La fonction régulatrice du langage sur le comportement : l`œuvre de

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Synthèse
Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil 2011 ; 9 (3) : 355-62
La fonction régulatrice du langage
sur le comportement :
l’œuvre de LS Vygotsky et AR Luria
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Speech and regulation of behavior:
the works of LS Vygosty and AR Luria
Christian DerouesnÉ
Université Paris VI, CHU
Pitié-Salpêtrière, Paris
<[email protected]>
Tirés à part :
C. Derouesné
Résumé. La notion de fonction régulatrice du langage sur le comportement a été développée chez l’enfant dans les années 20 par LS Vygotsky et AR Luria, et étendue à la
neuropsychologie par Luria après la 2e guerre mondiale. Selon Vygotsky, l’homme a créé
des « outils psychologiques » sur le modèle des outils matériels qui étendent ses capacités
d’action sur le monde. Ces outils psychologiques, au premier rang desquels se situe le
langage, sont des systèmes symboliques d’origine sociale qui transforment les capacités
naturelles de l’homme en « fonctions mentales supérieures ». Ils jouent un rôle déterminant
dans le développement de l’enfant en l’inscrivant dans des relations sociales particulières.
Le langage, d’abord communicationnel puis intérieur, est ainsi un élément essentiel de
la régulation de l’activité : il accompagne l’action, puis la précède et enfin la remplace.
Les propriétés du langage intérieur sont toutefois distinctes de celles du langage communicationnel. Il joue un rôle déterminant dans le contrôle des activités volontaires, tout
particulièrement dans les situations nouvelles et complexes. L’étude de la fonction régulatrice du langage fait partie de l’exploration des fonctions des lobes frontaux. Elle permet
également d’évaluer la capacité des patients à participer aux techniques de réhabilitation
cognitive.
Mots clés : langage intérieur, régulation de l’action, fonctions supérieures, lobe frontal,
développement de l’enfant, réhabilitation, Luria, Vygotsky
doi:10.1684/pnv.2011.0287
Abstract. The role of speech in the regulation of behavior was described in child psychology by LS Vygotsky and AR Luria in the Soviet Union during the twenties, and extended
to neuropsychology by Luria after the World War II. According to Vygotsky, man built up
« psychological tools » on the model of material tools to extend his natural capacities. Psychological tools, such as language, are symbolic systems from social origin, which control
activity and behavior, and convert natural cognitive processes into higher cortical functions.
Therefore child’s development is embedded into particular social relationships. First communicational speech then inner speech plays a major role in the regulation of behavior in
man: at first it goes with action, then precedes it, and finally replaces it. A willful action is
thus an action largely controlled by inner speech, especially in novel and complex tasks,
but the properties of inner speech differ from those of communicational speech. Assessment of the role of speech on the regulation of action and behavior should be part of the
neuropsychological examination of frontal lobe functions. It also could be useful to assess
the ability of patients to participate in cognitive rehabilitation, particularly in Alzheimer’s
disease.
Key words: inner speech, action regulation, higher cortical functions, frontal lobe, child’s
development, rehabilitation, Luria, Vygotsky
Pour citer cet article : Derouesné C. La fonction régulatrice du langage sur le comportement : l’œuvre de LS Vygotsky et AR Luria. Ger Psychol
Neuropsychiatr Vieil 2011; 9(3) :355-62 doi:10.1684/pnv.2011.0287
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C. Derouesné
Aucune science ne saurait vraiment être comprise sans
sa propre histoire, toujours inséparable de l’histoire
générale de l’humanité.
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Auguste Comte
Système de politique positive
La culture est présente dès les premiers moments de la
vie relationnelle et dans tous les détails de la vie. Elle est
présente dans tous les aspects du rapport au corps, du
maternage et dans tous les moments importants de la
structuration psychique. . . Mais les données culturelles
et sociales n’agissent pas « directement » ; elles sont
médiatisées par le rapport que les parents entretiennent
avec ces données, conscient ou inconscient.
