tard), est le signe que de nouvelles inquiétudes naissent à cette période sur l'Homme, mais
qu'elles ne peuvent plus désormais s'exprimer dans le cadre de la tragédie classique,
impuissante à rendre compte des affres inédites dans lesquelles la modernité a plongé
l'humain. Un nouveau tragique est, dès lors, à réinventer, un tragique qui s'inscrit dans la
continuité d'un modèle philosophique et esthétique classique, tout en s'en démarquant. Parler
de «!retour du tragique!», c'est rendre compte de ce double mouvement paradoxal de
permanence et de rupture.
(Ré)apparu dans le théâtre symboliste à la fin du XIXe siècle, avant d'être repris dans le
théâtre espagnol au début des années 20, ce nouveau tragique trouve chez Valle-Inclán, chez
Alberti et Lorca un cadre d'expression original, qui allie modernité et inventivité. Entre 1920,
date de la première publication de Luces de Bohemia dans la revue España, et 1936, année où
Lorca termine la composition de La casa de Bernarda Alba, les trois dramaturges revisitent le
modèle de la tragédie, un genre désormais incapable de rendre compte de la crise de
l'Homme, mais qui leur offre, pourtant, la possibilité de résoudre une autre crise, celle du
théâtre. Monopolisé en Espagne, depuis des années, par le modèle du théâtre commercial et
léger, il n'est plus qu'un simple objet de divertissement, plaisant et frivole, sans la moindre
inquiétude ni esthétique, ni encore moins philosophique (il n'est, pour s'en convaincre, que de
songer aux comédies affables des frères Álvarez Quintero, qui ne sont pourtant pas ce que la
scène espagnole produit de plus inconsistant, même si Valle-Inclán proposait de les fusiller
pour rénover le théâtre…) À trop tourner sur elle-même, la mécanique du théâtre s'est
enrayée, d'autant qu'elle ne s'est pas davantage préoccupée de considérations esthétiques qui
auraient pu lui permettre de trouver sur scène une nouveau souffle.
La rénovation du théâtre ne peut se faire qu'au prix de cette double exigence!: une réflexion
sur son contenu —!qui, seule, peut lui redonner la dignité et la consistance qui lui font
défaut!— et une préoccupation formelle —!qui ne peut que passer par la redécouverte de la
scène et par une rethéâtralisation indispensables à son renouveau. Le tragique répond à cette
double nécessité!: non seulement, il met l'Homme et ses angoisses au centre de ses
inquiétudes (alors que le théâtre commercial ne s'intéresse plus qu'aux péripéties sans
substance de ses personnages de carton-pâte), mais, inspiré du modèle de la tragédie, il