La tomographie par émission de positons (TEP) dans la prise en

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La tomographie par émission
de positons (TEP) dans la
prise en charge des maladies
inflammatoires
F. Gutman*, T. Poisson*
* Service de médecine nucléaire et centre TEP, CH de Meaux.
L
a TEP au FDG (TEP-FDG) est un examen d’imagerie aujourd’hui utilisé en routine clinique
pour le diagnostic, la stadification et le suivi de nombreuses pathologies en cancérologie.
Cependant, les cellules cancéreuses ne sont pas les seules à capter de façon excessive
le FDG. Les cellules inflammatoires activées surexpriment également les transporteurs
du glucose et accumulent par conséquent le traceur (1).
Lautorisation de mise sur le marché (AMM) du FDG a été étendue en 2010 à de nom-
breuses indications non cancérologiques comme les pathologies infectieuses, ou inflam-
matoires telles que la sarcoïdose et les vascularites.
Compte tenu de la grande sensibilité et de la haute résolution des images obtenues, ainsi
que du couplage au scanner (grâce à l’utilisation de “machines hybrides”), la TEP-FDG
et la TEP-FNa suscitent aujourd’hui un intérêt croissant dans la prise en charge des
pathologies inflammatoires.
TEP-FDG et sarcoïdose
La sarcoïdose touche avec prédilection les poumons et les ganglions médiastinaux,
mais peut potentiellement concerner tout organe. La sensibilité de la TEP-FDG est
très élevée dans cette pathologie et atteint 80 à 100 % (2) pour la détection des
lésions thoraciques et naso-sinusiennes, avec des intensités de fixation (mesurées par
la SUVmax [maximum Standardized Uptake Value]), comparables à celles observées
sur les lésions tumorales (3). Cet examen a aujourd’hui supplanté la scintigraphie au
gallium, moins sensible (figure 1).
La TEP-FDG permet de résoudre plusieurs problèmes cliniques posés devant une sarcoïdose,
et notamment d’identifier les sites accessibles en vue d’une biopsie diagnostique (4). Cette
situation se produit notamment lorsque la présentation clinique est très évocatrice de
sarcoïdose, mais que le diagnostic par biopsie est difficile à obtenir. Ainsi, la TEP-FDG met
en évidence, dans près de 15 % des cas, des sites hypermétaboliques (sièges de lésions
granulomateuses) non détectés par les examens clinique ou scanographique (3, 5), ce
qui permet de mieux cibler la biopsie diagnostique. La TEP-FDG est ainsi particulièrement
intéressante pour le diagnostic en cas d’atteintes neurologique, cardiaque ou ophtalmo-
logique (5, 6), initialement “isolées” et évocatrices de sarcoïdose.
De nombreux cas rapportés et plusieurs séries ont également témoigné du potentiel de
cet examen pour la détection des lésions cardiaques de sarcoïdose. Les valeurs de sensi-
bilité étaient comprises entre 80 et 100 %, et la spécificité, moins élevée, allait de 40 à
90 % (7, 8). Cette spécificité est limitée par la fixation physiologique souvent présente dans
le myocarde, et notamment sur la paroi latérale. Deux études ont comparé la TEP-FDG et
l’IRM dans cette indication (9, 10) et ont attesté d’une sensibilité nettement supérieure
Figure 1. Apport de la TEP-FDG
dans le bilan initial de la sar-
coïdose. Mise en évidence d’une
atteinte thoracique ganglion-
naire et parenchymateuse asso-
ciée à une infiltration splénique
diffuse (© Centre TEP de Meaux).
Figure 2. Sarcoïdose pulmonaire : évaluation après 6 mois de traitement par corticoïdes (© Centre
TEP de Meaux).
A. Atteinte interstitielle pulmonaire bilatérale initiale.
B. Très bonne réponse métabolique avec diminution de 80 % en intensité de fixation sur les
images scanographiques résiduelles.
AB
La Lettre du Rhumatologue ̐ Suppl. au n° 375 - octobre 2011 | 3
SYNTHÈSE
pour la TEP-FDG, mais d’une spécificité inférieure.
Les 2 examens paraissaient complémentaires puisque
la TEP-FDG avait tendance à montrer davantage les
lésions inflammatoires actives alors que l’IRM mettait
en évidence plutôt les lésions fibreuses. La TEP-FDG
et l’IRM prennent donc aujourd’hui une place impor-
tante dans cette indication, supplantant au moins
en partie la scintigraphie de perfusion myocardique.