René Roussillon
Manuel de psychologie
et de psychopathologie clinique générale
S
i le langage est avant tout considéré comme
un moyen de communication, il possède d’autres
fonctions. C’est un moyen d’expression (des interjections à la poésie) et un élément essentiel de la
conceptualisation par la fonction généralisatrice du mot.
Le langage intérieur sous-tend notre pensée consciente
réflexive [1]. Il possède également une fonction non moins
essentielle, bien que peu prise en compte dans la littérature : son rôle dans le contrôle de l’activité et du
comportement.
Naissance du concept :
le développement de la
psychologie historico-culturelle
Moscou en 1924 à l’instigation de Luria. Luria (figures 2 et 3),
né à Kazan, a une formation en sciences sociales et en psychologie. Tous deux sont issus de milieux intellectuels juifs
provinciaux : polyglottes, ils sont parfaitement au fait de la
littérature étrangère. Deux préoccupations les unissent [79] : trouver une solution à ce qu’ils définissent comme la
crise de la psychologie et développer une psychologie nouvelle fondée sur des bases objectives qui rendent compte
des phénomènes psychiques dans la vie réelle et qui soit
en accord avec les thèses philosophiques développées par
Karl Marx (1818-1863) et Friedrich Engels (1820-1895).
La crise de la psychologie
Plusieurs courants dominent la psychologie du début
du siècle. Le premier, d’origine philosophique, est illustré aux États-Unis par William James (1842-1910) et, en
France, par Théodule Ribot (1839-1916) et Henri Bergson
(1859-1941). Basé sur l’introspection, il ne prend en compte
que l’étude des phénomènes conscients, ce qui introduit
une coupure radicale entre le fonctionnement psychique
de l’homme et celui de l’animal. Cette psychologie n’est
pas satisfaisante car elle est purement descriptive et ses
positions dualistes sur la conscience, considérée comme
irréductible au fonctionnement cérébral, s’inscrivent dans
le courant de l’idéalisme philosophique. Un second courant, né en Allemagne avec Gustav Fechner (1801-1887),
Wilhelm Wundt (1832-1920) et Hermann Ebbinghaus (18501909) introduit la psychologie scientifique en réduisant les
phénomènes psychologiques complexes de l’homme à des
mécanismes élémentaires susceptibles d’être soumis à
La notion de fonction régulatrice du langage a été développée dans les années 20 en Union Soviétique par Lev
Semionovitch Vygotsky1 (1896-1934) et Alexander Romanovitch Luria (1902-1977) à partir d’une série d’études
expérimentales sur le développement de l’enfant [2, 3]. Elle
a été ensuite étendue à la neuropsychologie par Luria après
la deuxième guerre mondiale [4, 5].
Au début des années 20, les premières années de la
révolution sont associées à une grande effervescence dans
les milieux scientifiques et artistiques russes. Vygotsky
(figure 1), né à Gomel près de Minsk, a une formation littéraire. D’abord enseignant, il présente une thèse sur la
psychologie de l’art [6] et rejoint l’Institut de psychologie de
1
Le nom de Лeв CeмëHович ВыгоTcкий est également transcrit
en français avec l’orthographe: Vygotski
356
Figure 1. Photographie de Lev Semionovitch Vygotsky.
Figure 1. Lev Semionovitch Vygotsky’s picture.
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La fonction régulatrice du langage sur le comportement
l’expérimentation. Cette psychologie est toutefois trop fragmentée pour rendre compte des phénomènes psychiques
de la vie réelle. Une autre approche de la psychologie scientifique est développée à partir de l’étude du conditionnement
animal en Russie, à la suite d’Ivan Michailovitch Sechenov
(1829-1905) et Ivan Petrovitch Pavlov (1867-1927) et, aux
Etats-Unis, par Edward Lee Thorndyke (1874-1949) et John
Broadus Watson (1878-1958). Dans cette perspective, les
phénomènes psychiques comme la conscience ne sont pas
observables : l’activité psychique de l’homme ne peut être
abordée scientifiquement qu’en termes d’observation (le
comportement) et de réflexes conditionnés. Philosophiquement, ce courant se rattache à un matérialisme mécaniciste
tout aussi inacceptable que l’idéalisme pour la pensée
marxiste.
