D´eterminants
Dans tout le chapitre, Krepr´esente un corps commutatif.
1. Applications et formes multilin´eaires
Soient E1, . . . , Epet Fdes espaces vectoriels sur Ket ϕune application de E1×. . . ×Epdans
F.
efinition 1 – Dire que ϕest p-lin´eaire signifie que, pour tout i∈ {1, . . . , p}, pour tout
(x1, . . . , xi1, xi+1, . . . , xp)E1×. . . ×Ei1×Ei+1 ×. . . ×Ep, l’application ϕide Eidans F
d´efinie, pour tout xEi, par ϕi(x) = ϕ(x1, . . . , xi1, x, xi+1, . . . , xp) est lin´eaire.
Autrement dit, ϕest lin´eaire par rapport `a chacune de ses variables.
Si p= 2, on dit que ϕest bilin´eaire.
Si F=K, on dit que ϕest une forme p-lin´eaire.
Remarque - Si ϕest une application p-lin´eaire, alors, pour tout i∈ {1, . . . , p}, pour tout
(x1, . . . , xi1, xi+1, . . . , xp)E1×. . . ×Ei1×Ei+1 ×. . . ×Ep, on a
ϕ(x1, . . . , xi1,0, xi+1, . . . , xp) = 0.
Proposition 2 – L’ensemble des applications p-lin´eaires de E1×. . .×Epdans Fest canonique-
ment muni d’une structure de K-espace vectoriel not´e Lp(E1, . . . , Ep;F).
Si E1=. . . =Ep, on note cet espace Lp(E;F).
Th´eor`eme 3 – On suppose que Fest une somme directe de nsous-espaces vectoriels Fi. Alors
Lp(E1, . . . , Ep;F) est isomorphe `a
n
Y
i=1
Lp(E1, . . . , Ep;Fi).
D´emonstration : soit ϕLp(E1, . . . , Ep;F)et soit pkla k`eme projection canonique de Fsur
Fk. Alors, pour tout k∈ {1, . . . , n}, l’application pkϕest p-lin´eaire.
On consid`ere l’application δ:ϕ7→ (p1ϕ, . . . , pnϕ). Il est clair que δest lin´eaire.
Montrons que δest injective : soit ϕLp(E1, . . . , Ep;F)telle que δ(ϕ) = 0. Alors, pour tout
k∈ {1, . . . , n},pkϕ= 0. Donc, pour tout (x1, . . . , xp)E1×. . .×Ep,pkϕ(x1, . . . , xp)=0.
Comme ceci est vrai pour tout k, on en d´eduit que ϕ(x1, . . . , xp) = 0 (puisque toutes ses
projections sur des sous-espaces de Fen somme directe sont nulles). On a donc montr´e que δ
est injective.
Montrons que δest surjective. Soit (ϕ1, . . . , ϕn)
n
Y
i=1
Lp(E1, . . . , Ep;Fi). On d´efinit une
application ϕpar ϕ=ϕ1+· · · +ϕn. On a bien ϕLp(E1, . . . , Ep;F). De plus, ϕest
p-lin´eaire et pkϕ=ϕkpour tout k∈ {1, . . . , n}. Donc δest surjective.
On a ainsi construit un isomorphisme entre les deux espaces consid´er´es.
Comme tout espace vectoriel de dimension finie peut ˆetre consid´er´e comme une somme directe
de sous-espaces vectoriels isomorphes `a K, on n’´etudiera que les formes p-lin´eaires, c’est-`a-dire
l’espace Lp(E1, . . . , Ep;K).
Th´eor`eme 4 – dim Lp(E1, . . . , Ep;K) =
p
Y
k=1
dim Ek.
D´emonstration : notons nila dimension de l’espace Eipour tout i∈ {1, . . . , p}. Soit (ei
j)1jri
une base de Ei.
Pr´
eparation `
a l’agr´
egation interne UFR maths, Universit´
e de Rennes I
On va construire un isomorphisme entre Lp(E1, . . . , Ep;K)et Kn1×...×np.
