Vers un contrat de performance énergétique?
Premiers pas dans l'application du mécanisme de tiers-investisseur
Thibault Ceder - Mars 2007
Des nécessités financières [1], légales [2] et environnementales [3] tendent à rendre
aujourd'hui indispensable la maîtrise de la gestion énergétique des bâtiments. Le
financement d'une telle politique, notamment par la mise à disposition d'un capital de
départ conséquent, constitue souvent l'obstacle qui, en amont, entrave sa mise en œuvre.
Le mécanisme de tiers-investisseur semble aujourd’hui de plus en plus invoqué comme
la solution. Mais qu’en est-il véritablement? Application et implication sous le prisme
d'une législation incontournable: les marchés publics.
Le mécanisme de tiers-investisseur - souvent repris sous la dénomination plus générale
de "contrat de performance énergétique" ou de "partenariat énergétique public-privé"
[4] - bénéficie aujourd'hui d'un plébiscite sans précédent [5]. Comme soutien d'une
politique de maîtrise énergétique des bâtiments, ses avantages sont en effet manifestes.
Le tiers-investisseur prend en charge toutes les phases d'un programme d'investissement,
en finance les coûts et se rembourse sur les économies d'énergies générées par
l'aboutissement du projet. Il s'occupe dans ce cadre de l'étude de faisabilité, des plans, de
la fourniture de matériaux, de la main-d'œuvre, de la réalisation des travaux, de la mise
en service et des suivis des performances [6].
Cette approche intégrée permet aux communes de confier à une seule personne
l'ensemble de la gestion d’un projet en profitant d’une expertise éclairée et en s’assurant
un financement adapté sans dépense de capital propre. La maîtrise de la gestion
énergétique permet en outre aux collectivités locales de s’assurer de voir leur budget
d’exploitation diminuer en proportion des économies d’énergies réalisées [7] (cf.
schéma). Concrètement, l’entreprise contractante finance les investissements et se
rembourse par les futures économies réalisées sur les coûts énergétiques [8], la
municipalité continue pour sa part à régler les factures énergétiques sans dépense
supplémentaire. Au terme du contrat (généralement après 5 à 15 ans) [9], la commune
devient seule bénéficiaire des économies réalisées [10].
Dans son principe, ce mécanisme permet un transfert intégral de responsabilité sur la
gestion du projet qui n’est pas sans conséquences sur la qualité et la fiabilité du service
rendu. Sans se voiler la face, l’intérêt premier de l’investisseur est de récupérer au mieux
et au plus vite le financement avancé. Or, le profit est directement fonction du niveau
d’économie d’énergie réalisé. Cet objectif va donc nécessairement inciter le
tiers-investisseur à opter pour le système énergétique le plus efficient possible, tant sur
son fonctionnement que sur sa maintenance. D’un objectif commun, l’économie
d’énergie, initié par le pouvoir public, va naître une obligation de résultat pour
l’investisseur privé.
A la protection environnementale se greffe donc une obligation de résultat d’économie
substantielle sans financement préalable.
L'application de ce mécanisme ne se limite pas nécessairement à l'amélioration
structurelle de la maîtrise énergétique des bâtiments, objet central de cette contribution.
Le remplacement du parc de véhicules communaux ou la mise en œuvre de système de
production d'énergie (cogénération, biométhanisation, etc.), constituent, par exemple, des
domaines où les économies d'énergie peuvent s'avérer suffisantes pour intéresser un
tiers-investisseur.
Cet arbre – luxuriant il est vrai – ne doit pas faire perdre de vue la forêt d'embûches qui,
en amont, conditionne le recours à ce mécanisme. Cette contribution va tenter d'élaguer
au mieux l'ensemble des questions qui pourraient se poser sur sa mise en œuvre concrète
et l'opportunité d'y recourir. Les étapes clés que nous exposeront ci-après permettront de
répondre in fine à la question centrale de cet article: comment mettre en place
concrètement un réel partenariat énergétique public-privé?
Première étape
Evaluation du potentiel énergétique du parc immobilier communal
Pour déterminer s'il est ou non intéressant de recourir à un partenariat énergétique
public-privé [11], il convient en premier lieu de dresser un bilan énergétique du
patrimoine immobilier de la commune.
