Allaitement maternel : mise en place et

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Dossier
Allaitement maternel :
mise en place et
accompagnement durant
les premiers jours de vie
Bernadette Lavollay1, Pia de Rancourt2
1
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Maternité de Melun, Hôpital Marc Jacquet, 2 rue Freteau de Pény, 77000 Melun.
Fax : 01 64 71 65 08
2
Maternité de Bichat, 40 rue Henri Huchard, 75018 Paris.
Institut Mutualiste Montsouris, 42 Bd Jourdan, 75014 Paris.
Fax : 01 56 61 63 33.
<[email protected]>
L’allaitement relève d’un accompagnement d’équipe dans lequel le médecin
doit aussi s’impliquer. La connaissance de la physiologie de la lactation et
l’observation attentive du bébé allaité permettent de repérer les éléments
essentiels d’une bonne mise en route de l’allaitement. L’évaluation de l’efficacité de la tétée et de la bonne marche de l’allaitement repose sur des critères
cliniques simples. Les indications de compléments sont rares et doivent s’appuyer sur des arguments médicaux pertinents ; les inconvénients des compléments doivent être connus. La connaissance de l’adaptation néonatale et des
mécanismes de sécurité énergétique permet d’éviter le recours aux compléments en laissant se mettre en place les mesures d’économie d’énergie dès la
naissance : la proximité mère-enfant et l’allaitement exclusif permettent de
limiter les dépenses et d’optimiser les ressources énergétiques disponibles. Les
bébés à risque doivent être repérés afin d’appliquer pour eux (eux seuls, et
seulement s’ils en ont besoin) des mesures individualisées. Les complications
de l’allaitement, engorgement et crevasses, seront évitées ou corrigées rapidement par une bonne connaissance et observation de l’allaitement, en particulier
une bonne position de l’enfant au sein, des tétées précoces, fréquentes et à
l’éveil du bébé. Les sorties précoces et les situations repérées à risque justifient
un relais de l’accompagnement.
Mots clés : allaitement, observation, accompagnement, compétences
E
mtp
Tirés à part : B. Lavollay
312
n France, l’allaitement1 tend, à la
suite de nombreux pays, à devenir
une discipline médicale à part entière.
Les recommandations de l’Anaes [1],
la création récente d’un diplôme
d’université de lactation humaine [2],
une meilleure connaissance des don1
Le mot allaitement sera utilisé pour l’alimentation au sein.
mt pédiatrie, vol. 8, n° 5-6, septembre-décembre 2005
nées de la littérature y ont largement
contribué.
Du fait de l’évolution de la société,
la transmission du savoir-faire en matière d’allaitement a été transférée vers
les associations et les professionnels,
les obligeant à parfaire leurs connaissances. Le pédiatre, le médecin généraliste, sont des maillons de cette
chaîne de transmission ; ils se doivent
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d’avoir une solide formation pour accompagner avec
compétence les mères et les bébés, notamment lorsqu’ils
sont consultés en cas de difficultés.
Ils doivent aussi savoir indiquer les grands principes de
la surveillance médicale des bébés allaités et de leurs
mères, réfléchir, en concertation avec les autres professionnels, aux modifications à apporter à l’organisation du
service pour faciliter la mise en place de l’allaitement. Il
leur faut évaluer les pratiques en sachant les modifier, et
veiller avec les cadres à la formation continue des professionnels. La formation initiale est en effet pour le moment
insuffisante dans notre pays : les pratiques s’appuient donc
sur des croyances, des données empiriques, plus que sur
de réelles connaissances.
Les aspects psychologiques ne sont pas les moindres
tant du côté des mères que du côté des soignants.
Quelques éléments de physiologie
de la lactation
Plusieurs éléments sont nécessaires à l’instauration, au
maintien et à la régulation de la lactation [3].
La synthèse du lait par les lactocytes sous l’action de la
prolactine, action libérée par la chute de la progestérone
et des œstrogènes après l’accouchement.
L’éjection du lait grâce à l’ocytocine, neurohormone
sous la dépendance étroite des émotions et dont la libération est inhibée par le stress et la douleur.
La régulation du volume de lait produit dépend de
plusieurs facteurs :
– La capacité de stockage, c’est-à-dire la capacité
maximale du sein à stocker du lait potentiellement disponible pour l’enfant, est variable d’une femme à l’autre. La
quantité de lait produite par 24 heures est en revanche
relativement constante. Les bébés dont les mères ont une
faible capacité de stockage du lait tètent alors plus fréquemment. D’où l’importance de ne pas fixer arbitrairement la fréquence des tétées pour permettre à l’enfant de
réguler librement ses besoins.