Soit ϕLp(E1, . . . , Ep;K)et (x1, . . . , xp)E1×. . . ×Ep.´
Ecrivons chacun des xidans la
base de Ei:xi=
ni
X
ji=1
xi
jiei
ji. On a alors
ϕ(x1, . . . , xp) = ϕn1
X
j1=1
x1
j1e1
j1,...,
np
X
jp=1
xnp
jpenp
jp
=X
(j1,...,jp)Σ
x1
j1×. . . ×xp
jpϕ(e1
j1, . . . , ep
jp)
avec Σ = {(j1, . . . , jp) ; i∈ {1, . . . , p},1jini}. Donc, `a tout ϕLp(E1, . . . , Ep;K), on
a associ´e les ´el´ements de Kn1×...×npdonn´es par ϕ(e1
j1, . . . , ep
jp)pour (j1, . . . , jp)Σ. Notons
ψcette application. Elle est bien lin´eaire par propri´et´es des fonctions
R´eciproquement, soit une famille d’´el´ement mj1,...,jpavec (j1, . . . , jp)Σ. L’application ϕde
E1×. . . ×Epdans Kd´efinie, pour tout (x1, . . . , xn)E1×. . . ×Eppar
ϕ(x1, . . . , xp) = P(j1,...,jp)Σx1
j1×. . . ×xp
jpmj1,...,jp
est p-lin´eaire. Donc ψest surjective.
Il reste `a montrer qu’elle est injective. Soit ϕLp(E1, . . . , Ep;K)telle que ψ(ϕ) = 0. Alors il
est clair que ϕ= 0.
2. Formes p-lin´eaires altern´ees sur un espace vectoriel
D’apr`es le th´eor`eme 4, si Eest de dimension finie n, alors dim Lp(E;K) = np.
efinition 5 – Soit ϕune forme p-lin´eaire sur E. Dire que ϕest altern´ee signifie que, si pour tout
(x1, . . . , xp)Ep, s’il existe (i, j)∈ {1, . . . , p}2avec i6=jet xi=xj, alors ϕ(x1, . . . , xp) = 0.
Proposition 6 – L’ensemble des formes p-lin´eaires altern´ees est un K-espace vectoriel not´e
Ap(E).
On note Spl’ensemble des permutations de {1, . . . , p}.
Proposition 7 – Soit ϕLp(E). Si ϕest altern´ee, alors, pour toute transposition σSpet
pour tout (x1, . . . , xp)Ep, on a ϕ(xσ(1), . . . , xσ(p)) = ϕ(x1, . . . , xp).
D´emonstration : soit σla transposition ´echangeant iet j. On a
ϕ(x1, . . . , xi+xj, . . . , xi+xj, . . . , xp)=0car la forme est altern´ee
=ϕ(x1, . . . , xi, . . . , xj, . . . , xp)+0+0+ϕ(x1, . . . , xj, . . . , xi, . . . , xp)par lin´earit´e
=ϕ(x1, . . . , xi, . . . , xj, . . . , xp) + ϕ(xσ(1), . . . , xσ(i), . . . , xσ(j), . . . , xσ(p))
D’o`u le r´esultat.
Remarque - On montre facilement que la r´eciproque est vraie si Kest un corps de caract´eristique
diff´erente de 2.
Corollaire 8 – Soit ϕune forme p-lin´eaire altern´ee. Alors, pour toute permutation σde Sp,
pour tout (x1, . . . , xp)Ep,
ϕ(xσ(1), . . . , xσ(p)) = ε(σ)ϕ(x1, . . . , xp)
o`u ε(σ) est la signature de σ.
3. D´eterminant
– 2 –
D´
eterminants
3.1. D´efinition
Nous allons d’abord ´etudier l’espace An(E) dans le cas o`u n= dim Eet montrer que cet
ensemble est non vide. Soit (e1, . . . , en) une base de E. Soit (x1, . . . , xn)En. On pose
xi=
n
X
j=1
xi
jej.
D´efinissons une application ∆ par
∆ :
EnK
(x1, . . . , xn)7→ X
σSp
ε(σ)x1
σ(1) ×. . . ×xn
σ(n)
L’application ∆ ainsi d´efinie est bien n-lin´eaire.
V´erifions qu’elle est altern´ee. Si Kest un corps de caract´eristique diff´erente de 2, il suffit de
v´erifier que, pour toute transposition τ, si τpermute les indices iet j, on a
∆(x1, . . . , xi, . . . , xj,...xn) = ∆(x1, . . . , xj, . . . , xi, . . . , xn).
