2Introduction aux probabilités – B. Mariou – Automne 2016 version du 22 septembre 2016
INTRODUCTION
Les origines de la mathématisation du probable remontent au 17ème siècle lorsque se fait sentir le
besoin d’une aide à la prise de décision en situation d’incertitude, dans deux domaines distincts :
les jeux de hasards, qui donnent lieu à des discussions théoriques entre mathématiciens ;
les assurances, avec des questions pratiques sur les risques d’événements rares (accidents, catas-
trophes, . . .).
L’objet de la théorie des probabilités est donc d’étudier des phénomènes incertains,indéterminés,
aléatoires,i.e. , selon le dictionnaire « qui ne sont pas connaissables avec précision, pas prévisibles,
dont le résultat n’est pas acquis d’avance ».
Voyons deux exemples.
Exemple 1 – Les anniversaires.
Dans un échantillon de npersonnes, quelle est la probabilité que deux personnes, au moins, aient
leur anniversaire le même jour ?
?Que signifie la question, que recherchons-nous, qu’est-ce qu’une probabilité ? On s’attend géné-
ralement à une réponse du type « 2 chances sur 5 » ou à un pourcentage. Donc à un nombre
entre 0 et 1.
Et plus ce nombre est grand, plus l’événement considéré (ici, deux anniversaires le même jour)
est probable.
?Pour un échantilon fixé de npersonnes dont on connaît les dates de naissance, il n’y a plus
d’incertitude : ou bien il y a deux anniversaires identiques (oui à 100%), ou bien il n’y a pas
deux anniversaires identiques (non à 100% et oui à 0%)
?La question peut être interprétée en termes mathématiques si on la précise.
1. Parmi tous les échantillons de npersonnes, quelle proportion comporte des anniversaires
identiques ? On confond alors la probabilité de l’événement avec la fréquence, statistique, de sa réalisation.
2. Parmi toutes les listes de ndates de l’année, quelle proportion comporte au moins une
répétition ? Il s’agit d’une approche plus abstraite, qui permet des calculs, mais qui suppose implicitement
que les humains naissent uniformément tout au long de l’année.
L’important, pour l’instant, est que la question de la probabilité a son sens lorsque la situation
est quelconque, i.e. générale. Tandis que dans le cas d’un échantillon fixé, il s’agit d’une situation
particulière.
Exemple 2 – Lancer d’un dé.
On suppose que le dé est équilibré ou non truqué,i.e. toutes les faces ont la même probabilité,
la même "chance", de sortir.
1. Question posée avant le lancer : Quelle est la probabilité d’obtenir 2 ?
2. On lance le dé mais on cache le résultat, par exemple avec un gobelet.
Question : Quelle est la probabilité d’obtenir 2 ?
3. On lance le dé et on regarde le résultat. Question : Quelle est la probabilité d’obtenir 2 ?
?Dans le dernier cas, il n’y a pas d’incertitude. Imaginons que nous faisons des paris. Si les
paris se font après avoir vu le résultat, on est sûr de gagner car on ne pariera que lorsqu’on
constatera que le résultat est favorable.
Premières notions version du 22 septembre 2016 3
?Dans les deux premiers cas, il y a incertitude. Et s’il s’agit de parier, ce qui déterminera qu’on
mise ou pas, sera le montant de la mise, le montant du gain et la chance estimée de gagner.
Conclusions
Penser la probabilité : penser à toutes les situations analogues, à tous les résultats possibles.
Démarche probabiliste : chaque situation est envisagée comme un cas particulier
dans un ensemble de situations du même type.
Calcul des probabilités : analyse rigoureuse, structurée, quantitative, de ces situations d’in-
certitude.
4Introduction aux probabilités – B. Mariou – Automne 2016 version du 22 septembre 2016
1 – PREMIÈRES NOTIONS
§1.1 - Expérience aléatoire.
1.1 Exemples basiques. – Jeux dits de hasard.
?Lancer un dé à 6 faces. Il y a 6 scores possibles : 1, 2, 3, 4, 5 et 6.
