Le diagnostic d`un cancer chez les sujets âgés lors d`une thrombose

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Article original
Ann Gérontol 2009 ; 2 (1) : 45-50
Le diagnostic d’un cancer chez les sujets âgés
lors d’une thrombose veineuse profonde
modifie-t-il le pronostic à moyen terme ?
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Does cancer diagnosis in elderly patients with deep venous
thrombosis modify the middle-term outcome?
ALAA GHALI1
CHRISTIAN LAVIGNE1
MARIE-LINE GAUBERT1
ARISTIDE KETOBOWOBIAKOU1
FRANÇOIS TARTROU†
GEORGES LEFTHERIOTIS2
JEAN-LOUIS SAUMET3
PHILIPPE FRESSINAUD1
GILLES BERRUT4
1
Département de médecine
interne et gériatrie,
CHU d’Angers
<[email protected]>
2
Unité d’explorations
fonctionnelles vasculaires,
CHU d’Angers
3
Département de physiologie
et pharmacologie clinique,
Faculté de pharmacie – ISPBL,
Université Claude Bernard
Lyon 1
4
Pôle Soins gériatriques,
CHU de Nantes
Tirés à part :
A. Ghali
Article traduit en anglais
- open access www.annales-de-gerontologie.com
doi: 10.1684/age.2009.0023
E
Résumé. Une étude prospective, cas-contrôles, conduite dans le département de médecine interne et de gériatrie du Centre hospitalier d’Angers, de février 1999 à janvier 2000,
a évalué le bénéfice d’une recherche systémique d’un cancer occulte chez les sujets âgés
présentant une thrombose veineuse profonde (TVP), en termes de pronostic vital. Le suivi,
sur une période de 5,8 ans, a été réalisé à l’aide d’un questionnaire adressé aux médecins
traitants des patients. Cent dix-huit patients hospitalisés pour TVP ont été recrutés et
répartis en deux groupes (A et B), en fonction de l’âge de 75 ans. Chaque patient a été
apparié à un patient exempt de TVP, pour l’âge, le sexe et l’année de l’hospitalisation
(groupes C et D respectivement). La TVP était confirmée par un examen Doppler veineux
et le cancer a été dépisté systématiquement par un bilan limité. Au cours du suivi après
hospitalisation, deux principaux critères étaient recherchés : le décès et la découverte de
cancer. La fréquence des cancers découverts au cours de l’hospitalisation est comparable
entre les groupes (A : 10,2 % vs C : 5,1 %, p = 0,488 ; B : 8 % vs D : 0 %, p = 0,06), et celle
des cancers apparus après l’hospitalisation est similaire (A et C : 5,1 % ; B et D : 3,4 %).
Le nombre de décès liés à un cancer n’est pas statistiquement différent (A : 6/21 vs C :
5/23, p = 0,85 ; B : 6/8 vs D : 1/5, p = 0,103). Les taux de mortalité sont comparables (A :
35,6 % vs C : 39 %, p = 0,849 ; B : 13,5 % vs D : 8,5 %, p = 0,555). En revanche, un excès de
mortalité est observé uniquement dans le groupe B par rapport au groupe C (57 % vs 8 % ;
p = 0,0006), au cours de la première année après la TVP. La découverte d’un cancer à
l’occasion d’une TVP ne modifie donc pas le pronostic des patients âgés de 75 ans et
plus. Ainsi, la recherche systématique d’un cancer chez ces patients n’apparaît pas justifiée en termes de pronostic vital. D’autres études cas-contrôles sont nécessaires pour
valider ces résultats.
