Infections à virus BK après allogreffe de cellules souches

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revue
Virologie 2011, 15 (2) : 115-25
Infections à virus BK après allogreffe de cellules
souches hématopoïétiques
Jérémie Corneille1,2
David Boutolleau1,2
1
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 25/05/2017.
UPMC Université Paris-VI, ER1
DETIV, 75013 Paris, France
2 AP–HP, Groupe hospitalier
Pitié-Salpêtrière, service de virologie,
75013 Paris, France
<[email protected]>
Résumé. Le virus BK (BKV) appartient à la famille des Polyomaviridae. Il est
largement répandu dans la population générale adulte. La primo-infection, généralement asymptomatique, se déroule pendant l’enfance. Puis, le virus persiste
sous forme latente dans l’organisme, principalement dans les cellules épithéliales
du rein et du tractus urinaire. L’immunodépression cellulaire favorise la réactivation du BKV. Après transplantation rénale, l’infection active à BKV peut être à
l’origine de néphropathies tubulo-interstitielles allant jusqu’à la perte du greffon.
Chez les patients recevant une greffe de cellules souches hématopoïétiques, elle
est généralement associée à la survenue de cystites hémorragiques (CH) tardives.
La physiopathologie de ces CH semble correspondre à une interaction entre les
dommages cellulaires causés par le conditionnement pré-greffe, l’infection active
à BKV et la réaction allo-immune des lymphocytes du donneur dirigés contre les
cellules de l’uroépithélium du receveur. Le diagnostic virologique des CH repose
sur la quantification du génome du BKV par PCR dans les urines et le sang. La
prise en charge de cette pathologie consiste avant tout en un traitement symptomatique, aucun traitement antiviral spécifique n’ayant clairement démontré son
efficacité.
Mots clés : virus bk, greffe de cellules souches hématopoïétiques, cystite hémorragique, charge virale sanguine
Abstract. BK virus (BKV) belongs to the Polyomaviridae family. It is widespread in adults. Primary infection typically occurs during childhood, without
specific symptoms, followed by a state of non-replicative infection in various tissues, with the urogenital tract as the principal site. Immunosuppression promotes
reactivation and replication of BKV. After kidney allograft, active infections
can cause interstitial nephritis up to graft loss. In hematopoietic stem cell transplant (HSCT) recipients, BKV infections are associated with hemorrhagic cystitis
(HC). The pathogenesis of HC after HSCT represents an interplay between urotoxicity of the conditioning regimen, BKV infection and alloimmune reactions
from donor lymphocytes targeting the recipient uroepithelial cells. The diagnosis
is based on the quantification of BKV DNA by PCR in urine and blood. The
current standard of care for HC is symptomatic, since to date no antiviral drug
with proven efficacy against BKV replication has been licensed.
doi:10.1684/vir.2011.0402
Key words: bk virus, hematopoietic stem cell transplantation, hemorrhagic cystitis, viral load in whole blood
L
es infections virales constituent des facteurs importants de morbidité et de mortalité au cours de
la période post-greffe de cellules souches héma-
Tirés à part : J. Corneille
topoïétiques (CSH). L’association entre le virus BK
(BKV) et la survenue de cystite hémorragique (CH)
chez les patients greffés de CSH est connue depuis
la fin des années 1980. Depuis quelques années, la
quantification du génome du BKV par PCR en temps
réel dans les urines et le sang des patients a permis
Virologie, Vol 15, n◦ 2, mars-avril 2011
Pour citer cet article : Corneille J, Boutolleau. Infections à virus BK après allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Virologie 2011; 15(2) : 115-25 doi:10.1684/vir.2011.0402
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revue
de confirmer cette association, avec la mise en
évidence de valeurs élevées de charge virale BKV lors de
la survenue de CH. Cette revue a pour objectif de faire le
point sur les infections à BKV dans le domaine de la greffe
de CSH.
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Généralités
Historique et classification
Le BKV fut isolé pour la première fois en 1971 par Gardner et al. dans des cultures de cellules de rein de singe
inoculées avec les urines d’un patient transplanté rénal
ayant développé une sténose urétérale [1]. La même année,
Padgett et al. isolèrent le virus JC (JCV) à partir de culture
d’un broyat de cerveau d’un patient atteint d’une maladie de Hodgkin [2]. Ce virus a depuis été identifié comme
responsable de la leuco-encéphalopathie multifocale progressive (LEMP). Le BKV et le JCV appartiennent à la
famille des Polyomaviridae. Ces deux virus présentent 72 %
d’homologie de séquence.
Récemment, trois nouveaux polyomavirus humains ont été
découverts. Il s’agit des polyomavirus KIPyV, WUPyV, et
du polyomavirus associé au carcinome à cellules de Merkel (MCPyV) [3-5] (tableau 1). Les deux premiers ont
été retrouvés dans les voies respiratoires mais n’ont pas,
jusqu’à présent, été associés à des pathologies respiratoires.
