Numerus-03-2004_Hospitalisation

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SANTÉ
Ces patients hospitalisés récidivistes
e fait d’être hospitalisé une année donnée augmente-t-il la probabilité de
l’être à nouveau l’année suivante ? Globalement, on constate en Suisse que
près d’un patient hospitalisé sur cinq retourne à l’hôpital l’année suivante.
Ce résultat pourrait avoir des conséquences sur le système de compensation
des risques entre assureurs-maladie, ceci d’autant plus que les séjours de ces
patients « récidivistes » sont en moyenne plus coûteux.
L
LA LOI fédérale sur l’assurance-maladie
(LAMal), entrée en vigueur en 1996, a institué un mécanisme de compensation des
risques entre assureurs. Les coûts des soins
des femmes et des personnes âgées sont
supérieurs à la moyenne, c’est pourquoi un
mécanisme prévoit que les assureurs dont
les effectifs de ces assurés sont inférieurs
à la moyenne de l’ensemble des assureurs
versent une contribution à ceux dont les
effectifs dépassent cette moyenne. Cette
compensation s’effectue par canton et pour
chaque assureur en fonction des différen-
plus ou moins de force, les coûts des soins
qu’ils vont générer.
Le coût des traitements hospitaliers – soit
35 % de l’ensemble des coûts de la santé –
représente une composante importante du
système de santé. Il est donc intéressant
d’examiner si les patients déjà hospitalisés
l’année précédente ont un risque supérieur
de l’être à nouveau l’année suivante et, si
oui, d’observer dans quelle mesure les coûts
moyens hospitaliers engendrés par ces patients diffèrent de la moyenne des patients
hospitalisés.
Personnes hospitalisées en 2001,
dont récidivistes1, Suisse
2001
dont
récidivistes1
Part en %
Hommes
Femmes
Total
320 026
419 319
739 345
61 656
19,3 %
75 288
18,0 %
136 944
18,5 %
1
Personnes hospitalisées en 2001, qui l’avaient déjà
été en 2000
Une probabilité d’hospitalisation
supérieure…
La figure 1 montre, par âge et pour les
hommes, la probabilité d’hospitalisation de la
population en 2001 (probabilité simple) ainsi
que la probabilité d’hospitalisation en 2001
des patients ayant déjà subi une hospitalisation en 2000 (probabilité conditionnelle),
alors que le tableau ci-dessus indique les
effectifs de patients concernés.
Les bâtonnets représentent les intervalles
de confiance à 95 %. Par exemple, on peut
considérer, avec 95 % de chances de ne
pas se tromper, que la probabilité pour
un homme de 35 ans d’être hospitalisé
en 2001 sachant qu’il l’a déjà été en 2000
est comprise entre 0,13 et 0,19. Pour les
hommes, la probabilité d’hospitalisation en
2001 conditionnée par le fait d’avoir déjà
été hospitalisé en 2000 est significativement
supérieure – au sens statistique – à la proba-
ces moyennes de frais, ceci permettant de
garantir, par assureur, une prime identique
par sexe et grand groupe d’âges.
Cependant, il est largement reconnu que
les seuls critères de l’âge et du sexe ne sont
pas suffisants pour discriminer les patients
selon les coûts.
Les offices fédéraux et de nombreux chercheurs planchent actuellement sur l’élaboration de méthodes plus pointues permettant
une meilleure compensation des risques qui
découragerait les assureurs-maladie de pratiquer la sélection des assurés.
Toutes ces méthodes ont un point commun :
elles cherchent à déterminer des critères
chez les assurés permettant de prédire, avec
NUMERUS N° 3 • JUIN 2004
SANTÉ
bilité simple d’avoir été hospitalisé en 2001,
et ceci jusqu’à 82 ans. Dès cet âge, les décès
sont susceptibles de considérablement diminuer les risques de récidive.
