m ini-revue Traitement des métastases hépatiques des cancers de l’estomac Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Treatment of liver metastasis from gastric adenocarcinoma Laurence Chiche (1), Marie Pierre Galais (2) 1 Département de Chirurgie Digestive et Viscérale, CHU de Caen 2 Service de Gastroentérologie, Centre François Baclesse et CHU de Caen e-mail : <[email protected]> Résumé Les métastases hépatiques des cancers de l’estomac peuvent être synchrones ou survenir, parfois tardivement, après la gastrectomie. Souvent, elles sont diffuses et associées à une maladie évoluée, engageant le patient vers un traitement palliatif. Cependant, ces métastases peuvent être isolées et résécables, ce qui doit aujourd’hui amener à discuter un traitement chirurgical. En effet, l’analyse de la littérature montre que la résection chirurgicale des métastases hépatiques peut être à visée curative dans des cas sélectionnés, puisque la survie après résection est proche de 30 % à cinq ans. Les facteurs pronostiques sont liés au stade de la tumeur gastrique, à l’unicité ou non de la métastase, à sa taille et au caractère R0 de l’exérèse. Si la chimiothérapie reste la référence dans le cancer de l’estomac métastatique, en cas de métastases résécables, la place du traitement chimiothérapique associé à la chirurgie doit être discutée au cas par cas, car il n’y a, à ce jour, pas de donnée établie sur son opportunité et sa nature, vu l’absence d’essai thérapeutique dans cette situation rare. n Abstract Liver metastasis from gastric cancers may be synchronous or occur later, after the gastrectomy. They are often diffuse and associated with advanced disease, conducting the patient to a palliative treatment. However, these metastases can be isolated and resectable, which must lead to discuss a surgical treatment. Indeed, analysis of the literature shows that surgical resection of liver metastases may be in curative intent in selected cases, since the survival after resection is about 30% at 5 years. The prognostic factors are related to stage of gastric tumor, the uniqueness of the metastasis, its size and the achievement of full resection. If chemotherapy is the reference in the metastatic gastric cancer, in resectable metastasis cases, chemotherapy combined with surgery should be discussed on a case by case because there is so far no data available on its usefulness and its nature, given the lack of therapeutic trials in this rare situation. n doi: 10.1684/hpg.2010.0405 Mots clés : cancer gastrique, métastases hépatiques, chirurgie Key words: gastric cancer, hepatic metastasis, surgery adénocarcinome gastrique représente plus de 80 % des cancers de l’estomac. Il fait partie des tumeurs malignes dont l’incidence et la mortalité n’ont cessé de baisser au cours L’ HEPATO GASTRO et Oncologie digestive n Tirés à part : L. Chiche des vingt-cinq dernières années dans la plupart des pays industrialisés – à l’exception du cancer du cardia et de la linite, dont l’incidence, en revanche, augmente. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 2, mars-avril 2010 113 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Il reste de diagnostic tardif : aux États-Unis, une étude récente a montré que 65 % des cancers diagnostiqués étaient de stade T3-T4, dont 85 % avec d’emblée un envahissement ganglionnaire [1]. Il est admis que la découverte d’un cancer de l’estomac à un stade métastatique ou la récidive après gastrectomie engage le patient vers un traitement palliatif et que le pronostic est, dès lors, très sombre. Il faut néanmoins individualiser aujourd’hui le cas des métastases hépatiques, dont la prise en charge a bénéficié des progrès de l’oncologie et de la chirurgie. En effet, dans certains cas sélectionnés, les métastases de cancer de l’estomac peuvent être accessibles à un traitement à visée curative. Définition et fréquence Le foie est le premier site viscéral métastatique du cancer de l’estomac (9 à 37 %), ce qui est logique compte tenu du drainage portal de l’organe. En pratique, on distingue deux situations cliniques : – les métastases synchrones (MHS) [2-4], découvertes en même temps que la tumeur primitive, coexistent souvent avec une tumeur également localement évoluée non résécable. Elles peuvent, au contraire, être associées à une tumeur elle-même résécable. Ces localisations métastatiques sont à différencier de l’envahissement local de contact du lobe gauche dans certaines tumeurs localement avancées [5]. La fréquence des MHS est plus ou moins élevée selon les pays : dans une étude en population française sur 2 139 patients colligés de 1984 à 1995, le pourcentage de tumeurs gastriques métastatiques au diagnostic restait stable à environ 30 %, dont une majorité de métastases hépatiques [6]. En revanche, dans les séries asiatiques, ce pourcentage semble moins important (de 5 à 14 %). La survie spontanée des patients ayant des MHS est très mauvaise : quatre mois en cas d’atteinte bilobaire ; huit mois en cas d’atteinte unilobaire [3] ; – les métastases métachrones, survenant après la gastrectomie, représentent un mode de récidive assez fréquent après gastrectomie [7]. La récidive survient dans 40 à 65 % des cas, la localisation la plus fréquente est locorégionale (54 %), suivie de près par les métastases à distance dont le premier site est hépatique (37 %) [8, 9]. Les récidives sont localisées à un seul site dans la majorité des cas (68 %). Une extension diffuse est plus rarement notée. Le type de récidive semble dépendre de certains facteurs cliniques et histologiques. En effet, le sexe masculin et la localisation proximale de la lésion sont associés à une récidive locorégionale alors que le caractère proximal de la lésion, les formes précoces (early stage) ainsi que le sous-type intestinal sont liés à des récidives distantes. Ces récidives après gastrectomie ne sont en général 114 pas accessibles à un traitement à visée curative : 90 % des patients qui ont une rechute tumorale décéderont dans les deux ans [8]. Diagnostic Clinique Les métastases du cancer de l’estomac sont en général peu symptomatiques, sauf en cas d’envahissement hépatique massif. On distingue en pratique quatre types de circonstances, dont seule la première peut être symptomatique sous forme de douleur ou d’altération de l’état général, les autres étant, soit dominées par la symptomatologie liée à la tumeur gastrique, soit asymptomatique : – bilan d’un foie métastatique amenant à la recherche d’un primitif qui se révèle être gastrique ; – découverte de lésions hépatiques dans le bilan d’un cancer de l’estomac plus ou moins localement évolué ; – découverte de métastases en peropératoire lors d’une gastrectomie pour cancer ; – mise en évidence d’une ou plusieurs néoformations hépatiques au cours de la surveillance post-gastrectomie. L’examen clinique cherche une masse épigastrique palpable, une hépatomégalie et, au toucher rectal, des signes de carcinose péritonéale. Biologie Les marqueurs à réaliser pour le diagnostic et le suivi ultérieur sont le CA 19-9, l’ACE et le CA 72-4. La positivité simultanée de ces trois marqueurs est liée à une très forte probabilité de métastases hépatiques. Imagerie Les métastases d’adénocarcinome de l’estomac ont un aspect peu spécifique en imagerie. Il s’agit de lésions à comportement variable en échographie, réalisant classiquement, comme pour toutes les métastases d’adénocarcinomes, des images en cocarde. Au scanner, les lésions sont hypodenses, peu ou pas vascularisées, et évoquent des lésions métastatiques sans spécificité. En cas de métastases synchrones, le scanner thoracoabdomino-pelvien réalisé dans le bilan doit : – estimer l’extension locale du cancer de l’estomac (organes de voisinage et adénopathies) ; – faire le bilan en nombre, taille et localisation des lésions hépatiques ; – chercher une extension extra-hépatique : signes de carcinose péritonéale et métastases extra-hépatiques (en particulier ganglionnaire et osseuse). HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 2, mars-avril 2010 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Métastases hépatiques des cancers de l’estomac Les métastases synchrones sont le plus souvent multiples et associées à une volumineuse tumeur. En cas de métastase[s] unique ou peu nombreuses, surtout en cas de cancer résécable, le diagnostic peut requérir une biopsie. En cas de métastases métachrones, la surveillance voyant apparaître une ou plusieurs lésions hépatiques, le diagnostic est souvent évident. Cependant, en cas de délai long entre la gastrectomie et l’atteinte hépatique, surtout après cinq ans, une preuve histologique est nécessaire. Le caractère isolé ou non des métastases hépatiques étant un élément déterminant de la prise en charge, on peut compléter le scanner par un PET-scanner afin de chercher des localisations extra-hépatiques, sachant que nous n’avons pas de données de la performance de ce dernier dans cette indication