Le MCPyV a été identifié chez des patients atteints d’une
tumeur cutanée rare mais particulièrement agressive, le carcinome cutané à cellules de Merkel, et l’association de ce
nouveau virus avec cette tumeur paraît significative.
Structure
Le BKV partage la structure typique des autres membres
de la famille des Polyomaviridae. C’est un petit virus nu
composé d’un ADN bicaténaire circulaire super-enroulé
d’environ 5 300 paires de base entouré d’une capside à
symétrie icosaédrique de 45 ␮m de diamètre. Du fait de
l’absence d’enveloppe, le BKV est résistant aux solvants,
et de manière plus relative, à l’inactivation par la chaleur.
Il peut persister dans le milieu extérieur en résistant à la
dessiccation.
La capside virale est constituée de trois protéines appelées VP1, VP2 et VP3. Chaque capside est formée de
72 pentamères de protéine majeure de capside VP1, chaque
pentamère étant lui-même associé à une protéine mineure
de capside VP2 ou VP3. Cette capside contient la molécule
d’ADN complexée avec des histones d’origine cellulaire
H2A, H2B, H3 et H4, l’ensemble formant un « minichromosome ».
Le génome viral du BKV comporte trois régions distinctes
[6] :
– la région régulatrice non codante appelée non coding
control region (NCCR) se situe entre la région précoce
et la région tardive. Elle constitue le facteur déterminant
la spécificité d’hôte de chacun des membres de la famille
des Polyomaviridae. Elle contient l’origine de réplication
unique, commune aux gènes précoces et tardifs, ainsi que
les promoteurs des gènes précoces et tardifs et la région
activatrice ;
– la région précoce correspond à la portion du génome
transcrite et exprimée dès l’entrée du virus dans la cellule.
Elle est située du côté proximal par rapport à l’origine de
réplication. Les gènes qui la composent codent deux protéines de régulation : l’antigène T (Ag T) et l’antigène t
(Ag t). Ils partagent la même extrémité amino-terminale et
se distinguent par leurs parties carboxy-terminales. Ils produisent deux ARN messagers (ARNm) à partir d’un ARN
pré-messager (pré-ARNm) commun qui subit un épissage
alternatif. L’expression de cette région persiste pendant
toute la durée du cycle y compris après la réplication du
génome viral par l’ADN polymérase cellulaire ;
Tableau 1 Polyomavirus humains et pathologies associées.
Virus
Découverte
Principaux types de cellules
infectées
Principales pathologies associées
BKV
Gardner et al., 1971 [1]
Épithélium du rein et de l’arbre
urinaire (uroépithélium)
Lymphocytes (?)
Cystite hémorragique (greffe de CSH)
Néphropathie tubulo-interstitielle (greffe
rénale)
JCV
Padgett et al., 1971 [2]
Épithélium du rein
Cellules du SNC
Lymphocytes (?)
Leucoencéphalopathie multifocale
progressive (LEMP)
Néphropathie
KIPyV
Allander et al., 2007 [3]
Cellules de l’arbre respiratoire (?)
?
WUPyV
Gaynor et al., 2007 [4]
Cellules de l’arbre respiratoire (?)
?
MCPyV
Feng et al., 2008 [5]
Cellules de Merkel
Carcinome cutané à cellules de Merkel
BKV : virus BK ; CSH : cellules souches hématopoïétiques ; JCV : virus JC ; KIPyV : polyomavirus KI ; MCPyV : polyomavirus associé aux cellules de Merkel ;
SNC : système nerveuc central ; WUPyV : polyomavirus WU.
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– la région tardive est la portion du génome qui est traduite
après l’étape de réplication de l’ADN viral. Elle est située
du côté distal par rapport à l’origine de réplication. Elle
code les protéines de capside VP1 (362 acides aminés [aa]),
VP2 (351 aa) et VP3 (232 aa) et une protéine non structurale, l’agnoprotéine (66 aa). Les ARNm de ces différentes
protéines sont également issus de l’épissage alternatif d’un
pré-ARNm commun.
L’Ag T possède de multiples fonctions [7] :
– liaison à l’ADN viral : l’Ag T interagit spécifiquement
au niveau de l’origine de réplication du génome viral. Cette
liaison joue un rôle dans l’autorégulation de la production
d’ARNm précoces (blocage du complexe de transcription
inhibant la transcription précoce) et l’initiation de la réplication de l’ADN viral ;
– activité hélicase : cette fonction permet de dérouler la
double hélice d’ADN en supprimant les liaisons hydrogène
qui unissent les bases complémentaires ;
– formation avec l’ADN polymérase ␣ de complexes impliqués dans la transcription de l’ADN ;
– interactions avec des facteurs de transcription cellulaire :
TATA box binding protéine, Sp1, AP-2, TEF-1 ;
– formation de complexes avec des protéines impliquées
dans la régulation de la croissance cellulaire : pRb, p53,
p107, p130.
