Les représentations des apprenants en EPS au Maroc Cas de la

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Les représentations des apprenants en EPS au
Maroc
Cas de la gymnastique au sol
*AHBA aadil
Professeur d’éducation physique et sportive
Coach professionnel
Master en ingénierie de la décision
*MAKKI NACIRI ilyass
Professeur d’éducation physique et sportive
Entraineur de Football
Introduction
Durant les séances d’EPS, et plus précisément, en gymnastique au sol, les enseignants se
retrouvent face à des apprenants qui refusent de participer à cette activité artistique. L’origine
de ce refus reste inconnu et mystérieux, vu la prolifération et la multiplication des apprenants
qui ne pratiquent pas, voire qui désistent parfois.
La recherche des causes de cette réticence nous mène à une étude de terrain qui a pour
objectif de savoir à quel point les fausses représentations influencent-elles les apprentissages
des apprenants en EPS ?
Deux hypothèses principales restent à confirmer ou à infirmer :
H0 : les représentations des apprenants peuvent être un obstacle
à leur
action d’apprentissage.
H1 : les représentations influencent négativement le comportement des apprenants.
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C’est quoi une représentation ?
D. Jodelet (1993) propose une définition des représentations sociales : « la représentation
sociale est une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée
pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social ». Tout
en étant communes à un groupe social, elles ont un caractère individuel. Deux personnes
n’ont donc pas les mêmes représentations face à un objet, une situation, une APSA… Elles
sont le fruit de croyances, de perceptions, de normes, et visent à rendre présent à l’esprit ce
qui nous entoure. Elles influencent l’attitude, le comportement de chaque individu.
Les représentations en évolution
De son côté, Marielle CADOPI lie les représentations aux connaissances. En effet, elle
affirme :
« Toute conduite est un échange avec l’environnement. Cet échange s’instaure parce que
nous disposons de connaissances sur lesquelles nous pouvons nous appuyer et il nous
permettra, dans certains cas, d’en construire de nouvelles. Ce sont certaines de ces
connaissances que l’on appelle généralement des représentations. »
Ainsi, les représentations seraient des connaissances qui évoluent : une nouvelle
connaissance vient effacer une représentation pour laisser place à une autre. Toutefois,
l'auteur ne précise pas s'il existe un moment à partir duquel nos connaissances ne sont plus
des représentations. C'est peut-être parce qu'il ne faut pas comprendre le mot
"connaissance" dans le sens de "savoir" mais plutôt dans le sens d'idée, de concept
intériorisé.
Nous pouvons identifier six caractéristiques principales des représentations :
-
Elles ont une existence réelle comme le langage
-
Elles ont une constitution propre comme produit de l’action et de la communication
-
Elles sont communes et communicables
-
Elles constituent une partie de l’univers individuel
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-
Elles sont autonomes par rapport à la conscience : elles semblent exister seulement
dans l’interaction ou au cours d’échanges entre individus
-
Elles sont dynamiques, elles se déplacent, se combinent
TYPES DE REPRESENTATIONS :
Les représentations individuelles
On désigne par ce terme les représentations que l’individu se construit par l’interaction
avec son environnement. Elles constituent un tout cohérent et personnel et lui servent à
organiser son action .
Pour J. Clenet les représentations individuelles sont «ce qu’un sujet a pu intérioriser d’une
situation vécue, de ce qui pour lui "fait sens" et donne sens à ses actions».
Plus loin : «ces représentations individuelles sont fondées sur des expériences singulières
et sont construites de manière tout autant singulière dans un environnement qui devient
alors singulier».
Les représentations collectives
Elle désigne les représentations partagées par un groupe social en metière de contenu
essentiellement. M. Denis explique : « ces représentations comportent une spécificité
individuelle mais également un noyau commun partagé par la plupart des esprits humains
participants de la même culture ».
Elles servent à définir des modes de pensée communs (autour de normes, de mythes,
d’objectifs) qui règlent et légitiment les comportements au sein du groupe. La notion de
représentations collectives insiste sur leur spécificité pour le groupe qui les élabore et les
partage.
Les représentations sociales
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D. Jodelet indique également que «les représentations sociales sont abordées à la fois
comme le produit et le processus d’une activité d’appropriation de la réalité extérieure à la
pensée et l’élaboration psychologique et sociale de cette réalité".
Rôle des représentations cognitives
Des représentations que se fait l’apprenant concernant à la fois le niveau de difficulté de la
tâche et son propre niveau d'habileté.
la puissance motivationnelle d'une activité étant directement liée aux représentations des
apprenants :

représentation de la difficulté de la tâche.

