La vie comme force alternative au malaise contemporain

La vie comme force alternative au malaise contemporain
Extrait du Revue du Mauss permanente
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La vie comme force alternative
au malaise contemporain
- Supplément du MAUSS - Articles -
Date de mise en ligne : lundi 22 fvrier 2010
Description :
En sappuyant sur Jean-Marie Guyau et Nietzsche, Franck Dubost oppose à lutilitarisme ambiant une morale vitaliste de la fécondité et de la réciprocité. Après
la première, consacrée à J-M. Guyau, on lira ici la seconde partie de sa contribution, dédiée à Nietzsche.
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La vie comme force alternative au malaise contemporain
Voir la première partie : http://www.journaldumauss.net/spip.php ?article413
II. Quest donc la volonté vers la puissance ? Que veut
le Surhomme ?
Après avoir abordé la question du concept de vie chez Guyau que daucuns ont considéré à tort comme le Nietzsche
français, nous allons maintenant nous intéresser à la manière dont Nietzsche à son tour aborde la notion de vie quil
éprouve comme une démesure dionysiaque qui enjoint lhomme à se réjouir de la vie en dépit de ses épreuves.
Nietzsche nous appelle à un nihilisme positif et libérateur du christianisme qui a trop longtemps réprouvé ce qui
constitue la nature de lhomme. Pour ce faire, nous suivrons la lecture que nous offre Gilles Deleuze pour lequel « la
théorie de lhomme supérieur est une critique qui se propose de prononcer la mystification la plus profonde ou la plus
dangereuse de lhumanisme. » [ 1]
Nous nous intéresserons ensuite à travers la question du don à la façon dont Georges Bataille appréhende la raison
dialectique hégélienne quil conçoit comme un avilissement de la souveraineté vitale. Le don est pour lui la possibilité
dopposer à la logique maussienne une action où la négativité ne se subordonne rien, oubliant le rendre au profit
dune souveraineté inappropriable, que personne ne peut prétendre posséder. Nous finirons cette deuxième partie à
partir dune réflexion personnelle née de la lecture de la philosophie vitaliste tant vilipendée par Georg Lukacs [ 2]
dans une tonalité plus guyaldienne que nietzschéenne.
Nous pouvons succinctement en livrer le pourquoi. Il y a entre Nietzsche et Guyau une réelle divergence en dépit du
fait quils partagent tous deux le même intérêt pour le concept de vie.
Les jugements de Nietzsche sur Guyau sont justes ; Nietzsche comprend que sympathie et sociabilité sont des
affects originels pour Guyau contrairement à ce questime lécole anglaise. Les utilitaristes voient dans le
désintéressement un produit de lévolution, alors que Guyau voit en lui ce qui résulte du plus profond de lêtre, une
force qui persévère dans son être. Sagissant de Spencer, « la doctrine de lévolution entraîne nécessairement la
reconnaissance de légoïsme comme principe de la vie morale. » [ 3] Spencer nuance son propos quand il estime
que « labsolu que la morale poursuit (le mode idéal de conduite qui doit être poursuivi par lindividu en société afin
de garantir le plus grand bonheur de chacun et de tous) est simplement la limite vers laquelle tend lévolution de la
vie. » [4] Lévolution morale de lhumanité est un progrès qui est le produit dune phase de la nature où laltruisme
devient un bien désirable. Tout ce que nous appelons mal et immoral finira par disparaître pour laisser place à la
société parfaite. En suivant lévolution nécessaire de lhumanité, lindividu subira lévolution des sentiments et des
idées. Le progrès se fait de légoïsme, point de départ biologique, vers laltruisme, point darrivée sociologique sous
condition que laltruisme produise le plus grand bonheur individuel, « cest-à-dire les plus grandes satisfactions
égoïstes, aptes à servir à leur tour à la relance dun altruisme éclairé, qui aura du côté des satisfactions individuelles
des effets indéfiniment amplificateurs. (&) Laltruisme est moins un but quune fonction, moins une finalité quun
instrument rationnel, le moyen dune éthique qui repose sur un impératif hypothétique. En ce sens, la clé de la
morale évolutionniste est à chercher du côté de lactivité rationnelle de la justice plutôt que du côté de la sympathie
instinctive ou de la bonté. » [5]
Dune part, légoïsme est la règle générale, ce qui signifie quil est le fondement et la fin des comportements moraux
; dautre part, laltruisme est le signe de lévolution positive de lhumanité. Le sacrifice de soi nest pas moins
primordial que la conservation de soi.
