Communications affichées Etudes des traits autistiques chez deux souches de souris Fmr1 KO Maude Bernardet et Wim Crusio1 L a définition du trouble autistique est basée sur des critères comportementaux. La terminologie « trouble autistique » est utilisée pour désigner l’occurrence simultanée d’une triade de troubles comportementaux débutés avant l’âge de trois ans. Selon les personnes, la qualité et la sévérité de ces symptômes varient grandement. Cette variabilité des troubles du spectre autistique et les limites techniques des méthodes non invasives chez l’humain font ressentir la nécessité de mettre en place des modèles animaux pour comprendre les mécanismes en jeu dans leur ontogenèse (Belzung et coll., 2005). Utilité de modèles animaux pour étudier l’autisme Les différents traits caractéristiques d’un organisme vivant (le phénotype) résultent de l’interaction de ses gènes avec l’environnement. L’utilisation de modèles animaux permet de diminuer et de contrôler la variabilité de ces deux facteurs pour étudier leur rôle spécifique. Le modèle est un outil de travail pour étudier un phénomène biologique dont la validation dépend de celle de trois critères. Il doit développer des caractéristiques semblables à celles de la pathologie humaine (comportementales, neuroanatomiques et cognitives) dans des conditions identiques à la pathologie humaine. Un modèle valide doit aussi être prédictif et répondre aux traitements qui diminuent les symptômes de la pathologie. Mots clés : traits autistiques, souris Fmr1 KO, modèle animal, comportement, autisme. Les causes de l’autisme semblent être diverses. Les études montrent notamment une forte composante génétique (Muhle et coll., 2004). L’origine semble être polygénique et les gènes candidats de l’autisme sont nombreux, avec un mode de transmission qui n’est pas simple. Dans tous les cas l’aspect développemental est un consensus qui doit être observé dans la génération du modèle. Répondent à ce critère les animaux modifiés génétiquement pour éteindre l’expression d’un gène particulier (KO), les animaux dont la mère a reçu un traitement lors de la gestation ou ceux chez lesquels on a provoqué une infection expérimentale à la naissance. Ces types de manipulations peuvent influer sur des aspects comportementaux altérés dans l’autisme. Au niveau des comportements sociaux par exemple, le déficit d’hormones telles que la vasopressine ou l’ocytocine perturbe ou diminue la reconnaissance sociale chez le rat et la souris. L’inactivation du récepteur aux opioïdes diminue l’émission de vocalisations chez les souris nouveaux-nés isolés de leur mère. Le traitement prénatal avec de l’acide valproïque (un anti-épileptique) chez le rat diminue les comportements sociaux. Certaines de ces modifications ont également des conséquences sur la rigidité du comportement. Jusqu’à aujourd’hui, aucun modèle n’a été évalué sur l’ensemble des critères du trouble autistique comme il serait souhaitable. Plusieurs mutations liées à des pathologies associées à l’autisme restent encore à tester, notamment NF1 (gène impliqué dans la Neurofibromatose I), MECP2, Engrailed 2, Pet-I (tous trois impliqués dans le syndrome de Rett), ainsi que FMR1 (gène impliqué dans le syndrome de l’X Fragile). Concernant le troisième critère de validité, un modèle pour l’autisme devrait théoriquement répondre à des traitements pharmacologiques ou comportementaux utilisés chez les humains. Par exemple, Ventura et coll., en 2004, ont démontré que les amphétamines amélioraient les performances cognitives chez les souris Fmr1 KO. Néanmoins très peu de modèles expérimentaux ont été testés pour ce dernier critère. Un trouble associé à l’autisme, l’X Fragile Le syndrome de l’X Fragile est dû à la mise en silence d’un seul gène. La qualité et la sévérité des symptômes constatés est variable. C’est la première cause génétique de retard mental. Des manifestations cliniques telles que l’hyperactivité, l’impulsivité, l’agressivité, les troubles du sommeil, l’épilepsie sont souvent constatées dans l’X Fragile et l’autisme. Environ 30% des personnes X fragile font partie du spectre autistique. Elles représentent 7% de la population autiste (Narayanan et Warren, 2006). Equipe de Neurogénétique Comportementale, Centre de Neurosciences Intégratives et Cognitives, CNRS UMR5228, Université Bordeaux1, Maude Bernardet : doctorante CNIC, av des Facultés, 33405 Talence, Tél : 05 40 00 87 48 Courriel : [email protected] 1 52 le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008 Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0) Communications affichées Le syndrome de l’X fragile est provoqué par la mise en silence d’un gène, FMR1 et par l’absence de synthèse de la protéine codée par ce gène. Bien que l’on connaisse la cause de ce trouble et que la protéine soit bien caractérisée, sa fonction reste encore mal connue. Et cependant la compréhension de son rôle est cruciale dans la mesure où elle semble jouer un rôle fondamental dans la cognition. Cette protéine semble normalement présente dans