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Émotion et science politique
4 février 2006 · Science politique
Le blog du chercheur Thierry Vedel (CEVIPOF) fourmille de notes intéressantes. Celle sur
les blogueurs comme leaders d’opinion, selon la définition de Lazarsfeld et Katz, est
particulièrement pertinente.
Une note récente sur le rôle moteur des émotions dans la prise de décision mérite, à mon avis,
d’être complétée par un versant un peu plus politique. Le chercheur français de référence sur
l’émotion en politique est inévitablement Philippe Braud, qui a publié un ouvrage portant
directement sur le sujet. Le point de départ de son travail est donné en quatrième de
couverture : depuis Durkheim, la force de l’anti-psychologisme en sciences sociales s’est
rarement démentie. Les raisons de cette attitude ne sont pas toutes d’ordre scientifique, loin
s’en faut. Les chercheurs ont aussi leurs mécanismes de défense quand il s’agit de préserver
des certitudes péniblement acquises. Cette attitude entretient cependant beaucoup d’ignorance
sur la puissance au quotidien des émotions politiques, des plus ordinaires aux plus
meurtrières.
Autrement dit, les aspects psycho-affectifs des comportements collectifs est un impensé de la
science politique, et des sciences sociales en général. Ce problème prend une ampleur toute
particulière lorsque l’on étudie des phénomènes impliquant des foules. L’étude des émotions
prend donc tout son sens appliquée à la manifestation, ce que Nicolas Mariot a clairement fait
ressortir dans son article Les formes élémentaires de l’effervescence collective, ou l’état
d’esprit prêté aux foules (Revue française de science politique, 51 (5), 2001, p. 707–738,
consultable sur Persée).
Ce blocage entre émotion et science politique remonte assez loin dans les origines de la
discipline. Selon Philippe Braud, il s’explique par la déshérence des ouvrages qui se
proposaient d’expliquer le comportement des foules il y a près d’un siècle, à partir de
propositions évolutionnistes construisant une équivalence entre le comportement de la foule et
celui de la femme, considérée comme un intellect inférieur et limité. Le plus emblématique de
ces textes est peut-être celui de Gustave Le Bon, qui écrit :