En 1993, Jin et al. [8] réalisèrent le premier génotypage du
BKV à partir d’une courte séquence du gène de la protéine
de capside VP1. Quatre génotypes distincts (I à IV) furent
alors mis en évidence. Depuis, pour les génotypes I et IV,
quatre et six sous-types ont été identifiés, respectivement
[9]. Le génotype I est répandu mondialement, le génotype
IV est principalement situé dans le sud-est de l’Asie et en
Europe, les génotypes II et III sont rarement retrouvés. La
région NCCR présente également des variations génotypiques. Elle est susceptible de subir des modifications telles
que des insertions et des délétions permettant de distinguer
les souches natives dites « archétypes » des souches réarrangées dites « variantes ». Ces variations ont été observées
aussi bien au niveau des souches de BKV en culture cellulaire qu’au niveau des souches isolées directement à partir
de prélèvements de patients [10].
Épidémiologie et transmission
Le BKV est un virus ubiquitaire. Différentes études
montrent que l’infection se produit pendant la petite
enfance. La séroprévalence est à son plus bas niveau à l’âge
de six mois, après la perte des anticorps maternels, puis augmente au cours du temps [11]. Le pic de séroconversion se
situe aux alentours de 4–5 ans. Jusqu’à 90 % des adultes
sont séropositifs pour le BKV. La séroprévalence diminue
avec l’âge avancé des sujets étudiés.
Virologie, Vol 15, n◦ 2, mars-avril 2011
La transmission interhumaine aurait lieu par les voies
respiratoires hautes mais cela n’a pas été formellement
démontré, le BKV étant retrouvé dans des prélèvements
amygdaliens [12] et l’âge de séroconversion allant dans
ce sens. Une transmission maternofœtale par voie transplacentaire a aussi été évoquée, de l’ADN viral ayant été
retrouvé au niveau des tissus fœtaux et placentaires [13].
Le virus a également été mis en évidence dans d’autres
prélèvements biologiques, en particulier les urines et les
selles [14], ces résultats amenant à poser l’hypothèse d’une
transmission par voie orale par des aliments ou de l’eau
contaminés. De même, la transmission par voie sexuelle a
été proposée. En effet, le BKV a été identifié dans des tissus génitaux et dans des échantillons de sperme. Toutefois,
étant donné l’âge de primo-infection qui est antérieur à l’âge
de l’activité sexuelle, ce mode de transmission apparaît
peu probable.
Tropisme in vivo et persistance virale
L’histoire naturelle de l’infection par le BKV comporte
schématiquement trois phases (figure 1) :
– la primo-infection, qui survient généralement chez les
jeunes enfants ;
– la phase de persistance dans l’organisme ;
– les phases de réactivation endogène ou de réinfection
exogène, généralement asymptomatiques chez les individus
immunocompétents, et qui peuvent avoir certaines expressions cliniques chez les sujets immunodéprimés.
L’hypothèse la plus probable concernant le mode d’entrée
du virus dans l’organisme est la voie respiratoire où il se
multiplierait au niveau des amygdales. Puis le virus serait
disséminé par voie hématogène, au sein des cellules mononuclées sanguines ou libre dans le plasma, vers différents
organes cibles, en particulier le rein et le tractus urinaire.
Le virus persiste alors à l’état latent dans certains organes.
Le site majeur de persistance virale est l’épithélium du rein
(épithéliums de transition, des tubules rénaux, de la capsule
de Bowman) et du tractus urinaire. Il a aussi été retrouvé
dans divers autres organes, tels que le poumon, le foie,
l’estomac, les glandes parathyroïdes, les amygdales et le
nasopharynx, les os, les organes génitaux et l’hypophyse ou
encore le cerveau et les cellules mononuclées sanguines. Le
génome viral se trouve alors sous forme épisomale dans le
noyau de la cellule hôte. Un nombre limité de gènes viraux
étant transcrits, le BKV échappe à la surveillance du système immunitaire dont les deux principales cibles sont l’Ag
T et la protéine de capside VP1 [15].
Le BKV a la capacité de se réactiver dans certaines circonstances, le plus souvent dans un contexte
d’immunosuppression, souvent d’origine cellulaire, même
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Primo-infection
Infection latente
Infection respiratoire haute
Pneumopathie
Cystite hémorragique
Néphrite tubulo-interstitielle
Hépatite
Encéphalite
Convulsion ?
Polyradiculonévrite ?
Tractus uro-génital
Leucocytes périphériques
Foie
Poumon
Estomac
Os
Système nerveux central
Voies respiratoires supérieures
Transformation
Réactivation
Cystite hémorragique
Sténose urétérale
Néphrite tubulo-interstitielle
Pneumonie interstitielle
Méningo-encéphalite
Rétinite
Infection disséminée
Cancer ?
Maladies auto-immunes ?
Figure 1. Étapes de l’infection naturelle par le virus BK.
modéré. La fréquence de cette réactivation, mise en
évidence par une virurie, est variable selon les populations
étudiées : elle augmente avec le degré d’immunodépression
[16] :
– population générale : 0,3 à 6 % ;
– femmes enceintes : 3 % ;
– personnes âgées : 9 % ;
– patients infectés par le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) : 25 % ;
– patients transplantés rénaux : 10 à 50 % ;
– patients greffés de CSH : 50 %.