Des utilitaristes et des évolutionnistes, Spencer est celui dont Guyau se dit le plus proche. Guyau et Spencer
partagent en effet lidée quil faut laisser la société sans règle, quil faut chercher dans la vie ce qui alimente
lexistence. « Ils se sont accordés à concevoir la vie comme une activité qui trouve dans sa plus haute intensité sa
plus haute jouissance. » [6]
Et cette intensité vise à toujours plus dextension. Reste à savoir la façon dont va sorienter celle-ci. Pour Guyau, la
vie a besoin daccumuler un surplus de force pour satisfaire le nécessaire. Lépargne est la grande loi de la nature. A
priori cest aussi ce que pense Nietzsche. Mais en réalité cette surabondance est loccasion dune accumulation du
pouvoir pour le pouvoir, un déploiement de puissance, alors que pour Guyau la surabondance est au service dun
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rapport renouvelé à autrui. Elle ne vise pas à attaquer mais à sunir.
Chez Nietzsche, laltruisme symbolise le symptôme dune vie affaiblie : « il existe des espèces souffrantes, malades
et mécontentes delles-mêmes (&) que vont-elles exiger ? Non pas la conservation de leur espèce souffrante, mais
une volonté de se nier et de préférer le désintéressement, le dégoût de soi, le refus de légoïsme. Et ainsi leur haine
se tournera contre les êtres heureux, les fiers, les victorieux ! (&) Cest ainsi quune espèce dêtres souffrants et à
demi manqués est conservée en vie, et, dune certaine manière rendue apte à vivre. » [ 7]
Pour Nietzsche les forts aiment la solitude et ce sont les faibles qui sassocient. Nous sommes là face à un carrefour
: ou bien suivre Nietzsche ou bien rejoindre Guyau. En suivant ce dernier, on détermine laltruisme sur la loi même
de la vie. Ce à quoi légoïsme de Nietzsche soppose dont le concept de vie se construit sur et contre autrui. Pour
Nietzsche il y a une immoralité primordiale (plutôt une innocence) de la vie que nie Guyau. « Cest une faute de
confondre toute expansion dactivité avec une agression, de croire que ce qui est en plus des besoins stricts de la
vie individuelle, ce qui est comme un luxe, ne peut être employé que contre les autres. » [8] Chez Guyau, la vie a
deux orientations : elle est nutrition et fécondité. Laccroissement de la vie engendre le développement de laction à
aller vers autrui, ce qui se répercute sur le moi qui sélargit au point quautrui devient pour lui un semblable.
Nietzsche se trompe quand il interprète les dire de Guyau quand celui-ci avance que lhomme est un être
envahissant. Nietzsche croit voir là la tendance à se servir dautrui quand Guyau veut dire que la fécondité pousse
lhomme à sallier aux autres, à ne faire quun avec eux pour faire exister un tout plus vivant. Envahir cest partager
et non dominer. La vie féconde nest pas le fait dun être solitaire mais dun être aimant qui chérit la vie. Lindividu
ne peut se suffire à lui-même ; il lui faut se prodiguer, se sacrifier, apprendre à partager avec autrui. Nietzsche
répond : « tous les vivants veulent avant tout déployer leur puissance sur les autres » au point de les desservir. Dans
la lecture que fait Nietzsche de Guyau, il y a des incompréhensions : quand Guyau parle de lart en disant que nous
avons besoin dimprimer la forme de notre activité sur le monde, Nietzsche annote Ia ! ecco ! Macht auslassen !
comme sil sagissait de sapproprier ce qui appartient à tous. Quand Guyau parler dimprimer sa forme, Nietzsche
lui retient imposer, qui à la faveur de ce changement sémantique introduit lidée dune domination sur autrui.
Guyau sil soppose à la morale kantienne nen propose pas moins une doctrine morale alors que Nietzsche qui
vilipende lidée de socialité ne peut que récuser tout système moral.
Les forts nont pas besoin de moral, alors que les faibles parce quils sont faibles élaborent des lois qui les protègent.