La situation pour les femmes est illustrée
par la figure 2. Le constat y est semblable
que pour les hommes, à ceci près que, pour
les patientes âgées de 24 à 34 ans, les probabilités simples et conditionnelles ne sont
pas significativement différentes, alors que
la probabilité simple est même supérieure
à la probabilité conditionnelle entre 27 et
33 ans. Cela s’explique par le recours accru
à l’hospitalisation pour cause de maternité,
ce groupe d’âges correspondant à la plus
forte période de fécondité des femmes.
Dès 35 ans, la probabilité conditionnelle
est toujours supérieure à la probabilité
simple, et ceci de manière significative
jusqu’à 83 ans.
Ainsi, tant pour les hommes que pour les
femmes et à quasiment tout âge, la probabilité d’une hospitalisation en 2001 est
supérieure s’il y a déjà eu une hospitalisation
l’année précédente. Il n’y a donc pas indépendance entre ces deux événements.
La figure 3 montre, par âge et pour les hommes, l’indice de casemix des patients hospitalisés en 2001 ainsi que celui des patients
hospitalisés en 2001 et déjà hospitalisés en
2000. Une analyse par sexe et âge permet
de neutraliser l’effet d’une grande partie
des différences de pathologies propres à
ces catégories. Bien que les intervalles de
confiance soient très larges en raison de la
forte volatilité des coûts, on distingue clai-
…des cas plus lourds et des coûts
plus élevés
Abordons maintenant l’hospitalisation multiple sous l’angle du financement. Les séjours
recensés dans la statistique médicale1 sont
tout d’abord classés en APDRG (All Patient
Diagnosis Related Group), une classification
médico-économique comportant 641 catégories de patients. Ensuite, un costweight ou
indice de coût relatif est attribué à chaque
APDRG. Finalement, l’indice de casemix d’un
ensemble de séjours est obtenu en prenant la
moyenne pondérée des costweights attribués
à ces séjours.
rement que les patients qui avaient déjà été
hospitalisés en 2000 subissent, en moyenne,
des traitements hospitaliers plus coûteux que
l’ensemble de ceux des patients hospitalisés
en 2001, en particulier de 5 à 65 ans et de
manière significative sur quasiment toute
cette période. En-deça et au-delà, les différences subsistent mais ne sont en général
plus significatives, en raison du recoupement
des intervalles de confiance.
La figure 4 reproduit la même situation pour
les femmes. Là aussi, les séjours des patientes
déjà hospitalisées en 2000 sont en moyenne
plus chers que l’ensemble de ceux des pa-
NUMERUS N° 3 • JUIN 2004
tientes hospitalisées en 2001. Cela est vrai
à quasiment tout âge, mais les différences
sont significatives de 15 à 85 ans.
Ainsi, tant pour les hommes que pour les
femmes, l’indice de casemix des patients hospitalisés en 2001 et qui l’avaient déjà été en
2000 est plus élevé que celui de l’ensemble
des patients hospitalisés en 2001.
Améliorer le système actuel
Dès lors, la probabilité d’hospitalisation des
patients déjà hospitalisés l’année précédente étant plus élevée que la moyenne,
et les coûts d’hospitalisation générés par
ces mêmes patients étant également plus
élevés que la moyenne, on pourrait théoriquement envisager d’améliorer le système
actuel de compensation des risques entre
assureurs en tenant compte de l’historique
d’hospitalisation des assurés. Encore faut-il
pouvoir repérer les assurés qui ont subi
une hospitalisation l’année précédente. A
l’heure actuelle, les assureurs ne peuvent
répondre à cette question que pour les
assurés qui étaient déjà affiliés chez eux
l’année précédente. Or, le nombre d’assurés
qui restent chez le même assureur d’une
année à l’autre est d’autant plus faible que
la volatilité des primes d’assurance-maladie
est élevée, incitant par là même les assurés
à une plus grande mobilité. Par contre, cela
serait possible si l’historique des patients
était stocké, par exemple, sur une « carte
santé ». „ AO
1
Statistique médicale des établissements de santé.
Source : « Probabilité d’hospitalisation simple et conditionnelle. Etude sur les données hospitalières suisses de 1999
à 2001 ». Mémoire de diplôme postgrade en statistique,
Alexandre Oettli, Université de Neuchâtel, mars 2004
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