Dire que le dé est équilibré, c’est exactement dire que tous les résultats ont la même probabilité de sortir. Cette
probabilité est de 1
6.
?Lancer une pièce. Il y a deux résultats possibles : Pile et Face.
Comme pour le dé, la pièce est dite équilibrée lorsque les deux résultats ont la même probabilité de sortie.
Cette probabilité est alors 1
2.
?Tirer une carte parmi 52 : 52 cartes possibles, chacune a une probabilité d’être choisie de 1
52 , toujours à la
condition que les cartes ne soient pas truquées.
1.2 – Définition. – Une expérience aléatoire est un phénomène pour lequel on ne connaît pas
de façon sûre le résultat qu’on va observer, mais pour lequel on connaît l’ensemble de tous les
résultats possibles.
Exemples. Le lancer d’un dé, d’une pièce - équilibrés ou pas -, ou le tirage d’une carte, sont des expériences
aléatoires. Ainsi que le lancer de deux dés, le tirage de 5 cartes, etc.
1.3 – Définition. – À chacun des résultats possibles d’une expérience aléatoire est associé un
nombre, réel, compris entre 0 et 1, sa probabilité.
Exemple. La probabilité d’obtenir pile en lançant une pièce équilibrée est p(pile) = 1
2.
1.4 Remarque. – La somme des probabilités de tous les résultats possibles est toujours 1.
Exemple. p(pile) + p(face)=1.
1.5 Remarque. – Dans les exemples ci-dessus, tous les résultats possibles ont la même probabilité.
Mais ce n’est pas toujours le cas.
Exemple. Consdérons une pièce truquée de telle sorte qu’on a deux fois plus de chances d’obternir pile que face.
On a p(pile) = 2
3et p(face) = 1
3.
1.6 – Définitions. – L’ensemble des résultats possibles d’une expérience aléatoire est appelé l’en-
semble fondamental de l’expérience, souvent noté .
L’application p: Ω [0; 1] telle que P
ω
p(ω)=1 est une loi de probabilité sur .
Autrement dit, si Ω = {ω1;. . . ;ωn}, on a p(ω1) + ··· +p(ωn) = 1.
Exemple. Dans le cas du lancer de la pièce, on a Ω = {pile;face}.
Et si la pièce est truquée comme dans l’exemple ci-dessus, on a p:pile 7→ 2
3, face 7→ 1
3.
Mais on peut aussi avoir, si la pièce est équilibrée p=:pile 7→ 1
2, face 7→ 1
2
De manière générale, sur cet ensemble fondamental
à deux éléments, la loi de probabilité est du type :
pile 7→ a
face 7→ 1a06a61.
1.7 Remarques. – Interprétation de la loi de probabilité. Plus la probabilité d’un résultat,
i.e. la valeur réelle entre 0 et 1 qui lui est associée par la fonction p, est élevée, plus on a de chances
que ce résultat se produise.
– Associer un ensemble fondamental et une loi de probabilité à une expérience aléatoire, c’est
modéliser l’expérience. Cela signifie qu’on représente les principales caractéristiques de l’expérience
grâce à des objets mathématiques et qu’on espère que cette représentation permettra, grâce aux
manipulations sur ces objets, de mieux connaître les divers aspects de l’expérience.
– Dans la première remarque ci-dessus “probabilité d’un résultat” désigne la probabilité modélisée,
Premières notions version du 22 septembre 2016 5
i.e. la valeur de l’application ppour ce résultat. Tandis que “plus on a de chances que” fait référence
à la probabilité intuitive, expérimentale, celle qu’on essaie de modéliser.
1.8 – Définition. – Le cas où tous les résultats possibles ont la même probabilité s’appelle la situ-
tation d’équiprobabilité. Cela signifie qu’aucun résultat n’est favorisé par rapport aux autres.
La loi de probabilité, dans ce cas, est appelée loi uniforme.
C’est le cas lorsqu’on choisit au hasard : choisir au hasard c’est sélectionner mais sans favoriser
aucun des choix possibles par rapport aux autres.
