L`éducation des patients à la gestion de leur médication

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PATIENT CARE
L’éducation des patients
à la gestion de leur médication
Le service de réadaptation du CHU Brugmann Reine Astrid s’est lancé depuis
2013 dans un ambitieux programme d’éducation des patients à la gestion
de leur médication. Quatre unités de soins sont concernées par le projet qui
­entend allier développement de l’autonomie des patients et sécurité. Dans
cette optique, un protocole précis a été développé, protocole qui pourrait
s’appliquer d’ici peu à d’autres unités et services.
Valérie Kokoszka
S
HE0959F
i l’empowerment des patients
constitue l’une des finalités essentielles du projet, il s’agissait
aussi, en l’initiant, d’apporter une
réponse concrète aux difficultés
suscitées par une mauvaise compréhension ou un mauvais suivi des
prescriptions à la sortie. Et plus précisément de répondre aux constats
qui remontaient du terrain, tels que
les nombreux appels de patients,
à peine sortis de l’hôpital, pour se
voir repréciser leur médication, les
réhospitalisations consécutives à un
suivi «fantaisiste» des prescriptions (1
hospitalisation sur 10), un manque
de suivi de la prescription médicamenteuse oscillant entre 30 et 60% et
un nombre élevé de patients (15%)
qui ne vont même pas chercher les
médicaments prescrits.
tenariats externes avec le médecin
généraliste et les soins à domicile.
Un processus étagé pour
garantir l’autonomie…
et la sécurité!
Concrètement, un processus séquencé a été mis en place, destiné à
assurer l’éducation des patients à la
gestion de la médication tout en garantissant la sécurité du suivi médicamenteux. La première étape débute
par un screening à l’admission dont
le but est de sélectionner les patients
«éducables». Via l’anamnèse médicamenteuse réalisée avec le patient ou
ses proches, les connaissances et le
suivi des prescriptions sont évalués.
Tous les patients ne sont néanmoins
pas concernés par le projet, qui s’assortit de critères d’exclusion tels que
la fin de vie, le séjour en MR/MRS ou
encore les troubles cognitifs sévères.
La deuxième étape est franchie avec
la décision de la date de sortie lors
du tour médical. Dans ces unités, les
durées de séjour sont habituellement
longues (± 58 jours), le temps peut
donc être mis à profit pour le plan
d’éducation qui s’accompagnera si
nécessaire d’un second screening (3e
étape). Ce deuxième screening est
composé de tests praxiques – MMSE
(Mini Mental State Examination)
et MOCA (Montreal Cognitive As-
Devant ce panorama, l’idée a germé
de faire du patient un véritable acteur de son traitement via la connaissance de ses médicaments (indications, posologie), et l’apprentissage
d’une gestion autonome ou accompagnée de sa médication, à la sortie.
Pour mettre en œuvre ce projet, des
partenariats internes ont été noués
avec les patients et leurs proches,
les équipes hospitalières multidisciplinaires, la coordinatrice et les référents éducation, ainsi que des par-
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■ HEALTHCARE EXECUTIVE - N°87
Figure 1: L
e processus d’éducation à la médication
mis au point au CHU Brugmann, Site Reine Astrid.
Processus mis en place
Anamnèse
médicamenteuse
1er screening
mise en sécurité
médicements
perso
Plan d’éducation
Tour MD
+ 2e screening
Si nécessaire
Décision de
date de sortie
HT
Conclusions
de l’éducation
et préparation
de la sortie
Description du Qui fait quoi…
sessment). Enfin, lors de la dernière
étape, l’équipe tire les conclusions
du plan d’éducation et prépare la
sortie effective du patient.
En pratique, le plan d’éducation
conduit par l’infirmière avec le patient et/ou ses proches s’appuie sur
une grille des compétences attendues qui structure l’apprentissage.
L’infirmière explique les étapes
et les outils au patient, supervise
ce qu’il fait, fait connaître les médicaments, remplit chaque jour le
document d’éducation et fait appel
à un ergothérapeute. Sous la supervision de l’infirmière, le patient suit
la feuille de traitement, prépare ses
médicaments et les range dans le pilulier quotidien, prend ses médicaments aux heures prévues et connaît
les indications de ses médicaments.
Quant au médecin, il adapte le traitement en vue de la sortie.
Le parcours d’éducation, qui dure
en général 8 jours, comprend de
nombreux points d’attention pour le
patient comme la compréhension et
l’acceptation de la maladie, le choix
libre et conscient du traitement, le
pilulier, l’implication de la famille
et l’évaluation de l’efficacité. Mais il
HEALTHCARE EXECUTIVE - N°87
comporte aussi des points d’attention au niveau du traitement, afin
d’éviter tout ce qui peut nuire à l’observance. Les prestataires s’efforcent
ainsi de simplifier le traitement via
les monoprises ou la suppression
des doublons et de respecter les
préférences des patients en termes
de forme galénique, de tolérance
mais aussi de prix/remboursement
(Figure 1).
Quelques résultats
chiffrés
Entre juin 2014 et fin 2015, sur les
627 patients admis, 377 ont été jugés «éducables» à l’issue du premier
screening, soit 60%. Au terme du
plan d’éducation, 271 patients, soit
72%, géraient leur médication de
manière autonome. Un découpage
plus fin, réalisé sur un échantillon de
38 patients, a montré que 92% prenaient correctement leurs médicaments, 97% les prenaient au moment
correct et 87% en connaissaient le
dosage. Le seul résultat améliorable
du plan d’éducation réside dans la
connaissance de l’indication des médicaments, qui plafonnait à 71%.
En revanche, l’enquête menée auprès de 31 médecins généralistes a
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révélé des lacunes puisqu’un quart
d’entre eux disait ne pas voir reçu
de rapport de sortie et près des 3/4
(23/31) affirmaient ne pas être au
courant du programme d’éducation.
Plusieurs actions ont été prévues
pour pallier ces problèmes, telles
que la vérification des coordonnées
du médecin généraliste durant l’hospitalisation, la révision de la structure du rapport de sortie afin de
mettre en évidence le document de
conclusion et des séances de sensibilisation via les GLEMS, l’info news
et l’intranet.
Le succès de ce projet d’autonomisation des patients, tant auprès des
patients eux-mêmes que du personnel qui se fédère autour de lui
et voit son rôle valorisé, devrait lui
valoir son extension prochaine dans
d’autres services. n
Note
Source: «L’éducation des patients à la gestion
de leurs médicaments – Entre autonomie et
sécurité», exposé de Véronique Hélin, Lutgard
Vandenbosch et Agnieszka Gierasimowicz,
lors du symposium «Patient partenaire, une
plus-value pour votre hôpital», organisé par le
SPF Santé publique le 24/02/16
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