Mots clés: cancer, thrombose veineuse profonde, sujets âgés, pronostic vital
Abstract. Objectives: To assess whether cancer screening in elderly patients with deep
venous thrombosis (DVT) could modify their outcome. Design: Prospective, case-control
study. Setting: Department of internal medicine and gerontology at Angers University
Hospital, from february 1999 to january 2000. The 5.8-year-follow-up was realized by
means of postal questionnaires sent to patients’ family doctors. Participants: One
hundred and eighteen DVT patients hospitalized for DVT were recruited and stratified into
two groups (A and B) according to the age of 75 years and matched for 118 controls
(groups C and D). Measurements: DVT was confirmed by a venous ultrasonography and
cancer was screened by routine investigations. Outcome measures over 5.8 years:
mortality rate and cancer diagnosis. Results: Cancer diagnosis during hospitalization was
comparable between groups (A: 10.2% vs C: 5.1%, p = 0.488; B: 8% vs D: 0%, p = 0.06).
After discharge, it was similar (A and C: 5.1%; B and D: 3.4%). Cancer related deaths were
not “statistically” different (A: 6/21 vs C: 5/23, p = 0.85; B: 6/8 vs D: 1/5, p = 0.103). Mortality
ratios were comparable (A: 35.6% vs C: 39%, p = 0.849; B: 13.5% vs D: 8.5%, p = 0.555), but
a high mortality was noted in the group B as compared with group C (57% vs 8%, p =
0.0006) in the first year following DVT. Conclusion: Cancer diagnosis at the time of DVT
does not modify outcomes of patients aged 75 years and older. Hence, a systematic
screening for cancer among older patients could be unjustified. Other case-control
studies are necessary to validate these results.
Key words: cancer, deep venous thrombosis, elderly, vital outcome
Ann Gérontol, vol. 2, n° 1, janvier 2009
45
A. Ghali, et al.
association de la maladie thrombo-embolique
(MTE) et du cancer a été décrite par Armand
Trousseau en 1865 [1]. Depuis, plusieurs
études ont rapporté une incidence plus élevée de
cancers au cours de la première année après la thrombose veineuse profonde (TVP) par rapport à la population générale [2-4]. La relation entre l’âge de survenue
de MTE et le diagnostic ultérieur d’un cancer a fait
l’objet de plusieurs travaux, dont les résultats sont
contradictoires. Dans certaines études [5-7], le risque
d’un cancer occulte est moins élevé dans les sousgroupes de patients âgés tandis que, dans d’autres
[8, 9], il est plus élevé chez les sujets âgés.
Malgré un taux élevé de mortalité démontré chez
les patients atteints d’un cancer, en particulier au
cours des deux années suivant l’épisode thrombotique
[2, 5, 10], un désaccord subsiste concernant le dépistage du cancer occulte à l’occasion d’une MTE.
Certains auteurs [3, 7, 11] se contentent d’une anamnèse couplée à un examen clinique comprenant les
touchers pelviens, alors que d’autres [12-17] proposent
d’ajouter une recherche limitée systématique sous
forme d’un bilan biologique simple et d’une radiographie pulmonaire. En revanche, une recherche plus
approfondie est soutenue par d’autres [18-22], incluant
l’électrophorèse des protéines, les marqueurs tumoraux, l’échographie abdominale, la tomodensitométrie
cérébrale et/ou abdominale, la fibroscopie gastrique et,
éventuellement, une mammographie. Plusieurs études
ont contesté l’intérêt d’une telle recherche en démontrant que le diagnostic précoce d’un cancer révélé par
une MTE n’a pas d’impact sur le pronostic vital [15, 23],
ni sur la mortalité liée au cancer [17, 24, 25]. Quant aux
sujets âgés, le bénéfice d’une recherche systématique
de néoplasie à l’occasion d’une TVP, en termes de
pronostic vital, n’est pas connu.
L’objectif de notre étude est donc d’apprécier si la
découverte d’un cancer dans un contexte de TVP chez
les sujets âgés modifie le pronostic vital à moyen
terme et si l’âge influence la mortalité liée au cancer.