À ces divers courants de la psychologie vient s’ajouter le
développement de la psychanalyse. Celle-ci trouve d’abord
un écho favorable en Union Soviétique, notamment chez
Luria qui, à la suite d’une correspondance avec Freud,
fonde le Cercle psychanalytique de Kazan en 1922, puis
devient secrétaire de la Société psychanalytique de Moscou
jusqu’au début des années 30 [10, 11]. Psychanalyse
et marxisme peuvent, en effet, être considérés comme
complémentaires car ils développent des explications du
monde à des niveaux différents. L’idée, particulièrement
développée par Wilhelm Reich (1897-1957) [12], est que le
principe de réalité et le développement du Surmoi comme
de la censure exercée sur l’Inconscient sont fonction des
demandes imposées par une société donnée, à un moment
donné de son histoire, donc, in fine, déterminées par sa
structure économique. L’adhésion à la psychanalyse et
au Freudo-marxisme disparaît toutefois de la psychologie
soviétique dans les années 30 sous deux influences : une
critique de l’intérieur, venue en particulier de Vygotsky
qui considère que le rapprochement entre psychanalyse et
marxisme représente une distorsion des deux pensées et,
de l’extérieur, du fait du développement dogmatique du
régime qui s’oppose au pluriculturalisme et condamne la
psychanalyse comme relevant d’un idéalisme bourgeois.
prises en compte, mais sans pour autant réduire la spécificité humaine. Dans cette conception, le passage du
psychisme de l’homme à celui de l’animal constitue une
rupture qualitative liée au développement social ; celui-ci
résulte de la création d’outils et du développement des
moyens de production qui entraînent une diversification du
Figure 2. Photographie d’ Alexandre Romanovitch Luria.
Figure 2. Alexandre Romanovitch Luria’picture.
La recherche d’une psychologie nouvelle
Pour sortir de cette crise, la psychologie que cherchent
à développer Vygotsky et Luria doit rendre compte des
phénomènes psychiques dans la vie réelle et sur des
bases physiologiques tout en étant compatible avec la
philosophie marxiste. Les activités psychiques sont alors
décrites comme des processus dynamiques complexes qui
ne peuvent être compris qu’en prenant en compte leur
histoire, c’est-à-dire leur origine et leur développement.
Les données de la psychologie animale doivent donc être
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Figure 3. Écriture de AR Luria.
Figure 3. AR Luria’s handwriting.
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C. Derouesné
travail entre les hommes et rendent nécessaire le développement des moyens de communication, donc du langage.
Si le cerveau est le fondement de la vie psychique de
l’homme, celle-ci ne se réalise ainsi que dans un contexte
social qui modifie en retour le fonctionnement du cerveau
dans un rapport dialectique. Pour Vygotsky, les outils matériels qui permettent d’élargir les capacités d’action et de
contrôle de l’homme sur les processus de la nature se
développent à partir des résultats du travail social [13, 14].
De la même façon, il propose que l’homme développe
des outils psychologiques, également d’origine sociale,
qui transforment les capacités psychiques naturelles de
l’homme en « fonctions mentales supérieures », spécifiquement humaines. L’activité, le comportement et les
processus cognitifs subissent ainsi une véritable transformation des processus psychiques du fait de leur médiation
par des systèmes symboliques d’origine sociale. Ces systèmes symboliques, au premier rang desquels figure le
langage (mais aussi la technologie), se construisent progressivement au cours du développement de l’enfant en
l’inscrivant dans des relations sociales particulières, liées à
une société donnée, à un moment donné de son histoire,
d’où le qualificatif d’historico-culturelle donné à cette nouvelle psychologie. Dans cette optique, le développement de
l’activité psychique de l’enfant n’est pas considéré comme
le résultat d’une simple interaction entre l’enfant et son
entourage : elle représente l’actualisation, dans un comportement individuel, de la culture à laquelle il appartient et qui
est incarnée dans la fonction symbolique des gestes, des
jeux et du langage. Pour illustrer l’influence de l’organisation
sociale sur le fonctionnement des processus cognitifs, Luria
effectue, dans les années 30, des travaux en Asie centrale
qui montrent que les techniques de classement des objets
varient en fonction de la structure sociale [8, 15].