spécifique. Anatomopathologie Il s’agit d’une prolifération glandulaire authentifiée par la coloration PAS + plus ou moins différenciée. Des glandes de plus petite taille qu’en cas de métastases d’origine colorectale feront évoquer des métastases d’adénocarcinome gastrique, surtout s’il existe des cellules indépendantes en bague à chaton. Leur profil immuno-histochimique est ACE +, CK7 +, CK20 +, ce qui n’est cependant pas spécifique, les adénocarcinomes d’origine pancréatico-biliaire ayant le même profil. Les armes thérapeutiques et leurs résultats Chimiothérapie Pour la majorité des adénocarcinomes gastriques métastatiques, la chimiothérapie reste le traitement de référence. Elle permet un allongement de survie de six mois et une amélioration de la qualité de vie. Toutefois, la médiane de survie reste médiocre, le plus souvent inférieure à un an, avec quelques espoirs venant de la thérapie ciblée. Ces polychimiothérapies doivent être réservées aux patients dont l’état général le permet (stade OMS < 3). Plusieurs schémas de chimiothérapie associant le 5 fluorouracil et les sels de platines sont validés : – le schéma ECF, associant épirubicine, cisplatine et fluorouracil (5FU), comparé au fluorouracil-adriamycineméthotrexate (FAMTX), améliore la survie, qui passe de 5 à 9 mois, avec une moindre toxicité hématologique [10]. L’inconvénient de ce schéma est l’administration du 5Fu en perfusion continue dans cette situation palliative ; – l’association cisplatine et 5FU en perfusion continue sur 5 jours ou selon le schéma LV5FU2-cisplatine est largement répandue : le taux de réponse objective est de 40 % et la survie médiane de huit mois. Ces schémas n’ont pas été directement comparés à l’ECF ; – - Récemment, l’étude Réal2 a montré la non-infériorité de l’oxaliplatine en remplacement du cisplatine et de la capécitabine à la place du 5FU continu dans le schéma ECF, nous permettant la prescription d’ECX ou EOXs [11]. En termes de toxicité, il n’y a pas de différence entre le 5FU et la capécitabine, et l’oxaliplatine entraîne moins de neutropénie, d’insuffisance rénale que le cisplatine. La médiane de survie dans le bras EOX est de 11,2 mois. Le docétaxel est venu enrichir cet arsenal thérapeutique. Comparé au 5FU et cisplatine, le schéma DCF (docetaxel plus cisplatine et fluorouracil) améliore la médiane de survie passant de 8,6 à 9,2 mois. En revanche, sa toxicité hématologique majeure (neutropénie grade 3-4 : 82 vs 57 %, et neutropénie avec fièvre 29 % vs 12 %) implique la prescription de facteurs de croissance en prévention primaire [12]. Ce nouveau standard améliore la qualité de vie et le bénéfice clinique [13]. Plus récemment, l’espoir d’améliorer le pronostic des patients est venu de la thérapie ciblée par le trastuzumab, déjà utilisé dans le cancer du sein. Environ 20 % des tumeurs gastriques surexpriment HER2. Dans cette étude, 584 patients HER2-positifs ont été inclus et recevaient du 5FU, cisplatine ou 5FU, cisplatine et trastuzumab. Dans le bras trastuzumab, la survie globale était améliorée de façon significative : 13,8 versus 11,1 mois, sans augmentation significative de la toxicité en dehors d’une augmentation asymptomatique de la fraction d’éjection ventriculaire gauche [14]. Il existe donc, en cas de cancer métastatique, plusieurs drogues et plusieurs protocoles permettant d’espérer une réponse objective et surtout une amélioration de la survie, mais ce bénéfice reste modéré. Ces protocoles ne permettent pas d’espérer une guérison. Chirurgie de résection Aujourd’hui, devant des métastases hépatiques, la première question à poser est celle de la résécabilité des lésions, car la chirurgie est un outil thérapeutique qui a prouvé son efficacité de façon incontestable dans les métastases d’origine colorectale et également dans certains cas de MH non colorectales. Dans le cas du cancer de l’estomac, cette résécabilité, bien que rare (moins de 10 %) [15] existe et, dans la littérature, d’assez nombreuses données concernant la chirurgie des MH de cancer de l’estomac sont disponibles. La revue de la littérature permet de trouver environ 380 résections hépatiques de métastases de cancer de l’estomac. Beaucoup sont rapportées dans des séries globales de résections de métastases hépatiques non HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 2, mars-avril 2010 115 colorectales. L’analyse des résultats spécifiques dans cette indication est difficile et, dans tous les cas, sujette à caution, compte