représentation de l’habileté du sujet.
QUELS
DOMAINES
PRENDRE
EN
COMPTE
POUR
MODIFIER
LES
REPRESENTATIONS DES ELEVES ?
FAMOSE explique que les représentations sont essentiellement des interprétations ou des
reformulations que l’apprenant se fait d'un certain nombre d'éléments lorsqu'il tente
d'accomplir une tâche particulière. Il s'agit là de représentation de ce qu’il y a à faire, de la
difficulté à accomplir, ce qu'il y a à faire, du niveau d'habileté personnelle permettant de
résoudre le problème, etc. Autrement dit, l'évocation de représentations particulières est
finalisée par la tâche telle qu'elle a été redéfinie par l’apprenant. D’où la nécessité que celui-ci
ait un but précis à atteindre, but qui ait du sens pour lui.
Buts motivationnels :
la motivation est présente chez un apprenant qui s'imagine une réussite future. D’autre part,
FAMOSE pense que ce qui pousse le plus souvent un apprenant à agir, c’est le fait de vouloir
montrer ses compétences à ses camarades afin de ne pas paraître ridicule. La raison de ce
comportement vient du fait que la réussite dans l’atteinte d’un but est satisfaisante alors que
l’échec est source de frustration et de désillusion. FAMOSE affirme qu’il est très important de
comprendre la manière dont fonctionne le motif pour comprendre les comportements des
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apprenants face aux problèmes moteurs qui leur sont présentés. Pourquoi ? Parce que la tâche
ou l’activité que le sujet doit effectuer prend une signification particulière en fonction des buts
motivationnels particuliers que l'élève ajoute à la tâche.
But compétitif et but de maîtrise :
le but compétitif est un but orienté vers la démonstration d’une supériorité vis-à-vis des
autres. L’apprenant cherche à obtenir des jugements favorables et à éviter les jugements
négatifs sur son habileté en se comparant à autrui. Il prend donc les autres comme pôle de
référence. Il est motivé pour faire la démonstration de son habileté par un processus de
comparaison sociale. En revanche, le but de maîtrise est orienté vers l’apprentissage. Les
apprenants cherchent à accroître leur habileté et à démontrer une compétence par rapport à
eux-mêmes. Ainsi, J.P. FAMOSE fait la différence entre les représentations sociales et les
représentations individuelles. Dans les premières, l’apprenant est plus préoccupé par luimême que par les apprentissages et il n’est pas valorisé en tant que tel. En revanche, dans
les deuxièmes, l’apprenant se focalise sur la tâche plutôt que sur lui-même et
l’apprentissage est une fin en soi.
On peut dès lors distinguer les buts des apprenants selon leurs comportements. En effet, un
apprenant orienté vers un but compétitif cherche à paraître plus habile et se compare aux
autres, alors qu’un apprenant orienté vers la maîtrise s'intéresse à la façon d'effectuer une
tâche. Il semblerait donc que l’apprentissage soit basé sur le "comment faire ?".
Représentation de la compétence :
« Confronté à une tâche motrice ou à un problème moteur l’élève évalue sa compétence à
l’accomplir, ou bien a confiance dans sa capacité à surmonter les demandes de celle-ci et
cette évaluation détermine des comportements adaptatifs ou non vis-à-vis de
l’apprentissage» FAMOSE
Il s’agit donc d’une représentation de l’apprenant sur sa propre habileté à résoudre un
problème donné. L’auteur développe ses propos en ajoutant que lorsqu’un apprenant se
sent efficace, il se comporte avec assurance, garde son attention centrée sur la tâche et
réagit positivement aux obstacles rencontrés en les considérant comme des défis et en
cherchant les moyens de les surmonter. En revanche, s’il est convaincu de son inefficacité,
il détourne souvent son attention de la tâche.
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Ainsi, d’après ces propos, il apparaît très important de connaître les différents niveaux de
représentations des apprenants lorsque l’on prépare une séance ou une séquence. Il est
également important de connaître ces niveaux pour mieux comprendre les comportements
des élèves et pour adapter sa pédagogie à ces derniers
EXPERIMENTATION ET DISCUSSION :
Pour tester les deux hypothèses que nous avons préalablement citées, dans le but de les
confirmer et les infirmer ; nous avons pris comme échantillon deux classes de même lycée, de
même niveau et de même filière pour une expérimentation crédible.
La première est une classe témoin, que le professeur IYASS MAKKI NACIRI, lui a assuré
