Uniformisation de l`espace des feuilles de certains feuilletages de

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Bull Braz Math Soc, New Series 44(3), 351-391
© 2013, Sociedade Brasileira de Matemática
Uniformisation de l’espace des feuilles de
certains feuilletages de codimension un
Frédéric Touzet
Résumé. Dans cet article, nous étudions, sur des variétés Kähler compactes, les feuil-
letages holomorphes (éventuellement singuliers) dont le fibré conormal est pseudo-
effectif. En utilisant la notion de courant à singularités minimales, nous montrons que
l’on peut munir canoniquement l’espace des feuilles d’une métrique à courbure cons-
tante négative ou nulle dont les éventuelles dégénerescences sont localisées le long d’une
hypersurface invariante “rigidement plongée” dans la variété.
Mots-clés: feuilletages holomorphes, fibré en droite pseudo-effectif.
Abstract. This paper deals with codimension one (may be singular) foliations on com-
pact Kälher manifolds whose conormal bundle is assumed to be pseudo-effective. Using
currents with minimal singularities, we show that one can endow the space of leaves
with a metric of constant non positive curvature wich may degenerate on a “rigidly”
embedded invariant hypersurface.
Keywords: holomorphic foliations, pseudo-effective line bundle.
Mathematical subject classification: 37F75.
1 Introduction
1.1 Un critère d’intégrabilité
Soit Mune variété kählerienne compacte (toujours supposée connexe dans
la suite).
Une distribution holomorphe de codimension 1 (éventuellement singulière),
notée F, sur Mcorrespond à la donnée d’une section ωholomorphe non triviale
de 1(M)LLest un fibré en droites holomorphe. D’un point de vue
dual, on peut également définir un tel objet par un sous faisceau cohérent saturé
Received 9 December 2011.
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TFde T M (i.e.: T M/TFest sans torsion) de rang n1 (n=DimCM) qui
est en l’occurence le sous faisceau annulateur de ω. Ce sous faisceau TFest
communément appelé faisceau tangent de F.
Le théorème suivant, dû à Jean-Pierre Demailly précise les hypothèses “mini-
males” de positivité que l’on peut faire sur le fibré L(plus exactement sur son
dual) pour que cette distribution définisse un feuilletage holomorphe de codi-
mension 1.
Théorème 1.1. [10]Soit Mune variété compacte Kähler et ωune section
holomorphe non triviale de 1(L)Lest un fibré en droite dont le dual Lest
pseudo-effectif.
Alors la forme ωest intégrable, i.e.: ωdω=0.
Rappelons à cet effet quelques définitons.
Définition 1.2. La classe de cohomologie αH1,1(M,R)est dite pseudo-
effective si αpeut être représentée par un courant positif fermé de bidegré
(1,1).
On dira alors qu’un fibré en droites holomorphe Lest pseudo-effectif si c1(L)
est pseudo-effective ou, de façon équivalente, si l’on peut implanter sur Lune
métrique h(x, v) = |v|2e2ϕ(x)où le poids local ϕest une fonction plurisous-
harmonique (psh pour faire bref).
Le courant Test alors égal à la forme de courbure d’une telle métrique
(éventuellement singulière) suivant la formule:
T=i
2πlog h=i
πϕ. (1)
Dans l’énoncé du Théorème 1.1, on retrouve un résultat classique lorsque
L=O(D)Dest un diviseur effectif:
Théorème 1.3. Toute forme holomorphe sur une variété kälherienne compacte
est fermée (donc en particulier intégrable).
Dans ce qui suit, on se propose de préciser la structure des distributions (a
posteriori intégrables) vérifiant les hypothèses du théorème de Demailly. Soit
ωH0(M, 1(M)L)\ {0}représentant une telle distribution. Puisque la
somme d’une classe effective et d’une classe pseudo-effective reste pseudo-
effective, on peut toujours se ramener au cas où ωest régulière en codimension
1, i.e.: son lieu d’annulation est un sous-ensemble analytique de codimension
2 qui coïncide alors avec le lieu singulier Sing Fde la distribution. Le fibré
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Lreprésente alors le fibré normal NFde la distribution et, par hypothèse, son
dual, le fibré conormal N
F, est pseudo-effectif.
Dans la suite il sera également commode de regarder alternativement N
F
comme le sous faisceau inversible de 1(M)dont les générateurs locaux sont
des formes s’annulant en restriction à la distribution et dont le lieu singulier est
de codimension au moins 2.
1.2 Remarques et exemples
Les exemples les plus basiques sont donnés par les feuilletages définis par des
formes holomorphes.
D’autres exemples, plus intéressants mais bien connus par ailleurs peuvent
être construit de la façon suivante:
Soit G=PSL(2,R)et 1le disque unité. Soit 0Aut(1)2=G2un réseau
irréductible cocompact sans torsion. Par le théorème de densité de Borel, la
projection de 0sur chaque facteur est d’image dense et les feuilletages horizon-
tal et vertical sur 12descendent donc sur le quotient en des feuilletages mini-
maux dont le fibré conormal est par construction pseudo-effectif; ce procédé
peut s’étendre en toute dimension et on peut aussi considérer des analogues
singuliers (feuilletages modulaires de Hilbert dont l’étude est notamment abor-
dée dans [19]). Stricto sensu, ce n’est pas le fibré conormal mais plutôt le fibré
conormal logarithmique qui est pseudo-effectif dans ces cas. Il serait d’ailleurs
intéressant d’élargir nos résultats au cadre logarithmique.