Manifestations cliniques associées au
virus BK en dehors de la greffe de cellules
souches hématopoïétiques
Individu immunocompétent
La primo-infection par le BKV est la plupart du temps
asymptomatique. Les rares symptômes décrits sont de la
fièvre, des signes respiratoires hauts non spécifiques, ou
un syndrome pseudo-grippal. Des études sérologiques ont
118
mis en évidence une ascension des anticorps de type IgM
dans certains tableaux d’infections respiratoires hautes chez
l’enfant évoquant une primo-infection à BKV [17]. Le
génome viral a également été retrouvé dans des prélèvements amygdaliens chez des enfants présentant une angine
[18]. Des cas de possible primo-infection par le BKV ont
été décrits devant des cystites avec ou sans hématurie et
des syndromes néphrotiques. Des atteintes neurologiques
ont été suggérées par une étude qui a détecté du BKV par
amplification génique (PCR) chez des enfants de deux à
cinq ans suspectés d’encéphalite virale [19].
La réactivation du BKV chez les personnes immunocompétentes avec la présence du virus dans les urines ne
s’accompagne d’aucun symptôme.
Patient immunodéprimé
Lors d’un déficit de l’immunité cellulaire, le BKV peut
être responsable d’une infection active et provoquer différents tableaux cliniques. Étant donné son épidémiologie,
ces tableaux sont probablement liés à une réactivation du
virus mais aucune étude n’a pu écarter l’hypothèse d’une
nouvelle infection d’origine exogène. Le rein est le site de
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réactivation le plus fréquemment décrit, ce qui se traduit
par la mise en évidence du virus dans les urines. Cependant,
cette virurie est le plus souvent asymptomatique.
Chez les transplantés rénaux, les études décrivent des
néphropathies à BKV [20]. La présence de BKV dans les
urines est détectée chez 30 à 40 % des patients au cours de
la période post-transplantation rénale. Le BKV peut également être présent de façon concomitante dans le sang
[21]. La réplication virale survient généralement au cours
des trois mois suivant la transplantation, mais peut être
retardée et apparaître dans les deux ans qui suivent. La
complication de cette réplication est une néphrite interstitielle, survenant entre deux et soixante mois après la
transplantation, neuf mois en moyenne. Jusqu’à 10 %
des transplantations rénales peuvent se compliquer d’une
néphropathie à BKV conduisant dans 50 % des cas à un
dysfonctionnement du greffon voire à une perte de celui-ci
[22]. Par ailleurs, un cas de leuco-encéphalopathie multifocale progressive (LEMP) associée au BKV a été observé
chez un transplanté rénal en dehors de toute infection
disséminée [23].
Dans le cadre des autres transplantations d’organe (cardiaque, pulmonaire, pancréatique), les cas de néphropathie
à BKV sur rein natif sont rares, et ce en dépit d’un
état d’immunodépression similaire voire même plus
intense.
Chez des patients atteints de sida, des atteintes rénales
associées au BKV ont été rapportées [24]. De plus, des
formes pulmonaires, neurologiques et oculaires au cours
d’infections disséminées à BKV ont été décrites [25-27].
Infections à virus BK chez les greffés
de cellules souches hématopoïétiques
Prévalence et pouvoir pathogène
Une virurie à BKV est détectée chez environ 50 % des greffés de CSH, aux alentours de deux mois après la greffe. La
prévalence de la virurie à BKV est identique pour les greffes
allogéniques (46-53 %) et les greffes autologues (39-54 %)
de CSH [28]. Du fait du tropisme du virus, les pathologies associées aux infections à BKV sont principalement
localisées au niveau du tractus urinaire : hématurie asymptomatique, cystite hémorragique (CH), sténose urétérale et
néphrite interstitielle. La CH est la plus fréquente de ces
complications, survenant dans 10 à 25 % des cas de greffe
de CSH avec une morbidité et une mortalité significatives
[29]. Plusieurs cas de néphrite à BKV, sans CH associée,
ont été décrits chez des greffés de CSH ayant un rein natif
[30]. Enfin, plus rarement, d’autres manifestations cliniques
potentiellement associées au BKV ont été décrites chez les
greffés de CSH, comme par exemple une pneumonie interVirologie, Vol 15, n◦ 2, mars-avril 2011
stitielle mortelle chez une enfant de huit mois greffée de
CSH de sang de cordon [31]. L’enfant présentait également
une CH.
