Les « saturés » : vers une réhabilitation mondiale ?
C’est un pas de plus dans la dédiabolisation des acides gras saturés que vient de
franchir la prestigieuse revue scientifique Lipids. Dans son numéro d’octobre, tout
entier consacré au sujet, des spécialistes de renommée mondiale appellent à réviser
l’idée selon laquelle les saturés sont « mauvais pour la santé ». Leur impact sur le
risque cardiovasculaire est très limité, et plusieurs d’entre eux ont des effets neutres
ou même bénéfiques. Il faut donc laisser une place à ces acides gras dans le cadre
d’une alimentation équilibrée. Et abandonner les idées simplistes qui conduiraient à
se priver de certains aliments.
Depuis 30 ans, les acides gras saturés (AGS) étaient présentés comme les principaux
responsables des maladies cardiovasculaires. Aux Etats-Unis, les recommandations
nutritionnelles ont conduit à diminuer la consommation de ces lipides. Sans aucune efficacité
pour enrayer l’épidémie d’obésité et de maladies métaboliques. Les experts internationaux
réagissent aujourd’hui.
En France, les nouveaux apports nutritionnels conseillés ont révisé à la hausse la part des
lipides (et des acides gras saturés) dans la ration alimentaire quotidienne. Les chercheurs
signataires des articles de Lipids s’inscrivent dans ce mouvement. Les saturés ne sont pas
un groupe homogène, explique le Pr Legrand (Rennes). A côté des acides gras à risque
athérogène lorsque consommés en excès, il existe des AGS à chaîne courte et moyenne :
présents dans le beurre et le fromage, ils n’ont pas d’effets nocifs et sont même pour
certains d’entre eux bénéfiques.
La relation entre les lipides et la santé est complexe. Des facteurs comme la génétique, l’âge
ou le mode de vie peuvent induire des réponses différentes à leur consommation, remarque
le Pr German (Université de Californie Davis). Tout excès peut conduire à augmenter le
risque cardiovasculaire chez certains sujets. Mais dire que les saturés sont nuisibles quel
que soit leur niveau de consommation est une extrapolation dénuée de fondement
scientifique.
Alors que la variété des apports de corps gras est souhaitable, on n’obtient pas de bénéfice
à remplacer complètement les AGS par d’autres acides gras, note le Dr Mozaffarian
(Harvard). Les remplacer par plus de glucides ne serait non plus bénéfique.
A l’inverse, les travaux de J. Volek (Université du Connecticut) montrent qu’une alimentation
pauvre en glucides (même avec des acides gras saturés) a un impact favorable sur de
nombreux facteurs de risque des maladies cardiovasculaires ou du syndrome métabolique. Il
en est de même pour le bon et le mauvais cholestérol sanguin : les régimes pauvres en
glucides semblent avoir un effet bénéfique, alors que la teneur en AGS n’a pas d’effet
significatif.
Pour couronner cette salve de démonstrations, une récente méta-analyse présentée par le
Pr Elwood (Cardiff, Grande-Bretagne) montre que la consommation de lait et de produits
laitiers est associée à une diminution du risque de maladie et de mortalité cardiovasculaire
de toutes causes. Il faut sans doute cesser de stigmatiser certains les aliments, ils ont tous
une place dans notre alimentation ! (Nutrinews hebdo)
Lipids, volume 45, n° 10, octobre 2010.