Infections à virus BK après allogreffe de cellules souches

revue
Virologie 2011, 15 (2) : 115-25
Infections à virus BK après allogreffe de cellules
souches hématopoïétiques
Jérémie Corneille1,2
David Boutolleau1,2
1UPMC Université Paris-VI, ER1
DETIV, 75013 Paris, France
2AP–HP, Groupe hospitalier
Pitié-Salpêtrière, service de virologie,
75013 Paris, France
Résumé. Le virus BK (BKV) appartient à la famille des Polyomaviridae.Ilest
largement répandu dans la population générale adulte. La primo-infection, géné-
ralement asymptomatique, se déroule pendant l’enfance. Puis, le virus persiste
sous forme latente dans l’organisme, principalement dans les cellules épithéliales
du rein et du tractus urinaire. L’immunodépression cellulaire favorise la réacti-
vation du BKV. Après transplantation rénale, l’infection active à BKV peut être à
l’origine de néphropathies tubulo-interstitielles allant jusqu’à la perte du greffon.
Chez les patients recevant une greffe de cellules souches hématopoïétiques, elle
est généralement associée à la survenue de cystites hémorragiques (CH) tardives.
La physiopathologie de ces CH semble correspondre à une interaction entre les
dommages cellulaires causés par le conditionnement pré-greffe, l’infection active
à BKV et la réaction allo-immune des lymphocytes du donneur dirigés contre les
cellules de l’uroépithélium du receveur. Le diagnostic virologique des CH repose
sur la quantification du génome du BKV par PCR dans les urines et le sang. La
prise en charge de cette pathologie consiste avant tout en un traitement sympto-
matique, aucun traitement antiviral spécifique n’ayant clairement démontré son
efficacité.
Mots clés : virus bk, greffe de cellules souches hématopoïétiques, cystite hémor-
ragique, charge virale sanguine
Abstract. BK virus (BKV) belongs to the Polyomaviridae family. It is wides-
pread in adults. Primary infection typically occurs during childhood, without
specific symptoms, followed by a state of non-replicative infection in various tis-
sues, with the urogenital tract as the principal site. Immunosuppression promotes
reactivation and replication of BKV. After kidney allograft, active infections
can cause interstitial nephritis up to graft loss. In hematopoietic stem cell trans-
plant (HSCT) recipients, BKV infections are associated with hemorrhagic cystitis
(HC). The pathogenesis of HC after HSCT represents an interplay between uro-
toxicity of the conditioning regimen, BKV infection and alloimmune reactions
from donor lymphocytes targeting the recipient uroepithelial cells. The diagnosis
is based on the quantification of BKV DNA by PCR in urine and blood. The
current standard of care for HC is symptomatic, since to date no antiviral drug
with proven efficacy against BKV replication has been licensed.
Key words: bk virus, hematopoietic stem cell transplantation, hemorrhagic cys-
titis, viral load in whole blood
Les infections virales constituent des facteurs impor-
tants de morbidité et de mortalité au cours de
la période post-greffe de cellules souches héma-
Tirés à part : J. Corneille
topoïétiques (CSH). L’association entre le virus BK
(BKV) et la survenue de cystite hémorragique (CH)
chez les patients greffés de CSH est connue depuis
la fin des années 1980. Depuis quelques années, la
quantification du génome du BKV par PCR en temps
réel dans les urines et le sang des patients a permis
doi:10.1684/vir.2011.0402
Virologie, Vol 15, n2, mars-avril 2011 115
Pour citer cet article : Corneille J, Boutolleau. Infections à virus BK après allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Virologie 2011; 15(2) : 115-25 doi:10.1684/vir.2011.0402
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de confirmer cette association, avec la mise en
évidence de valeurs élevées de charge virale BKV lors de
la survenue de CH. Cette revue a pour objectif de faire le
point sur les infections à BKV dans le domaine de la greffe
de CSH.
Généralités
Historique et classification
Le BKV fut isolé pour la première fois en 1971 par Gard-
ner et al. dans des cultures de cellules de rein de singe
inoculées avec les urines d’un patient transplanté rénal
ayant développé une sténose urétérale [1]. La même année,
Padgett et al. isolèrent le virus JC (JCV) à partir de culture
d’un broyat de cerveau d’un patient atteint d’une mala-
die de Hodgkin [2]. Ce virus a depuis été identifié comme
responsable de la leuco-encéphalopathie multifocale pro-
gressive (LEMP). Le BKV et le JCV appartiennent à la
famille des Polyomaviridae. Ces deux virus présentent 72 %
d’homologie de séquence.