Cystite hémorragique
Les patients souffrant de CH présentent une pollakiurie, des
douleurs mictionnelles et une dysurie due à l’inflammation
de la muqueuse vésicale. Une douleur sus-pubienne et des
spasmes de la vessie peuvent également être présents. Ils
présentent de façon concomitante une hématurie. Une gradation de 1 à 4 a été définie pour déterminer le grade de la
CH en fonction de l’importance de l’hématurie : grade 1,
hématurie microscopique ; grade 2, hématurie macroscopique ; grade 3, hématurie macroscopique avec présence de
petits caillots ; grade 4, hématurie massive avec présence
de caillots provoquant l’obstruction du tractus urinaire. Les
CH peuvent causer de fortes douleurs, des saignements
incontrôlés, une insuffisance rénale aiguë, à l’origine d’un
allongement de la durée d’hospitalisation.
Chez les greffés de CSH, les CH peuvent avoir des origines infectieuses et non-infectieuses (tableau 2). Ces
dernières résultent directement de l’effet cytotoxique des
traitements antinéoplasiques, servant au conditionnement
pré-greffe, et plus particulièrement les agents alkylants dont
le cyclophosphamide. Cet effet est l’œuvre de l’acroléine,
métabolite des agents alkylants, qui est excrété par le rein
et agit sur l’épithélium de la vessie [32]. Les CH dues à
l’acroléine surviennent précocement après la greffe, généralement dans les 72 heures suivant l’administration du
cyclophosphamide. Il existe désormais des solutions pour
lutter contre la toxicité de l’acroléine : la diurèse forcée et
le MESNA (Uromitexan® ), un uroprotecteur.
Les CH causées par le BKV surviennent plus tardivement au
cours de la période post-greffe, généralement après la sortie d’aplasie du patient. Les premières études concernant
l’association entre le BKV et les CH tardives ont montré
que ces dernières se produisent avec une fréquence quatre
fois plus élevée chez les patients qui excrètent du BKV
Tableau 2 Origine des cystites hémorragiques (CH) chez les
greffés de cellules souches hématopoïétiques.
CH précoces
CH tardives
Origine médicamenteuse
- Cyclophosphamide,
ifosfamide
- Busulfan
- Étoposide à forte dose
Origine infectieuse
- Virus BK (BKV)
- Cytomégalovirus (CMV)
- Adénovirus (ADV)
Autres origines
- Irradiation pelvienne
- Thrombopénie sévère
- Troubles de la coagulation
Autres origines
- Thrombopénie sévère
- Troubles de la
coagulation
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dans leurs urines. De plus, cette virurie précède ou coïncide
avec la survenue des CH. Cependant, 40 à 50 % des greffés de CSH présentent une virurie à BKV sans CH, ce qui
indique que d’autres facteurs contribuent au développement
de celle-ci. Les études suivantes ont confirmé cette association entre BKV et survenue CH tardive. Ainsi, la charge
virale BKV urinaire des patients sans CH est au maximum
de 104 à 105 copies/mL alors que celle des patients avec CH
est de l’ordre de 108 à 1010 copies/mL, la virurie précédant
le début de la CH [33].
Contrairement au domaine de la transplantation rénale pour
lequel de nombreuses études ont montré que la virémie à
BKV était un indicateur sensible et spécifique de la néphropathie à BKV [34], peu d’équipes ont étudié l’intérêt de
la mesure de la charge virale sanguine du BKV dans le
cadre de la survenue de CH chez les patients greffés de
CSH (tableau 3). Ainsi, avec 33 % des patients présentant
une virémie à BKV, Erard et al. ont montré que le BKV
était étroitement associé au risque de développer une CH
[35]. Les patients ayant une charge virale plasmatique supérieure à 104 copies/mL avaient un risque significativement
plus élevé de survenue d’une CH. Dans l’étude de Cesaro
et al., concernant des enfants allogreffés de CSH, 40 % des
patients avaient une virémie à BKV, et le seuil prédictif de
survenue de CH était de 103 copies/mL de plasma [36].
Enfin, dans une étude menée au sein du Groupe hospitalier
Pitié-Salpêtrière, 25 % des patients avaient une virémie à
BKV, et la valeur de charge virale BKV significativement
associée à la survenue d’une CH était de 500 copies/mL de
sang total [37].
Facteurs de risque associés à la
survenue d’une cystite hémorragique
associée au BKV
Étant donné le grand nombre de patients présentant une
virurie à BKV sans CH, certaines conditions apparaissent
nécessaires pour la survenue d’une CH associée au BKV.
Plusieurs facteurs de risque potentiels semblent associés
aux CH dues aux BKV mais les résultats sont variables
suivant les études.
La présence chez le receveur d’un titre élevé d’anticorps
IgG anti-BKV avant la greffe est associée à l’excrétion
urinaire de BKV en post-greffe, celle-ci correspondant
alors à la réactivation du virus [38]. Les conditions de la
greffe apparaissent aussi comme un autre facteur de risque,
Tableau 3 Études concernant la virémie à virus BK chez les greffés de cellules souches hématopoïétiques.
