Polyomavirus

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Polyomavirus
Les polyomavirus humains JC (ou JCV) et BK (ou
BKV), antérieurement rattachés à la famille des Papovaviridae, genre Polyomavirus, à côté du genre Papillomavirus, appartiennent maintenant à la famille des
Polyomaviridae, genre Polyomavirus, qui rassemble
aussi des Polyomavirus animaux, en particulier simiens,
comme SV40 et SA12, et murins, comme le virus du
polyome. Comme ces autres virus, les virus JC et BK
ont une activité transformante in vivo chez le hamster
et in vitro sur cellules non permissives. La dénomination de ces deux virus provient des initiales des patients
chez qui ils ont été initialement isolés.
Le virus JC a été isolé en 1971 à partir d’un broyat
de cerveau d’un patient décédé de la leucoencéphalite
multifocale progressive (LEMP), pathologie dont l’origine virale était connue depuis 1965. Parallèlement, le
virus BK a été isolé des urines d’un transplanté rénal
souffrant d’une sténose urétérale. Le virus JC est considéré comme responsable chez l’homme de LEMP, et le
virus BK est à l’origine d’atteintes urinaires chez
l’immunodéprimé (cystites hémorragiques, néphropathies interstitielles, sténoses urétérales).
Ce sont de petits virus nus de 45 nm de diamètre, avec
une capside icosaédrique de 72 capsomères, formée de
3 protéines de structure virale, VP1 (75 % de la totalité), VP2 et VP3, qui contient le génome viral associé
à des histones d’origine cellulaire. Ce génome est un
ADN bicaténaire circulaire super-enroulé d’environ
5 kb. Les génomes des virus JC et BK comportent 75 %
d’homologie entre eux et sont constitués de deux
séquences codantes de 2,3 kb séparées par une séquence
non codante de 0,4 kb. Les deux séquences codantes
portent les gènes transcrits et traduits au cours des
phases précoce et tardive de la multiplication virale.
L’utilisation de plusieurs cadres de lecture chevauchants
permet la synthèse de plusieurs protéines à partir du
même gène. La phase précoce correspond à l’expression
des protéines non structurales Ag t et Ag T, appelées
aussi antigènes tumoraux. L’Ag T est une phosphoprotéine avec une forte affinité pour l’ADN viral. Elle
joue un rôle dans le déclenchement de la réplication de
cet ADN et a également une activité hélicase et ATPase.
L’Ag t interviendrait dans l’activation de la réplication
virale et dans les processus de transformation cellulaire.
Les protéines structurales VP1, VP2 et VP3 sont exprimées au cours de la phase tardive. La région centrale
non codante comprend les séquences d’origine de la
réplication de l’ADN viral, ainsi que les activateurs de
la réplication et de la transcription.
La variabilité des génomes des deux polyomavirus
humains permet de distinguer au moins 7 génotypes du
virus JC et 4 génotypes du virus BK. La répartition géographique de ces génotypes n’est pas homogène. Ainsi
le génotype 2 du virus JC est-il présent en Asie et chez
les Indiens d’Amérique du Nord, alors que le génotype 1 est majoritaire en Europe et aux États-Unis, et
que les génotypes 3 et 6 sont présents en Afrique. Il n’a
pas été montré de lien entre génotype et virulence ou
pathologie, aussi bien pour le virus JC que pour le virus
BK.
Le rôle des polyomavirus dans des tumeurs humaines,
en particulier cérébrales, est régulièrement évoqué, surtout en raison de leur pouvoir transformant in vitro et
chez le rongeur. Il n’existe pour le moment aucune
preuve formelle de la responsabilité de ces virus, même
si des séquences virales sont régulièrement retrouvées
intégrées dans des cellules tumorales ou si des antigènes
viraux sont exprimés par ces tumeurs.
Ces deux virus sont ubiquitaires et infectent préférentiellement l’enfant, avec une acquisition plus retardée
pour JCV. Cent pour cent des enfants de 10 ans ont des
anticorps anti-BKV, et pratiquement 100 % des adultes
ont des anticorps anti-JCV.