Récemment, trois nouveaux polyomavirus humains ont été
découverts. Il s’agit des polyomavirus KIPyV, WUPyV, et
du polyomavirus associé au carcinome à cellules de Mer-
kel (MCPyV) [3-5] (tableau 1). Les deux premiers ont
été retrouvés dans les voies respiratoires mais n’ont pas,
jusqu’à présent, été associés à des pathologies respiratoires.
Le MCPyV a été identifié chez des patients atteints d’une
tumeur cutanée rare mais particulièrement agressive, le car-
cinome cutané à cellules de Merkel, et l’association de ce
nouveau virus avec cette tumeur paraît significative.
Structure
Le BKV partage la structure typique des autres membres
de la famille des Polyomaviridae. C’est un petit virus nu
composé d’un ADN bicaténaire circulaire super-enroulé
d’environ 5 300 paires de base entouré d’une capside à
symétrie icosaédrique de 45 m de diamètre. Du fait de
l’absence d’enveloppe, le BKV est résistant aux solvants,
et de manière plus relative, à l’inactivation par la chaleur.
Il peut persister dans le milieu extérieur en résistant à la
dessiccation.
La capside virale est constituée de trois protéines appe-
lées VP1, VP2 et VP3. Chaque capside est formée de
72 pentamères de protéine majeure de capside VP1, chaque
pentamère étant lui-même associé à une protéine mineure
de capside VP2 ou VP3. Cette capside contient la molécule
d’ADN complexée avec des histones d’origine cellulaire
H2A, H2B, H3 et H4, l’ensemble formant un « mini-
chromosome ».
Le génome viral du BKV comporte trois régions distinctes
[6] :
la région régulatrice non codante appelée non coding
control region (NCCR) se situe entre la région précoce
et la région tardive. Elle constitue le facteur déterminant
la spécificité d’hôte de chacun des membres de la famille
des Polyomaviridae. Elle contient l’origine de réplication
unique, commune aux gènes précoces et tardifs, ainsi que
les promoteurs des gènes précoces et tardifs et la région
activatrice ;
la région précoce correspond à la portion du génome
transcrite et exprimée dès l’entrée du virus dans la cellule.
Elle est située du côté proximal par rapport à l’origine de
réplication. Les gènes qui la composent codent deux pro-
téines de régulation : l’antigène T (Ag T) et l’antigène t
(Ag t). Ils partagent la même extrémité amino-terminale et
se distinguent par leurs parties carboxy-terminales. Ils pro-
duisent deux ARN messagers (ARNm) à partir d’un ARN
pré-messager (pré-ARNm) commun qui subit un épissage
alternatif. L’expression de cette région persiste pendant
toute la durée du cycle y compris après la réplication du
génome viral par l’ADN polymérase cellulaire ;
Tableau 1 Polyomavirus humains et pathologies associées.
Virus Découverte Principaux types de cellules
infectées
Principales pathologies associées
BKV Gardner et al., 1971 [1] Épithélium du rein et de l’arbre
urinaire (uroépithélium)
Lymphocytes (?)
Cystite hémorragique (greffe de CSH)
Néphropathie tubulo-interstitielle (greffe
rénale)
JCV Padgett et al., 1971 [2] Épithélium du rein
Cellules du SNC
Lymphocytes (?)
Leucoencéphalopathie multifocale
progressive (LEMP)
Néphropathie
KIPyV Allander et al., 2007 [3] Cellules de l’arbre respiratoire (?) ?
WUPyV Gaynor et al., 2007 [4] Cellules de l’arbre respiratoire (?) ?
MCPyV Feng et al., 2008 [5] Cellules de Merkel Carcinome cutané à cellules de Merkel
BKV : virus BK ; CSH : cellules souches hématopoïétiques ; JCV : virus JC ; KIPyV : polyomavirus KI ; MCPyV : polyomavirus associé aux cellules de Merkel ;
SNC : système nerveuc central ; WUPyV : polyomavirus WU.
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la région tardive est la portion du génome qui est traduite
après l’étape de réplication de l’ADN viral. Elle est située
du côté distal par rapport à l’origine de réplication. Elle
code les protéines de capside VP1 (362 acides aminés [aa]),
VP2 (351 aa) et VP3 (232 aa) et une protéine non structu-
rale, l’agnoprotéine (66 aa). Les ARNm de ces différentes
protéines sont également issus de l’épissage alternatif d’un
pré-ARNm commun.
