CANCER DE LA TETE DU PANCREAS AU STADE D’ICTERE (A PROPOS DE 38 CAS) M. FAIK ; A. HALHAL; M. OUDANANE ; K. HOUSNI ; M. AHALAT ; S. BAROUDI ; A. M’JAHED ; A. TOUNSI * RESUME II - MATERIEL ET METHODES A 1a lumière de 38 cas de cancer du pancréas au stade d ’ i c t è re colligé au service de ch i ru rgie « C «, les auteurs dégagent certains points : * l’âge moyen de survenu du cancer du pancréas est de 50 ans, avec prédominance masculine * l ’ ex p l o ration para clinique essentielle est représentée par l’échographie et la T.D.M. Le diagnostic se fait malheureusement tardivement devant l’installation de l’ictère ou la tumeur a pris un certain diamètre et devient inextirpable ou seul un traitement palliatif de dérivation biliaire est possible. Le pronostic est mauvais, dans les meilleures séries la survie ne dépasse pas 5,4 mois après dérivation biliodigestive ce qui justifie la nécessité des études épidémiologiques approfondies permettant un dépistage précoce et de surveiller les sujets à haut risque. L’âge moyen de nos malades au moment du diagnostic est de 55 ans chez la femme avec des extrêmes entre 51 et 70 ans et 60 ans pour l’homme avec des extrêmes entre 42 et 76 ans. Le sex-ratio est de 1,9. L’ictère était le premier signe amenant le malade à consulter, 30 malades présentaient un ictère franc et 8 un ictère va ri able. Le prurit est fréquemment retrouvé et souvent atroce entraînant des lésions de grattages. Cet ictère est associé dans 23 cas (60%) à un syndrome douloureux abdominal à type d’épigastralgie (17 cas) et de coliques hépatiques (6 cas), et dans 3 cas à une hémorragie digestive haute. Nous avons également relevé 1 cas d’angiocholite. L’état général est souvent altéré. L’ examen clinique re t ro u ve une grosse vésicule chez 13 patients (34%), une hépatomégalie chez 9 ( 23% ), une masse épigastrique chez 4 cas (10%) et une ascite chez un malade témoignant du stade avancé de la maladie néoplasique. L’ é ch ographie abdominale a ap p o rté le diagnostic de cancer de la tête du pancréas chez 32 malades (84%) et chez les 6 autres malades, elle n’a montré qu’une dilatation des voies biliaires intra et extra hépatiques. La T.D.M. n’a pu être réalisée que chez 8 patients, a montré une tumeur de la tête du pancréas dans tous les cas. Parmi les 38 malades, il y avait : * 4 abstentions chirurgicales (10%) vu l’âge avancé, la p ro fonde altération de l’état général, et l’existence de métastases viscérales * 5 lap a rotomies ex p l o rat rices (13%) du fait de la carcinose péritonéale et de la prise en masse de l’ensemble du pédicule hépatique par le processus néoplasique * 29 dérivations biliaires internes (76%) type cholédocoduodénale. I - INTRODUCTION Le cancer du pancréas semble être en augmentat i o n constante. Il représente 3% de tous les cancers et 10% des cancers digestifs (1). Au Maroc (3), le cancer du pancréas représente 2,24%, des cancers digestifs, et O,3% de tous les cancers traités. La localisation céphalique est la plus fréquente (70% des cas). Malgré les moyens d’investigations les plus performants, le pronostic de cette affection reste sombre, ceci est dû en grande partie à la grande latence de ces tumeurs qui sont p resque toujours découve rtes à un stade évolué ave c apparition de l’ictère, où seul un traitement palliatif est envisageable. Dans ce travail, les auteurs présentent leur expérience de cancer de la tête du pancréas au stade d’ictère à propos de 38 cas, colligés au service de chirurgie « C « durant une période de 7 ans (1989-1995). * Chef de service « C «, hôpital Avicenne Rabat (Maroc) Médecine du Maghreb 1998 n°72 Aucun malade n’a bénéficié d’un geste d’exérèse car la taille de la tumeur est excessive, les organes de voisinages sont envahis. CANCER DE LA TETE… III - RESULTATS Les suites post-opératoires immédiates ont été simples pour les 34 patients opérés. Aucun décès post-opératoire. Nous n’avons noté aucune complications pour les 29 malades ayant subi l’anastomose cholédocoduodénale. Parmi les malades opérés, seul 5 sont revus à la consultation 2 mois plus tard avec disparition de l’ictère mais aggravation de l’état général et augmentation de la masse abdominale les douleurs sont devenues rebelles aux antalgiques habituels. IV - DISCUSSION Le cancer du pancréas se situe au 5ème rang des cancers digestifs chez l’homme après le cancer du côlon, du rectum de l’estomac et de l’œsophage. Chez la femme, il occupe le 4ème rang après le cancer du côlon du rectum et de l’estomac (7). Il est considéré comme la première cause de néoplasie de l’ictère (60%) et la deuxième cause pour l’ensemble des ictères chirurgicaux (27%). Le recrutement est en augmentation constante quelque soit le niveau économique du pays. Ce cancer apparaît surtout au delà de 60 ans, le risque augmente avec l’âge, 4 fois plus élevé à 80 ans qu’à 40 ans (6). Une prédominance masculine est notée, le