En résumé, trois niveaux peuvent ainsi être distingués
dans le développement psychique de l’homme :
– les comportements innés qui sont le résultat du développement des processus naturels et qui sont régis par les lois
de l’évolution et les lois de la biologie ;
– l’adaptation des comportements individuels au milieu qui
relève des lois du conditionnement ;
– les activités psychiques propres à l’homme qui reposent
sur la médiation d’outils psychologiques d’origine sociale
dont le plus important est le langage.
Les processus psychiques propres à l’homme (les fonctions supérieures) ne sont donc pas des attributs ou
des propriétés d’un fonctionnement mental individuel : ils
découlent de la maîtrise progressive et de l’internalisation
dynamique de processus sociaux. Cette conception s’inscrit
ainsi radicalement en opposition avec la conception de la
littérature occidentale, essentiellement biologisante et égo-
358
centrée, mais aussi avec le néo-pavlovisme dogmatique qui,
à partir des années 30, devient l’idéologie dominante en
URSS.
Le développement de la fonction
régulatrice du langage
sur le comportement
de l’enfant selon Luria
Le langage est utilisé par la mère pour réguler l’activité
de l’enfant jusqu’à ce qu’il soit capable, dans un premier temps, de partager avec elle l’analyse et l’objectif de
la situation (étape intersubjective), puis, dans un second
temps, d’assurer lui-même cette activité par un processus d’intériorisation qui repose sur le développement du
langage intérieur (étape intrasubjective).
Cette fonction régulatrice du langage sur l’activité et le
comportement est un processus dynamique qui s’élabore
progressivement chez l’enfant comme le montre une série
d’expériences réalisées par Luria [16, 17]. Le rôle régulateur
du mot apparaît en premier : il constitue, à la fois, un signe
et un outil. Au cours de la 3e année et d’une partie de la 4e ,
le rôle du langage sur l’activité s’étend en assurant les liaisons préliminaires qui vont déboucher sur les programmes
d’action.
Le rôle régulateur du mot
Très tôt, le nourrisson réagit à la parole de la mère,
mais la fonction régulatrice du langage ne commence que
lorsque la mère adresse un ordre à l’enfant et que la réponse
de l’enfant présente un caractère spécifique, comme de
tourner le regard vers l’objet désigné par la mère.
Dès 12 à 14 mois, une réaction d’orientation spécifique
apparaît à la suite d’un ordre comme « Donne-moi la balle »,
« Où est la tasse ? » Mais, dans un premier temps, il est
nécessaire que l’ordre verbal soit renforcé par un stimulus visuel, l’adulte pointant sur l’objet ou le manipulant.
Puis l’enfant tourne la tête ou attrape l’objet simplement en
entendant le mot. Les choses se compliquent néanmoins
lorsqu’on présente à l’enfant plusieurs objets. Lorsqu’on lui
dit de saisir le canard parmi plusieurs objets, il doit inhiber les caractères physiques (taille, couleur) et la proximité
des autres objets. En outre, lorsqu’elle s’établit, la réponse
demeure peu stable, car si on demande à l’enfant d’attraper
un objet différent, il continue à chercher le premier objet ou
saisit l’objet le plus proche de lui.
Vers 14-16 mois, lorsqu’on demande à un enfant de placer des anneaux sur un support, il les place aisément, mais
Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 9, n ◦ 3, septembre 2011
La fonction régulatrice du langage sur le comportement
si on lui demande de les enlever alors qu’il est en train de
les placer, il continue à les placer, ce qui montre que l’effet
inhibiteur se développe avec retard.
