C’est le thème central de notre pièce, que nous continuons encore à approfondir au
fil du travail. Voici les réflexions qui ont composé notre recherche.
La vie s’arrête. D’un coup, la mort nous laisse face au vide, à l’absence, à la perte.
Au chagrin. Puis, nécessairement, la vie prend le dessus. En effet, malgré tout,
dehors ça continue. La vie continue : les saisons continuent à changer, les
événements heureux ou malheureux continuent à se produire. La vie ne s’arrête pas.
C’est cette transition de la mort vers la vie dont nous voulons parler. Quand la vie
s’insinue, perfide, salvatrice, et nous force à reprendre le cap. Il faut
surmonter
. Il faut
accepter et recommencer. Il faut oublier petit à petit et reprendre le rythme de la vie.
Mais est-ce toujours possible ?
Dois
-je oublier ? Que reste-t-il du souvenir que j’ai du
défunt ? Que devient cet être aimé à jamais absent ? Suis-je
capable
d’oublier ? Ai-je
le droit
d’oublier l’homme que j’ai aimé et qui n’est plus ? Ai-je le droit d’encore rire ?
de m’amuser ? de vouloir séduire un autre homme ? de passer à autre chose ? et
finalement, d’être à nouveau heureuse sans lui ?
La fin de la pièce ne donne pas de réponse. Elle reste sur un état de fait.
En plus de nos propres réflexions mêlées à notre expérience, des auteurs ont
alimenté notre recherche. Patochka, philosophe tchèque, dans
Phénoménologie de
la vie après la mort
, questionne le statut ontologique de la vie après la mort. Il se
demande ce que devient le défunt dans la tête de ceux qui restent. Il disparaît
physiquement, mais il en reste quelque chose : quel genre de présence continue-t-il
à avoir ? Joan Didion, écrivaine américaine, écrit
L’année de la pensée magique
où
elle raconte magnifiquement la première année après la mort subite de son
compagnon. Elle parle de l’oubli, du souvenir, de la culpabilité… Son expérience nous
intéresse particulièrement. Dans
J’ai réussi à rester en vie
, Joyce Carol Oates parle
aussi de la terrible réalité du veuvage. Comme Joan Didion, son mari l’a quittée
brusquement, la laissant face au vide du deuil.
Depuis l’été 2012, Liane Van De Putte, chanteuse, a rejoint l’équipe. Sa voix,
a
capella
et acoustique, accompagne quelques moments choisis de la pièce, avec un
chant à consonnances juives. Son apport sonore nous est très précieux et donne une
réelle épaisseur au spectacle. Sa présence réelle sur scène (il ne s’agit pas d’un
enregistrement) a de l’importance pour nous. En effet, Liane est en réelle osmose
avec nous quand nous jouons et adapte son chant à nos mouvements. Elle apparaît
comme une narratrice qui, par son chant, se propose de raconteur une histoire au
public.
A part ce chant, la pièce se déroule dans un étrange silence, rythmé uniquement par
les mouvements précis des comédiens. Ce silence troublant attise l’attention et
renforce la puissance des gestes. De plus, il convient parfaitement à la solitude du
deuil qui hante l’appartement de la veuve.