Université Pierre & Marie Curie UE LM345 – Probabilités élémentaires Licence de Mathématiques L3 Année 2014–15 TD6. 1. a) Soit X une variable aléatoire à valeurs dans N. Montrer que si X 2 est intégrable, alors X est intégrable. Ce résultat reste-t-il vrai si l’on suppose que la loi de X admet une densité ? b) Soit m ≥ 1 un entier. Donner un exemple d’une variable aléatoire X à valeurs dans N telle que X k soit intégrable pour tout k compris entre 1 et m et E[X m+1 ] = +∞. Solution de l’exercice 1. a) En utilisant l’inégalité |x| ≤ 1 + x2 valable pour tout réel x et la positivité de l’espérance, on obtient que E[|X|] ≤ 1+E[X 2 ], ce qui prouve que le résultat, sans hypothèse sur la variable aléatoire réelle X autre que l’existence d’un moment d’ordre 2. En particulier c’est vrai si X est à densité. P b) Notons, pour tout s > 1, ζ(s) = n≥1 n1s . Considérons une variable aléatoire X : (Ω, F , P) → N∗ telle que pour tout n ≥ 1 on ait P(X = n) = 1 1 . m+2 ζ(m + 2) n Alors d’une part, E[X m ] = X 1 ζ(2) 1 = < +∞, 2 ζ(m + 2) n≥1 n ζ(m + 2) donc X admet un moment d’ordre m et, d’autre part, E[X m+1 ] = X1 1 = +∞, ζ(m + 2) n≥1 n donc X n’admet pas de moment d’ordre m + 1. 1 1 . π 1 + t2 a) Montrer que f est la densité d’une mesure de probabilités sur R. Soit X une variable aléatoire dont la loi admet la densité f . 2. On considère la fonction f : R → R définie par f (t) = b) La variable aléatoire X est-elle intégrable ? c) Calculer la fonction de répartition de X. 1 d) Calculer la loi de Y = arctan(X). La loi considérée dans cet exercice s’appelle la loi de Cauchy standard. Solution de l’exercice 2. a) On effectue le changement de variable t = arctan x, et, comme arctan0 = il vient Z +∞ Z 1 π/2 f (x)dx = dθ = 1. π −π/2 −∞ 1 , 1+arctan2 f est donc la densité d’une probabilité. x b) 1+x 2 ∼ x n’est pas intégrable au voisinage de l’infini, et donc X n’est pas intégrable. c) Par le changement de variable du a), on obtient Z a Z 1 arctan a 1 P(X ≤ a) = f (x)dx = dθ = [arctan a + π/2]. π −π/2 π −∞ d) Soit b ∈ [−π/2, π/2]. On a, toujours par le même calcul, Z tan b Z 1 b b 1 P(Y ≤ b) = P(X ≤ tan b) = f (x)dx = dθ = + . π −π/2 π 2 −∞ Y suit donc la loi uniforme sur [−π/2, π/2]. 3. Soient λ, µ > 0 deux réels. On considère l’ensemble Ω = N2 , la tribu F = P(N2 ) et, sur l’espace mesurable (Ω, F ), la probabilité P caractérisée par ∀(n, m) ∈ N2 , P({(n, m)}) = e−(λ+µ) λn µm . n! m! Enfin, sur (Ω, F , P), on définit les deux variables aléatoires X(n, m) = n et Y (n, m) = m. a) Vérifier que P(Ω) = 1. b) Déterminer la loi de X et la loi de Y . c) Déterminer la loi de X + Y . Solution de l’exercice 3. a) On peut sommer la série double (car à termes positifs) dans l’ordre de son choix, par exemple en m puis en n. En reconnaissant le développement de l’exponentielle de µ, on obtient : X λn X −µ µm λn P({(n, m)}) = e−λ e = e−λ , n! m≥0 m! n! m≥0 et donc on a bien : XX P({(n, m)}) = n≥0 m≥1 X n≥0 2 −λ λ e n n! = 1. b) Le couple (X, Y ) est à valeurs dans N2 . La loi jointe du couple (X, Y ), notée P(X,Y ) , est caractérisée par la donnée