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Le développement des liaisons préliminaires
Vers 18 mois-2 ans, lorsqu’on demande à l’enfant de
presser une balle quand une lumière apparaît, il presse la
balle, mais il continue à la presser même lorsqu’on lui répète
la consigne de ne presser la balle que lorsque la lumière
apparaît. C’est encore un exemple du retard de l’influence
inhibitrice.
Une autre expérience permet de comparer l’influence
des signaux verbaux à celle des signaux visuels. On place un
gobelet et une tasse devant l’enfant, puis on glisse devant
lui une pièce sous le gobelet. Lorsqu’on lui demande de
prendre la pièce, il va la chercher sous le gobelet. Après
plusieurs répétitions, sa main va directement vers le gobelet. Si on place la pièce devant lui, mais cette fois-ci dans la
tasse, sa main continue à aller vers le gobelet. Il n’est pas
capable, avant 18 mois, de se dégager de l’instruction préalable. La réponse demeure instable jusque 2 ans et demi :
elle est perturbée lorsqu’on introduit un délai entre la consigne et l‘action ou lorsque la pièce est cachée hors de la
vue de l’enfant qui doit répondre à la seule consigne verbale « la pièce est sous la tasse, prends-la. » La possibilité
d’exécuter une directive verbale de l’adulte après un léger
délai n’est acquise qu’au cours de la 3e - 4e année.
La séparation de la commande verbale de l’influence des
données visuelles se développe au cours de la 3e - 4e année,
comme le montrent les épreuves de consigne conflictuelle
(« Si je lève mon doigt, tu lèves ta main »).
Vers 4 ans apparaissent les réponses aux instructions
multiples :
– placer des jetons rouges et blancs. Dans un premier
temps, on demande à l’enfant de compléter des lignes alternant pions rouges et pions blancs. Puis on lui demande
d’effectuer cette opération sur simple commande verbale.
À 4 ans, l’enfant peut exécuter des tâches symétriques (un
pion blanc, un pion rouge), mais les tâches asymétriques
(un pion blanc, deux pions rouges) ne sont réalisées que
vers 4 ans et demi ;
– la réponse est plus tardive encore lorsque l’enfant n’a
plus devant lui le modèle et qu’il doit créer l’action, comme
dessiner un cercle alternant avec une croix.
La mise en évidence du rôle du langage
intérieur
Jusqu’ici, la fonction régulatrice du langage s’effectue
par l’intermédiaire du langage de l’adulte : c’est un processus psychique partagé, interpsychique. Dans l’étape
Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 9, n ◦ 3, septembre 2011
suivante, ce processus va être intériorisé progressivement
par l’enfant et va devenir intrapsychique par l’intermédiaire
du langage intérieur.
Ce passage est illustré dans une série d’expériences.
Lorsqu’on donne à l’enfant une double consigne : « Presse
la balle si la lumière est rouge, ne la presse pas si la lumière
est bleue », on obtient d’abord des mauvaises réponses. On
étudie alors l’influence d’un renforcement verbal donné par
l’expérimentateur qui dit « oui » lorsque la lumière est rouge,
« non » lorsqu’elle est bleue. Puis, dans un deuxième temps,
c’est l’enfant lui-même qui doit effectuer le renforcement
verbal en disant oui ou non selon la couleur de la lumière.
Le langage intérieur a toutefois des propriétés différentes de celles du langage social. Lorsqu’on place un
enfant devant une activité qu’il n’arrive pas à maîtriser, il
demande d’abord de l’aide à l’adulte. S’il n’en reçoit pas, il se
parle à lui-même en décrivant la tâche à effectuer et la difficulté qu’il rencontre. Son expression verbale se fait d’abord
à voix haute puis chuchotée ; il utilise des phrases longues
puis de plus en plus courtes et de moins en moins structurées. Ce langage a été qualifié d’égocentrique, autistique,
par Piaget. Vygotsky s’est opposé à cette interprétation [13].