La loi dexpansion de la vie est chez Guyau léquivalent de lobligation quand chez Nietzsche elle saffirme comme
conquête du moi. « On sait que Nietzsche considère la morale comme devant cesser un jour dêtre nécessaire. » [ 9]
Sur ce point on pourrait croire quil sentend avec Guyau pour lequel la morale doit devenir anomique. Mais celle-ci
nest quabsence dobligations et de sanctions alors que chez Nietzsche la morale est encore un trop, une nécessité
de la conscience du troupeau.
Pour Guyau, le devoir existe et ne demande quà sépandre, il est un surcroît de vie intellectuelle que celui qui peut
doit mettre en Suvre. Nietzsche identifie la morale à la poursuite dune mortification que la religion exacerbe pour
affaiblir lhomme.
Limpératif catégorique en morale est une vengeance desclaves, une Suvre de ressentiments alors que ceux qui
sont forts nobéissent quà eux-mêmes, à leur volonté libérée de lascétisme chrétien. Le sentiment de faire le bien
pour le bien, « à acquitter, sous la forme du devoir, ce que nous devons à autrui, Guyau y verra une expansion dun
sentiment de personnalité intense joint à un sentiment intense du lien avec les autres personnalités. » [10] Acquitter
son devoir ne suppose pas pour Nietzsche lamour dautrui mais le respect de soi. Chacun cherche à empiéter sur le
domaine dautrui par la création dun sentiment de dette des uns envers les autres. Cest pourquoi il nous faut à
notre tour agir pour quautrui ne soit pas à labri de notre action à son encontre. Le devoir chez Nietzsche devient
domination alors quil est chez Guyau sympathie et recherche du bien sans voir dans laction morale une source
dasservissement dautrui. Guyau a sans le savoir remis en cause limmoralisme nietzschéen : son mépris des
faibles, son opposition à la pitié, à la charité. Quand Guyau parle de ces sujets, Nietzsche annote : Incredibile ! Il
faudrait répondre à Nietzsche, quil y a plus de puissance véritable à se faire aimer quà se faire haïr. Guyau de par
la façon dont il conçoit la vie apporte une réfutation à lindividualisme nietzschéen. Toute lutte apporte une diminution
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de la vie et donc de la volonté. La violence quand elle doit faire face à un obstacle produit sur la volonté un
affaiblissement dont lindividu qui sy livre diminue sa vitalité. Aussi la puissance devient impuissance. Guyau na pas
connu Nietzsche mais il aurait probablement estimé que la meilleure manière de répondre à la force de la vie cest
de se répandre en autrui, daimer et agir pour lhumanité. Nietzsche nie linspiration sociale de lindividu quand
Guyau vise la réalisation du bien sans supposer quelque malice derrière cette intention. Il ne veut pas le
dépassement de la morale mais simplement son accomplissement ici et maintenant.
a. Nietzsche ou la grande santé dune vie sous le signe de Dionysos
Alain Ehrenberg nous parle dune fatigue, dune difficulté dêtre soi comme si lautonomie qui est propre à notre
société était un fardeau. Or nest-ce pas là une chance qui nous est offerte ? Lanomie qui se propose à nous
nest-elle pas un événement qui nous délivre des contraintes, des normes et des valeurs que nous imposaient la
modernité. De ce plus de liberté, la vie ne peut-elle pas en jouir ? Nest-il pas venu le temps de faire valoir la vertu de
force [11] dont parle Georges Gusdorf pour que notre santé ne soit plus confiée à toute une cohorte de médecins qui
viennent remplacer les serviteurs de Dieu pour vous administrer toutes sortes de tranquillisants. Face à lentreprise
de débilitation contemporaine, il faut affirmer avec véhémence que la vie est grandiose au lieu de la déprécier
comme le faisait le prêtre du temps où le christianisme existait comme un poison vermineux. A linstant où lhomme
accueille la vie comme un fruit mûr, il se fait désir et non conscience malheureuse.