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L’
Patients et méthodes
Protocole d’étude
• Cas
Afin d’étudier le pronostic des patients âgés par
rapport aux patients plus jeunes hospitalisés pour
TVP, ont été recrutés successivement tous les patients
hospitalisés pour TVP au cours d’une année, dans une
unité de médecine interne et de gériatrie. Après avoir
donné leur consentement éclairé, les patients ont été
46
répartis en deux groupes, en fonction de l’âge de
75 ans qui correspond à l’âge médian des patients
hospitalisés pour TVP dans le service. Le groupe A
comportait les patients avec TVP de 75 ans ou plus, et
le groupe B comportait les patients avec TVP de moins
de 75 ans.
• Contrôles
À l’aide d’une base de données informatisée de
l’activité du service, chaque patient a été apparié avec
un sujet de même âge (± 2 ans) et de même sexe,
hospitalisé la même année, mais exempt de pathologie
thrombo-embolique veineuse et n’étant pas décédé au
cours de l’hospitalisation. Les témoins ont tout d’abord
été groupés par âge, sexe et année d’hospitalisation,
puis chaque témoin a été tiré au sort dans le groupe
correspondant aux caractéristiques du patient à apparier. Les groupes de patients exempts de TVP ont été
nommés C et D respectivement.
• Suivi
Après l’hospitalisation, le devenir des patients
inclus dans l’étude a été évalué par l’envoi de questionnaires auprès des médecins traitants.
Participants
Tous les patients hospitalisés pour TVP dans le
service de médecine interne et de gériatrie du Centre
hospitalier d’Angers, sur la période de février 1999 à
janvier 2000, ont été recrutés prospectivement et
consécutivement. La TVP a été confirmée par un
examen échographie-Doppler veineux, selon les
critères usuels [26]. Tous les patients, avec ou sans
TVP, ont bénéficié, lors de leur admission, d’une
recherche systématique et limitée, proposée par
plusieurs auteurs [12-17], comprenant :
– une anamnèse complète ;
– un examen clinique soigneux avec des touchers
pelviens ;
– un bilan biologique de routine ;
– une radiographie pulmonaire.
Deux principaux critères ont été recherchés au
cours du suivi des patients après leur hospitalisation :
– la découverte de néoplasie ;
– tous les décès, notamment ceux liés au cancer.
Analyses statistiques
Les données ont été colligées à l’aide du logiciel
Microsoft Excel 7.0 (Microsoft®, USA), puis l’analyse
statistique a été effectuée à l’aide du logiciel StatView
4.5© (Abacus concept®, USA). Le seuil de probabilité de
0,05 était considéré comme significatif. Pour les
Ann Gérontol, vol. 2, n° 1, janvier 2009
Diagnostic d’un cancer lors d’une thrombose veineuse profonde
variables qualitatives, la comparaison entre deux
groupes a été réalisée par le test de Chi2, avec une
correction de Yates pour les petits effectifs. Le test de
Mann-Whitney a été utilisé pour la comparaison des
variables quantitatives entre les groupes. Les courbes
de survie ont été établies selon la méthode de KaplanMeier et leur comparaison a fait appel au test du logrank.
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Résultats
Au cours de l’année de l’étude, 118 patients, hospitalisés pour une TVP, ont été recrutés. La répartition
selon l’âge était égale, avec 59 patients âgés de
75 ans ou plus (groupe A) et 59 patients de moins de
75 ans (groupe B). Deux groupes appariés, chacun de
59 patients, exempts de TVP, ont été constitués
(groupes C et D respectivement). Ainsi, l’étude comportait 236 patients. Le tableau 1 présente la répartition
selon l’âge et le sexe de la population étudiée. Chez
les patients âgés de 75 ans ou plus, 2 patients atteints
de TVP ont été perdus de vue, et 4 dans le groupe
témoin. Les perdus de vue âgés de moins de 75 ans
étaient de 4 dans chacun des groupes C et D.
