La socio-construction du savoir

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FICHE 12
L’AUTO-SOCIO-CONSTRUCTION du SAVOIR
L’expression « auto-socio-construction » du savoir a été utilisée pour la première fois dans les années 70
au sein du GFEN (Groupe Français d’Education Nouvelle). Il fut élaboré dans l'impulsion d'un grand projet au
Tchad (1971-75) dont les enjeux, liés aux conséquences de la post-colonisation, étaient la transformation des
pratiques dans une situation scolaire d'échec et de conditionnement massifs.
Principe : une mise en situation problématique fonctionnelle :
Enseigner, ce n'est pas seulement transmettre - même habilement - des connaissances. Il devrait surtout s'agir
d'aménager des situations problématiques fonctionnelles de telle sorte que l'étudiant puisse s'approprier le
savoir par lui-même. Il s'agit de développer les apprentissages à partir d'une situation problématique
fonctionnelle (motivante) dont la solution impliquera l'exercice des compétences prévues.
Cette didactique se calque sur les processus de l'apprentissage spontané et vise de ce fait à rencontrer les lois
psychologiques du « learning » (de l'apprentissage). Selon les schémas de l'apprentissage spontané, lorsqu'il
apparaît un déséquilibre Individu-Milieu dont le réajustement ne s'opère pas de façon automatique, l'individu
se trouve alors confronté à un problème. Il va devoir - pour le résoudre - déployer une série d'actes dont le but
sera d'assurer les conditions réadaptatives.
Si la solution a déjà été découverte ou apprise antérieurement, il suffit alors d'appliquer celle-ci pour la
réponse réadaptative. Dans certains cas, cela peut même devenir une habitude (réadaptation automatisée à
cause de la répétition fréquente).
Si la solution n'est pas connue, elle doit être découverte ou inventée (aucune réponse toute faite, ni
automatique, ni apprise antérieurement). Alors, l'individu va devoir la découvrir avant de pouvoir l'émettre.
Si l'émission de cette réponse s'avère efficace, réadaptante, l'individu aura tendance à apprendre cette
réponse (loi de l'effet).
La situation motivante : le défi du savoir
La notion de situation problématique fonctionnelle de départ se complète par la notion de défi.
Dans la transmission magistrale des connaissances, il y a occultation d'un aspect essentiel de l'acquisition des
savoirs : leur caractère de conquête sur l'inconnu.
Dans les processus historiques de la genèse des connaissances, celles-ci se sont élaborées comme des
questionnements neufs, à partir de contradictions d'abord non résolues, se présentant en quelque sorte
comme des défis. Tandis que par les méthodes magistrales de transmission des connaissances, les savoirs
deviennent seulement des produits finis, dépouillés de leur caractère de recherche et de découverte. C'est une
distorsion que de transmettre un savoir sans que ne soit approchée la découverte de celui-ci.
Le défi sera une recherche proposée et non pas une tâche à accomplir, où l'on donnerait quelque procédure à
suivre.
Exemple : Au début de l'apprentissage d'une langue étrangère, un texte écrit est proposé avec pour seule
consigne : traduisez ! Il y a un défi pour l'apprenant parce qu'il lui est demandé de traduire une langue
étrangère qu'il ignore, alors même qu'on prétend la lui apprendre.
CAP – Fiches de cours de Luc Quinet
FICHE 12
Définitions :
L'auto-construction :
La connaissance est individualisée.C'est un instrument personnalisé de pensée. Ce qui entraîne, à l'école
comme dans la formation adulte, la nécessité de rendre possible, pour chaque apprenant, qu'il se construise
son savoir.
Il ne peut pas y avoir socio-construction s'il n'y a pas au préalable auto-construction par une recherche
individuelle de chacun (autrement dit, le travail autonome précède le travail en groupe).
La socio-construction du savoir :
La socio-construction du savoir favorise une décentration de l'individu par rapport à son point de vue.
L'apprenant prend conscience de l'existence de réponses différentes de la sienne.
Une situation de conflit socio-cognitif s'établit dans les groupes de travail restreints puis collectifs. Il s'agit du
conflit des idées qui oppose un sujet à autrui. Ce conflit favorise une décentration de l'individu par rapport à
son propre point de vue. Cette situation de conflit socio-cognitif comporte un enjeu social qui engage plus
activement les partenaires dans la recherche d'une solution.