La TEP-FDG est également un très bon outil d’évalua-
tion de l’efficacité thérapeutique et de la surveillance de
l’activité des lésions. En effet, la diminution de l’inten-
sité des fixations est bien corrélée à l’amélioration sur le
plan clinique. Par ailleurs, la TEP-FDG permet de carac-
tériser les images résiduelles sur la tomodensitométrie
(TDM) chez des patients présentant initialement un
infiltrat interstitiel pulmonaire, puisqu’elle va donner la
possibilité de différencier les zones de granulomatose
encore actives potentiellement réversibles sous traite-
ment (11), des zones de fibrose pulmonaire simplement
séquellaires de la maladie. Enfin, plusieurs études ont
montré que la TEP-FDG permettait de suivre l’atteinte
cardiaque sous traitement par corticoïdes avec une
fixation qui diminuait, voire disparaissait, au cours de
ce traitement (12), en corrélation avec les améliora-
tions électriques observées sur l’électrocardiogramme
(figure 2).
TEP-FDG et vascularite
Le potentiel de la TEP-FDG dans les vascularites
a été montré pour la première fois en 1999 par
D. Blockmans et al. (13). Plusieurs études ont ensuite
confirmé son intérêt dans la prise en charge des
artérites de gros calibre, notamment grâce à un
excellent rapport signal sur bruit de fond permis
par une captation vasculaire physiologique du FDG
très faible (au niveau pariétal et intraluminal).
Les territoires vasculaires qui fixent fréquemment
le FDG dans la maladie de Horton sont l’aorte
thoracique, la crosse aortique, les troncs supra-aor-
tiques incluant les artères sous-clavières et les caro-
tides (14), avec une sensibilité d’environ 75 %. Par
contre, la TEP ne peut pas détecter une atteinte des
artères temporales à cause de sa résolution insuf-
fisante et de la proximité avec la fixation cérébrale
physiologique (15). La TEP-FDG est un outil d’imagerie
non invasive qui a sa place pour la détection de la
maladie de Horton extracrânienne, notamment en
cas de biopsie des artères temporales négative ou
de formes masquées ou atypiques. La TEP-FDG a des
performances diagnostiques comparables à celles de
l’IRM, mais elle permet de détecter davantage de ter-
ritoires vasculaires atteints et paraît plus performante
pour l’évaluation thérapeutique (16) [figure 3, p. 4].
En effet, une diminution de la fixation du FDG sous
traitement a été montrée dans le suivi (17) ; toutefois,
l’activité de la maladie et le risque de rechute restent
peu corrélés à la fixation du FDG, et l’évaluation sous
traitement par corticoïdes doit être interprétée avec
prudence (14), notamment dans les cas d’artérite
nécessitant un traitement prolongé.
Les séries rapportant l’utilisation de la TEP-FDG
dans les panaortites diffuses et en particulier dans
la maladie de Takayasu prouvent une sensibilité de
détection élevée (> 90 %) [18]. La TEP-FDG apparaît
dans cette indication comme une imagerie non inva-
sive complémentaire de l’IRM, pouvant révéler une
atteinte vasculaire inflammatoire dès la phase pré-
occlusive. Malgré des critères d’activité de la maladie
actuellement difficiles à apprécier quelles que soient
les techniques d’imagerie utilisées, la TEP-FDG pourrait
devenir un élément important du diagnostic précoce.
TEP et rhumatismes
inflammatoires : à propos
des spondylarthropathies
La TEP combinée à la TDM (TEP/TDM) est en cours
d’évaluation dans le diagnostic et le suivi des spon-
dylarthropathies (SpA).
Le deuxième traceur TEP le plus fréquemment utilisé
en rhumatologie (après le FDG) est le
18
F-fluorure de
sodium (FNa). Il se fixe dans le tissu osseux, se subs-
4 | La Lettre du Rhumatologue ̐ Suppl. au n° 375 - octobre 2011
SYNTHÈSE
Figure 3. Aortite et évaluation
thérapeutique (© Centre TEP de
Meaux).
A. Aortite thoracique diagnos-
tiquée sur la TEP-TDM chez une
patiente adressée pour fièvre
récurrente et syndrome inflam-
matoire biologique : renforce-
ments de fixation au niveau de
l’aorte ascendante.
B. Évaluation après 6 mois de
corticothérapie avec réponse
métabolique complète (dispari-
tion de l’hyperfixation de l’aorte
ascendante).
AB
Figure 4. Exploration d’un syn-
drome SAPHO en TEP/TDM au
FNa chez un patient de 35 ans.
(Acquisitions réalisées dans le
service de médecine nucléaire de
l’hôpital Bichat [T. Poisson, K. Ben
Ali, G. Hayem, D. Le Guludec].)