tout le tissu neuronal et joue un rôle dans la régulation de la traduction des ARNm. Sa propre traduction peut être déclenchée par l’activation de certains types de récepteurs au principal neurotransmetteur excitateur dans le cerveau, le glutamate (Willemsen et coll., 2004). de souris Fmr1 KO testées (une lignée pure provient de croisements consanguins sur plusieurs générations) présentent un profil différent. La connaissance des facteurs d’influence permettra de comprendre la genèse du syndrome de l’X fragile et peut-être d’appréhender les facteurs multiples responsables du développement des troubles autistiques. Afin de mettre en évidence cette variation de l’expression phénotypique de la mutation Fmr1, nous travaillons sur des souris Fmr1 KO et contrôles de deux lignées ainsi que sur les hybrides de ces lignées. Le but de cette approche à long terme est de pouvoir faire la relation entre les interactions inter-gènes avec les comportements exprimés. Etude des traits autistiques chez la souris Fmr1 KO Bibliographie Notre équipe s’attache à tester la validité des souris Fmr1 KO pour la modélisation des traits autistiques par la mise au point de tests comportementaux spécifiques adaptés aux souris. Belzung, C., Leman, S., Vourc’h, P., Andres C. (2005). Rodent models for autism: A critical review, Drug Discovery Today: Disease Models, 2, 93-101. Bernardet, M. et Crusio, W. (2006). Fmr1 KO mice as a possible model of autistic features, Scientific World Journal, 6, 1164-1176. Le modèle souris Fmr1 KO de l’X fragile a été validé pour ce syndrome (The Dutch-Belgian Fragile X Consortium, 1994). Les souris Fmr1 KO présentent la macroorchidie (augmentation du volume des testicules) observée chez les hommes X Fragile et sont plus actives que les souris contrôles. Au niveau neuroanatomique on retrouve chez les souris Fmr1 KO une caractéristique présente chez les personnes X Fragile : des neurones très arborisés, c’est-àdire qui forment plus de connections, non matures, avec les autres neurones (Mc Kinney et coll., 2005). Mc Kinney, B., Grossman, A., Elisseou, N. and Greenough, W. (2005). Dendritic spine abnormalities in the occipital cortex of C57BL/6 Fmr1 knockout mice, American Journal of Medical Genetics B, Neuropsychiatric Genetics, 136, 98-102. Il est possible que ces souris présentent aussi des traits autistiques (Bernardet et Crusio, 2006). En effet, il a été observé une altération de l’extinction d’un apprentissage dans une tâche de navigation spatiale assimilable à de la rigidité cognitive, ainsi qu’une altération de la régulation sensorielle présente dans les deux syndromes et une susceptibilité aux crises épileptiques audiogènes. L’augmentation de l’anxiété qui est un trait caractéristique de ces deux troubles n’a pas pu être mis en évidence. Les interactions sociales semblent présenter des particularités par rapport aux animaux contrôles et méritent d’être approfondies. D’autres traits caractéristiques des symptômes principaux de l’autisme, comme la communication sociale, la susceptibilité à la nouveauté ou des symptômes variables de l’autisme, comme les comportements stéréotypés, sont en voie d’être testés. The Dutch-Belgian Fragile X Consortium (1994), Fmr1 knockout mice, A model to study Fragile X mental retardation, Cell, 78, 23-33. Muhle, R., Trentacoste, S. and Rapin, I. (2004). The genetics of autism, Pediatrics, 113, 472-486. Narayanan, U. and Warren, S. (2006). Neurobiology of Related Disorders: Fragile X Syndrome. In Moldin, S. and Rubenstein, J. (Eds) Understanding Autism, From Basic Neuroscience to Treatment. Boca Raton, LA, USA: Tailor and Francis, 113131. Ventura, R., Pascucci, T., Catania, M., Musumeci, S. and Puglisi-Allegra, S. (2004). Object recognition impairment in Fmr1 knockout mice is reversed by amphetamine : involvement of dopamine in the medial prefrontal cortex. Behavioural Pharmacology, 15 (5 et 6), 433-442 Willemsen, R., Oostra, B., Bassell, G., Dictenberg, J. (2004). The Fragile X Syndrome: From molecular genetics to neurobiology, Mental Retardation and Developmental Disabilities Research Reviews, 10, 60-67. Interaction gène et fond génétique Nous nous intéressons également à la variation de l’expression phénotypique de la mutation de Fmr1. Bien que lié à la mise en silence d’un seul gène, le syndrome de l’X fragile se manifeste de façon non homogène puisque les symptômes de retard mental et d’autisme n’apparaissent pas avec le même degré de sévérité chez tous les individus concernés. L’interaction avec le reste du génome, l’« arrière-fond génétique », semble également intervenir. En effet, les deux différentes lignées pures Bien que lié à la mise en silence d’un seul gène, le syndrome de l’X fragile se manifeste de façon non homogène puisque les symptômes de retard mental et d’autisme n’apparaissent pas avec le même degré de sévérité chez tous les individus concernés. le Bulletin scientifique de l’arapi - numéro 21 - printemps 2008 Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification v.4.0 Internationale (cc-BY-NC-ND4.0) 53