tenu du faible effectif de ce sous-groupe. l’AFC, la mortalité opératoire est assez élevée (12 %). Enfin, il faut souligner que la récidive après résection survient très fréquemment, de 74 % à 83 % [17, 18, 21, 24], et qu’elle peut survenir très tardivement. “ ” La chirurgie des lésions hépatiques est le seul traitement capable de guérir des malades “ La survie à cinq ans après résection des métastases hépatiques varie désormais entre 20 à 38 % Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. En revanche, on dispose de quelques séries homogènes (surtout japonaises) traitant spécifiquement de cette indication. Douze séries ont été revues, d’un effectif variant de 10 à 40 patients. Le tableau 1 résume les données de ces études [7, 15-27]. Il faut ajouter à ces données les résultats de la série française colligée dans le rapport de l’AFC de 2005, de 101 résections de MH. La médiane de survie après résection varie de 8 mois à 16 mois avec une survie à cinq ans, dans les articles publiés avant 2001, allant de 0 à 18 %. Dans les dernières séries publiées à partir de 2002, la survie à cinq ans est comprise entre 20 et 38 %. Il faut intégrer à cette analyse la diminution du risque périopératoire de la chirurgie hépatique. Cependant, si les hépatectomies sur foie non cirrhotique sont grevées aujourd’hui d’une mortalité opératoire de moins de 3 %, il n’en est pas de même lorsque sont associés à la chirurgie hépatique des gestes comme des gastrectomies plus ou moins étendues. C’est probablement la raison pour laquelle dans la série de ” • Chirurgie des métastases hépatiques synchrones Cette chirurgie est rarement possible. Dans la série française, elle a été néanmoins faite dans 44 % des cas. La survie dans les meilleurs cas [3, 24] peut atteindre 20 à 38 % à cinq ans, mais elle est plus souvent inférieure à 20 %, avec très peu de survivants à long terme. Les facteurs de pronostic sont plus en relation avec la tumeur primitive (envahissement séreux, veineux et lymphatique du cancer de l’estomac) qu’avec les caractéristiques des métastases. • Chirurgie des métastases hépatiques métachrones La résection des métastases métachrones semble donner de meilleurs résultats dans la plupart des séries (à l’exception de la dernière série coréenne [26]). La survie à cinq ans atteint 30 %, avec une médiane de 16 à 32 mois. Tableau 1. Survie à 2 ans Auteur Revue Date Provenance n Bines [7] Surgery 1993 États-Unis 10 Ochiai [15] BJS 1994 Japon 21 22 % Saito [16] HGE 1996 Japon 14 Médiane 21 mois Miyasaki [17] AJG 1997 Japon 21 Ambiru [18] AJG 2001 Japon 40 Fujii [19] HGE 2001 Japon 12 27 % Survie à 5 ans 0% 18 % Longs survivants Métastases métachrones inclus 1 sur 10 Oui 4 sur 21 Non 1 sur 14 Non 2 sur 21 Oui 6 sur 40 10 % Imamura [20] AJG 2001 Japon 17 Okano [21] Ann Surg 2002 Japon 19 22 % 0% Zacherl [22] J Gastrointest 2002 Autriche 15 Médiane 8,8 mois Saiura [23] HGE 2002 Japon 10 30 % 20 % 43 % 26 % 34 % Shirabe [24] HGE 2003 Japon 36 Sakamoto [25] Surgery 2003 Japon 22 Cheon [26] Ann Oncol 2008 Corée 41 30 % 20,8 % AFC [27] _ 2005 France 101 40 % 27 % Oui 3 sur 19 Non 0 Oui 2 sur 10 Non Oui 38 % Non 3 sur 41 Oui 10 Oui BJS : British J of Surgery ; HGE : Hepatogastroenterology ; AJG : American Journal of Gastroenterology. Longs survivants : survie au-delà de cinq ans. 116 Oui Oui HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 2, mars-avril 2010 Métastases hépatiques des cancers de l’estomac Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Il est intéressant de noter que les facteurs pronostiques de la chirurgie hépatique sont en partie liés à la tumeur primitive (comme pour les cancers colorectaux) mais surtout aux caractéristiques des métastases, notamment le nombre de métastases (unique vs multiples), la taille (± 5 cm) et le caractère R0 de la résection, voire la présence d’une marge de sécurité de 1 cm. “ n T ake home messages n n La résection chirurgicale R0 est la seule chance de guérison chez des patients ayant une ou des métastase(s) hépatique(s) sans autre localisation extra-hépatique. n La résection des métastases métachrones semble donner les meilleurs résultats. La survie à cinq ans atteint 30 %, avec une médiane de 16 à 32 mois. Les facteurs pronostiques de la chirurgie hépatique sont en partie liés à la tumeur primitive mais surtout aux caractéristiques des métastases, notamment le nombre de métastases, la taille et le caractère R0 de la résection n En cas de métastase unique de petite taille