17. Probabilités sur un univers quelconque
Jusqu’à présent dans ce cours, il n’a été question que de probabilités sur un univers ni.
Dans ce chapitre, on reprend les notions abordées dans ce cadre et on les généralise au cas
d’un univers quelconque (i.e. ni ou inni). Les points de ce chapitre ressemblent ainsi, pour
beaucoup, à ceux des chapitres 11 et 12 vus à la n du premier semestre.
17.1 Un exemple
L’objectif des probabilités est, comme cela a été présenté précédemment, d’offrir un cadre
mathématique adéquat pour la modélisation d’expériences aléatoires. Pour cela, on met en
relation deux à deux les résultats possibles de l’expérience aléatoire avec des sous-ensembles
d’un ensemble mathématique. Si l’on ne considère que des ensembles nis, cela signie que
l’on ne peut considérer que des expériences aléatoires dont le nombre de résultats possibles est
ni. Or il existe de très nombreux problèmes que l’on souhaiterait considérer pour lesquels le
nombre d’issues possibles n’est pas ni.
On imagine que l’on souhaite modéliser la réponse d’une personne à qui l’on demande de
choisir un entier naturel au hasard en utilisant les probabilités. Le nombre de réponses possibles
que cette personne peut apporter est inni : elle peut tout à fait répondre 1, comme 42, comme
2
250000
, comme
e467
!. A priori, il y a autant de réponses possibles que d’entiers naturels. En
l’occurrence, il serait très compliqué de mettre en place une bonne modélisation de ce problème.
Une réponse à cette question dépend certainement de la familiarité et de l’afnité de la personne
interrogée vis-à-vis des entiers naturels et cela constitue une problématique de modélisation
bien trop complexe à ce niveau.
On va donc considérer un problème similaire mais on remplace l’humain trop complexe par
un automate probabiliste. L’automate choisi au hasard un chiffre entre 1 et 9, puis il tire à pile
ou face. S’il tombe sur pile, il s’arrête. Sinon, il choisit à nouveau un chiffre entre 0 et 9, cette fois.
Puis, il tire à nouveau à pile ou face pour s’avoir s’il s’arrête. S’il tombe sur pile, il s’arrête. S’il
tombe sur face, il reprend au niveau de la deuxième étape. Une fois qu’il s’est arrêté, l’automate
renvoie le nombre entier constitué de la juxtaposition des différents chiffres qu’il a tiré, dans
l’ordre du tirage.
202 Chapitre 17. Probabilités sur un univers quelconque
Exercice 17.1
Écrire un programme en pseudo-code qui réalise le processus décrit ci-dessus.
Réécrire ce programme en language Scilab et vérier qu’il tourne correctement.
Exercice 17.2
Quelles sont les chances que le programme renvoie : le nombre 7 ; le nombre
1000 ; un nombre supérieur ou égal à 1000 ? Est-il certain que le programme va s’arrêter à un
moment ?
On pourra remarquer que l’exemple qui a été décrit ici peut facilement être modélisé grâce
aux variables aléatoires réelles discrètes étudiées dans la suite de ce chapitre.
17.2 Espaces probabilisés
17.2.1 Tribus
nition 17.2.1 — Tribu ou σ-algèbre.
Soient
Ω
un ensemble et
A
un sous-ensemble
de
P
(
Ω
). Alors on dit que
A
est une
tribu
(ou
σ-algèbre
)
sur Ω
si et seulement si on a les
propositions suivantes :
(i) ΩA;
(ii) AA, A A;
(iii) (An)nNAN,+
n=0AnA.
Exercice 17.3
Soient
Ω
un ensemble et
AΩ
. Montrer que chacun des trois ensembles
A1={,Ω},A2=,A,A,Ωet A3=P(Ω) est une tribu sur Ω.
17.2 Espaces probabilisés 203
Théorème 17.2.1 — Règles de calcul.
Soit
A
une tribu sur un ensemble
Ω
. Alors on a les
propositions suivantes :
(i)  ∈ A;
(ii) (A,B) A2, A BA;
(iii) (A,B) A2, A BA;
(iv) (A,B) A2, A \B A;
(v) (An)nNAN,+
n=0AnA.
Exercice 17.4 Démontrer le théorème.
On rappelle qu’un système complet d’évènements ni est une collection nie d’évènements
qui est modélisée par une famille nie formant une partition de
Ω
. Cette notion peut être
utilement élargie, dans le cas où
Ω
inni, à une notion plus générale de systèmes complets
d’évènements pour laquelle on admet également les partitions dénombrables de
Ω
(i.e. les
partitions de Ωqui peuvent être indexées par N).
Théorème 17.2.2 — Tribu engendrée par une partition.
Soit
(Ai)iI
une partition d’un
ensemble
Ω
telle que
I
ni ou
I=N
. Alors, il existe une plus petite tribu
A
sur
Ω
telle que,
pour tout iI, AiA. Dans ce cas, on parle de tribu engendrée par la partition (Ai)iI.
Démonstration. Ce théorème est admis.
R
On parlera également, de manière abusive, de tribu engendrée par un système complet
d’évènements, lorsque l’on confond les évènements avec les sous-ensembles qui les mo-
délisent.
