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Des ONG appellent à une évaluation de la
politique agricole et alimentaire européenne !
jeudi 24 mars 2016, par Deborah Nardese, Lionel Delvaux
Inter-Environnement Wallonie, en coalition avec une centaine d’associations a lancé un appel
au président de la Commission Européenne pour lui demander de réaliser un « bilan de santé »
de la Politique agricole commune (PAC). Cette dernière n’a, selon les ONG, pas atteint ses
objectifs et n’est pas adaptée pour relever les défis fondamentaux de ce secteur.
La PAC est aujourd’hui une politique de soutien aux agriculteurs dans le cadre d’un marché agricole
libéralisé. Près de la moitié du budget européen est ainsi affecté au soutien direct des agriculteurs et à
des politiques visant à moderniser et développer l’agriculture. Cette PAC peut-elle offrir à l’Union
Européenne un système alimentaire et une agriculture durables ?
Cette question essentielle est à l’origine d’une lettre ouverte adressée par diverses associations actives
dans les domaines de l’agriculture, de l’environnement, du climat, du bien-être animal, du système
alimentaire et de la santé publique [1] au président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker.
Elle appelle la Commission à considérer une révision de la Politique agricole européenne défaillante et
inadaptée pour faire face aux changements fondamentaux que l’Union Européenne doit (et devra)
affronter.
En effet, plusieurs problèmes se posent au niveau de l’agriculture européenne et les indicateurs en
attestant sont nombreux :
- Une PAC ne favorisant pas l’emploi agricole : les fermes de l’UE disparaissent à un taux alarmant ;
entre 2003 et 2013 un peu plus de 4 millions d’exploitations ont disparu alors que la superficie totale
utilisée pour l’agriculture est restée pratiquement stable. Les techniques utilisées pour calculer l’aide (par
exemple une aide à l’hectare, au quintal,…) sont souvent proportionnelles à la taille de l’exploitation et
favorisent donc les « gros » producteurs par rapports aux « petits ». En 2011, 80,4% des bénéficiaires ne
touchaient que 15,4% des paiements directs de la PAC.
- Une crise constante dans les marchés agricoles : les agriculteurs voient leur part de marché
diminuer, la plus grande partie de l’argent dépensé par les consommateurs va aux intermédiaires, traders
et détaillants plutôt qu’aux agriculteurs eux-mêmes qui peinent de plus en plus à sortir la tête de l’eau.
Face à une telle situation, les seules réponses politiques sont des mesures de gestion des crises
temporaires, coûteuses pour les contribuables et qui ne semblent pas apporter de solutions durables.
- Une dégradation continue des ressources naturelles : le secteur agricole est la principale source de
pollution diffuse qui affecte de manière significative l’eau à travers l’Union Européenne. En 2050, les
émissions de gaz à effet de serre provenant de l’agriculture représenteront plus de 30% des émissions
totales de l’UE. La biodiversité sur les terres agricoles ne cesse de diminuer, et même les États membres
ont reconnu que l’agriculture est le principal secteur empêchant l’UE d’atteindre son objectif en vertu des
directives « Oiseaux » et « Habitats ». En outre, l’agrobiodiversité baisse, soulevant des questions quant à
la résilience future des systèmes agricoles et de l’élevage face aux défis agro-écologiques et aussi
socio-économiques à venir.
- Des échecs en ce qui concerne le bien-être des animaux : malgré la forte demande des citoyens de
l’Union Européenne, le bien-être animal n’est pas abordé de manière adéquate au sein de la PAC. Lors de
la précédente programmation, seulement 0,1% du budget a été consacré à la protection des animaux. Au
fil des ans, la PAC a soutenu la transition vers un modèle industrialisé de l’élevage, ce qui affecte
négativement le bien-être animal.
- De sérieux effets sur la santé publique : la mauvaise alimentation, avec le tabagisme et la
consommation d’alcool, est la principale cause de maladies chroniques responsables de 86% de la
mortalité en Europe. La dégradation de l’environnement, la résistance aux antibiotiques et le changement
climatique mettent en danger les gains importants en matière de santé humaine réalisés au cours du
siècle dernier. Un récent projet LIFE + intitulé LiveWell for LIFE a montré que de petits changements de
nos habitudes alimentaires pourraient améliorer notre santé et réduire l’impact de l’alimentation sur le
climat par une réduction de 25% des émissions de gaz à effet de serre. En outre, la pollution
atmosphérique [2], due dans une large mesure aux pratiques agricoles, est responsable de plus de
400.000 décès prématurés dans l’UE chaque année.