Notons que la propriété de pseudo-effectivité de N
Fpersiste par pull-back
sous des opérations telles qu’éclatements et revêtements (ramifiés ou non)
et plus généralement par n’importe quel morphisme non dégénéré (i.e. dont
l’image n’est pas contenue dans une feuille). A titre d’exemple basique, on peut
considérer un feuilletage linéaire défini par une forme holomorphe sur un tore
Tde dimension 2. Effectuons un premier éclatement π0en un point p0T
et soit E0le diviseur exceptionnel. Le feuilletage pull-back est défini par la
forme ω0=π0ωqui s’annule en exactement un point p1de E0et le modèle
local de la singularité correspondante du feuilletage est du type xdy +ydx.
En éclatant p1, on obtient un second diviseur exceptionnel E1. C’est une courbe
rationnelle d’auto-intersection 1 invariante le long de laquelle π1ω0s’annule
avec multiplicité égale à 1. En d’autres termes, le fibré conormal du feuilletage
ainsi obtenu est égal à O(E1)et est donc réduit à sa partie négative dans sa
décomposition de Zariski.
On peut aussi remarquer qu’il est possible d’obtenir des feuilletages à fibré
conormal pseudo-effectif avec un lieu singulier non trivial et sans hypersurface
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invariante. Par exemple, il suffit de prendre un revêtement ramifié de 12/ 0 le
long d’une hypersurface lisse admettant des points de tangence avec le feuilletage
minimal et régulier décrit ci-avant et de considérer le feuilletage pull-back.
L’auteur avoue ne pas connaître d’exemples substantiellement différents de
ceux précités et il n’est sans doute pas déraisonnable, ne serait ce que dans le
cas lisse, de donner un classification précise des feuilletages à fibré conormal
pseudo-effectif, ce à quoi le présent article ne vise malheureusement pas.
1.3 Rappels et notations
Si Test un (1,1)courant positif fermé, on désignera par {T}sa classe de co-
homologie dans H1,1(M,R).
Soit d=PDDiv(M)λDDun élément de Div(M)Rauquel on peut
associer le courant d’intégration Td=PDRλD[D].
On posera alors {d} := {Td}et [d] := Td.
Donnons une formulation plus précise du Théorème 1.1.
Soit Tun courant positif dont la classe de cohomologie {T}dans le groupe
de Néron-Séveri réel est égale à c1(N
F).
On peut alors trouver (voir Définition 1.2) un recouvrement Ude Mpar des
ouverts trivialisants pour N
F, une métrique hsur N
F, telle que pour un choix
de générateurs locaux ωUau dessus de UU, on ait
h(x, ωU)=e2ϕU(x)
ϕUest un potentiel local psh de T, i.e.: T=i
πϕU.
Sur deux ouverts de Ud’intersection non vide, on a ωV=gU V ωUoù le
cocycle multiplicatif {gU V }représente NF. Les conditions de recollement de la
métrique imposent donc e2ϕV(x)= |gU V |2e2ϕU(x)sur UV. On obtient par
conséquent que e2ϕUωUωU=e2ϕVωVωV.
On a ainsi exhibé une (1,1)forme positive globalement définie
ηT=i
πe2ϕωω(2)
à coefficients L
loc où la 1 forme holomorphe ωest un générateur local de N
F
et ϕun potentiel local psh de T.
Remarque 1.4. En dehors de Sing F,ηTpeut s’interprèter comme la forme
volume d’une métrique hermitienne définie sur NFet dont la forme de courbure
est T.
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Remarque 1.5. Il est facile de constater que ηTest bien définie à multiplication
près par un réel positif; en effet, supposons qu’il existe une (1,1)forme globale
η0sur Mqui s’écrive localement comme i
πe2ψω0ω0ω0est un générateur de
N
Fet ψun potentiel psh de T. On peut donc écrire (localement) que ω0=h1ω
et ψ=log(|h2|)+ϕh1,h2sont holomorphes inversibles.
Par suite, η0=eHηTH:MRs’écrit localement 2(log |h1| + log |h2|).
En particulier Hest pluriharmonique et donc constante par compacité.
L’intégrabilité de Frésulte alors immédiatement de l’égalité suivante, éta-
blie dans [10]:
dω= −ϕ ω(3)
et qui entraîne le
Lemme 1.6.
dηT=0(au sens des courants) (4)
et
Tω=0 (5)
dont nous ferons usage par la suite.
Pour fixer les idées, précisons comment on peut établir la relation (3) en
admettant l’intégrabilité de Fpour laquelle on renvoie le lecteur à [10] ou
encore [7].
Soit θune forme de Kähler sur M. Considérons le courant = −T
θn2)nest la dimension complexe de M. Au voisinage d’un point non situé
dans l’ensemble singulier Sing Fdu feuilletage, on peut écrire en coordonnées
holomorphes locales ω=f dz fest holomorphe inversible. Sur U=M\
Sing F, on obtient donc que
= −e2ϕ+2 log |f|dz dz θn2
est positif (l’exponentielle d’une fonction psh est psh). Par ailleurs, iηTθn2
est un courant positif à coefficients localement bornés; il est donc dominé par
cθn1pour c>0 assez grand. En utilisant alors le principal résultat de [1] et
le fait que Sing Fest de codimension au moins deux, on conclut que est une
mesure positive sur Mtout entier et que finalement =0 par exactitude.
On peut donc en déduire qu’au voisinage d’un point régulier, e2ϕ+2 log |f|est
pluriharmonique dans les feuilles et finalement constante car l’exponentielle
d’une fonction psh est pluriharmonique si et seulement si cette fonction est
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