
cette étape mérite une attention particulière dans l’analyse
des opportunités d’amélioration. L’anamnèse médicamenteuse d’entrée pourrait être effectuée par des pharmaciens, pratique courante au Québec mais qui exige une
importante dotation en pharmaciens [22-24]. Des auteurs
américains estiment que le retour sur investissement est
significatif si l’on compare le coût du pharmacien pour
procéder à l’anamnèse médicamenteuse au coût engendré par les événements indésirables médicamenteux ainsi
évités [13]. L’identification de patients dont le risque de
modifications inappropriées serait plus grand permettrait
une action ciblée des pharmaciens cliniciens et pourrait
faire l’objet d’une prochaine étude.
Une meilleure exploitation des données disponibles dans
les dossiers patients des pharmacies de ville serait une
autre option. Une transmission de ces données par le pharmacien sur demande de l’hôpital, en fonction de critères
préétablis et selon une procédure déterminée conjointement par l’hôpital et les sociétés de pharmaciens de ville,
pourrait s’envisager. De même, l’amélioration de l’accessibilité informatique de ces données, comme c’est le cas
par exemple au Danemark où les médecins traitants ont
accès en ligne aux données des pharmacies de ville
grâce à une signature électronique [25], serait un avantage. Dans l’immédiat, des anamnèses médicamenteuses
mieux structurées et documentées constituent un premier
objectif pour l’obtention d’un traitement exhaustif à partir
de différentes sources.
Plus d’un tiers des modifications inappropriées sont dues
aux substitutions nécessaires au respect du LT, sans que le
traitement initial soit réinstauré à la sortie. La majorité des
cas concernent la substitution de générique à original ou
entre génériques. Ce problème pourrait être supprimé par
une prescription de sortie libellée en DCI (dénomination
commune internationale).
Les substitutions thérapeutiques pourraient être évitées en
poursuivant systématiquement les traitements ambulatoires
du patient durant l’hospitalisation, ce qui engendrerait par
contre des problèmes non négligeables de logistique, de
coût et de remboursement par les assurances. Une autre
option consisterait à élaborer un système manuel ou informatique favorisant la reprise des traitements ambulatoires
initiaux à la sortie de l’hôpital. Cette dernière option permettrait également d’éviter les oublis de médicament au
moment de la prescription de sortie.
Dans notre institution bénéficiant d’une prescription informatisée, un projet de bilan comparatif informatisé, réalisé
automatiquement à la sortie sur la base de l’anamnèse et
du traitement prescrit durant l’hospitalisation est en cours.
Les modifications appropriées (ajouts, arrêts, substitutions
thérapeutiques pour raison pharmacologique) pourront
ainsi faire l’objet d’un bref commentaire qui sera transmis
aux patients et aux professionnels de santé intervenant
après l’hospitalisation.
Les outils informatiques, que ce soit pour l’anamnèse
d’entrée, pour le bilan comparatif pendant l’hospitalisation ou pour le traitement à la sortie, ne doivent cependant
pas être considérés comme unique approche. Il convient
de sensibiliser les prescripteurs et pharmaciens pour
garantir la mise à jour et la réévaluation régulière des trai-
155
C. Grandjean, et al.
tements de leurs patients. De plus, en renforçant la communication entre les différents partenaires, nous parviendrons
à améliorer la continuité des soins et la sécurité des
patients.
Financement
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Ce travail a été réalisé dans le cadre de la formation postgraduée en pharmacie clinique de C. Grandjean, partiellement soutenue par pharmaSuisse. ■
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Les auteurs remercient Viviane Amos, Emmanuel Bensimon et Séverine Pernoux pour leur lecture critique et leurs suggestions pertinentes.
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