- Des impacts sévères au-delà des frontières européennes : l’Union Européenne est le premier
importateur et exportateur de produits agricoles et alimentaires au monde. La viande et les produits
laitiers européens sont largement dépendants des importations d’aliments protéinés pour animaux qui
provoquent de graves problèmes dans leurs domaines de production : expulsions forcées, déplacements
des petits agriculteurs et des populations autochtones, pertes d’emploi, pertes de la biodiversité et
insécurité alimentaire. Depuis 2009, la valeur des exportations du secteur agro-alimentaire de l’UE a
augmenté rapidement, ce qui entrave le développement du secteur agro-alimentaire en Afrique
sub-saharienne, dont les exportations ont considérablement diminué. Ce constat est en opposition avec les
politiques de l’UE pour les engagements de développement, qui visent à assurer que les politiques
commerciales de l’UE ne nuisent pas, ni n’entravent le développement des secteurs agro-alimentaires
dans les pays tiers.
La PAC a non seulement échoué dans la prévention de ces différents problèmes mais dans de nombreux
cas, elle les a aussi exacerbés.
Dans le contexte du programme REFIT (pour une réglementation affûtée et plus performante), la
Commission a, ces dernières années, effectué des Fitness Check pour de nombreuses politiques, y compris
dans plusieurs domaines de la législation environnementale telles que celles concernant l’eau douce, les
déchets, les directives oiseaux et habitats. Par contre, la PAC, qui coûte environ 40% du budget européen,
n’a pas encore été soumise à une telle évaluation. Les associations considèrent qu’il s’agit d’une
opportunité manquée surtout à la lumière des problèmes cités qui suggèrent clairement l’incapacité de la
PAC à assumer les préoccupations sociétales clés.
Compte tenu qu’un nombre croissant de gouvernements sont confrontés à des contraintes budgétaires
sévères, le temps est venu de remettre en question la PAC et de vérifier si elle a un bon « rapport
qualité-prix » et si elle remplit ses objectifs. Cette évaluation ne peut pas se faire de façon limitée (comme
la réforme précédente) ni avec des changements marginaux sur sa composante « écologisation » ; seul un
Fitness Check pourra apporter une réponse ces questions fondamentales.
Pour décider si maintenir la PAC dans sa forme actuelle a du sens et lancer un débat impartial au sujet de
sa réforme, il est essentiel de répondre aux cinq questions du « Fitness Check » suivantes :
- Est-ce que la PAC est efficace dans la réalisation de ses objectifs de production alimentaire, de gestion
durable des ressources naturelles, d’action climatique et de développement territorial équilibré ?
- Est-ce que la PAC est efficace ? Est-ce que les résultats et les attentes sont proportionnels à la quantité
d’argent dépensée ? Quels sont les coûts et les avantages ?
- Est-ce que la PAC est cohérente avec d’autres objectifs convenus dans l’Union Européenne (santé,
atténuation du changement climatique,…) ? Est-elle cohérente avec les engagements internationaux et
mondiaux ?
- La PAC est-elle toujours pertinente ? Quelle est la pertinence de la PAC pour les citoyens de l’UE ?
- Quelle la valeur ajoutée la PAC fournit-elle aux citoyens de l’UE ? Est-ce qu’elle ajoute de la valeur qui ne
pourrait pas être ajoutée au niveau des États membres ?
Notes
[1] ACT Alliance, Arche Noah, Bee Life European Beekeeping Coordination, European Public Health
Alliance, Compassion in World Farming, EUROPARC Federation, Slow Food, WWF, GREENPEACE,
EEB et Bread for the World
[2] L’agriculture participe aux émissions de composés azotés (NOx), de composés organiques volatiles
(COV), de méthane et de pesticides ainsi que de particules primaires. Les NO2 et les COV peuvent
entraîner des altérations de la fonction respiratoire et les particules fines irritent les voies respiratoires
et peuvent même avoir des propriétés mutagènes ou cancérigènes.
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