SANTÉ Ces patients hospitalisés récidivistes e fait d’être hospitalisé une année donnée augmente-t-il la probabilité de l’être à nouveau l’année suivante ? Globalement, on constate en Suisse que près d’un patient hospitalisé sur cinq retourne à l’hôpital l’année suivante. Ce résultat pourrait avoir des conséquences sur le système de compensation des risques entre assureurs-maladie, ceci d’autant plus que les séjours de ces patients « récidivistes » sont en moyenne plus coûteux. L LA LOI fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal), entrée en vigueur en 1996, a institué un mécanisme de compensation des risques entre assureurs. Les coûts des soins des femmes et des personnes âgées sont supérieurs à la moyenne, c’est pourquoi un mécanisme prévoit que les assureurs dont les effectifs de ces assurés sont inférieurs à la moyenne de l’ensemble des assureurs versent une contribution à ceux dont les effectifs dépassent cette moyenne. Cette compensation s’effectue par canton et pour chaque assureur en fonction des différen- plus ou moins de force, les coûts des soins qu’ils vont générer. Le coût des traitements hospitaliers – soit 35 % de l’ensemble des coûts de la santé – représente une composante importante du système de santé. Il est donc intéressant d’examiner si les patients déjà hospitalisés l’année précédente ont un risque supérieur de l’être à nouveau l’année suivante et, si oui, d’observer dans quelle mesure les coûts moyens hospitaliers engendrés par ces patients diffèrent de la moyenne des patients hospitalisés. Personnes hospitalisées en 2001, dont récidivistes1, Suisse 2001 dont récidivistes1 Part en % Hommes Femmes Total 320 026 419 319 739 345 61 656 19,3 % 75 288 18,0 % 136 944 18,5 % 1 Personnes hospitalisées en 2001, qui l’avaient déjà été en 2000 Une probabilité d’hospitalisation supérieure… La figure 1 montre, par âge et pour les hommes, la probabilité d’hospitalisation de la population en 2001 (probabilité simple) ainsi que la probabilité d’hospitalisation en 2001 des patients ayant déjà subi une hospitalisation en 2000 (probabilité conditionnelle), alors que le tableau ci-dessus indique les effectifs de patients concernés. Les bâtonnets représentent les intervalles de confiance à 95 %. Par exemple, on peut considérer, avec 95 % de chances de ne pas se tromper, que la probabilité pour un homme de 35 ans d’être hospitalisé en 2001 sachant qu’il l’a déjà été en 2000 est comprise entre 0,13 et 0,19. Pour les hommes, la probabilité d’hospitalisation en 2001 conditionnée par le fait d’avoir déjà été hospitalisé en 2000 est significativement supérieure – au sens statistique – à la proba- ces moyennes de frais, ceci permettant de garantir, par assureur, une prime identique par sexe et grand groupe d’âges. Cependant, il est largement reconnu que les seuls critères de l’âge et du sexe ne sont pas suffisants pour discriminer les patients selon les coûts. Les offices fédéraux et de nombreux chercheurs planchent actuellement sur l’élaboration de méthodes plus pointues permettant une meilleure compensation des risques qui découragerait les assureurs-maladie de pratiquer la sélection des assurés. Toutes ces méthodes ont un point commun : elles cherchent à déterminer des critères chez les assurés permettant de prédire, avec NUMERUS N° 3 • JUIN 2004 SANTÉ bilité simple d’avoir été hospitalisé en 2001, et ceci jusqu’à 82 ans. Dès cet âge, les décès sont susceptibles de considérablement diminuer les risques de récidive. La situation pour les femmes est illustrée par la figure 2. Le constat y est semblable que pour les hommes, à ceci près que, pour les patientes âgées de 24 à 34 ans, les probabilités simples et conditionnelles ne sont pas significativement différentes, alors que la probabilité simple est même supérieure à la probabilité conditionnelle entre 27 et 33 ans. Cela s’explique par le recours accru à l’hospitalisation pour cause de maternité, ce groupe d’âges correspondant à la plus forte période de fécondité des femmes. Dès 35 ans, la probabilité conditionnelle est toujours supérieure à la probabilité simple, et ceci de manière significative jusqu’à 83 ans. Ainsi, tant pour les hommes que pour les femmes et à quasiment tout âge, la probabilité d’une hospitalisation en 2001 est supérieure s’il y a déjà eu une hospitalisation l’année précédente. Il n’y a donc pas indépendance entre ces deux événements. La figure 3 montre, par âge et pour les hommes, l’indice de casemix des patients hospitalisés en 2001 ainsi que celui des patients hospitalisés en 2001 et déjà hospitalisés en 2000. Une analyse par sexe et âge permet de neutraliser l’effet d’une grande partie des différences de pathologies propres à ces catégories. Bien que les intervalles de confiance soient très larges en raison de la forte volatilité des coûts, on distingue clai- …des cas plus lourds et des coûts plus élevés Abordons maintenant l’hospitalisation multiple sous l’angle du financement. Les séjours recensés dans la statistique médicale1 sont tout d’abord classés en APDRG (All Patient Diagnosis Related Group), une classification médico-économique comportant 641 catégories de patients. Ensuite, un costweight ou indice de coût relatif est attribué à chaque APDRG. Finalement, l’indice de casemix d’un ensemble de séjours est obtenu en prenant la moyenne pondérée des costweights attribués à ces séjours. rement que les patients qui avaient déjà été hospitalisés en 2000 subissent, en moyenne, des traitements hospitaliers plus coûteux que l’ensemble de ceux des patients hospitalisés en 2001, en particulier de 5 à 65 ans et de manière significative sur quasiment toute cette période. En-deça et au-delà, les différences subsistent mais ne sont en général plus significatives, en raison du recoupement des intervalles de confiance. La figure 4 reproduit la même situation pour les femmes. Là aussi, les séjours des patientes déjà hospitalisées en 2000 sont en moyenne plus chers que l’ensemble de ceux des pa- NUMERUS N° 3 • JUIN 2004 tientes hospitalisées en 2001. Cela est vrai à quasiment tout âge, mais les différences sont significatives de 15 à 85 ans. Ainsi, tant pour les hommes que pour les femmes, l’indice de casemix des patients hospitalisés en 2001 et qui l’avaient déjà été en 2000 est plus élevé que celui de l’ensemble des patients hospitalisés en 2001. Améliorer le système actuel Dès lors, la probabilité d’hospitalisation des patients déjà hospitalisés l’année précédente étant plus élevée que la moyenne, et les coûts d’hospitalisation générés par ces mêmes patients étant également plus élevés que la moyenne, on pourrait théoriquement envisager d’améliorer le système actuel de compensation des risques entre assureurs en tenant compte de l’historique d’hospitalisation des assurés. Encore faut-il pouvoir repérer les assurés qui ont subi une hospitalisation l’année précédente. A l’heure actuelle, les assureurs ne peuvent répondre à cette question que pour les assurés qui étaient déjà affiliés chez eux l’année précédente. Or, le nombre d’assurés qui restent chez le même assureur d’une année à l’autre est d’autant plus faible que la volatilité des primes d’assurance-maladie est élevée, incitant par là même les assurés à une plus grande mobilité. Par contre, cela serait possible si l’historique des patients était stocké, par exemple, sur une « carte santé ». AO 1 Statistique médicale des établissements de santé. Source : « Probabilité d’hospitalisation simple et conditionnelle. Etude sur les données hospitalières suisses de 1999 à 2001 ». Mémoire de diplôme postgrade en statistique, Alexandre Oettli, Université de Neuchâtel, mars 2004