1. Image MIP (Maximum Intensity
Projections) visualisée en inci-
dence oblique postérieure gauche.
2. Paroi thoracique antérieure
(PTA) : atteinte costosternale
sur coupes axiales (de gauche à
droite) TDM (ankylose : flèche),
TEP/TDM fusionnées (hyper-
fixation intense bilatérale pré-
dominant à gauche), et IRM (en
haut, image pondérée en T2 ; en
bas, image pondérée en T1 avec
injection de gadolinium).
3. PTA : atteinte costosternale
sur coupes frontales TDM, TEP,
et IRM (T2 et T1 gadolinium).
4. Rachis thoracique : atteinte
costovertébrale étagée sur
coupes frontales (TDM et TEP)
et axiales (en haut, TDM avec
hyperostose latéralisée du corps
vertébral : flèche ; en bas TEP/
TDM avec hyperfixation centrée
sur l’articulation costovertébrale
gauche et débordant sur la partie
adjacente du corps vertébral).
5. Sacrum : atteinte du coin
antérosupérieur gauche de S1
sur coupes axiales TDM (érosion :
flèche), TEP, TEP/TDM et sagit-
tales TDM, TEP (hyperfixation
intense focalisée : flèche).
1
2
3
4
5
6
AB C
FDG FNa TDM
6. Exemple de corrélation trimodale (TDM, FNa et FDG) sur le rachis thoracique :
A. FDG : hyperfixations focalisées des articulations costovertébrale G et costotransversaire D.
B. FNa : idem FDG avec hyperfixations plus étendues et activité de fond osseuse physiologique plus élevée.
C. TDM : fusion de l’articulation costovertébrale droite (flèche) [= atteinte évoluée séquellaire], ne fixant pas le FDG, et peu le FNa.
Hypothèses : FDG = imagerie de l’inflammation évolutive ; FNa = imagerie de l’inflammation + de l’ostéoprolifération postinflammatoire (27, 28).
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La Lettre du Rhumatologue ̐ Suppl. au n° 375 - octobre 2011 | 5
SYNTHÈSE
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d’hydroxyapatite (19). Le FNa procure un meilleur
rapport d'activité lésionnelle sur bruit de fond que la
scintigraphie osseuse aux diphosphonates marqués
au
99m
Tc, étant donné une captation osseuse plus
rapide et plus importante (20). De plus, la technique
TEP en elle-même comporte les avantages que sont
l’imagerie en coupes corps entier, une quantification
plus aisée, l’augmentation de la résolution spatiale
et de la sensibilité de détection.
Une étude rétrospective sur 8 patients présentant une
SpA suggère l’intérêt de la TEP-FDG dans la détection
de sites d’enthésopathie, notamment au niveau des
processus épineux lombaires et des ischions, avec une
sensibilité plus élevée qu’en IRM, sans perte manifeste
de spécificité (21). De nombreux cas cliniques viennent
étayer la TEP-FDG dans le diagnostic des arthrites réac-
tionnelles (22), du rhumatisme psoriasique (23), du syn-
drome SAPHO (24), de la spondylodiscite aseptique de
la spondylarthrite ankylosante (SA) [25] ainsi que dans
l’évaluation de la réponse au traitement des SpA (26).
Strobel et al. ont montré l’intérêt potentiel de la
TEP au FNa dans le diagnostic de SA en mesurant
le ratio d’activité “articulation sacro-iliaque sur
sacrum” chez 28 patients (15 patients présen-
tant une SA active/13 patients témoins) [27]. Les
sensibilité, spécificité et exactitude diagnostique
en analyse par patient étaient de 80 %, 77 % et
79 %, respectivement. Les premiers résultats
d’une étude prospective menée à l’hôpital Bichat
(Paris) et concernant 52 patients – 42 présentant
une SpA (dont 26 syndromes SAPHO) comparés à
10 témoins – montrent un taux de détection élevée
des atteintes rhumatismales et en particulier des
enthésopathies (figure 4).
Les premiers retours d’expérience suggèrent donc
une sensibilité élevée dans les SpA de la TEP/
TDM au FDG et au FNa. Le FDG a déjà l’AMM
dans le cadre de la recherche de foyer inflam-
matoire évolutif. La TEP/TDM au FNa doit être
comparée à l’IRM au sein d’études prospectives
dotées d’effectifs importants. Elle pourrait en
effet trouver une place dans les SpA où l’IRM
conduit à sous-estimer l’inflammation osseuse,
comme dans les formes débutantes de SpA, avant
d’obtenir une éventuelle AMM.
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