Prévalence des cancers
La prévalence d’un cancer connu lors de l’hospitalisation n’est pas statistiquement différente entre les
patients âgés de 75 ans et plus et ceux de moins de
75 ans (17/59 [28,8 %] vs 14/59 [23,7 %] ; p = 0,676).
La comparaison entre les patients hospitalisés pour
TVP et leur groupe témoin en fonction de l’âge montre
un nombre plus élevé, mais non significatif, de cancers
découverts à l’occasion de TVP chez les patients de
moins de 75 ans par rapport aux témoins (5/59 [8,5 %]
vs 0/59 [0 %] ; p = 0,061), et il n’existe pas de différence
entre les deux groupes de patients âgés de 75 ans et
plus (6/59 [10,2 %] vs 3/59 [5,1 %] ; p = 0,488). Pendant
la période de 5,8 ans de suivi, le nombre de cancers
découverts est comparable entre les groupes :
– 6 patients âgés de 75 ans et plus (3 dans chacun
des groupes A et C) ;
– 4 patients âgés de moins de 75 ans (2 dans
chacun des groupes B et D).
Le nombre de cancers n’est pas significativement
différent entre les deux groupes de patients âgés de
75 ans et plus (19/59 [32,2 %] vs 13/59 [22 %] ;
p = 0,301), tandis qu’il est statistiquement plus élevé
chez les patients de moins de 75 ans ayant une TVP
par rapport aux témoins (17/59 [28,8 %] vs 6/59
[10,2 %] ; p = 0,005).
Mortalité
Dans la population âgée de 75 ans et plus, les taux
de mortalité sont comparables entre les patients ayant
une TVP et leur groupe contrôle (21/59 [35,6 %] vs
23/59 [39 %] ; p = 0,849), même après avoir éliminé les
perdus de vue (21/57 [36,8 %] vs 23/55 [41,8 %] ;
p = 0,730), et le nombre de décès liés à un cancer
n’est pas significativement différent entre les deux
groupes (6/21 vs 5/23 ; p = 0,85).
Également, dans la population âgée de moins de
75 ans, les taux de mortalité ne sont statistiquement
pas différents dans les deux groupes B et D (8/59
Tableau 1. Comparaison entre les patients porteurs d’une TVP* et leurs témoins, en fonction de l’âge.
Table 1. Comparison between patients with deep venous thrombosis and their group control according to age.
Patients ≥ 75 ans
Groupe de patients
Nombre de patients
Âge, moyenne (ans)
Sexe (F/H)
Nombre de perdus de vue
Cancers connus lors de l'hospitalisation
Cancers découverts au cours de l'hospitalisation
Cancers diagnostiqués pendant la période de suivi
Nombre total de cancers
Nombre total de décès
Nombre de décès liés au cancer
TVP
A
59
82,5 ± 4,9
40/19
2
10
6
3
19
21
6
Témoins
C
59
82,6 ± 4,6
40/19
4
7
3
3
13
23
5
Patients < 75 ans
TVP
B
59
55,9 ± 15
36/23
4
10
5
2
17
8
6
Témoins
D
59
55,7 ± 15,9
36/23
4
4
0
2
6
5
1
* TVP = Thrombose veineuse profonde.
Ann Gérontol, vol. 2, n° 1, janvier 2009
47
[13,5 %] vs 5/59 [8,5 %] ; p = 0,557), même après avoir
éliminé les perdus de vue (8/55 [14,5 %] vs 5/55 [9,1 %] ;
p = 0,555), tout comme le nombre de décès liés à un
cancer (6/8 vs 1/5 ; p = 0,103).
année. À 5 ans, la survie globale des patients de
moins de 75 ans n’est pas statistiquement différente
dans les 2 groupes (log-rank = 0,61).
La figure 1 présente la comparaison des courbes de
survie de la cohorte de l’étude et celle de la population
générale sur toute la période de suivi. Le taux de survie
des patients ayant une TVP ne diffère pas significativement par rapport aux témoins (Chi2 = 0,137) ; néanmoins, leur taux de survie est moins élevé par rapport
à celui de la population générale (Chi2 = 32,57, degré
de liberté = 2 ; p < 0,01).