Pour lui, il s’agit en réalité du langage social qui est utilisé
pour résoudre une tâche, mais avec deux caractéristiques
particulières : c’est un langage condensé, raccourci et prédicatif car le sujet et le thème du discours sont connus
du locuteur. Le langage intérieur intervient tout particulièrement devant une situation nouvelle à effectuer (bref dans
les tâches qui impliquent ce que nous appelons aujourd’hui
le fonctionnement exécutif). L’acte volontaire apparaît ainsi
comme un acte médiatisé par le langage utilisé, non comme
moyen de communication, mais pour accomplir une tâche
et réguler l’activité. Le langage, dans un premier temps
accompagne l’action, puis la précède et enfin la remplace.
Le langage intérieur s’interpose ainsi entre l‘intention et la
réalisation de l’acte, ce qui introduit une grande souplesse
par rapport aux réactions de type réflexe : du fait de cette
médiation, l’homme peut planifier son activité parmi différentes actions possibles et évaluer les conséquences de
son acte avant de les réaliser.
L’importance de cette implication est variable. Dans les
situations simples, lorsque l’activité est déterminée sans
ambiguïté par l’objectif à atteindre ou par le contexte, le
rôle de la composante verbale est limité à la formulation
de la tâche et au déclenchement des schémas moteurs.
Dans les situations complexes ou nouvelles, le langage
intérieur intervient dans le décodage de l’information pour
en dégager les éléments essentiels, inhiber les associations accessoires qui surgissent sous l’influence du milieu
ou des stéréotypes moteurs. Le chaînon verbal organise
l’action et crée le schéma interne de sa réalisation puis,
359
C. Derouesné
tout au long de sa réalisation, intervient pour contrôler
son efficacité. C’est également un élément déterminant
pour l’évaluation de l’adéquation du résultat à l’objectif
initial.
Le langage est ainsi un élément essentiel de l’activité
intentionnelle et de la conscience réflexive [18].
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Les perturbations de la régulation
du comportement par le langage
Les premières applications des conceptions psychologiques de Vygotsky et de Luria portent sur la pédagogie et la
défectologie. Luria étudie ainsi la fonction régulatrice du langage chez des enfants retardés mentaux. Elle est perturbée
chez les enfants qui présentent un retard lié à des lésions
cérébrales. En revanche, les enfants qui ne souffrent que
d’un retard fonctionnel attribué soit à un excès d’excitation,
soit à un excès d’inhibition, se comportent normalement
dans les tests d’exploration de la fonction régulatrice du
langage.
Après ses études médicales et sa spécialisation en
neurologie, Luria se tourne, pendant la deuxième guerre
mondiale, vers l’étude des conséquences des lésions cérébrales sur le fonctionnement psychique. Il se préoccupe
alors de l’organisation cérébrale de la fonction régulatrice
du langage et de ses rapports avec les lobes frontaux. Il
est le premier à systématiser le rôle des lobes frontaux
dans l’activité [19] : les régions frontales reçoivent, à la fois,
les résultats de l’analyse et de la synthèse des signaux en
provenance de l’organisme par l’intermédiaire des formations sous-corticales et des structures limbiques, et ceux
de l’analyse et de la synthèse des signaux en provenance
du monde extérieur, effectuées par le cortex postérieur. À
partir de l’ensemble de ces éléments, les plans d’action
reposent sur l’activité du cortex préfrontal, le cortex prémoteur assurant le déroulement des séquences d’action,
le cortex moteur gérant le contrôle des mouvements élémentaires.
La fonction régulatrice du langage est préservée dans
les lésions du cortex postérieur, en particulier dans les
lésions des régions temporales et pariétales qui entraînent
des perturbations de type aphasique. En revanche, elle
est perturbée dans les lésions du cortex préfrontal, en
particulier dans les aphasies en rapport avec les lésions
antérieures (aphasie dynamique et aphasie motrice) qui
s’accompagnent de difficultés de programmation, de régulation et de contrôle des réalisations des activités motrices
et comportementales. Elle est, en revanche, relativement préservée dans les lésions prémotrices [20, 21],
360
dans lesquelles le renforcement par le langage permet
d’aider ou de compenser les difficultés de réalisations
motrices.