de, ∀ (n, m) ∈ N2 , P(X,Y ) [{(n, m)}] = P[{(X, Y ) = (n, m)}] = P[{(n0 , m0 ) ∈ N2 : (X, Y )(n0 , m0 ) = (n, m)}] λn µm = P[(n0 , m0 ) ∈ N2 : (n0 , m0 ) = (n, m)] = P[{(n, m)}] = e−λ e−µ n! m! La variable aléatoire X est à valeurs dans N. D’après la formule des probabilités totales, on a, pour tout n ∈ N : X X P[X = n] = P[X = n, Y = m] = P[(X, Y ) = (n, m)] m∈N = X P[{(n, m)}] = e−λ m∈N m∈N n λ . n! Donc X suit la loi de Poisson de paramètre λ. Un calcul analogue montre que Y suit la loi de Poisson de paramètre µ. c) Déterminons la loi de X + Y . La variable aléatoire X + Y est à valeurs dans N. Soit k ∈ N. Alors, d’après la formule des probabilités totales, X P[X + Y = k, X = n] P[X + Y = k] = n∈N = X P[X = n, Y = k − n] = = P[X = n, Y = k − n] n=0 n∈N k X k X P({(n, k − n)}) = n=0 n=0 = e−(λ+µ) k X 1 k! e−(λ+µ) λn µk−n n! (k − n)! k X n=0 n k k−n (λ + µ)k λ µ = e−(λ+µ) . k k! Donc X + Y suit donc la loi de Poisson de paramètre λ + µ. 4. Lois discrètes classiques Calculer, de deux manières différentes, la loi de : a) la somme de deux variables aléatoires indépendantes, l’une de loi de binomiale de paramètres n et p, l’autre de paramètres m et p, où p ∈ [0, 1] et m, n sont deux entiers. b) la somme N1 +. . . +Np où les Ni sont indépendantes et où Ni suit une loi de Poisson de paramètre λi . Solution de l’exercice 4. 3 Loi binômiales On peut procéder de plusieurs façons. — On sait que la loi binomiale de paramètres n et p est la loi de la somme de n variables aléatoires indépendantes de loi de Bernoulli de paramètre p. Soient X1 , . . . , Xn+m des variables aléatoires indépendantes identiquement distribuées de loi de Bernoulli de paramètre p. Posons Y = X1 + . . . + Xn et Z = Xn+1 + . . . + Xn+m . Alors Y et Z sont indépendantes, de lois respectives B(n, p) et B(m, p). Leur somme, qui est Y + Z = X1 + . . . + Xn+m , suit la loi B(n + m, p). — Soient Y et Z indépendantes de lois respectives B(n, p) et B(m, p). Les fonctions génératrices de Y et Z sont GY (s) = (1 − p + sp)n et GZ (s) = (1 − p + sp)m . Puisqu’elles sont indépendantes, la fonction génératrice de leur somme est le produit des fonctions génératrices : GY +Z (s) = E[sY +Z ] = E[sY ]E[sZ ] = GY (s)GZ (s) = (1 − p + sp)n+m . On reconnaît la fonction génératrice de la loi binomiale de paramètres n + m et p. Lois de Poisson La réponse est que N1 + . . . + Np suit une loi de Poisson de paramètre λ1 + . . . + λp . À nouveau deux approches sont possibles : — Soient N1 , N2 deux variables aléatoires indépendantes, suivant une loi de Poisson de paramètres λ1 , λ2 respectivement. Alors, la loi jointe du couple (N1 , N2 ) est caractérisée par, pour tout (n, m) ∈ N2 , P(N1 ,N2 ) [{(n, m)}] = P[{(N1 , N2 ) = (n, m)}] = P[{N1 = n, N2 = m}] = P[{N1 = n}]P[{N2 = m}], par indépendance m n −λ1 λ1 −λ2 λ2 e , =e n! m! par définition de la loi de N1 et N2 . On retrouve la loi jointe de l’exercice 3. En procédant comme dans l’exercice 3, on a, pour tout k ∈ N, X P[{N1 + N2 = k}] = P[{N1 + N2 = k, N1 = n}] n∈N = X P[{N1 = n, N2 = k − n}] = P[{N1 = n, N2 = k − n}] n=0 n∈N k X k X λk−n 2 λn1 n! (k − n)! n=0 k X (λ1 + λ2 )k n k k−n −(λ1 +λ2 ) 1 =e λ1 λ2 = e−(λ1 +λ2 ) . k! n=0 k k! = e−(λ1 +λ2 ) Donc N1 + N2 suit donc la loi de Poisson de paramètre λ1 + λ2 . On conclut en raisonnant par récurrence. 