Interview de Hugo Stern, 18 Août 2004

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Une interview avec Hugo Stern,
18 Août 2004.
Ou es-tu né ?
A Fribourg ; mais je viens des Arbognes, sur la
commune de Montmagny.
Dans ta famille, il y a eu beaucoup de
musiciens ?
Oui, je dirais surtout depuis mon grand-père,
qui avec ses frères avait fondé un orchestre. Ils
jouaient des trios de Schubert et des œuvres
plus populaires pour animer des bals.
Trompettiste, contrebassiste, mon grand-père
était un contemporain de Bernard Chenaux.
Mon oncle, mon père et ma sœur jouaient
également, sans oublier mon cousin facteur de
pianos – oui, on peut effectivement parler d’une
famille de musiciens.
Tu as fait des études de musique – c’était une
passion dès le départ ?
Oui. J’ai commencé par la trompette et le
solfège, pour jouer à la fanfare de Montagny ;
puis j’ai approfondi les aspects théoriques et
enfin la direction instrumentale, puis chorale et
orchestrale. J’ai aussi suivi des cours de chant
et d’acoustique.
Venant du milieu de la fanfare, je n’ai
découvert le chant qu’à l’âge de 15 ans, à
l’école normale de Fribourg, ou on a beaucoup
chanté et on chante encore beaucoup. Ces
années ont très marquantes, notamment avec
Roger Karth, qui était un maître de chapelle
très imposant et cultivé. Il nous a transmis sa
passion. Il y a eu aussi Eric Conus, récemment
disparu, qui nous a marqué par son charisme,
son énergie, sa capacité à travailler des pièces
efficacement. Cette école normale a été pour
moi comme pour beaucoup d’autres musiciens
fribourgeois une révélation. Elle nous a
encouragés à aller plus loin.
Ses profs étaient de très bon pédagogues et
musiciens, à l’instar de l’Abbé Bovet, de
l’Abbé Kaelin, de Bernard Chenaux.
Tu écris aussi de la musique – qu’est-ce qui te
motive, t’inspire ?
Ma motivation première est l’espoir d’être
chanté. Créer demande beaucoup d’énergie, de
temps, de patience – cela ne vient pas quand on
veut. Il me faut beaucoup de temps. C’est une
activité passionnante, très subjective, une
recherche d’harmonie, de concrétisation d’idées
– avec ses moments creux et d’autres plus
exaltants.
Cela dit, même si j’ai énormément de plaisir à
écrire, je ne voudrais pas que cela devienne
mon activité principale. C’est très très difficile
de vivre de ça, et il faut vraiment le temps pour
le faire bien.
Je préfère écrire de la musique vocale. J’ai une
ou deux pièces instrumentales qui on pas trop
mal marché, mais le chant est plus accessible,
plus direct, il m’est plus facile d’imaginer le
résultat final.
Et d’entendre tes propres créations, ça donne
quoi ?
Souvent, je les ai dirigées moi-même. Mais si
c’était à refaire, je préférerais être dans le
public. Ce serait plus intéressant. Je trouve que
les partitions les plus difficiles à diriger, ce sont
celles qu’on a écrites soi-même. On est plus
facilement distrait, je ne me sens pas efficace à
diriger mes propres oeuvres. Je l’ai aussi
entendu d’autres compositeurs – on est pas
forcément les meilleurs défenseurs de ses
propres œuvres. On a le plaisir de les travailler
– et c’est une étape presque nécessaire. Ce qui
donne la joie de les redécouvrir – on est parfois
surpris, mais c’est une bonne manière de
progresser.
Si tu écris, c’est parce-que tu as étudié la
musique, ou c’est sans rapport ?
Je ne crois pas qu’il y ait de rapport direct. J’ai
beaucoup travaillé avec Henri Baeriswyl, qui
est autant un ami qu’un maître, remarquable et
éclairé. Il a commencé comme autodidacte,
avant de faire les études nécessaires. Pour
certaines personnes, le fait de trop étudier a un
effet étouffant, elles n’osent finalement plus
écrire une note. Les règles se sont basées sur
l’écriture de génies, comme Monteverdi ou
Bach, et pas l’inverse.
Qu’est-ce que tu as envie de transmettre avec
la musique ?
Les œuvres qu’on interprète, notamment avec
Chorège, se rattachent presque toutes à la foi
chrétienne. La musique est pour moi le meilleur
moyen de communiquer cette foi aux chanteurs
et au public.
Elle est au service du texte mais parfois elle va
bien plus loin en transmettant l’indiscible.
L’autre côté qui est très important pour moi,
c’est tout le côté humain ; quand on dirige, il y
a des moments de communion privilégiés avec
le chœur, une symbiose entre chef et chanteurs
ne faisant qu’un avec l’œuvre qu’on interprète.
Ces moments sont les plus importants. Ca vaut
la peine de travailler pour eux. Et c’est souvent
indépendant de la qualité technique du chef ou
de l’ensemble. Quand l’émotion passe, c’est
magique.
Donc pour toi l’émotion passe avant la
technique ?
Ah oui, sans discuter ; pour moi c’est une
évidence. La musique est un langage, un
message. On peut par exemple déclamer un
texte de Ramuz à la perfection mais sans
émotion, à des lieues du message de fond ; ou
alors avec une émotion palpable, et c’est elle
qui passera au premier plan. Je pense que parmi
les arts, la musique est celui ou l’émotion est la
plus perceptible. Elle touche plus vite, plus
profondément la personne.
Tu penses continuer dans la direction de
chœurs, de fanfares, sur d’autres lignes ?
Pour ce qui est des fanfares, j’y suis maintenant
beaucoup moins actif. J’enseigne encore aux
futurs directeurs de musique. Ca me tient à
cœur, car c’est un public motivé, qui en veut,
passionné. Avec quelques expertises lors de
concours, c’est le seul lien que j’ai encore avec
la musique instrumentale.
Ce qui me plaît dans la musique chorale, c’est
qu’avec un minimum de technique vocale, on
arrive à des choses fantastiques – ce qui est
beaucoup plus difficile avec les instrumentistes.
Dans la musique vocale, le chef a plus de
marge de manœuvre, même si les chanteurs
n’ont pas une grande expérience. Il y a moins
d’intermédiaires, tout simplement.
Si on regarde plutôt vers l’avenir, quels sont
les sujets que tu aurais envie de développer sur
les deux prochaines années, par exemple ?
De par mon métier de conseiller pédagogique
en éducation musicale, j’ai plusieurs choses sur
le feu, qui tiennent autant de la pédagogie que
de la musique. L’enseignement de la musique
dans les écoles obligatoires pose des questions
sur son évaluation – peut-on noter cette
matière? J’y travaille actuellement.
Le nom des notes, le rythme, la vie des
compositeurs sont faciles à évaluer, mais ce
n’est pas l’essentiel. J’aimerais contribuer à la
consolidation du statut de l’éducation musicale
dans les écoles. Pour cela je cherche à
développer des outils pour que les aspects
culturels et émotionnels soient davantage pris
en compte. Des études qui ont été faites dans ce
sens au Québec et en France.
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