Il est curieux de constater que la perturbation de la
fonction régulatrice du langage ne soit jamais évoquée
explicitement dans la littérature à propos des manifestations comportementales des malades frontaux. Pourtant,
l’incapacité à mettre en adéquation l’intention exprimée
en termes de langage intérieur et la réalisation devrait
jouer un rôle important dans les troubles du comportement. Il est intéressant, dans ce sens, de citer le travail
de Meichenbaum et Goodman [22] qui ont utilisé le
développement du langage intérieur pour diminuer les
comportements violents chez des enfants.
L’évaluation de la fonction
régulatrice du langage
L’examen du rôle régulateur du langage, repose, après
avoir vérifié l’intégrité des processus moteurs élémentaires, sur l’exécution de tâches nouvelles ou complexes
qui nécessitent de décoder l’information et de maintenir la sélectivité de l’activité en inhibant les associations
dépendant d’activités stéréotypées antérieures [23]. Elle
est explorée en demandant au sujet d’exécuter une activité
qui requiert la construction d’un programme (réactions de
choix, consignes conflictuelles, exécution d’un programme
moteur). Il est toutefois essentiel de noter que, dans la
perspective de Luria, ce n’est pas la réussite ou non à ces
épreuves mais l’analyse qualitative des erreurs qui permet
d’accéder aux mécanismes des perturbations. Toutefois ces
épreuves ne sont pas standardisées ce qui laisse, évidemment, beaucoup de place à l’expérience et à la pratique
clinique de l’examinateur.
Les réactions de choix sur consigne verbale
Exemple : « Levez la main si je tape une fois, ne levez
pas la main si je tape deux fois » (c’est l’épreuve connue
aujourd’hui sous le nom de go-no go) ou « Levez la main
gauche si je tape une fois, la main droite si je tape deux
fois. »
Luria préconise, après avoir fait répéter la consigne par
le sujet, de présenter dans un premier temps les instructions de façon aléatoire pour vérifier la compréhension de
la consigne. Dans un deuxième temps, une alternance
régulière établit un stéréotype moteur puis on modifie
les instructions pour casser le stéréotype. Si des difficultés apparaissent, on étudie l’influence d’un renforcement
Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 9, n ◦ 3, septembre 2011
La fonction régulatrice du langage sur le comportement
verbal : par exemple, l’examinateur dans l’épreuve de go no go renforce la consigne par « il faut », « il ne faut pas ».
En cas d’amélioration, on demande au patient d’effectuer
lui-même le renforcement verbal.
Les activités motrices conflictuelles
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Ce sont des épreuves dans lesquelles un conflit existe
entre la stimulation visuelle immédiate et la consigne verbale
Exemple : « Tapez une fois si je tape deux fois, tapez
deux fois si je tape une fois » ou « Levez le doigt si je lève
le poing ou l’inverse ».
Points clés
• Les fonctions supérieures résultent de l’intériorisation
de processus sociaux qui étendent les capacités naturelles de l’homme par l’intermédiaire de systèmes
symboliques.
• Le langage, par l’intermédiaire du langage intérieur,
joue un rôle essentiel dans le développement des
processus conscients et la régulation des activités volontaires.
• L’exploration du rôle régulateur du langage doit faire
partie de l’examen neuropsychologique des fonctions
des lobes frontaux.
• Cette exploration permet également de mieux évaluer
et prendre en charge les capacités des sujets déments
à bénéficier des techniques de réhabilitation.
L’exécution d’un programme complexe
Exemples : faire réaliser une série de mouvements
comme dans l’épreuve bien connue « poing-paumetranche », classer des jetons noirs et blancs de façon
symétrique puis asymétrique, exécution d’une série de dessins (« dessinez une croix, un rond, un triangle ») d’abord
en complétant des séries ensuite sur consigne verbale.