– La vidange du sein conditionne la synthèse du lait
sous l’influence du facteur d’inhibition de la
lactation (FIL). Cette protéine, lorsque l’extraction du lait
est limitée, s’accumule dans le lait, assurant un phénomène de feed-back négatif ; la synthèse du lait est alors
diminuée voire inhibée.
L’efficacité de la succion du bébé est donc très importante. Elle permet à la fois l’extraction et le transfert du lait
à l’enfant. Une observation correcte permettra de s’en
assurer.
Observation de la tétée
La seule observation permet de s’assurer que les conditions optimales sont réunies pour une tétée efficace,
conduisant à un bon démarrage puis à un bon entretien de
la lactation, et d’apporter des solutions adaptées en cas de
difficultés. L’observation doit être quotidienne en maternité. Nous préférons le terme d’ « observation » à celui,
impropre, de « mise au sein ». Observation ne signifie ni
jugement ni enseignement de préceptes rigides, mais regard bienveillant sur la mère et son nouveau-né (en présence du père, si cela est possible) (figure 1). Il est utile de
le rappeler quand on écoute certaines mères parler de
l’aide qu’elles ont reçues et quand on entend quotidiennement les jugements à l’emporte-pièce, les phrases négatives ou définitives parfois prononcées par les professionnels, quand l’on voit également les bébés forcés à prendre
le sein.
Il existe une véritable clinique de l’enfant au sein, avec
des éléments séméiologiques de bonne ou de mauvaise
prise du sein, de tétée efficace ou inefficace (figures 2-6).
L’analyse clinique de la tétée demande de la disponibilité. L’enfant doit être éveillé, prêt à téter, la mère dans
un environnement calme et confortable. L’observation ne
peut se faire en quelques secondes, l’enfant pouvant mettre un long moment à prendre le sein et à téter. Mais le
temps consacré initialement à donner des conseils adaptés
sera largement compensé par la suite. L’aide individuelle
est préférable au moins au début, en évitant d’être intrusif.
Les informations transcrites sont une aide précieuse
pour noter les acquisitions, faciliter la transmission entre
les équipes, et la cohérence des attitudes. Certaines maternités ont rédigé des fiches à cet effet.
La position de la mère
La position de la mère, son confort, sa sécurité, doivent
faire l’objet d’une attention toute particulière. Ils sont au
premier plan dans la réussite de l’allaitement. Quelle que
soit la position choisie, il faut assurer le soutien du dos et
des membres, en s’aidant d’oreillers ou d’un coussin d’allaitement (figure 2).
La posture du bébé
Le corps du nouveau-né doit être également confortablement installé contre sa mère, de profil. La position
« ventre à ventre » ne suffit pas. L’axe oreille-épaulehanche doit être respecté, et le bébé ni recroquevillé ni en
hyperextension. La tête est libre, légèrement défléchie, ce
qui facilite l’ouverture de la bouche (figures 3-5).
Prise du sein
Le bébé doit être éveillé. S’il pleure, il est souhaitable
d’essayer de le calmer avant la tétée. C’est la proximité du
sein, de jour comme de nuit, qui favorise les périodes
d’éveil. Les stimulations désordonnées et les contraintes
notamment sur la tête peuvent être délétères ; elles mettent le bébé en insécurité et sont susceptibles de déclencher des résistances.
mt pédiatrie, vol. 8, n° 5-6, septembre-décembre 2005
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Allaitement maternel
Figure 1. Accompagnement par les soignants (photo : Co-naître©).
Figure 4. Bonne prise du sein en salle de naissance (photo : Conaître©).
Figure 2. Mère allongée en bonne position (photo : Co-naître©).
Figure 5. Mauvaise position du bébé (photo : Co-naître©).
Figure 3. Bébé en bonne position (photo : Co-naître©).
Figure 6. Mauvaise prise du sein, lèvres pincées non éversées
(photo : Co-naître©).
Si les seins, l’aréole sont volumineux, la mère peut les
« reformer », en empaumant le sein à distance du mamelon et de l’aréole, sans le comprimer. Il est parfois nécessaire dans ce cas de dégager le nez du bébé. On veillera à
ce que la maman ne retire pas le mamelon de la bouche
du nouveau-né à cette occasion.
314
C’est le bébé qui s’avance vers le sein. On ne doit pas
le lui mettre dans la bouche ; le bébé risque alors de pincer
le mamelon et de fermer la bouche (figure 6).