Discussion
Les courbes de survie des patients âgés de 75 ans
et plus, avec ou sans TVP, ne sont pas statistiquement
différentes (log-rank = 0,163). En revanche, les patients
âgés de moins de 75 ans, et chez qui un cancer a été
découvert lors du diagnostic d’une TVP, décèdent plus
fréquemment que les témoins du même âge (57 % vs
8 % ; p = 0,0006) au cours des 12 premiers mois, mais
la différence s’estompe dès la fin de la troisième
Le cancer, facteur de risque de MTE
Bien que le mécanisme exact ne soit pas entièrement dévoilé, le cancer est un facteur de risque de
MTE. La prévalence des patients ayant un cancer
connu lors d’une TVP, rapportée dans la littérature,
varie entre 10 et 20 % [22], ce qui correspond bien à
celle de notre étude (18,5 %). Après avoir exclu les
patients perdus de vue, 4,9 % des patients ayant une
TVP ont présenté un cancer ultérieur, ce qui est comparable aux résultats d’autres études [22] (3,2-13,3 %).
Cependant, la prévalence de cancers concomitants à
la TVP est plus élevée (10,2 %) dans notre étude, par
rapport à la littérature (1,6-7,1 %) [22]. Cet écart au
niveau de la prévalence peut être en lien avec des
1
0,95
0,90
Taux de survie
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A. Ghali, et al.
0,85
0,80
0,75
Population générale
0,70
Patients avec TVP ≥ 75 ans
Contrôles ≥ 75 ans
0,65
Patients avec TVP < 75 ans
Contrôles < 75 ans
0,60
0
10
20
30
40
50
60
70
Temps (mois)
Figure 1. Les courbes de survie des différents groupes de patients inclus dans l’étude et de la population générale.
Figure 1. Survival curves for studied different groups and the general population.
48
Ann Gérontol, vol. 2, n° 1, janvier 2009
Diagnostic d’un cancer lors d’une thrombose veineuse profonde
différences entre les caractéristiques des populations
étudiées comme le nombre de patients inclus et leur
moyenne d’âge. De plus, il peut également être dû au
type de TVP, si elle est idiopathique ou secondaire,
puisque la prévalence de cancer concomitant chez les
patients ayant une TVP idiopathique rapportée dans
ces études est plus élevée (3,3 à 12,9 %) [22].
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Relation entre âge de survenue d’une MTE
et cancer
La relation entre l’âge de survenue de MTE et le
diagnostic ultérieur d’un cancer demeure contradictoire. Notre étude ne montre pas de différence d’incidence de cancer après un événement thrombotique
entre les sujets âgés de moins de 75 ans et ceux de
75 ans et plus, ce qui n’est pas en concordance avec
d’autres travaux [5-10].
– Dans l’étude de Baron et al. [7], l’incidence d’un
cancer au cours de la première année suivant le diagnostic de TVP est statistiquement moins élevée chez
les patients de plus de 65 ans par rapport aux sujets
de moins de 65 ans. Cependant, cette différence disparaît au cours de la deuxième année du suivi.
– Sorensen et al. [8] observent un risque de cancer
moins élevé chez les patients de plus de 60 ans par
rapport aux plus jeunes, surtout au cours des
6 premiers mois après le diagnostic de TVP. Ce risque
a diminué ensuite pour devenir égal à celui de la population générale au bout de 12 mois.
– Goldberg et al. [5] trouvent une incidence élevée
de néoplasie au cours des deux premières années
suivant le diagnostic de TVP, et plus particulièrement
chez les patients de moins de 50 ans.