Ce qui est clair par d´efinition de ∆. Supposons maintenant que Ksoit un corps de caract´eristique
2. Soit i6=jet xi=xj. On a (on note S+
nl’ensemble des permutations de signature ´egale `a
1) :
∆(x1, . . . , xi, . . . , xi, . . . , xn) = X
σS+
n
x1
σ(1) . . . xn
σ(n)X
σSn\S+
n
x1
σ(1) . . . xn
σ(n)
=X
σS+
n
x1
σ(1) . . . xn
σ(n)X
σSn\S+
n
x1
στ(1) . . . xn
στ(n)
o`u τ=τij car xi=xj
Or l’application σ7→ στest bijective de Sn\S+
pdans S+
pdonc
∆(x1, . . . , xi, . . . , xi, . . . , xn) = X
σS+
n
x1
σ(1) . . . xn
σ(n)X
σ0S+
n
x1
σ0(1) . . . xn
σ0(n)= 0
Donc ∆ est altern´ee.
Il reste `a montrer que l’application ∆ n’est pas nulle. Or
∆(e1, . . . , en) = X
σSn
ε(σ)δ1(1) ×. . . ×δn,σ(n)= 1
o`u δij repr´esente le symbole de Kronecker. On a donc prouv´e que Ap(E) est non vide.
Th´eor`eme 9 – Soit Eun Kun espace vectoriel de dimension n.
si p>n, alors Ap(E) = {0};
si p=n, alors dim Ap(E) = 1.
D´emonstration : soient (e1, . . . , en)une base de Eet (x1, . . . , xp)Ep. On pose xi=
n
X
j=1
xi
jej.
Soit ϕAp(E). En utilisant la p-lin´earit´e de ϕ, on a
ϕ(x1, . . . , xp) = ϕ(
n
X
j=1
x1
jej,...,
n
X
j=1
xp
jej)
=X
(i1,...,ip)∈{1,...,n}p
x1
i1. . . xp
ipϕ(ei1, . . . , eip)
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Pr´
eparation `
a l’agr´
egation interne UFR maths, Universit´
e de Rennes I
Si p>n, alors deux termes parmi (i1, . . . , ip)sont ´egaux et comme la forme ϕest altern´ee,
ϕ(ei1, . . . , eip)=0. Donc Ap(E) = {0}.
Si p=n, il existe une unique permutation σqui associe (i1, . . . , ip)`a (1, . . . , n). On a alors
ϕ(x1, . . . , xp) = X
σSp
ε(σ)ϕ(e1, . . . , ep).
On en d´eduit que dim Ap(E)1. Or cet espace est non vide donc il est de dimension 1.
efinition 10 – Soit B= (e1, . . . , en) une base d’un K-espace vectoriel Ede dimension n.
Alors, d’apr`es ce qui pr´ec`ede, il existe une unique forme n-lin´eaire altern´ee, note D´etBtelle
que D´etB(e1, . . . , en) = 1. Si (x1, . . . , xn)En, D´etB(x1, . . . , xn) s’appelle le d´eterminant du
syst`eme de vecteurs (x1, . . . , xn) par rapport `a la base B.
On a D´etB(x1, . . . , xn) = X
σSn
ε(σ)x1
σ(1) ×. . . ×xn
σ(n)
avec xi=
n
X
j=1
xi
jejpour tout i∈ {1, . . . , n}.
3.2. Premi`eres propri´et´es
Proposition 11 – D´etB(x1, . . . , xn) = 0 si et seulement si le syst`eme (x1, . . . , xn) est li´e.
D´emonstration : si (x1, . . . , xn)est li´e, alors l’un des vecteurs est combinaison lin´eaire des
autres. On conclut ensuite en utilisant la p-lin´earit´e du d´eterminant et le fait que ce soit une
forme altern´ee.
Supposons que (x1, . . . , xn)forme un syst`eme libre et montrons que D´etB(x1, . . . , xn)6= 0. On
aura alors montr´e la r´eciproque par contrapos´ee.
Dans ce cas, B0= (x1, . . . , xn)est une base de E. Or An(E)est un espace vectoriel de
dimension 1. Donc il existe λ6= 0 tel que D´etB=λetB0(λ6= 0 car aucune des deux formes
n’est nulle). On en d´eduit que D´etB(x1, . . . , xn) = λD´etB0(x1, . . . , xn) = λ6= 0.