Erard et al.,
2004 et 2005 [35, 45]
Cesaro et al.,
2008 [36]
O’Donnell et al.,
2009 [44]
Corneille et al.,
2010 [37]
Type d’étude
Rétrospective
Prospective et
rétrospective
Prospective et
rétrospective
Rétrospective
Population étudiée
Adultes
Enfants
Adultes
Adultes
Type de greffe
Autogreffe et allogreffe
Allogreffe
Allogreffe
Allogreffe
Durée d’étude post-greffe
3 mois
54 mois
2 ans
1 an
Fréquence des
prélèvements sanguins
Hebdomadaire
Hebdomadaire
durant les 100
premiers jours
post-greffe
Hebdomadaire durant les
100 premiers jours
post-greffe
Mensuelle
Nombre de patients
132
74 dont 15 en
prospectif
124 dont 57 en prospectif
61
Nombre de patients avec
virémie à BKV
44/132 (33 %)
6/15 (40 %)
21/124 (17 %) dont 13/57
(23 %)
15/61 (25 %)
Nombre de patients
présentant une CH tardive
19/132 (14 %)
16/74 (22 %) dont
5/15 (33%)
17/124 (14 %)
11/61 (18 %)
Valeur charge virale BKV
associée à la survenue de
CH tardive
1 × 104 (copies/mL
plasma)
1 × 103 (copies/mL
plasma)
ND
500 (copies/mL sang
total)
Facteurs de risque
Séropositivité CMV
pré-greffe
Hémopathie initiale
Aucun
Virémie à CMV
Leucémie aiguë
Virémie à CMV
ND : non déterminé ; CH : cystites hémorragiques.
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un conditionnement standard myéloablatif étant jugé plus
risqué pour la survenue d’une CH à BKV qu’un conditionnement à intensité réduite non myéloablatif [39]. Après un
conditionnement standard, les CH ont aussi une durée plus
longue et un grade plus élevé. Le type de greffe joue également un rôle. Ainsi, pour des conditionnements identiques,
les CH à BKV surviennent moins fréquemment après une
greffe autologue qu’après une greffe allogénique [40]. Pour
cette raison, la réaction allo-immune après la greffe allogénique semble un facteur contributif important à la genèse
de la CH. Allant dans le sens du rôle important du système
immunitaire, les survenues de CH et de maladie du greffon contre l’hôte (graft versus host disease ou GvHD) sont
associées de manière significative [41]. Chez les patients
autogreffés de CSH, le niveau et la valeur du pic de virurie
sont identiques à ceux des patients allogreffés. Cependant,
la CH se développe principalement chez ces derniers [42].
Donc, bien que l’infection à BKV soit un pré-requis au
développement de la CH, la réaction immunitaire suivant
la reconstitution hématopoïétique contribue certainement à
la pathogenèse de la CH.
Un schéma comportant trois phases a été proposé pour le
développement des CH à BKV lors des greffes allogéniques
de CSH [43] (figure 2) :
– lors de la première phase, au cours du conditionnement
pré-greffe, les antinéoplasiques et l’irradiation corpo-
relle endommageraient l’uroépithélium, et la régénération
consécutive des cellules uroépithéliales confèrerait un environnement cellulaire propice à la réplication du BKV. De
plus, l’immunodépression causée par le conditionnement
pré-greffe réduirait l’immunité cellulaire spécifique antiBKV. Cette combinaison fournirait les conditions idéales à
la réactivation virale ;
– durant la seconde phase, la réplication incontrôlée du
BKV causerait des effets cytopathiques qui aboutiraient
à l’excrétion du BKV dans les urines, correspondant à
l’augmentation de la virurie, et à l’apparition d’une hématurie microscopique ;
– dans la phase finale, lors de la reconstitution immunitaire
spécifique anti-BKV, les cellules lymphoïdes induiraient
une réaction immunologique contre les antigènes viraux
exprimés à la surface de l’uroépithélium. Cette réaction allo-immune serait à l’origine de l’altération de la
muqueuse et les hématuries caractéristiques des CH.
Il faut cependant noter que des CH à BKV peuvent survenir chez des patients ayant un nombre de lymphocytes
sanguins inférieur à 0,1 G/L ou recevant de fortes doses de
corticostéroïdes dans le cadre de traitement de GvHD [35],
ce qui va en partie à l’encontre de ce schéma qui, à ce jour,
n’a pas été prouvé.
Enfin, un lien entre la réactivation du CMV et celle du BKV
a été proposé lors des greffes de CSH. En effet, des études
Phase 1
Phase 2
La chimio-irradiation endommage L’immunodépression conduit
l’uroépithélium et procure un
à la réactivation virale
terrain adapté à la réplication virale
Epithélium
T
Sous-épithélium
T
BKV
Antigène BKV
Hématie
T
Lymphocyte T
T
Phase 3
La réaction allo-immune des
lymphocytes T dirigés contre les
antigènes BKV détruit l’uroépithélium
Figure 2. Modèle proposé pour la survenue de cystite hémorragique à virus BK chez les greffés de cellules souches hématopoïétiques
(d’après Leung et al. [42]).