Point besoin denvisager lexistence dun autre monde pour se consoler de nos malheurs, il faut accepter tel quel
notre vie présente. « Zarathoustra dit oui et amen « dune façon énorme et illimitée », il est lui-même léternelle
affirmation de toute chose. » [12] Le chrétien sil veut enfin vivre doit se déprendre du ressentiment qui focalise la
négation sur toute chose. Il nous faut acquiescer au réel tel quil est, accepter la réalité telle quelle se présente :
voici ce quil convient de faire pour saffranchir du culte de la souffrance à laquelle tient tant le christianisme. Ce nest
pas la vie qui est triste, mais notre refus de la vivre jusquau bout de ses possibles. Il nous faut comme Nietzsche
éprouver une jubilation à samuser de tout. Lhomme ne saura se libérer que sil reconnaît les fardeaux auxquels il
se soumet, sil parvient à identifier la maladie propre au monde qui la forgé. Mais cette libération est malaisée tant «
toutes les vieilles valeurs de lautre monde lui apparaissent comme des forces qui mènent ce monde-ci. » [ 13] Il lui
faut saffranchir des illusions qui font de lui un esclave quun dieu jaloux exploite. Oui, la vie est lourde à porter nous
dit-on alors même quelle pourrait être légère si tant est que lhomme comprenne que lon sacrifie sa vie pour
satisfaire Dieu. Dès lenfance, on nous inculque des idéaux mortifères qui blessent les sentiments humains. Il faut
shumilier et demander pardon quand il faudrait répondre par un coup de tonnerre et un non majeur. La vie est ainsi
avilie, mutilée. Nous sommes réduits à être des hommes asservis qui répondent oui à chaque fois « que le nihilisme
engage la conversation. » [14] Lesclave ne sait que dire oui à son maître. Lêtre souverain, lui, sait dire non à ce qui
le contrarie. Il sait sopposer au nihilisme qui nie la vie ne craignant pas de se perdre. Si lesclave, lui, veut perdurer,
le souverain ne craint pas de se perdre. Le dernier homme est celui qui vit le plus longtemps, celui qui « sous le
soleil de lêtre, perd jusquau goût de mourir, senfonçant dans le désert pour y rêver longtemps dune extinction
passive. » [15] Il faut cesser de se mentir en croyant que lhomme peut aboutir à la vérité.
Le monde nest ni vrai ni rationnel il est multiple et vivant, volonté de puissance qui sait évaluer ce que représente la
vie. Il appartient à celui qui sait laimer. Le souverain danse et rie, il ne prie pas pour demander pardon ni ne sapitoie
sur son sort. Lesclave, lui, se résigne et accepte de vivre son aliénation comme une fatalité. Il ploie sous la tâche
ingrate de travailler à son salut quand il faudrait sen émanciper. Le souverain se sert de son excédent vital pour
créer et sabandonner à la délectation de ses Suvres. Le oui dionysiaque est celui qui sait refuser le fardeau que le
nihilisme entretient pour plier les hommes à sa volonté décadente. « Ce oui a mis le négatif au service des
puissances daffirmer. Et affirmer, cest délivrer, décharger ce qui vit, cest alléger » [ 16] et marquer sa préférence
pour lavenir alors que lesclave est lhomme de léternelle rumination du passé. Fruit du ressentiment il méprise tout
ce qui élève lhomme, ce qui lui fait choisir le Christ comme idéal parce que son ascétisme et la souffrance quil
endure sont ses valeurs reconnues de tous. Dans son univers, la perte demeure impensable. Ce quil sagit toujours
cest dêtre simplement soi-même, de détenir un pouvoir, un rang, une situation, participer à des enjeux. Mais pour
que la vie ne soit pas entravée, il est temps de se passer de Dieu pour quenfin un événement joyeux puisse être
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fêté. Du moins dun certain dieu, celui des trois monothéismes, un dieu sans vie, car Nietzsche a toujours voulu que
la vie aspire à labondance des cultes grecs. Nietzsche ne veut pas dun monde sans divin, i.e dun monde où sest
absenté le sacré et le sens du jeu. Cest alors que « la danse transmue le lourd en léger, le rire la souffrance en joie
(&) La danse affirme le devenir, le rire affirme le multiple. » [17] Il faut en finir avec la dialectique hégélienne qui
reconnaît lexistence dun pouvoir du négatif, et admet lidée dune valeur de la souffrance. Il est temps dabroger la
conscience malheureuse que lidéal ascétique induit. La dialectique est lidéologie chrétienne par excellence, elle est
la pensée de lesclave, ouvrier du ressentiment alors que la volonté de puissance est la vertu qui donne sans
mesurer ce quelle fait. Elle est lactivité auto produite qui ne se raisonne pas quand il sagit de vivre. Mais « lhomme
nhabite que le côté désolé de la terre, il en comprend seulement le devenir-réactif qui le traverse et le constitue.