dix séances d’apprentissage par des méthodes et des pédagogies dites ‘traditionnelles’. Et une
deuxième « classe cible d’expérimentation» que le professeur AADIL AHBA lui a assuré
aussi dix séances d’apprentissage en faisant recours à des astuces didactiques et pédagogiques
nouvelles dans les yeux des apprenants, tel que l’utilisation des TICE en séances de
gymnastique, qui leur permettaient petit à petit de s’intégrer dans l’activité en question, avec
un taux de présence important et une motivation considérable pour l’apprentissage.
Voici, ci-après, les grands traits de l’expérimentation :
APS par préférence :
En répondant à la question : Quelles activités aimeriez-vous le plus ? avec des propositions de
différentes APS (par préférence) nous avons remarqué que les sports les plus préférés sont les
sports collectifs, et plus spécialement le volleyball, basket-ball et bien évidemment
l’incontournable Football. Avec une préférence allant jusqu’à 70% au premier choix de toute
la classe.
Ce pourcentage ‘élevé’ montre que les apprenants privilégient les sports d’entraide et de
communication dont ils peuvent faire de nouvelles rencontres et se rapprocher aux autres.
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Pour les moins sportifs, le sport collectif est un bon moteur, car ils auront envie de s’améliorer
pour leur équipe, et par conséquent participer au gain de la rencontre de l’équipe, à la victoire.
Toutefois, les sports individuels ne sont pas réservés aux éternels timides. Travailler en
individuel permet de découvrir son corps, ses forces et ses limites, tout en essayant de les
pousser toujours plus loin. La peur de perdre une course, de réaliser une mauvaise prestation
en gymnastique restent probablement les causes d’éviter les sports individuels.
Verdicts vis-à-vis de la gymnastique au sol :
50% des élèves disent que la gymnastique au sol est une activité ennuyante, et ils n’aiment
pas l’exercer. Des apprenantes plus courageuses et plus audacieuses voient que la présence
des garçons prêts d’elles au moment de leurs pratiques constitue une réelle perturbation à
l’apprentissage, justifiant cela par le non-respect de quelques-uns à leur égard, mais aussi la
timidité des filles issues de familles préservatrices. Tant que 36,5% voient qu’elle est moins
ennuyante, et dépend de contenu proposé et de la manière avec laquelle il est enseigné. Alors
que 13,5% la trouvent comme activité motivante et qu’elle va de pair avec leurs désirs et
leurs besoins en apprentissages.
Difficulté de la gymnastique au sol :
les orientations pédagogiques 2007 (instructions officielles d’EPS au Maroc) exigent à
l’apprenant de 2ème Baccalauréat (Terminal) de réaliser un enchainement de 7 éléments
gymniques composés de 2C 3D 2E . le niveau des apprenants ne leur permet pas de suivre ce
que le législateur à imposer. Donc une adaptation didactique est ciné qua non. C’est au
professeur, après détection du niveau de ses apprenants, de proposer le contenu et les
difficultés à réaliser.
En se référant aux résultats des questionnaires, 87% des apprenants trouvent que la
gymnastique au sol est une APS difficile et qu’ils ne peuvent pas la pratiquer, tandis que seul
13% qui supposent que la gym est une activité facile qui nécessite juste un petit travail et une
volonté considérable pour l’exercer correctement.
D’une autre vue, Seuls 10% des apprenants qui ont déjà exercé la gymnastique dans des
classes antérieures (Collège, tronc commun, 1ère année bac), cependant
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87% ont dit
auparavant que c’est une activité difficile, ce que peut expliquer que leurs représentations
ne sont pas fondées sur leurs vécus personnels et leurs niveaux d’habileté (représentation
négative).
TOUT UN CYCLE D’APPRENTISSAGE :
Classe A : Classe témoin
Après un cycle d’enseignement, les compétences des apprenants n’ont pas été changées en
mieux, vu les méthodes classiques ,ordinaires, adoptés par le professeur dans l’enseignement
de la gymnastique au sol.
Classe B : Classe cible d’expérimentation
Les résultats du test d’observation de la classe cible d’expérimentation étaient très proches de
celles de la classe témoin, cela veut dire que les deux classes de baccalauréat avaient le même
niveau.
Sauf qu’à la fin du cycle de la gymnastique au sol, les élèves de la classe cible
d’expérimentation se sont transformés en mieux, d’un niveau à un autre niveau d’habileté.
Cette transformation est due principalement à :