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montrent que la virémie à CMV est significativement associée à la survenue d’une infection active à BKV au cours
de la période post-greffe de CSH [37, 44].
l’épithélium vésical peut parfois être réalisée. La présence
de l’ADN viral est alors mise en évidence par hybridation
in situ.
Diagnostic des cystites hémorragiques
associées au virus BK
Traitement des cystites hémorragiques
associées au virus BK
Le diagnostic de CH à BKV est envisagé lorsque le patient
présente une hématurie au cours de la période de postgreffe de CSH, après la sortie d’aplasie, ainsi que les
autres signes clinico-biologiques évocateurs. L’examen
cytologique de l’urine peut révéler la présence de cellules
caractéristiques infectées par des polyomavirus : les decoy
cells. Ce sont des cellules d’origine urothéliale, observées après coloration de Papanicolaou. Elles possèdent un
noyau élargi contenant une inclusion basophile intranucléaire. Toutefois, ces cellules peuvent être confondues avec
des cellules malignes, et les infections causées par le JCV
ou l’adénovirus peuvent aussi produire le même type de
cellules. L’isolement du BKV en culture de cellules n’est
pas utilisé en pratique courante. Cependant, il peut être
réalisé à partir de prélèvements urinaires sur des cellules
HEK, ainsi que sur des cellules Vero, mais l’isolement viral
peut nécessiter plusieurs semaines avant l’apparition d’un
ECP qui est limité. La méthode de choix pour la détection du BKV dans l’urine ou le sang périphérique est la
PCR. Cependant, comme dit précédemment, la seule présence d’ADN viral dans l’urine n’est pas spécifique de la
CH. Les patients greffés de CSH peuvent ainsi excréter du
BKV en l’absence de CH. Actuellement, les paramètres
de réactivation virale utilisés pour diagnostiquer la réplication du BKV comme cause de la CH sont une virurie
précédant la survenue d’hématurie, une charge virale urinaire supérieure à 109 copies/mL ou une augmentation
de 3 log de celle-ci, ou encore une virémie dont le seuil
varie de 500 copies/mL de sang total à 104 copies/mL
de plasma suivant les études [36, 37, 45]. Une biopsie de
L’approche thérapeutique des CH varie et dépend de la
sévérité et de l’évolution de cet épisode. Les CH à BKV
bénignes sont généralement spontanément résolutives en
deux semaines. Si une hématurie significative persiste audelà de deux semaines après le début des signes cliniques
et est accompagnée d’une augmentation significative de la
charge virale BKV, alors un traitement spécifique de la CH
peut être mis en place pour soulager le patient et contrôler
les saignements. Il s’agit d’un traitement symptomatique
comprenant des analgésiques, une hyperhydratation, une
diurèse forcée et une irrigation continue de la vessie pour
prévenir la formation de caillots. Le maintien d’un taux de
plaquettes supérieur à 50 G/L et d’un hématocrite supérieur
à 25 % chez les patients avec une CH de grade supérieur
ou égal à 2 permet d’alléger la sévérité et les conséquences
de l’hématurie. Lors des hématuries massives, une obstruction du tractus urinaire peut survenir suite à la formation de
caillots. Dans cette situation, afin de préserver la fonction
rénale, une cystoscopie doit être effectuée pour évacuer ces
caillots et éventuellement une cautérisation de la muqueuse.
Quand toutes ces alternatives ont échoué, que les saignements sont ingérables et menacent potentiellement la vie du
patient, l’intervention chirurgicale consistant en une cystectomie doit alors être envisagée.
À l’heure actuelle, aucun traitement spécifique n’a prouvé
son efficacité contre les infections à BKV. Cependant, en
raison de la forte demande concernant les néphropathies à
BKV chez les transplantés rénaux et les CH chez les greffés
de CSH, certains traitements ont été testés dans des essais
cliniques (tableau 4).
Tableau 4 Traitements potentiels des cystites hémorragiques (CH) à virus BK (BKV).
Molécule
Posologie
Expérience clinique
Mécanisme d’action
proposé
Principaux effets
indésirables
Cidofovir
1-5 mg/kg/semaine (i.v.)
associé au probénécide
Case report, 2 séries avec
réponse clinique et
virologique
Inhibition de l’activité ADN
polymérase de l’Ag T
Néphrotoxicité
Léflunomide
100 mg/j pendant 5 j puis
20-60 mg/j
Traitement des BKVN
Traitement d’infection à
CMV résistant
Inhibition de l’activité
protéine kinase
Pancytopénie,
agranulocytose,
thrombocytopénie
Baisse du pic viral urinaire
chez les greffés de CSH
Inhibition de l’activité
hélicase de l’Ag T
Résistance bactérienne
Fluoroquinolones500 mg p.o. 2 fois/j
(ciprofloxacine) 200 mg i.v. 2 fois/j
BKVN : néphropathie à BKV ; i.v. : intraveineux ; p.o. : per os ; ttt : traitement.