1.9 Équiprobabilité avec nrésultats possibles. – Supposons que anéléments ω1, . . . , ωnet que
tous ces éléments ont la même probabilité, qu’on nomme a. On a donc :
1 = P
ω
p(ω) = n
P
i=1
p(ωi) = n
P
i=1
a=na. Et donc la probabilité de chaque résultat est a=1
n.
Exemple. Lancer d’un dé à 6 faces non truqué. L’ensemble fondamental a 6 éléments, et on est en situation
d’équiprobabilité puisque le dé est équilibré. Donc la probabilité de chacun des résultats possibles est 1
6.
1.10 Remarque. – En situation d’équiprobabilité, les calculs sont simplifiés puisque les proba-
bilités individuelles des différents résultats possibles sont les mêmes. Il est cependant nécessaire
de bien préciser les raisons pour lesquelles on est sûr d’être en situtation d’équiprobabilité (voir
exemple ci-dessus).
§1.2 - Événements.
1.11 Exemple. – On lance un dé non truqué. Quelle est la probabilité d’obtenir au moins 5 ?
“Obtenir au moins 5” est un événement qui se réalise lorsque le résultat est 5 ou 6.
L’événement peut donc être décrit par une propriété démandée pour le résultat (ici, être supérieur à 5) ou encore
par la liste des résultats possibles qui le réalisent, i.e. qui ont cette propriété (ici, 5 et 6).
1.12 – Définition. – Autrement dit, un événement est sous-ensemble de .
On peut le décrire avec une propriété qui sélectionne ses éléments parmi tous ceux de (compré-
hension) ou par la liste explicite de ses éléments (extension).
1.13 Exemples. –
?Lancer d’un dé. Événement E:“obtenir un score impair” ={ω|ωimpair}. Résultats le réalisant : 1, 3 et
5. Donc E={1; 3; 5}.
?Choix d’une carte parmi 52. E=“obtenir un as ou un ={ω|ωest un as ou un ♠}.
Résultats qui réalisent E: tous les (13 cartes dont l’as) et tous les as (4 cartes dont celui de ).
?Singleton. Si ωest un résultat possible, alors {ω}est un événement ; c’est l’événement qui est réalisé ssi le
résultat est ω.
1.14 – Probabilité d’un événement. – C’est la somme des probabilités de ses éléments.
Autrement dit : pour E,p(E) = P
ωE
p(ω).
1.15 Exemples. –
?Lancer d’un dé (suite). lO na p(“obtenir au moins 5”) = p({5; 6}) = p(5) + p(6)
p(“obtenir un score impair”) = p({1; 3; 5}) = p(1) + p(3) + p(5).
Si le dé est équilibrée (équiprobabilité), on peut évaluer ces deux probabilités. Elles valent, respectivement,
1/6+1/6=1/3et 1/6×3=1/2.
?Tirage d’une carte (suite). p(“obtenir un as ou un ) = p({A;R;...; 2;A;A;A♥}) =
p(A) + p(R) + ···+p(2) + p(A) + p(A) + p(A).
Si les cartes ne sont pas truquées (équiprobabilité), cette probabilité vaut 1/52 ×16 = 4/13.
?Singleton. Pour ω, la probabilité p({ω})de l’événement {ω}est simplement p(ω). Ceci explique que l’on
assimile fréquemment le singleton/événement {ω}et l’élément/résultat ω.
6Introduction aux probabilités – B. Mariou – Automne 2016 version du 22 septembre 2016
1.16 Événement impossible et événement certain.
– L’ensemble vide et l’ensemble sont des sous-ensembles de , donc ce sont des événements.
est l’événement impossible : il est impossible que le résultat de l’expérience soit dans .
est l’événement certain : il est certain que les résultat de l’expérience est dans .