La transmission est majoritairement intrafamiliale, sans
doute respiratoire. Après pénétration dans l’organisme,
le virus diffuserait par voie hématogène. Le ou les site(s)
de latence font l’objet de controverses. Les deux virus
ont été retrouvés dans le rein chez l’immunocompétent
et dans un grand nombre d’organes chez l’immunodéprimé. Le virus JC resterait latent vraisemblablement
au niveau du système nerveux central. La primoinfection est presque toujours asymptomatique, mais
des manifestations cliniques parfois sévères, respiratoires ou neurologiques, ont été décrites. L’infection
latente ne se manifeste qu’en cas de baisse de l’immunité cellulaire, au minimum par une excrétion urinaire
asymptomatique, ou par des manifestations cliniques
plus sévères.
LEMP
Cette affection est presque toujours provoquée par le
virus JC, mais BKV peut très rarement être en cause.
Elle est caractérisée par de multiples foyers de
démyélinisation intracérébrale. Elle n’est rencontrée
qu’exceptionnellement en dehors d’un contexte d’altération profonde de l’immunité cellulaire. Connue avant
1982 comme une complication rare et tardive de certaines hémopathies malignes (maladie de Hodgkin,
leucémie lymphoïde chronique) ou au décours de traitements immunosuppresseurs prolongés, elle est rencontrée maintenant surtout au cours du sida, avec une
décroissance forte du nombre de cas depuis l’instaura-
tion des multithérapies antirétrovirales hautement efficaces.
La LEMP se manifeste cliniquement de façon insidieuse,
parfois comme première infection opportuniste au
cours du sida, parfois très tardivement. Les troubles
neurologiques observés sont très divers, liés à la localisation des lésions : troubles moteurs, sensitifs, cognitifs.
L’aggravation est le plus souvent rapide et aboutit au
décès en moins de 6 mois.
La tomodensitométrie cérébrale montre des images
hypodenses sans effet de masse, non rehaussées par
l’injection de produit de contraste. L’IRM est plus performante et plus précoce, mais les anomalies peuvent
être absentes au début des signes neurologiques. L’EEG
et l’examen du LCR sont le plus souvent normaux ou
non significatifs. L’étude histologique des lésions révèle
la présence des foyers de démyélinisation et la présence
en périphérie d’oligodendrocytes augmentés de volume,
contenant des inclusions nucléaires basophiles, et
d’astrocytes géants au noyau hyperchromatique.
Infections des voies urinaires
Une excrétion urinaire asymptomatique de BKV ou
JCV s’observe chez 25 à 44 % des transplantés rénaux
et 50 % des transplantés de moelle osseuse. Elle est également fréquente (25 %) chez les patients infectés par
le VIH. On la retrouve aussi chez 3 % des femmes
enceintes au cours du troisième trimestre, sans conséquence pour la grossesse ou le fœtus. Enfin, la recherche
de séquences d’ADN de JCV par PCR dans les urines
de sujets immunocompétents a pu donner un résultat
positif chez jusqu’à 40 % des sujets testés. La virurie à
BKV est moins fréquente, retrouvée chez environ 5 %
des patients testés.
Cette excrétion urinaire prolongée n’apparaît pas
comme un facteur de gravité certain chez le transplanté
de rein, en particulier pour le rejet de greffe. Cependant,
des sténoses urétérales et des néphrites interstitielles
sont décrites au décours d’infections urinaires à BKV
chez environ 5 % des transplantés rénaux, et des cystites hémorragiques se produisent également chez les
transplantés de moelle. La réactivation de BKV aboutit
dans 50 % des cas à un dysfonctionnement, voire à la
perte du greffon rénal. Ces pathologies ont augmenté
en incidence avec l’utilisation, depuis une dizaine
d’années, de médicaments immunosuppresseurs plus
puissants.
Il n’existe pas de thérapeutique spécifique efficace des
infections à polyomavirus humains. Les tentatives de
traitement de la LEMP par l’interféron α ou des analogues de nucléosides n’ont pas fait leurs preuves.
