Méthode

Chapitre 14. Les aspirations nationales et libérales en Europe 279 ●
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1. Décrivez le costume et l’attitude de cette
jeune femme, afin de montrer qu’elle
personnifie la Grèce.
2. Que suggèrent le titre du tableau et le décor
de ruines ?
3. Que représente le personnage à l’arrière-
plan, à droite du tableau ?
4. Après vous être informés sur Missolonghi et
après avoir rappelé l’engagement du peintre
en faveur des Grecs (voir p. 268-269), expliquez
dans quelle intention Delacroix a peint cette
allégorie.
■Lire et commenter un tableau allégorique
EXERCICE D’APPLICATION
1. Qu’est-ce qu’une allégorie?
Une allégorie est la représentation d’une notion abstraite
par une figure concrète. Ce personnage est souvent recon-
naissable grâce à des attributs caractéristiques ou à des sym-
boles. Comprendre une allégorie suppose donc de maîtriser
toutes les allusions codées. Dans la peinture de la première
moitié du XIXesiècle, les allégories sont nombreuses. Les
peintres expriment par ces symboles personnifiés les grands
idéaux de leur temps, les aspirations nationales et libérales.
2. Démonter le mécanisme de l’allégorie
■La première chose à faire pour comprendre un
tableau allégorique, c’est d’identifier les personnages et
les symboles et d’expliquer ce qu’ils représentent.
●Ici, le titre du tableau en donne la clé : Le Prométhée polo-
nais. Le peintre fait référence au mythe grec de Prométhée et
l’applique à la situation de la Pologne.
●Dans la légende grecque, le titan Prométhée déroba
aux dieux le feu, pour l’apporter aux hommes, permettant
ainsi le développement de la civilisation. Zeus l’enchaîna au
sommet du Caucase en lui infligeant un supplice terrible : un
aigle venait lui dévorer le foie, qui repoussait tous les jours.
On peut noter que ce mythe de Prométhée fut très en vogue
au début du XIXesiècle : les poètes romantiques ont fait de
Prométhée un héros symbolisant les aspirations de l’huma-
nité au progrès et à la vérité.
●Le personnage gisant à terre est donc le Prométhée
polonais. Ce soldat polonais mort, identifié au malheureux
titan, symbolise le martyre de la Pologne. La date du tableau
facilite le rapprochement avec les événements contempo-
rains : en septembre 1831, l’insurrection polonaise a été écra-
sée par l’armée russe (voir p. 272-273).
●Pour comprendre totalement l’allégorie, il reste à voir
que l’aigle qui martyrise le Prométhée polonais représente la
Russie. L’identification de la Russie à ce rapace est facilitée
par la symbolique traditionnelle : l’aigle est en effet l’em-
blème des empereurs de Russie. Le peintre a même revêtu
l’oiseau du collier de l’ordre de Saint-André, décoration
suprême de l’Empire russe !
3. Expliquer le message du peintre
■Une fois que le langage symbolique est assimilé, on
peut analyser en profondeur le tableau et expliquer le
message que le peintre a voulu faire passer.
●Ici Vernet a voulu témoigner sa sympathie aux révoltés
polonais. Horace Vernet (1789-1863) est spécialisé dans les
sujets militaires. Peintre des grandes batailles de la Révolution
et de l’Empire, il est proche des milieux libéraux français. C’est
donc très logiquement qu’il participe au mouvement de sou-
tien à la Pologne qui se développe en France en 1830-1831.
●Le caractère allégorique du tableau n’empêche pas le
peintre d’évoquer avec un réalisme tragique la répression
en Pologne. Le cadavre du soldat polonais occupe le premier
plan du tableau. En spécialiste de la peinture militaire, Vernet
a rendu dans les moindres détails l’uniforme (la Pologne inté-
grée à la Russie en 1815 avait conservé son armée spéci-
fique). Le sang qui coule et le sabre brisé suggèrent la
résistance acharnée des Polonais. À l’arrière-plan, on devine
l’armée russe, évoquée à travers la figure du cosaque, cava-
lier qui symbolise pour toute l’Europe la brutalité. L’un d’eux
poursuit une femme dans un décor de ruines et d’incendie.
●Au-delà du soutien à la cause polonaise, l’allégorie permet
sans doute à Vernet d’exprimer un message d’espoir. Pro-
méthée, on l’a dit, est pour les romantiques un symbole de la
liberté. Ici, la Pologne s’est battue pour la cause des peuples :
elle incarne les espérances de l’humanité. Elle est tourmentée
par l’aigle russe, qui vient sans cesse lui ronger le foie (faut-il
y voir une allusion aux partages successifs qu’a subis la
Pologne, plusieurs fois rayée de la carte dans l’histoire ?). Mais
elle sera un jour libérée, comme Prométhée dans la mytho-
logie grecque, le fut finalement par Héraclès.
■Le Prométhée polonais. Tableau peint par Horace Vernet en 1831. Bibliothèque polonaise de Paris.
■La Grèce expirant à Missolonghi. Tableau peint par
Eugène Delacroix en 1827. Musée des Beaux-Arts de Bordeaux.