sex-ratio varie selon les auteurs de 1 à 3 (6). Résultats comparables à ceux trouvés dans notre série. Le caractère multifactoriel de l’étiologie de ce cancer est évoqué, ainsi on a incriminé le rôle du tabac, de l’alcoolisme, la consommation du café décaféiné, l’état diabétique antérieur, certains facteurs chimiques et exposition professionnelle : les employés du papier et du bois la pétrochimie, les travailleurs de l’industrie métallurgique (5). Ces éléments constituent les patients à haut risque qui nécessiteront un programme de dépistage précoce L’ictère est le signe le plus fréquent (96,5%), et constitue le motif d’hospitalisation. La fréquence du syndrome douloureux est varia ble 36 à 60% (7) 60% dans notre série. Typiquement, la douleur est intense siégeant dans l’épigastre ou dans l’hypochondre gauche transfixiante à irradiation postérieure. L’altération de l’état générale, l’anorexie, l’asthénie, la fièvre peuvent accompagner le cortège clinique. La grosse vésicule biliaire palpable dans un contexte ictérique peut être retrouvée dans 47% des cas (37% dans notre sé- 7 rie). La tumeur abdominale palpable est rarement retrouvé (12%, 10% dans notre série). Le bilan biologique montre un syndrome de cholostase. Les marq u e u rs tumoraux tel que l’antigène C A 19-9, l’antigène onco- fœtal pancréatique et les protéines fœtoacineuses pancréatiques ne sont pas de pratique courante dans notre contexte. L’antigène C A 19-9 a une sensibilité de 87%, et une spécificité de 86% (9). Les taux sériques sont proportionnels à la masse tumorale, l’exérèse chirurgicale est souvent associée à une chute du taux sérique. Le taux sérique de l’antigène onco-fœtal pancréatique est supérieur à 14U/ml dans 60% des cancers pancréatiques, combiné aux dosages du C A 19-9 il devient pratiquement spécifique du cancer du pancréas avec une sensibilité de 100% (9). L’échotomographie pancréatique est l’examen demandé en p re m i è re intention, il ne permet de détecter que des tumeurs pancréatiques supérieures à 2 cm de diamètre, et d’apprécier l’extension locale et à distance. Cet examen, qui dépend de l’opérateur, peut être gêné par les gaz, parfois difficile en cas d’obésité. Il peut montrer la dilatation des voies biliaires intra et extra hépatique ainsi que l’état de la vésicule biliaire. La T. D.M. examen de référence peut montrer la tumeur pancréatique dans 89% des cas, permet de classer la tumeur pancréatique en 3 stades et de détecter les métastases. La cholangio-pancréatographie rétr ograde endoscopique et la cholangiographie trans-hépatique peuvent être demandé dans le cadre du diagnostic étiologique des ictères par cholestase extra hépatique. L’écho-endoscopie permet la détection des petites tumeurs mesurant moins de 20 mm de diamètre avec une sensibilité de 90%, mais ne peut différencier le cancer p a n c r é at i q u e d’une pancréatite focale chronique. Sur le plan thérapeutique, l’exérèse radicale d’une tumeur i c t é rigène du pancréas est ra rement possible (5 % de l’ensemble des patients). Dans la majorité des cas, seul un traitement palliatif est envisageable, il vise à lutter contre l’ictère responsable d’un prurit invalidant. La mise en place des prothèses biliaires par voie endoscopique ou percutanée permet d’éviter une laparotomie, mais le taux d’obstruction secondaire reste élevé nécessitant des hospitalisations et des manœuvres répétées mal supportées par le patient (3). Médecine du Maghreb 1998 n°72 M. FAIK ; A. HALHAL; M. OUDANANE ; K. HOUSNI ; M. AHALAT ; S. BAROUDI ; A. M’JAHED ; A. TOUNSI 8 En reva n ch e, l’intervention ch i ru rgicale au cours de laquelle est pratiquée la dérivation bilio-digestive a l’avantage de donner un bilan lésionnel complet, l’inextirpabilité de la tumeur, et un diagnostic histologique de certitude. Egalement une dérivation gastro-duodénale associée même en l’absence d’obstruction duodénale paraît justifiée. La radiothérapie et la chimiothérapie isolée ou associée dans le traitement du cancer du pancréas n’ont pas montré leur efficacité. V - CONCLUSION Le cancer du pancréas est une affection de mauvais pronostic car son diagnostic est souvent tardif porté au stade d’ictère où tout geste d’exérèse chirurgicale est impossible, d’où la nécessité des études épidémiologiques qui laissent prévoir un dépistage précoce des patients à haut risque, les fumeurs et les femmes diabétiques facteurs de risque les plus connus actuellement . BIBLIOGRAPHIE 1 - ADLOFF M. Cancer du pancréas exocrine. Indications thérapeutiques en présence d’un cancer inopérable du pancréas. Medsi ; Me Graw Hill édit., Paris 1991 2 - BAUMEL H.; HUGUIER M. Le traitement palliatif des cancers de la tête du pancréas Ann. Chir. 1995, 40, NO 2, 110-120 3 - BOUHARRASS A. Cancer de la tête du pancréas. Thèse de Médecine de Rabat 293/96 4 - DE ROOIJ PD. ; ROGATKO A. 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