Évaluation
Ces épreuves ne sont pas spécifiques : elles peuvent
être perturbées du fait du retentissement d’un trouble de
l’exécution du geste ou de son déroulement dans l’espace
dans les lésions postérieures ou encore d’une perte de
la sélectivité liée à une atteinte des régions médiobasales (intrusion d’éléments étrangers). Ce n’est qu’après
élimination de ces troubles qu’il est possible de parler de
perturbation spécifique de la régulation de l’activité par le
langage. Cette perturbation spécifique est observée dans
les lésions frontales antérieures : on note alors souvent une
bonne réalisation au début de l’épreuve, puis apparaissent
des persévérations, une incapacité à ne pas répondre au
stimulus visuel (impulsivité) et le remplacement de la tâche
par l’exécution de stéréotypes acquis antérieurement. Deux
éléments sont essentiels : la perte du lien entre la consigne verbale et la réalisation (la répétition de la consigne à
voix haute par l’examinateur puis par le sujet n’améliore pas
les performances) et l’incapacité du patient à critiquer sa
performance. Dans les lésions purement prémotrices, en
revanche, les performances sont améliorées par le renforcement par le langage à voix haute et le sujet est conscient
de ses erreurs.
On voit ainsi le lien entre la fonction régulatrice du langage, la planification et l’évaluation consciente de l’activité.
Ger Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 9, n ◦ 3, septembre 2011
Conclusion
La prise en compte de la fonction régulatrice du langage sur l’activité introduit une nouvelle compréhension des
notions d’acte volontaire ou d’acte conscient. Si l’existence
d’une pensée sans langage ne fait aucun doute, il n’en reste
pas moins que le langage intérieur joue un rôle essentiel,
chez l’homme, dans toutes les activités conscientes et, en
particulier, dans les tâches exécutives [1, 24-27]. Le langage intérieur joue un rôle majeur dans la régulation de
l’action : il introduit la possibilité d’évaluer mentalement
les conséquences possibles de l’action, mais également
des réactions émotionnelles. Cette médiation du langage
intérieur entre le stimulus-événement et la réponse élargit
considérablement les capacités d’adaptation de l’homme à
son environnement en l’affranchissant d’un apprentissage
par essais-erreurs.
La littérature occidentale est restée muette sur cet
aspect pendant plusieurs décennies (aucune citation dans
Medline pour les années 70 à 90). Depuis les années 90,
un renouveau d’intérêt s’est manifesté pour les travaux de
Vygotsky [11, 28], de Luria [10] ainsi que pour l’étude du
langage intérieur. Flavell et al. [29] ont montré, chez l‘enfant,
que le langage intérieur n’est pleinement développé qu’à
l’âge scolaire. Ses bases anatomo-fonctionnelles ont été
étudiées en IRM fonctionnelle par Shergill et al. [30] qui
ont mis en évidence l’implication des régions frontales
(circonvolution frontale inférieure gauche, des gyri pré et
post centraux droits) et des circonvolutions temporales
supérieures des deux hémisphères. Le rôle du langage
intérieur a été étudié dans la schizophrénie [31], les
hallucinations verbales [32], l’autisme [33] la démence
frontotemporale [34] et les productions verbales de la
maladie de Gilles de la Tourette [35].
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C. Derouesné
L’étude de la fonction régulatrice du langage sur
l’activité des patients ne sert pas uniquement à mettre en
évidence un dysfonctionnement frontal : elle permet une
meilleure appréciation des possibilités de coopération dans
les tâches de réhabilitation cognitive, notamment au cours
des affections dégénératives cérébrales comme la maladie
d’Alzheimer. Un trouble de cette fonction régulatrice du langage constitue, en effet, un obstacle majeur à la possibilité
des patients de bénéficier des techniques usuelles de réhabilitation du fait de leur incapacité à développer le contrôle
de leurs actions par le langage intérieur.
La raison de la longue méconnaissance de cette fonction
du langage dans la littérature neuropsychologique tient sans
doute au fait que les théories de la psychologie cognitive
sont, en accord avec l’idéologie dominante de notre société,
centrées sur le développement individuel comme sur un
humanisme qui se veut universel, indépendant des conditions sociales et culturelles, et oublient que, sans société,
l’homme n’est qu’un enfant-loup.
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