L’intérêt de l’utilisation du cidofovir dans les infections
à BKV suscite beaucoup d’espoirs, mais demande à être
confirmé. La diminution de l’immunosuppression, soit
par traitement antirétroviral efficace dans le cadre du
sida, soit par levée de l’immunosuppression thérapeutique dans le cas de transplantations, s’avère le seul
moyen vraiment efficace mais parfois difficile à mettre
en œuvre de lutter contre la réactivation virale.
Le diagnostic biologique d’une infection par un virus
JC ou BK est longtemps resté délicat et a beaucoup
bénéficié des techniques de biologie moléculaire. Certaines de ces techniques utilisent l’homologie entre les
deux virus pour amplifier les deux virus en une seule
étape, avec une différenciation secondaire entre JCV et
BKV :
• la microscopie électronique et l’histologie des lésions
cérébrales permettent un diagnostic de certitude
d’une LEMP mais ne sont souvent pratiquées que
post-mortem ;
• la mise en évidence de decoy cells (cellules piège) dans
les urines par une coloration de Papanicolaou est
directement reliée à une infection des voies urinaires
par BKV. Ces volumineuses cellules hyperbasophiles
présentent une inclusion virale centrale et un aspect
en verre dépoli. Le diagnostic de certitude de néphropathie interstitielle à BKV est fait par l’histologie
d’une ponction-biopsie rénale, avec éventuellement
marquage histochimique spécifique ;
• l’isolement des virus JC et BK en culture cellulaire est
réalisable mais il est difficile, surtout pour JC, et parfois très long, ce qui limite son intérêt ;
• les techniques de détection d’ADN viral, soit par
hybridation, soit surtout par PCR, à partir de fragments cérébraux et surtout de LCR, ont permis un
diagnostic plus facile dans une suspicion de LEMP et
permettent même éventuellement de typer le virus JC
en cause. La sensibilité de la PCR atteint selon les
séries 82 à 100 %, ce qui en fait maintenant la technique de référence ;
• de la même façon, la détection du virus BK dans les
urines, dans le sang ou dans le plasma a été améliorée
par l’utilisation de techniques de PCR. La forte proportion de patients excréteurs asymptomatiques de
BKV dans les urines a pour conséquence une mauvaise valeur prédictive positive de ce test réalisé isolément. En revanche, sa valeur prédictive négative est
excellente. Les techniques quantitatives n’ont pas
montré de corrélation entre virurie et virémie, mais la
persistance de la détection d’ADN de BKV dans les
urines et dans le sang ainsi qu’une virémie à taux
élevé ont été associées à la survenue de néphropathies
à BKV. La quantification de l’ADN plasmatique du
BKV pourrait également avoir un intérêt important
pour le suivi thérapeutique après levée de l’immunosuppression ;
• le diagnostic sérologique des infections à virus JC et
BK est limité par la forte prévalence des anticorps
dans la population générale et par l’immunodépression des patients concernés. La recherche
d’anticorps anti-BKV par réaction de fixation du
complément (RFC) est peu sensible et rarement
contributive chez l’immunodéprimé. Elle nécessite le
plus souvent deux sérums à 15 jours d’intervalle pour
pouvoir constater une augmentation du taux des anticorps. Une étude de corrélation avec la charge virale
plasmatique en ADN BKV chez des transplantés
rénaux a montré qu’un titre égal ou supérieur à 32
était corrélé avec une charge virale élevée. Un dosage
quantitatif des anticorps anti-JCV ou BKV par tech-
nique EIA pourrait être plus contributif, mais il
n’existe pas encore de réactifs spécifiques commercialisés permettant de faire cette recherche.
(
Bressollette-Bodin C, Coste-Burel M, Hourmant MM, Renaudin K, ImbertMarcille BM.
Le virus BK : état des connaissances en 2003 et particularités de l’infection en transplantation rénale.
Virologie 2003 ; 7 : 433-444.
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Basic and clinical research in polyomavirus nephropathy.
Disponible sur : http://www.ectrx.org/forms/ectrxcontentshow.php?
year=2004&volume=2&issue=1&supplement=0&makale_no=0&spage_
number=162&content_type= FULL %20TEXT
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