17.2.2 Probabilités et espaces probabilisés
nition 17.2.2 — Espace probabilisable. Soit Aune tribu sur un ensemble Ω. Alors on
dit que (Ω,A)est un espace probabilisable.
204 Chapitre 17. Probabilités sur un univers quelconque
nition 17.2.3 — Probabilité.
Soit
(Ω,A)
un espace probabilisable. Une
probabilité
sur
(Ω,A)est une application P de Avers [0,1] telle que :
(i) P(Ω)=1 ;
(ii) (An)nNAN,i=j,AiAj=P+
n=0An=
+
n=0P(An). (σ-additivité)
On dit alors que (Ω,A,P)est un espace probabilisé.
Théorème 17.2.3 — Propriétés d’une probabilité.
Soient
(Ω,A,P)
un espace probabilisé,
A,B A. Alors on a les propositions suivantes :
(i) P()=0 ;
(ii) AB= ⇒ P(A B) =P(A)+P(B) ;
(iii) P(A) =1P(A) ;
(iv) P(A \B) =P(A)P(AB) ;
(v) BAP(B) P(A) ;
(vi) P(A B) =P(A)+P(B) P(AB).
Démonstration.
On commence par montrer (i). Comme
 ∩  =
et que
+
n=0
=
, en appli-
quant la σ-additivité, on a, P()=
+
n=0P(). On en déduit que P()=0.
On montre maintenant (ii). Soient
A,B A
tels que
AB=
. On peut alors considérer la suite
(A,B,,,...)d’éléments de Aet on obtient, via la σ-additivité, P(AB) =P(A)+P(B).
Les autres points se démontrent alors exactement comme dans le cas des probabilités nies.
nition 17.2.4 — P-négligeable, P-presque sûr.
Soit
(Ω,A,P)
un espace probabilisé et
AA
. On dit que
A
est
P-négligeable
si et seulement si
P
(
A
)
=
0. On dit que
A
est
P-presque
sûr si et seulemennt si P(A) =1.
17.2.3 Limite monotone
Théorème 17.2.4 — Limite monotone.
Soient
(Ω,A,P)
un espace probabilisé et
(An)nN
AN. Alors, on a :
(i) (nN, AnAn+1)P+
n=0An=lim
n+P(An) (cas (An)nNcroissante)
(ii) (nN, An+1An)P+
n=0An=lim
n+P(An) (cas (An)nNdécroissante)
Démonstration.
On commence par le cas croissant. On remarque que, dans ce cas, la suite
(P(An))nN
est croissante, majorée par 1, donc converge. On pose
A=
+
n=0An
,
B0=A0
et, pour
tout
nN
,
Bn+1=An+1\ An
. Alors,
A=
+
n=0Bn
et, pour tout
i=j
,
BiBj=
. On a donc,
P
(
A
)
=P+
n=0Bn=
+
n=0P
(
Bn
)
=P
(
A0
)
+
+
n=1P
(
An\ An1
)
=P
(
A0
)
+
+
n=1(P(An)P(An1An))=
P(A0)+
+
n=1(P(An)P(An1))=P(A0)+lim
n+P(An)P(A0)=lim
n+P(An).
Pour le cas décroissant, on se ramène au cas croissant en passant au complémentaire. En
effet, si
nN, An+1An
, alors
nN, AnAn+1
. On a donc
P+
n=0An=lim
n+PAn
. Mais,
17.2 Espaces probabilisés 205
par les lois de De Morgan,
+
n=0An=
+
n=0An
. D’où,
P+
n=0An=
1
P+
n=0An=
1
lim
n+PAn=
lim
n+1PAn=lim
n+P(An).
Corollaire 17.2.5 Soient (Ω,A,P)un espace probabilisé et (An)nNAN. Alors, on a :
(i) P+
n=0An=lim
n+Pn
k=0Ak
(ii) P+
n=0An=lim
n+Pn
k=0Ak
Démonstration.
On pose, pour tout
nN
,
Bn=
n
k=0Ak
et
Cn=
n
k=0Ak
. On a alors, pour tout
nN
,
BnBn+1
et
Cn+1Cn
. On peut donc appliquer le théorème. Or
+
n=0An=
+
n=0Bn
et
+
n=0Cn=
+
n=0An, ce qui permet de conclure.
Exercice 17.5 — Suite innie de pile ou face.
On considère l’expérience aléatoire consis-
tant à lancer une pièce une innité de fois de manière successive. On modélise les résultats
de l’expérience par l’ensemble Ω={0,1}N.
1. Soit iN. À quoi correspond l’ensemble Ai=(ωn)nNΩωi=1?
2. Soit iN. À quoi correspond l’ensemble Bi=i1
j=1AjAi?
3.
Soit (
1n
)
nN
la suite constante égale à 1. On pose
B0={(1n)nN}
. Montrer que
(Bi)iN
forme une partition de Ω.
On note
B
la tribu engendrée par la partition
(Bi)iN
et on admet qu’il existe une unique
probabilité P sur (Ω,B)telle que P(Ai)=1
2pour tout iN.
4.
Trouver un sous-ensemble
C=
dans
B
et un sous-ensemble
D=Ω
dans
B
tels que
C est P-négligeable et D est P-presque sûr.
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