38 | La Lettre du Gynécologue • n° 348-349 - janvier-février 2010
Le poids et la gynécologie
DOSSIER
qu’il s’agisse de la mise en place d’un exercice physique
régulier ou de thérapeutiques telles que la metformine.
En fait, toutes les dispositions cherchant à réduire
l’insulinorésistance, et par là même l’hyperinsulinisme,
apportent incontestablement des résultats bénéfiques
sur la mécanique ovulatoire et tout ce qui en découle,
en particulier la régularité des cycles et la restauration
de la fertilité. Les chances de succès des diverses théra-
peutiques sont toutefois meilleurs chez les femmes dont
l’IMC est inférieur à 30 comparativement à celles dont
l’IMC est supérieur à 35 (12).
Sous-poids et troubles du cycle
Le sous-poids se définit par un IMC inférieur à
18,5 kg/m2, mais plus que l’IMC, c’est, là encore, la
composition corporelle et plus précisément le pourcen-
tage de masse grasse, normalement compris entre 25 et
30 % de la masse corporelle chez la femme, qui permet
une approche objective de l’équilibre nutritionnel, et ainsi
de la balance énergétique. Un pourcentage normal de
masse grasse correspond, en dehors d’une pathologie
avérée, à un équilibre de la balance énergétique, et
témoigne d’une dépense énergétique correctement
contrebalancée par les apports nutritionnels.
Poids, masse grasse et déclenchement
pubertaire
En 1974, Frisch et Mac Arthur faisaient l’hypothèse
qu’une valeur seuil de masse grasse était nécessaire
au déclenchement pubertaire et rapportaient dans
leurs travaux la valeur de 17 % de masse grasse (14).
Ce seuil, considéré actuellement comme variable
pour chaque femme, est un élément, parmi d’autres
facteurs génétiques et neuro-endocriniens, du déclen-
chement pubertaire.
Un retard significatif de la puberté de 1 à 2 ans chez
des sportives de haut niveau dans les sports à début
prépubertaire impliquant une minceur (gymnas-
tique artistique, rythmique, patinage) est rapporté
par rapport à une population témoin sédentaire de
même âge (15, 16).
Sous-poids, masse grasse, oligo-
ménorrhée et aménorrhée secondaire
Le lien entre sous-poids – plus précisément masse
grasse insuffisante – et troubles du cycle a été étudié
dans deux tableaux cliniques bien différents : celui
de l’anorexie mentale, et celui des élites sportives
dans les sports d’endurance ou dans les sports dits
esthétiques (patinage, gymnastique rythmique). Les
troubles des conduites alimentaires, l’aménorrhée et
l’ostéoporose ont constitué la triade de la sportive
décrite en 1994 par Nattiv et al. (17).
Une perte de poids corporel de 10 à 15 % par rapport
au poids idéal en fonction de la taille suffit pour
induire des perturbations du cycle. L’aménorrhée
liée à un poids insuffisant concerne 1 à 5 % des
femmes (18).
Les perturbations du cycle correspondent schéma-
tiquement à trois étapes de chronologie successive
et de gravité croissante :
– insuffisance lutéale avec des cycles courts
(< 24 jours) ;
– oligoménorrhée-spanioménorrhée avec des cycles
longs (> 35 jours) ;
– aménorrhée qui peut être présente d’emblée si le
déficit énergétique est chronique, important, avec
une masse grasse très faible (cas des anorexies
sévères, sportives de haut niveau où le morpho-
type filiforme est recherché) ; – à chaque étape, une
anovulation peut être présente ou non.
Miller et al. (19) ont étudié 116 femmes souffrant
d’anorexie mentale, définie par le DSM IV ; 74 étaient
en aménorrhée et 42 en euménorrhée : les deux
groupes étaient semblables pour l’IMC, l’âge de
la puberté, l’ancienneté de l’anorexie et l’activité
physique, la seule différence significative étant le
pourcentage de masse grasse, qui était plus élevé
chez les euménorrhéiques en dépit d’un poids faible
semblable, avec une masse grasse viscérale plus
importante mesurée par le scanner Dexa.
Dans une étude contrôle concernant des élites
sportives norvégiennes (n = 669) versus une popu-
lation sédentaire de même âge (n = 607), Torsveit
et Sundgot-Borgen (16) retrouvent une fréquence
plus grande de troubles du cycle dans les sports où le
pourcentage de masse grasse est plus faible (endu-
rance et sports esthétiques, sports à catégories de
poids) par rapport aux autres sports (sports d’équipe,
sports techniques) et par rapport aux sédentaires.
Les troubles du cycle des sportives n’étaient pas
plus fréquents lorsque l’entraînement concernait le
quartile supérieur, ce qui suggère fortement que ce
n’est ni l’intensité, ni le volume d’entraînement, ni
le stress qui est responsable de la perturbation des
cycles mais une composition corporelle avec une
masse grasse et des apports énergétiques insuffisants
en regard de la dépense énergétique.
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