Ce bilan, appelé audit énergétique, peut se comprendre comme une méthode d'évaluation
des caractéristiques énergétiques d'un ou plusieurs bâtiments et de leurs installations. Il a
pour objectif, après l'établissement d'un état des consommations énergétiques, d'identifier
les points d'amélioration de la performance énergétique. Concrètement, il s'agit
d'examiner quelles sont les caractéristiques énergétiques des bâtiments (isolation
thermique, orientation par rapport au soleil, surface vitrée, …), l'efficacité énergétique
des équipements consommateurs d'énergie, ainsi que le comportement des usagers en
termes d'économies (ou de gaspillages) d'énergie.
Faute d'expertise propre, cet audit énergétique devra dans la grande majorité des cas être
confié à une société spécialisée. En raison même de la législation actuelle sur les marchés
publics, il est fort peu probable que cette étude puisse être réalisée par le
"tiers-investisseur" lui-même. L'article 78 de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 prévoit en
effet que l'offre introduite pour un marché de travaux, de fournitures ou de services doit
être écartée (dans le respect de certaines conditions) si elle émane d'une personne qui a
été chargée de la recherche, de l'expérimentation, de l'étude ou du développement de ces
travaux, fournitures ou services et, si du fait de ces prestations, cette personne bénéficie
d'un avantage de nature à fausser les conditions normales de la concurrence. Il est
cependant prévu que cette restriction ne s'applique pas lorsque le marché comporte " à la
fois l'établissement d'un projet et son exécution". Une approche globale du marché
permettrait donc de confier le tout à un tiers-investisseur. En pratique cette approche ne
semble cependant pas envisageable. Il est en effet fort peu probable que le
tiers-investisseur s'engage sans une connaissance minimale de la potentialité énergétique
du parc immobilier et, partant, de la rentabilité qui peut en découler.
L'idée serait donc de confier l'analyse introductive à un consultant spécialisé, dans le
respect des règles sur les marchés publics de services, et de permettre ensuite au
tiers-investisseur de réaliser quelques vérifications de confirmation sur l'étude aux fins de
parfaire son offre [12].
La qualité de l'audit énergétique est très importante. De cette étude naît l’estimation du
potentiel d'amélioration de la performance énergétique. Un potentiel surévalué pourrait
conduire le tiers-investisseur à limiter ses actions aux mesures les plus rentables. Un
potentiel sous-évalué léserait sur le long terme les finances communales et, de manière
plus générale, l'environnement.
Pour assurer la faisabilité d'un audit de qualité, la Région wallonne met à disposition des
communes, moyennant le respect de certaines conditions [13], un subside de 50 % [14]
du montant de l´étude T.V.A.C. [15].
Deuxième étape
Evaluation de l'audit et implications contractuelles
Les résultats de l'audit vont conditionner les moyens à mettre en œuvre pour mener à
bien la politique énergétique. Une approche plus traditionnelle – multiples marchés par
autofinancement ou prêt(s) à terme – comme un partenariat énergétique public-privé
seront à ce stade envisageable (cf. schéma). Les avantages et inconvénients de chacune
de ces approches devront être analysés au regard du projet et du potentiel de réduction
énergétique constaté (cf. tableau).
Le mécanisme du tiers-investisseur ne sera pratiquement envisageable que si ce potentiel
est suffisamment important. La réduction escomptée est directement proportionnelle à
l’intérêt des investisseurs. Elle doit permettre de couvrir le remboursement du
financement et des intérêts ainsi que les risques qui en découlent. Ce type de partenariat
dépend donc moins du montant du marché [16] que du montant des économies
concrètement réalisables.
Pour susciter l’intérêt des tiers-investisseurs, il est possible d’établir des "pool
immobiliers". Cette technique consiste à regrouper un ensemble de bâtiments, aux
potentiels divers, dans un seul et même projet. Ces "pool" permettent d’intégrer des
bâtiments qui, pris isolement, n’auraient pu atteindre la rentabilité espérée par un
tiers-investisseur. Cette technique peut également être envisagée entre plusieurs
communes qui ne disposeraient pas, seules, de suffisamment d’immeubles assez
"attractifs" [17]. Dans ce cas, il sera nécessaire de prévoir une clé de répartition équitable
des coûts de l'investissement entre les communes associées.
Une participation plus importante de la commune dans le partenariat – en envisageant
par exemple, l’apport de main-d’œuvre, de matériaux ou même de financement –
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