Mortalité
Les données concernant le pronostic, en termes de
mortalité, des patients ayant un cancer révélé par une
TVP sont très limités [11, 18]. Dans leur analyse de plus
de 34 000 patients porteurs d’un cancer, Sorensen et al.
[11] trouvent que les patients ayant un cancer diagnostiqué lors d’une MTE, ou dans l’année qui suit, ont un
mauvais pronostic et un taux élevé de mortalité par
rapport à ceux n’ayant pas présenté d’épisode
thrombo-embolique. Dans cette analyse, l’âge moyen
des patients se situe entre 69 et 72 ans.
À notre connaissance, aucune étude n’a évalué le
pronostic d’un cancer associé à une TVP chez les
patients de grand âge. Dans notre étude, la découverte
d’un cancer concomitant ou ultérieurement à un
épisode thrombotique n’a pas eu d’impact, non seulement sur la mortalité globale et le taux de décès lié au
Ann Gérontol, vol. 2, n° 1, janvier 2009
cancer chez les patients âgés de 75 ans ou plus, mais
également, elle n’a pas modifié le pronostic vital à
moyen terme chez ces patients. En revanche, l’association d’un cancer à une TVP chez les sujets âgés de
moins de 75 ans est marquée par un décès précoce
par rapport au groupe témoin au cours de la première
année suivant le diagnostic de TVP, ce qui est en
concordance avec les résultats d’autres études [5-7].
Dépistage systématique
Ces résultats remettent en question la recherche
systématique approfondie d’un cancer lors du diagnostic d’une MVT. Plusieurs études [16, 18, 25-27]
montrent que le dépistage systématique d’un cancer
occulte en cas de diagnostic d’une MVT n’a pas d’avantages en termes de survie globale ou d’amélioration du
pronostic, même en cas de recherche exhaustive [28].
C’est pourquoi plusieurs auteurs [29, 30] s’accordent
pour dire qu’en l’absence d’un tel avantage, seuls les
examens, dits de routine, à la recherche d’un cancer
occulte, sont recommandés en cas de diagnostic
d’une MVT.
Limites de l’étude
Notre étude présente des points forts, mais également des limitations. Tous les patients, ainsi que les
témoins, ont été consécutivement inclus dans l’étude
et recrutés dans un service de médecine interne gériatrique accueillant des patients ayant un profil se
rapprochant de celui de la population générale. Tous
ont bénéficié d’une recherche de cancer occulte, dite
de routine, recommandée par plusieurs auteurs [1318, 29, 30]. Cette recherche représente, sur le plan
pratique, un gain de temps sensible et une économie
considérable en matière de dépenses de santé.
La durée de suivi, ainsi que le faible nombre de
perdus de vue sont deux autres points forts de cette
étude. En revanche, l’étude a été limitée par le fait
que le caractère de la TVP n’a pas été pris en compte
(idiopathique ou secondaire, récidivante ou non, uniou bilatérale) et que le type, le stade, la localisation et
l’étendue du cancer n’ont pas été considérés.
Conclusion
Chez les sujets âgés de 75 ans ou plus, l’association
de la néoplasie à la TVP ne modifie pas leur pronostic
vital à moyen terme et que la découverte d’un cancer
révélé par un épisode thrombotique n’a pas d’impact
sur la mortalité globale ni sur le taux de décès lié au
cancer. Ainsi, le dépistage systématique d’un cancer
49
A. Ghali, et al.
chez ces patients en absence d’orientations cliniques
n’est pas justifié, surtout s’il est exhaustif. En revanche,
chez les sujets plus jeunes, une recherche attentive
d’un cancer occulte à l’occasion d’une TVP, complétée
éventuellement par des examens plus approfondis,
pourrait avoir un bénéfice en termes de pronostic
vital et de taux de mortalité. D’autres études concernant la population âgée et comportant un plus grand
nombre de patients sont donc nécessaires pour
confirmer les résultats de cette étude.
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Ann Gérontol, vol. 2, n° 1, janvier 2009
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