Cest pourquoi lhistoire de lhomme est celle du nihilisme, négation et réaction. » [ 18] Je souffre parce que je suis
coupable nous dit le christianisme pour mieux nous soumettre alors même que la souffrance a des causes plus
rationnelles. Dionysos nous libère de lintériorisation de la faute et de la culpabilité que le Christ a valorisé.
« Il aime la vie, comme loiseau de proie lagneau : tendre, mutilée, mourante. » [ 19] Le bonheur du christianisme est
de soigner cette douleur par la crucifixion du Fils qui porte sur lui tout le poids des péchés des hommes. Et comme
nous devons lui être redevable et nous plier à sa doctrine nihiliste, nous voici devenus ses esclaves. Le sens de
lexistence devient la soumission à Dieu, cest-à-dire à la négation de lindividualité belle et entière de la vie. Nous
nions lexistence, nous lévaluons à partir dune dépréciation qui la condamne à végéter. Nous sommes à la fois
responsable et coupable alors même que nous sommes innocent. Or il faut faire de la morale une force et non une
cause dépréciative de la vie. Mais « un homme qui naccuserait pas lexistence, serait-ce encore un homme,
penserait-il comme un homme ? » [20] Le but de Nietzsche, cest libérer la pensée du nihilisme, c'est-à-dire du
ressentiment qui accuse la vie de ne pas être bonne. Pour cela, il faut dépasser la culpabilité que lon nous inculque,
croire à linnocence de lavenir, transcender lexistence liée au christ. Vouloir, cest vouloir créer son existence à
partir dune pensée affirmative et joyeuse. Dans cette optique, il faut défendre les forts contre les faibles, contre ceux
qui demeurent prisonniers du ressentiment, se plaignant que la vie est cruelle et tragique. Il faut que le triomphe de
la réaction sur laction soit vaincu pour que lhomme accède à sa réelle nature daventurier de son existence. Aussi
est-il nécessaire de redonner à la notion de hiérarchie ses lettres de noblesse et toute sa valeur, pour pouvoir
différencier ce qui est faible de ce qui est fort.
Par cette action, « Nietzsche appelle esclave celui qui est séparé de ce quil peut. » [ 21]
Dun côté, il y a les forces réactives qui correspondent à lobéissance au Christ, de lautre il y a les forces actives
dont la puissance est dagir et de commander. La force active va jusquau bout de son action quand les forces
réactives déclarent forfait à la moindre difficulté.
Le nihilisme dont elles font preuve est la source de conservation dune vie faible et diminuée. Les forces actives
agissent pour quadviennent le règne des forts qui ne rejettent rien de la vie. Accepter plutôt que renier la condition
tragique de lexistence, cest à cela que lon reconnaît les forts. Affirmer la vie cest admettre pour les forts que tout
doit leur être subordonné.
Que ce soit la souffrance ou la réjouissance. Il ne faut rien retirer de la vie, il faut laccepter telle quelle est. Je
souffre, jexpie, je suis racheté : cette logique, la vie la rejette parce quelle nattend aucune résurrection. Vivre ce
nest ne pas ni espérer ni désespérer, cest appréhender lexistence dans tout ce quelle nous offre. Cest conjuguer
le verbe avec laction et agir dans le sens de laffirmation de ce qui grandit lhomme. Il faut abolir le
désenchantement dans lequel lindividu moderne se complaît car la vie offre à qui lui demande une multitude de
forces régénératrices. La vie comme le don a été oublié au profit du calcul du moindre coût. Lhomme sest abêti
dans le confort facile alors quil est une corde qui monte jusquau ciel.
Il a annulé une partie de sa liberté au profit de choses qui le rassurent. Il est vrai que la vie est dangereuse parce
quelle nous conduit vers lavenir incertain que craint tant lhomme moderne. Elle nest pas récréative mais créatrice
de sens qui plonge dans le travail de linconscient. Pourtant, il nous faut laccueillir et la chérir car cest delle seule
que lhomme peut trouver son salut, sa voie et ses forces. Du tréfonds de la terre se ressource larbre vivant ; du
tréfonds de la vie se développe la belle individualité qui assume pleinement sa finitude et sourit sans réserve aux
atermoiements de lexistence.
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