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Le cidofovir possède une activité contre les polyomavirus. Son activité anti-BKV a été confirmée dans des
études in vitro mais le mécanisme d’action n’est pas encore
complètement élucidé. En effet, le BKV, comme tous les
autres polyomavirus, ne possède pas d’ADN polymérase.
Le cidofovir inhiberait la fonction ADN polymérase de
l’Ag T. Le cidofovir a été utilisé avec succès pour traiter
les néphropathies à BKV chez les transplantés rénaux [46]
mais la plupart des études concernaient des petites séries ou
des études de cas (associées parfois à des baisses du traitement immunosuppresseur). Concernant les greffés de CSH,
le cidofovir a été administré chez un patient pour traiter une
CH à BKV associée une réactivation du CMV. Le résultat
a été un arrêt de la réplication du CMV et une réduction
significative de la virurie à BKV accompagnée d’une amélioration clinique [47]. Il a également été utilisé avec succès
lors d’administrations hebdomadaires à 1 mg/kg chez des
greffés de CSH présentant des CH à BKV. Ces résultats
ont également été retrouvés lors d’une étude menée par le
European Group for Blood and Marrow Transplantation
chez 62 patients ayant eu une CH à BKV traité par cidofovir avec des doses hebdomadaires allant de 0,5 à 5 mg/kg
[48].
Le léflunomide est un immunosuppresseur indiqué pour
le traitement de certaines maladies auto-immunes, en particulier la polyarthrite rhumatoïde. Cette molécule serait
également susceptible d’inhiber des protéines kinases laissant penser qu’elle pourrait être active sur des protéines
virales. Cette activité antivirale a été retrouvée in vitro
contre le CMV, le virus Herpes simplex (HSV) et le BKV
[49]. Le léflunomide a été utilisé pour traiter les patients
transplantés rénaux atteints de néphropathies à BKV [50].
Il permettait une réduction significative de la charge virale
BKV dans les urines et dans le sang et une stabilisation voire
une baisse de la créatinémie. Le léflunomide a aussi été
utilisé avec succès chez les allogreffés de CSH pour le traitement d’infections à CMV multi-résistantes [51]. À l’heure
actuelle, aucune étude concernant l’utilisation du léflunomide chez les patients greffés de CSH comme traitement
des CH à BKV n’a été publiée dans la littérature.
Il y a une vingtaine d’années, des études ont montré que les
quinolones pouvaient inhiber la réplication du BKV in vitro
[52]. Les quinolones inhiberaient la réplication du BKV
en intervenant au niveau de l’activité hélicase de l’Ag T
qui a une fonction similaire à celle de l’ADN-gyrase cellulaire. Récemment, des études in vitro ont démontré que
diverses fluoroquinolones telles que l’ofloxacine, la levofloxacine ou la ciprofloxacine inhibaient la réplication du
BKV. Chez les allogreffés de CSH, le traitement prophylactique par la ciprofloxacine a permis une baisse significative
du pic de la charge virale urinaire du BKV et une baisse de
l’incidence des CH comparé au traitement prophylactique
par des céphalosporines [53]. Mais cette activité « antiviVirologie, Vol 15, n◦ 2, mars-avril 2011
rale » reste modeste et peu sélective. Par conséquent, les
fluoroquinolones seraient plus efficaces dans le cadre d’un
traitement prophylactique des CH à BKV, plutôt que dans
le cadre d’un traitement curatif.
Au total, il apparaît que des études plus approfondies et
plus complètes concernant le cidofovir, le léflunomide et
les fluoroquinolones sont nécessaires pour évaluer leur véritable efficacité dans le cadre des traitements prophylactique
ou curatif des CH associées au BKV.
Conclusion
Depuis le milieu des années 1990, le BKV a été identifié comme un agent pathogène important chez les patients
immunodéprimés, en particulier les patients recevant une
greffe rénale ou une greffe de CSH. De nos jours, ces
populations sont en augmentation constante. De nouvelles
thérapies immunosuppressives plus puissantes sont également développées. Par conséquent, l’incidence et la
diversité des présentations cliniques des infections actives
à BKV, que l’on croyait initialement être limitées à
l’uroépithélium, sont en progression. Chez les patients
greffés de CSH, les infections actives à BKV provoquent
généralement des CH tardives. La physiopathologie de
ces CH semble correspondre à une interaction entre les
dommages cellulaires causés par le conditionnement prégreffe, l’infection active à BKV et la réaction allo-immune
des lymphocytes du donneur dirigés contre les cellules de
l’uroépithélium du receveur. Il est important de dépister les
patients à risque de développer des CH ainsi que de suivre
l’évolution de ceux déjà atteints, afin d’optimiser leur prise
en charge. La charge virale sanguine apparaît plus spécifique que la charge virale urinaire dans le cadre du suivi de
ces patients. D’autres études prospectives sont nécessaires
afin de conforter les résultats publiés à ce jour. Elles pourraient également permettre la mise en place d’une prise en
charge thérapeutique antivirale plus adaptée.
Conflits d’intérêts : aucun.
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