L'interaction avec autrui permet au sujet de bénéficier d'informations qui peuvent l'aider à élaborer de
nouvelles connaissances. Dans l'activité de recherche, ce qui est primordial, c'est de pouvoir produire des
hypothèses. L'activité en groupe favorise la formulation d'hypothèses puis les choix parmi celles-ci.
L'auto-socio-construction :
Cette stratégie se mène sur trois plans qui alterneront.
Toute démarche s'enclenche à partir d'une mise en recherche individuelle, de telle sorte que chacun trouve
quelque chose.
Ensuite échange avec les autres en petits groupes de travail. C'est dans les moments de travail en petit groupe
qu'éclatent déjà des conflits socio-cognitifs. Il y aura également ce travail difficile de décider quoi mettre et
comment mettre les principales idées résultant du travail en groupe.
Enfin : confrontation collective de la classe. Après un temps d'observation des productions de chaque groupe,
les apprenants vont commencer leurs interventions verbales dans une grande permissivité d'expression sur les
productions affichées.
Tout ce qui est dit devra être précisé, argumenté, mis en relation afin de faire avancer la réflexion. L'exigence
est de parvenir à hausser le niveau de réflexion. L'enseignant sera un catalyseur, ses questions feront
progresser les découvertes.
Exemples d'applications :
Application simple :
Une des applications simples et courantes de la démarche d'auto-socio-construction du savoir est de prévoir
un contexte constitué de documents.
CAP – Fiches de cours de Luc Quinet
FICHE 12
L'étape 1 (auto-construction) consiste en un travail de recherche individuel en classe où les apprenants
inscrivent les idées-clefs du/des texte(s) consulté(s).
L'étape 2 (socio-construction) consiste, par groupes de travail de six étudiants, en la discussion (mise en
commun) puis en la synthèse des idées-clefs trouvées par chacun.
L'étape 3 (socio-construction en un grand groupe) consiste en la synthèse des résultats des groupes de travail
animée par le professeur.
Application plus élaborée :
Tout d'abord, l'enseignant devra concevoir un problème fonctionnel qui sera un défi, une recherche proposée
pour exercer des compétences et découvrir des savoirs. Il devra prévoir un contexte riche et varié de toutes les
données, instruments, matériaux, documents que les apprenants auront à leur disposition durant leur
recherche et qui permettront de faire les découvertes des savoirs. Cette élaboration de la situation de départ
(problème fonctionnel, défi et aménagement des contingences de solution) est une tâche qui nécessite une
bonne préparation de la part de l'enseignant.
Exemple : en section professionnelle, au début des activités pratiques d'ajustage, on distribue aux apprenants
un lot de polygones différents (concaves, convexes, nombre de côtés différents, nombre de côtés parallèles
différents, pas de côtés parallèles...). Le professeur montre que ces figures se retrouvent dans des pièces
mécaniques à ajuster (situation fonctionnelle). La consigne est : classez-les ! Il y a un défi parce que les
apprenants de cette formation professionnelle ignorent les différents types de polygones qu'on leur demande
de classer.
Conclusion :
L'auto-socio-construction des savoirs est une démarche active et très profonde d'apprentissage.
Une bonne méthode active doit avoir comme souci prioritaire l'apprentissage des apprenants par eux-mêmes
en recherchant des solutions à des problèmes fonctionnels.
L'enseignant a donc pour rôle dans ce cadre :
de construire une situation de départ qui soit un problème fonctionnel ;
de mettre en jeu des procédures d'auto-socio-construction des savoirs ;
d'éviter le piège de recourir trop vite à la transmission magistrale des connaissances.
L'enseignant formateur a comme mission de faire fructifier les cheminements, les échanges, les découvertes
de chacun des "sujets apprenants".
Cette pédagogie rencontre les principes de la motivation au moyen du défi (que nous souhaitons, autant que
possible, fonctionnel : problèmes de vie).
Cette méthode recourt à la démarche d'auto-formation puis de socio-formation (travail en groupes puis avec
toute la classe (grand groupe)).
Ceci étant dit, cette démarche demande du temps. Dès lors, cette stratégie peut alterner avec d'autres
méthodes de découverte ou de transmission des connaissances qui permettent d'éviter de longues recherches
pour redécouvrir toute la somme des savoirs à acquérir résultant d'un programme de formation.
(Source : Extraits du syllabus de pédagogie (andragogie) du CAP, in http://www.ifcjonfosse.be)
CAP – Fiches de cours de Luc Quinet
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