L’Ag T possède de multiples fonctions [7] :
liaison à l’ADN viral : l’Ag T interagit spécifiquement
au niveau de l’origine de réplication du génome viral. Cette
liaison joue un rôle dans l’autorégulation de la production
d’ARNm précoces (blocage du complexe de transcription
inhibant la transcription précoce) et l’initiation de la répli-
cation de l’ADN viral ;
activité hélicase : cette fonction permet de dérouler la
double hélice d’ADN en supprimant les liaisons hydrogène
qui unissent les bases complémentaires ;
formation avec l’ADN polymérase de complexes impli-
qués dans la transcription de l’ADN ;
interactions avec des facteurs de transcription cellulaire :
TATA box binding protéine, Sp1, AP-2, TEF-1 ;
formation de complexes avec des protéines impliquées
dans la régulation de la croissance cellulaire : pRb, p53,
p107, p130.
En 1993, Jin et al. [8] réalisèrent le premier génotypage du
BKV à partir d’une courte séquence du gène de la protéine
de capside VP1. Quatre génotypes distincts (I à IV) furent
alors mis en évidence. Depuis, pour les génotypes I et IV,
quatre et six sous-types ont été identifiés, respectivement
[9]. Le génotype I est répandu mondialement, le génotype
IV est principalement situé dans le sud-est de l’Asie et en
Europe, les génotypes II et III sont rarement retrouvés. La
région NCCR présente également des variations génoty-
piques. Elle est susceptible de subir des modifications telles
que des insertions et des délétions permettant de distinguer
les souches natives dites « archétypes » des souches réar-
rangées dites « variantes ». Ces variations ont été observées
aussi bien au niveau des souches de BKV en culture cellu-
laire qu’au niveau des souches isolées directement à partir
de prélèvements de patients [10].
Épidémiologie et transmission
Le BKV est un virus ubiquitaire. Différentes études
montrent que l’infection se produit pendant la petite
enfance. La séroprévalence est à son plus bas niveau à l’âge
de six mois, après la perte des anticorps maternels, puis aug-
mente au cours du temps [11]. Le pic de séroconversion se
situe aux alentours de 4–5 ans. Jusqu’à 90 % des adultes
sont séropositifs pour le BKV. La séroprévalence diminue
avec l’âge avancé des sujets étudiés.
La transmission interhumaine aurait lieu par les voies
respiratoires hautes mais cela n’a pas été formellement
démontré, le BKV étant retrouvé dans des prélèvements
amygdaliens [12] et l’âge de séroconversion allant dans
ce sens. Une transmission maternofœtale par voie trans-
placentaire a aussi été évoquée, de l’ADN viral ayant été
retrouvé au niveau des tissus fœtaux et placentaires [13].
Le virus a également été mis en évidence dans d’autres
prélèvements biologiques, en particulier les urines et les
selles [14], ces résultats amenant à poser l’hypothèse d’une
transmission par voie orale par des aliments ou de l’eau
contaminés. De même, la transmission par voie sexuelle a
été proposée. En effet, le BKV a été identifié dans des tis-
sus génitaux et dans des échantillons de sperme. Toutefois,
étant donné l’âge de primo-infection qui est antérieur à l’âge
de l’activité sexuelle, ce mode de transmission apparaît
peu probable.
Tropisme in vivo et persistance virale
L’histoire naturelle de l’infection par le BKV comporte
schématiquement trois phases (figure 1) :
la primo-infection, qui survient généralement chez les
jeunes enfants ;
la phase de persistance dans l’organisme ;
les phases de réactivation endogène ou de réinfection
exogène, généralement asymptomatiques chez les individus
immunocompétents, et qui peuvent avoir certaines expres-
sions cliniques chez les sujets immunodéprimés.
L’hypothèse la plus probable concernant le mode d’entrée
du virus dans l’organisme est la voie respiratoire où il se
multiplierait au niveau des amygdales. Puis le virus serait
disséminé par voie hématogène, au sein des cellules mono-
nuclées sanguines ou libre dans le plasma, vers différents
organes cibles, en particulier le rein et le tractus urinaire.
Le virus persiste alors à l’état latent dans certains organes.