D’après la définition 1.14, leurs probabilités respectives sont :
p() = P
ω∈∅
p(ω)=0(somme de 0 élément) et p(Ω) = P
ω
p(ω)=1(car pest une loi de probabilité, voir 1.6)
Attention. D’autres événements peuvent avoir une probabilité égale à 0 ou à 1. Considérons par exemple
un ensemble Ω = {ω0;ω1}et l’application p: Ω [0; 1] définie par p(ω0) = 0 et p(ω1) = 1. Cette
application est une loi de probabilité sur . Et p({ω0}) = 0 et p({ω1}) = 1 et pourtant ces deux événements
ne sont ni , ni tout entier.
1.17 Probabilité d’un événement en situation d’équiprobabilité. – Tout ωa la même proba-
bilité a[0; 1] que tous les autres. On a vu, en 1.9, que a=1
nn=||.
Soit Eun événement. D’après 1.14, on a
p(E) = P
ωE
p(ω) = P
ωE
a=a+··· +a
| {z }
|E|fois
=a× |E|=1
n× |E|=|E|
||
|E|=nombre de résultats favorables et ||=nombre de résultats possibles.
1.18 – Théorème Formule de Laplace.
En situation d’équiprobabilité (finie) p(E) = nombre de cas favorables à E
nombre total de cas .
1.19 Remarques. – La formule de Laplace correspond à une conception dite classique des pro-
babilités, à la fois conforme à l’intuition et répandue, du moins dans le domaine des jeux. La
probabilité est ici une estimation calculée du favorable par rapport au général.
– Selon une autre approche, dite orthodoxe, la probabilité est la fréquence de réussite lorsqu’on
répète l’expérience un grand nombre de fois.
Exemple. On regarde un registre d’état civil et on constate la fréquence de naissance des garçons. On interprète
ensuite cette statistique comme la probabilité que la prochaine naissance soit un garçon.
– Une autre approche, dite subjectiviste, la probabilité est assimilée au degré de croyance d’un
observateur.
Exemple. La cote des chevaux avant une course.
1.20 Exemple. – Lancer de deux équilibrés.
?Ensemble fondamental ? On peut considérer que les deux dés sont de couleurs différentes. L’ordre n’est donc pas
à négliger : obtenir 1 sur le premier dé et 3 sur le second est un résultat différent d’obtenir 3 et 1. Il est donc
naturel de considérer Ω = {(a, b)|a, b entiers entre 1 et 6}.
?Loi de probabilité ? Les dés sont équilibrés : pour chaque dé, les 6 résultats ont la même probabilité (quel que
soit le résultat de l’autre dé) et donc tous les couples de résultats ont la même probabilité. La loi est donc
l’équiprobabilité.
?Soit l’événement E=“obtenir un double”={(1,1); (2,2); ... (6,6)}={(a, a)|aentier entre 1 et 6}. Grâce à
l’équiprobabilité, on a p(E) = |E|
||=6
36 =1
6.
?Quelles sont les sommes possibles ?
somme tirages favorables proba somme tirages favorables proba
2 (1,1) 1/36 8 (2,6) (3,5) (4,4) (5,3) (6,2) 5/36
3 (1,2) (2,1) 2/36 9 (3,6) (4,5) (5,4) (6,3) 4/36
4 (1,3) (2,2) (3,1) 3/36 10 (4,6) (5,5) (6,4) 3/36
5 (1,4) (2,3) (3,2) (4,1) 4/36 11 (5,6) (6,5) 2/36
6 (1,5) (2,4) (3,3) (4,2) (5,1) 5/36 12 (6,6) 1/36
7 (1,6) (2,5) (3,4) (4,3) (5,2) (6,1) 6/36
?On aurait pu choisir 0={2; 3; 4; ...; 11; 12}, l’ensemble des sommes possibles et comme loi p0:
2,12 7→ 1/36 3,11 7→ 2/36 4,10 7→ 3/36 5,97→ 4/36 6,87→ 5/36 7 7→ 6/36
Mais : - la loi n’est plus l’équiprobabilité (calculs moins simples),
- pour connaître p0on a utilisé p,
- on perd des informations sur le résultat du tirage si on choisit 0.
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