L’Amérique se lasse de la guerre du gras
Les Américains ne gagnent pas toutes leurs guerres : celle qu’ils mènent contre le
gras depuis une quarantaine d’années est en train de tourner court. Outre Atlantique,
la consommation de lipides a bien diminué, mais les taux d’obésité ont
considérablement grimpé. Sans compter les maladies cardio-métaboliques qui vont
avec… Démenties par des études scientifiques de plus en plus nombreuses, les
autorités sanitaires des Etats-Unis atténuent aujourd’hui leurs recommandations
« anti-gras ». Il reste maintenant le plus dur à faire : convaincre les consommateurs de
l’inefficacité des messages erronés qu’on leur a trop longtemps adressés.
Ce n’est peut-être pas encore la déroute totale, mais c’est un repli. Thomas Walker et Mary
Jo Parkers racontent l’histoire du déclin de la guerre du gras aux USA dans un article récent
du journal du Collège américain de nutrition. Au commencement était le lien que des
chercheurs avaient présumé entre les apports alimentaires de lipides, l’obésité et les
maladies cardiovasculaires. Dès 1980, les guidelines nutritionnels américains, renouvelés
tous les cinq ans, enjoignent aux consommateurs de diminuer leurs apports de lipides
totaux, d’acides gras saturés et de cholestérol. Avec le soutien des sociétés savantes de
cardiologie, de nutrition et de diététique. En 1984, le magazine Time consacre sa couverture
au gras, considéré comme l’équivalent du mal. Trente ans après, en juin 2014, il
titre : »Mangez du beurre. Les scientifiques ont fait du gras un ennemi, pourquoi avaient-ils
tort ? » Il s’est décidément passé quelque chose dans le monde de la science.
Moins de gras dans l’assiette, plus de gras à la taille !
Mais il reste à chiffrer l’hécatombe. La guerre du gras a réussi à persuader durablement les
Américains que les lipides alimentaires sont mauvais. Mais elle a échoué complètement à
prévenir l’obésité et les maladies métaboliques ! Dans les années 70, les lipides
représentaient 37% des apports caloriques totaux des Américains. En 2006, ils avaient
diminué significativement à 34%. Dans les années 70, 15% des adultes et 5% des enfants
étaient en surpoids (avec un indice de masse corporelle supérieur à 25). En 2009, ces
chiffres montaient à 37% chez les adultes et 16% chez les enfants et adolescents. Avec un
autre 33% d’adultes et 17% d’enfants obèses (IMC supérieur à 30) ! En même temps, les
maladies liées à l’excès de poids ont explosé. Entre 1980 et 2011, la prévalence du diabète
de type 2 chez les plus de 18 ans est passée de 3,5% à 9%, ce qui correspond à une
augmentation de 157%. Le syndrome métabolique s’est largement répandu et affecte
maintenant un tiers des Américains. Alors qu’ils diminuaient leur consommation de gras,
celui-ci arrondissait largement leur tour de taille !
Beaucoup d’études ont montré que la baisse de la consommation de lipides ne permet
d’obtenir que de faibles pertes de poids. A moins de diminuer aussi fortement les apports
alimentaires globaux. L’augmentation des apports de protéines semble efficace : les
protéines fournissent le meilleur niveau de satiété et les glucides le plus bas. Mais les
consommateurs ont surtout augmenté leurs apports de glucides et même diminué un peu
leur niveau d’activité physique. Autant de comportements plutôt défavorables sur le plan
métabolique. En fait, diminuer les apports de lipides peut conduire à augmenter les apports
de sucres et les apports caloriques totaux. Pour des raisons à la fois physiologiques et
psychologiques, le « low-fat » amène souvent à manger plus…
Pas de lien entre les acides gras saturés et le risque cardiovasculaire
Faut-il alors, faute de guerre totale aux lipides et faute de succès dans le domaine du poids,
se rabattre sur certains acides gras désignés comme nocifs sur le plan métabolique ? Là
encore, la légende des acides gras saturés mauvais pour le cœur est sérieusement ébranlée
depuis quelques années. Une synthèse de 21 études épidémiologiques ne trouve aucune