Le site majeur de persistance virale est l’épithélium du rein
(épithéliums de transition, des tubules rénaux, de la capsule
de Bowman) et du tractus urinaire. Il a aussi été retrouvé
dans divers autres organes, tels que le poumon, le foie,
l’estomac, les glandes parathyroïdes, les amygdales et le
nasopharynx, les os, les organes génitaux et l’hypophyse ou
encore le cerveau et les cellules mononuclées sanguines. Le
génome viral se trouve alors sous forme épisomale dans le
noyau de la cellule hôte. Un nombre limité de gènes viraux
étant transcrits, le BKV échappe à la surveillance du sys-
tème immunitaire dont les deux principales cibles sont l’Ag
T et la protéine de capside VP1 [15].
Le BKV a la capacité de se réactiver dans cer-
taines circonstances, le plus souvent dans un contexte
d’immunosuppression, souvent d’origine cellulaire, même
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Primo-infection Infection latente
Infection respiratoire haute
Pneumopathie
Cystite hémorragique
Néphrite tubulo-interstitielle
Hépatite
Encéphalite
Convulsion ?
Polyradiculonévrite ?
Tractus uro-génital
Leucocytes périphériques
Foie
Poumon
Estomac
Os
Système nerveux central
Voies respiratoires supérieures
Cancer ?
Maladies auto-immunes ?
Transformation
Réactivation
Cystite hémorragique
Sténose urétérale
Néphrite tubulo-interstitielle
Pneumonie interstitielle
Méningo-encéphalite
Rétinite
Infection disséminée
Figure 1. Étapes de l’infection naturelle par le virus BK.
modéré. La fréquence de cette réactivation, mise en
évidence par une virurie, est variable selon les populations
étudiées : elle augmente avec le degré d’immunodépression
[16] :
population générale : 0,3à6%;
femmes enceintes:3%;
personnes âgées:9%;
patients infectés par le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) : 25 % ;
patients transplantés rénaux : 10 à 50 % ;
patients greffés de CSH : 50 %.
Manifestations cliniques associées au
virus BK en dehors de la greffe de cellules
souches hématopoïétiques
Individu immunocompétent
La primo-infection par le BKV est la plupart du temps
asymptomatique. Les rares symptômes décrits sont de la
fièvre, des signes respiratoires hauts non spécifiques, ou
un syndrome pseudo-grippal. Des études sérologiques ont
mis en évidence une ascension des anticorps de type IgM
dans certains tableaux d’infections respiratoires hautes chez
l’enfant évoquant une primo-infection à BKV [17]. Le
génome viral a également été retrouvé dans des prélève-
ments amygdaliens chez des enfants présentant une angine
[18]. Des cas de possible primo-infection par le BKV ont
été décrits devant des cystites avec ou sans hématurie et
des syndromes néphrotiques. Des atteintes neurologiques
ont été suggérées par une étude qui a détecté du BKV par
amplification génique (PCR) chez des enfants de deux à
cinq ans suspectés d’encéphalite virale [19].
La réactivation du BKV chez les personnes immuno-
compétentes avec la présence du virus dans les urines ne
s’accompagne d’aucun symptôme.
Patient immunodéprimé
Lors d’un déficit de l’immunité cellulaire, le BKV peut
être responsable d’une infection active et provoquer diffé-
rents tableaux cliniques. Étant donné son épidémiologie,
ces tableaux sont probablement liés à une réactivation du
virus mais aucune étude n’a pu écarter l’hypothèse d’une
nouvelle infection d’origine exogène. Le rein est le site de
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réactivation le plus fréquemment décrit, ce qui se traduit
par la mise en évidence du virus dans les urines. Cependant,
cette virurie est le plus souvent asymptomatique.
Chez les transplantés rénaux, les études décrivent des
néphropathies à BKV [20]. La présence de BKV dans les
urines est détectée chez 30 à 40 % des patients au cours de
la période post-transplantation rénale. Le BKV peut éga-
lement être présent de fac¸on concomitante dans le sang
[21]. La réplication virale survient généralement au cours
des trois mois suivant la transplantation, mais peut être
retardée et apparaître dans les deux ans qui suivent. La
complication de cette réplication est une néphrite inter-
stitielle, survenant entre deux et soixante mois après la
transplantation, neuf mois en moyenne. Jusqu’à 10 %
des transplantations rénales peuvent se compliquer d’une
néphropathie à BKV conduisant dans 50 % des cas à un
dysfonctionnement du greffon voire à une perte de celui-ci
[22]. Par ailleurs, un cas de leuco-encéphalopathie multifo-
cale progressive (LEMP) associée au BKV a été observé
chez un transplanté rénal en dehors de toute infection
disséminée [23].