Travail par atelier

Travail par groupe affinitaire

Echauffements en introduisant des jeux et des entrées attrayantes

Démonstrations faites par le professeur

Figures des éléments gymniques

Utilisation des TICE (Data show, application de la gymnastique..)

Introduction des instruments de musique

Projet personnel (individuel) durant le cycle

Pédagogie de contrat

Utilisation de tableaux

Motivations des apprenants

Responsabilisation les apprenants
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
Pédagogie de différenciation.
Tout cela s’est répercuté positivement sur les représentations des apprenants qui sont devenus
plus motivés pour entamer un autre cycle de gymnastique l’année prochaine. Le taux
d’absence pendant ce cycle tend vers zéro contrairement à la classe A où le taux d’absence
des apprenants augmente progressivement d’une séance à l’autre.
Finalement nous pourrons dire que les fausses représentations des apprenants et l’image qu’ils
se font soit sur l’APS soit sur eux-même, perturbent et incommodent leurs actions en
apprentissage, et par conséquent elles influencent leurs comportements.
Les fausses représentations, quels que soient leurs types et leurs genres, comportementales,
religieuses,
sociales,
cognitives,
ou
psychologiques
influencent
négativement
les
comportements des apprenants. En effet, on n’aura pas un changement des comportements
d’une manière durable et permanente.
Dès que les fausses représentations changent positivement, le bon climat ainsi que les
circonstances d’apprentissage s’installent pour pousser chacun à son plus haut niveau
possible.
Conclusion
Ainsi, les représentations des apprenants peuvent provenir de leurs ressentis, de leurs idées
mais aussi de leurs habitudes. Pour essayer de les modifier, il faut d'abord les connaitre. Cela
peut se faire en observant leurs différents comportements et en procédant éventuellement à un
recueil de représentations, c’est ce que nous avons remarqué avec la classe cible
d’expérimentation. L'esprit de compétition provoquait une mauvaise ambiance dans la classe
(moqueries, refus de participer). Il est important de faire comprendre aux apprenants qu’ils
doivent travailler pour eux et non par rapport aux autres, et cela dans toutes les disciplines
scolaires.
Pour cela, il faut donner du sens aux activités. L'enseignant peut intervenir à plusieurs
niveaux: en variant les tâches que les apprenants ont à réaliser et les buts qu'ils ont à atteindre
pour adapter le contenu dépendamment de leurs niveaux. Il a été également judicieux
d'organiser des débats avec eux, de plus, l’enseignant doit prendre en considération leurs
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pensées et leurs goûts. De même, si l'évaluation pour les apprenants est liée aux
apprentissages, il faut leur montrer qu'ils peuvent être évalués en cherchant avec eux des
critères observables adaptés, mais il est évidemment difficile, avec contrainte temporelle, de
mettre en place des situations diverses et variées. En effet, il s'agit d'un travail continu. Il est
donc nécessaire que les enseignements soient complémentaires pour qu'ils aient envie de
s'investir pour pouvoir progresser, en plaçant les apprenants au cœur des apprentissages.
L'enseignant doit sans cesse être attentif aux actions et réactions de ses apprenants et essayer
de remédier aux divers problèmes qu'ils peuvent rencontrer.
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