4 — On calcule la fonction génératrice de N1 + N2 + · · · + Np . Pour chaque i ∈ {1, . . . , p}, la fonction génératrice de Ni est GNi (s) = eλi (s−1) . Comme les variables aléatoires N1 , N2 , . . . , Np sont indépendantes, la fonction génératrice de la somme est le produit des fonctions génératrices : GN1 +···+Np (s) = E[s N1 +···+Np ]= p Y Ni E[s ] = p Y Pn GNi (s) = e( i=1 λi )(s−1) . i=1 i=1 On reconnaît la fonction génératrice d’une loi de Poisson de paramètre λ1 + . . . λp . 5. Somme de gaussiennes Soient X et Y des variables aléatoires indépendantes de lois respectives N (µ1 , σ12 ) et N (µ2 , σ22 ). Soient a, b et c des réels. Déterminer la loi de aX + bY + c. Solution de l’exercice 5. Soit g une fonction continue bornée R → R. 1 E[g(X + Y )] = 2πσ1 σ2 +∞ Z +∞ Z − e −∞ (x−µ1 )2 (y−µ2 )2 − 2 2 2σ1 2σ2 g(x + y)dydx. −∞ On fait le changement de variable affine u = x + y dans l’intégrale par rapport à y : 1 E[g(X + Y )] = 2πσ1 σ2 Z +∞ Z +∞ e −∞ − (x−µ1 )2 (u−x−µ2 )2 − 2 2 2σ1 2σ2 g(u)dudx. −∞ On écrit le trinôme dans l’exponentielle sous forme canonique : µ21 (u − µ2 )2 σ12 + σ22 2 (x − µ1 )2 (u − x − µ2 )2 σ12 + σ22 2 + = (x − λu ) + 2 + − λ , 2σ12 2σ22 σ12 σ22 σ1 σ22 σ12 σ22 u avec λu := σ12 µ1 +σ22 (u−µ2 ) . σ12 +σ22 En développant λ2u , on obtient µ21 (u − µ2 )2 σ12 + σ22 2 + − λ σ12 σ22 σ12 σ22 u µ21 σ22 (u − µ2 )2 σ12 µ1 (u − µ2 ) = 1− 2 + 1− 2 −2 2 2 2 2 2 σ1 σ1 + σ2 σ2 σ1 + σ2 σ1 + σ22 (u − µ2 )2 µ1 (u − µ2 ) (u − µ1 − µ2 )2 µ21 = + − 2 = . σ12 + σ22 σ12 + σ22 σ12 + σ22 σ12 + σ22 Autrement dit, le trinôme de l’exponentielle s’écrit (u − µ1 − µ2 )2 (x − µ1 )2 (u − x − µ2 )2 σ12 + σ22 2 + = (x − λ ) + . u 2σ12 2σ22 σ12 σ22 σ12 + σ22 5 En remarquant que pour tout u ∈ R, le changement de variable affine x0 = x − λu donne s Z +∞ σ12 +σ22 Z +∞ σ12 +σ22 2 − 2 2 (x−λu )2 − 2 2x 2πσ12 σ22 e 2σ1 σ2 e 2σ1 σ2 dx = , dx = σ12 + σ22 −∞ −∞ on obtient, en changeant l’ordre d’intégration : 1 E[g(X + Y )] = 2πσ1 σ2 Z +∞ Z +∞ e −∞ − −∞ Z +∞ 1 e = p 2π(σ12 + σ22 ) (u−x−µ2 )2 2 2σ2 − dxe (u−µ1 −µ2 )2 2 +σ 2 ) 2(σ1 2 − (u−µ1 −µ2 )2 2 +σ 2 ) 2(σ1 2 g(u)du g(u)du. −∞ X + Y suit donc la loi N (µ1 + µ2 , σ12 + σ22 ). La question était de déterminer la loi de aX + bY + c. On va montrer que aX + c suit la loi N (aµ1 + c, a2 σ12 ), ce qui, appliqué aussi à bY et combiné avec le calcul précédent, permet de conclure que aX + bY + c suit la loi N (aµ1 + bµ2 + c, a2 σ12 + b2 σ22 ). Pour le voir, considérons une fonction g : R → R continue et bornée. On a +∞ Z 1 E[g(aX + c)] = p 2πσ12 e (x−µ1 )2 2 2σ1 − g(ax + c)dx. −∞ On fait le changement de variable u = ax + c (la valeur absolue vient du fait que lorsque a < 0, on échange les bornes d’intégration) : 1 Z +∞ − e E[g(aX + c)] = p 2πσ12 2 ( u−c a −µ1 ) 2 2σ1 g(u) −∞ Z 1 = p 2πa2 σ12 Ce qui achève la démonstration. 6 +∞ − e −∞ (u−c−aµ1 )2 2 2a2 σ1 du |a| g(u)du.