et survenant plus d’un an après la gastrectomie, la chirurgie peut être d’emblée recommandée. ” Quelle que soit la nature des métastases, il semble acquis que les patients qui peuvent avoir la résection chirurgicale doivent être sélectionnés au vu des facteurs pronostiques dégagés dans la littérature. Dans la série de l’AFC, l’étude multifactorielle individualisait l’absence de maladie extrahépatique comme seul facteur statistiquement significatif [27]. De plus, cette série mettait en évidence le mauvais pronostic des résections hépatiques lorsque la tumeur primitive était un cancer du cardia (0 % de survie à trois ans). Stratégie thérapeutique Ainsi, l’ensemble des auteurs a tendance à valider la résection chirurgicale R0 comme seule chance de guérison chez des patients ayant une ou des métastase(s) hépatique(s) sans autre localisation extra-hépatique. L’argument le plus fort est l’existence de survivants à long terme. Cela semble justifié, même en cas de métastases synchrones. En revanche, il n’existe pas aujourd’hui de données sur la place des traitements adjuvants ou néoadjuvants associés à la résection chirurgicale, même si certains auteurs rapportent un bénéfice de ceux-ci [24, 28]. Les avancées incontestables en matière de stratégie multidisciplinaire dans les cancers colorectaux métastatiques incitent à adopter les mêmes raisonnements ici. Cela est d’autant plus vrai qu’il existe aujourd’hui des chimiothérapies efficaces en matière de cancer de l’estomac. Plusieurs travaux ont porté sur l’intérêt d’une chimiothérapie première en cas de volumineuses tumeurs évoluées localement avec des résultats prometteurs concernant le taux de résécabilité secondaire à visée curative de 37 à 80 % [29]. n n Dans les autres cas, une chimiothérapie néoadjuvante pourrait être discutée, ce qui donne l’avantage de déterminer si la tumeur est ou non répondeuse. On pourrait proposer l’attitude suivante devant des MH de cancer de l’estomac : – en cas de MH associées à une maladie extra-hépatique ou de MH multiples non résécables : la chimiothérapie reste requise selon un protocole adapté au patient ; – en cas de MH résécables, si la lésion est unique, de petite taille et survenant plus d’un an après la gastrectomie, la chirurgie peut être recommandée. Dans les autres cas, compte tenu des résultats moins satisfaisants de la chirurgie, une chimiothérapie néoadjuvante peut être discutée, ce qui a l’avantage de déterminer si la tumeur est ou non répondeuse. Il n’existe à ce jour aucune donnée pour étayer l’opportunité ou non d’une chimiothérapie adjuvante après résection ; elle peut être envisagée selon la présence ou non de facteurs pronostiques péjoratifs connus. “ En cas de métastases hépatiques uniques, de petite taille et survenant plus d’un an après la gastrectomie, la chirurgie peut être d’emblée recommandée ” Quoi qu’il en soit, il faut rappeler que cette discussion de stratégie thérapeutique doit être discutée en Réunion de concertation multidisciplinaire (RCM) pour tous les patients. En effet, un grand nombre de facteurs doivent être pris en compte : le patient lui-même, son âge et ses comorbidités, la localisation et le stade de son cancer de l’estomac, les caractéristiques de la ou des métastases. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 2, mars-avril 2010 117 Conclusion Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Les avancées en matière d’oncologie et de chirurgie permettent aujourd’hui de ne pas condamner les patients ayant des métastases hépatiques de cancer de l’estomac à un traitement a priori palliatif. Il est fondamental de rappeler ici et lors des réunions de concertation multidisciplinaire que la chirurgie de résection a sa place dans cette prise en charge. Elle seule peut être faite à visée curative dans des cas très sélectionnés. À l’instar de ce qui a été réalisé pour les métastases de cancers colorectaux, il est urgent de mettre en place des essais thérapeutiques pour déterminer la place de la chimiothérapie dans cette prise en charge. Conflit d’intérêt : aucun. n 13. Ajani J, Moiseyenko VM, Tjulandin S Majlis A, Constenla M, Boni C, et al. Clinical benefit with docetaxel plus fluorouracil and cisplatin compared with cisplatin and fluorouracil in a phase III trial of advanced gastric or gastroesophageal cancer adenocarcinoma: the V-325 Study group. 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HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 no 2, mars-avril 2010