Dans le cadre des autres transplantations d’organe (car-
diaque, pulmonaire, pancréatique), les cas de néphropathie
à BKV sur rein natif sont rares, et ce en dépit d’un
état d’immunodépression similaire voire même plus
intense.
Chez des patients atteints de sida, des atteintes rénales
associées au BKV ont été rapportées [24]. De plus, des
formes pulmonaires, neurologiques et oculaires au cours
d’infections disséminées à BKV ont été décrites [25-27].
Infections à virus BK chez les greffés
de cellules souches hématopoïétiques
Prévalence et pouvoir pathogène
Une virurie à BKV est détectée chez environ 50 % des gref-
fés de CSH, aux alentours de deux mois après la greffe. La
prévalence de la virurie à BKV est identique pour les greffes
allogéniques (46-53 %) et les greffes autologues (39-54 %)
de CSH [28]. Du fait du tropisme du virus, les patholo-
gies associées aux infections à BKV sont principalement
localisées au niveau du tractus urinaire : hématurie asymp-
tomatique, cystite hémorragique (CH), sténose urétérale et
néphrite interstitielle. La CH est la plus fréquente de ces
complications, survenant dans 10 à 25 % des cas de greffe
de CSH avec une morbidité et une mortalité significatives
[29]. Plusieurs cas de néphrite à BKV, sans CH associée,
ont été décrits chez des greffés de CSH ayant un rein natif
[30]. Enfin, plus rarement, d’autres manifestations cliniques
potentiellement associées au BKV ont été décrites chez les
greffés de CSH, comme par exemple une pneumonie inter-
stitielle mortelle chez une enfant de huit mois greffée de
CSH de sang de cordon [31]. L’enfant présentait également
une CH.
Cystite hémorragique
Les patients souffrant de CH présentent une pollakiurie, des
douleurs mictionnelles et une dysurie due à l’inflammation
de la muqueuse vésicale. Une douleur sus-pubienne et des
spasmes de la vessie peuvent également être présents. Ils
présentent de fac¸on concomitante une hématurie. Une gra-
dation de1à4aétédéfinie pour déterminer le grade de la
CH en fonction de l’importance de l’hématurie : grade 1,
hématurie microscopique ; grade 2, hématurie macroscopi-
que ; grade 3, hématurie macroscopique avec présence de
petits caillots ; grade 4, hématurie massive avec présence
de caillots provoquant l’obstruction du tractus urinaire. Les
CH peuvent causer de fortes douleurs, des saignements
incontrôlés, une insuffisance rénale aiguë, à l’origine d’un
allongement de la durée d’hospitalisation.
Chez les greffés de CSH, les CH peuvent avoir des ori-
gines infectieuses et non-infectieuses (tableau 2). Ces
dernières résultent directement de l’effet cytotoxique des
traitements antinéoplasiques, servant au conditionnement
pré-greffe, et plus particulièrement les agents alkylants dont
le cyclophosphamide. Cet effet est l’œuvre de l’acroléine,
métabolite des agents alkylants, qui est excrété par le rein
et agit sur l’épithélium de la vessie [32]. Les CH dues à
l’acroléine surviennent précocement après la greffe, géné-
ralement dans les 72 heures suivant l’administration du
cyclophosphamide. Il existe désormais des solutions pour
lutter contre la toxicité de l’acroléine : la diurèse forcée et
le MESNA (Uromitexan®), un uroprotecteur.
Les CH causées par le BKV surviennent plus tardivement au
cours de la période post-greffe, généralement après la sor-
tie d’aplasie du patient. Les premières études concernant
l’association entre le BKV et les CH tardives ont montré
que ces dernières se produisent avec une fréquence quatre
fois plus élevée chez les patients qui excrètent du BKV
Tableau 2 Origine des cystites hémorragiques (CH) chez les
greffés de cellules souches hématopoïétiques.
CH précoces CH tardives
Origine médicamenteuse
- Cyclophosphamide,
ifosfamide
- Busulfan
- Étoposide à forte dose
Origine infectieuse
- Virus BK (BKV)
- Cytomégalovirus (CMV)
- Adénovirus (ADV)
Autres origines
- Irradiation pelvienne
- Thrombopénie sévère
- Troubles de la coagulation
Autres origines
- Thrombopénie sévère
- Troubles de la
coagulation
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