Proposition 12 – Soient B= (e1, . . . , en) et B0= (e0
1, . . . , e0
n) deux bases d’un K-espace
vectoriel de dimension n. Pour tout (x1, . . . , xn)En, on a
D´etB0(x1, . . . , xn) = D´etB0(x1, . . . , xn) D´etB(e0
1, . . . , e0
n)
D´emonstration : d’apr`es la dimension de An(E), il existe λKtel que D´etB=λD´etB0. On
applique cette ´egalit´e `a (e0
1, . . . , e0
n)et on obtient le r´esultat.
Corollaire 13 – Pour toute permutation σSn, on a
D´etB(xσ(1), . . . , xσ(n)=ε(σ) D´etB(x1, . . . , xn).
NOTATION
Soit B= (e1, . . . , en) une base de E. Pour tout xiE, on pose
xi=
n
X
j=1
xi
jej
et on ´ecrit alors
D´etB(x1, . . . , xn) =
x1
1. . . xn
1
.
.
.....
.
.
x1
n. . . xn
n
c’est-`a-dire que l’on a ´ecrit dans la k`eme colonne les coordonn´ees dans la base Bdu vecteur xk.
Le d´eterminant d´epend donc lin´eairement de chaque colonne. Il est nul d`es que 2 des vecteurs
sont proportionnels et il ne change pas si on ajoute `a l’une des colonnes une combinaison lin´eaire
des autres.
– 4 –
D´
eterminants
3.3. D´eterminant d’un endomorphisme
Th´eor`eme 14 – Soient Eun K-espace vectoriel de dimension net uL(E). Alors il existe
un scalaire not´e D´et u(et appel´e d´eterminant de l’endomorphisme u) tel que
ϕAn(E),(x1, . . . , xn)En, ϕu(x1), . . . , u(xn)= (D´et u)ϕ(x1, . . . ;xn).
D´emonstration : si ϕ= 0, la relation est vraie. Soit ϕAn(E). Posons ϕu(x1, . . . , xn) =
ϕu(x1), . . . , u(xn). Comme uest lin´eaire et que ϕest une forme n-lin´eaire et altern´ee, il est
clair que ϕuest une forme n-lin´eaire altern´ee.
Comme dim An(E)=1, il existe λKtel que ϕu=λ ϕ.
Montrons que λest ind´ependant de ϕ.
Soit ψAn(E). Alors il existe kKtel que ψ=k ϕ. On a alors
ψu(x1, . . . , xn) = ψu(x1), . . . , u(xn)=kϕu(x1), . . . , u(xn)
=kϕu(x1, . . . , xn) = λ k ϕ(x1, . . . , xn)
=λ ψ(x1, . . . , xn)
On a donc ψu=λ ψ.
Corollaire 15 – Soit uL(E) et B= (e1, . . . , en) une base de E.
Alors on a D´et u= D´etBu(e1), . . . , u(en).
D´emonstration : il suffit de prendre ϕ=D´etBdans la d´efinition de D´et u.
Corollaire 16 – et(Idn) = 1 et et(λ Idn) = λnpour tout λK.
Proposition 17 – Soient uet vdeux endomorphismes de E. D´et(uv) = D´et u×D´et v.
D´emonstration : soit ϕAn(E). On a successivement
ϕuv(x1),...uv(xn)= (D´et u)ϕv(x1), . . . , v(xn)
= (D´et u)(D´et v)ϕ(x1, . . . , xn)
On en d´eduit donc que D´et(uv) = D´et u×D´et v.
L’application de (GL(E),) dans (K,×) est un morphisme de groupes.
Proposition 18 – Soit uL(E). uest bijectif si et seulement si D´et u6= 0.
D´emonstration : si uest bijectif, il existe vL(E)tel que vu=IdE. On a donc
D´et uD´et v= 1, d’o`u et u6= 0.
Supposons maintenant que une soit pas bijectif. Soit B= (e1, . . . , en)une base de E.
u(e1), . . . , u(en)est un syst`eme li´e. Donc D´etBu(e1), . . . , u(en)=0=et u.
3.4. D´eterminant d’une matrice
efinition 19 – Soit AMn(K). On note aij les coefficients de cette matrice. On appelle
d´eterminant de la matrice Ale scalaire
D´et A=X
σSn
ε(σ)aσ(1)1 ×. . . ×aσ(n)n.
Proposition 20 – Soient Eun K-espace vectoriel de dimension nrapport´e `a une base B
fL(E). On note Ala matrice de l’endomorphisme fdans la base B. On
a et f= et A.
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