Le bébé est face au mamelon, le mamelon pointe vers
son nez ; le menton est « collé » dans le sein, la lèvre
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inférieure éversée. La bouche grande ouverte, langue en
bas, saisit le mamelon et tout ou partie de l’aréole en
remontant sous le sein, occultant surtout la partie inférieure de l’aréole. La langue sera ainsi bien placée sous
l’aréole et le mamelon, et l’étanchéité assurée. Les joues
restent gonflées et ne se creusent pas lors des mouvements
de succion, témoignant d’une « bonne prise en bouche ».
Dynamique de la tétée
La tétée efficace et nutritive est faite de mouvements de
succion amples, lents et réguliers avec de longues salves
de succion/déglutition répétées régulièrement 30 à 50 fois
s’enchaînant avec de courtes pauses sans lâcher le
sein. Cette parfaite coordination succion-déglutitionrespiration est essentielle pour affirmer qu’une tétée est
efficace (tableau 1). Elle se voit et s’entend parfois : les
mouvements rythmés du maxillaire inférieur s’observent
au niveau de l’articulation temporomaxillaire ; les oreilles
peuvent même bouger avec le crâne et la déglutition se
voir dans le cou de l’enfant. On observe une pause au
niveau du menton, contemporaine de la déglutition. Ces
conditions réunies minimisent le risque de douleurs maternelles et sont les meilleures garanties pour éviter crevasses, engorgement et lymphangite, permettre un transfert efficace de lait et une durée libre de la tétée. L’usage de
la sucette durant les premiers jours risque de perturber la
buccomotricité de certains nouveau-nés et de détourner
leur énergie : pendant qu’il tète une sucette, le bébé n’est
pas au sein.
Le déroulement de la tétée évolue selon l’âge de
l’enfant ; si certains ont d’emblée une tétée efficace et
rythmée, d’autres, même à terme, peuvent n’acquérir cette
bonne dynamique et ce rythme qu’en deux à trois jours.
Ainsi, lors des premiers jours de vie, on peut observer une
tétée un peu anarchique avec ébauche de tétée efficace et
rythmée alternant avec des mouvements mal organisés,
plus rapides et superficiels, anarchiques, le bébé se retiTableau 1. Caractéristiques de la succion
Succion non nutritive (SNN) :
Alternance désordonnée de salves et de pauses sans ingestion de lait
3 à 5 succions par salve
Ratio succion/déglutition élevé : 8/1
Rythme rapide ≥ 2 succions par salve
Succion nutritive (SN) :
Longues salves de succion entrecoupées de pauses brèves
10 à 30 succions ou plus par salve
Ratio succion /déglutition bas : 1/1 à 3/1 en fin de tétée
SNN
SN
DU de lactation. D’après Wolf et Glass. Feeding and swallowing
disorders in management. 1992.
rant du sein et y revenant à plusieurs reprises : il s’agit-là
d’une tétée non nutritive et non efficace, que l’on peut
nommer « tétée d’apprivoisement » ou « tétée d’apprentissage ». La mère apprendra à bien distinguer ces différents types de tétée. L’observation de la tétée s’attachera
également aux échanges entre la mère et son bébé : regards, sourires, caresses..., témoins de l’établissement de
liens harmonieux.
Évaluation clinique de l’allaitement
Cette évaluation, purement clinique, permet d’éviter
ou de corriger les difficultés éventuelles. Les éléments de
cette évaluation sont les suivants.
Chez l’enfant
L’efficacité de la tétée : c’est l’observation.
La durée de la tétée varie d’un bébé à l’autre et d’une
tétée à l’autre. Elle ne doit pas être restreinte ; trop brève,
elle peut empêcher l’acquisition d’une pleine capacité de
lactation initialement, la vidange complète du sein ensuite, et limiter les apports ; trop longue, elle peut faire
évoquer une succion inefficace.
Un seul sein ou les deux ? La tétée des deux seins
successivement est recommandée par certains durant les
deux premiers jours de vie afin de stimuler le démarrage
de la lactation et de multiplier les récepteurs à la prolactine. La vidange complète d’un sein lors de chaque tétée
est préférable à partir de « la montée laiteuse » afin d’éviter engorgement et lymphangite, et de favoriser la fabrication du lait sous la dépendance du FIL. Lorsque la lactation
est installée, le bébé peut passer d’un schéma de tétée à
l’autre en fonction de ses besoins et de ceux de sa mère.
La fréquence des tétées est déterminante pour la mise
en route de l’allaitement et pour son entretien. Cependant,
elle est variable d’une femme à l’autre selon sa capacité de
stockage, et d’un bébé à l’autre. Yamauchi et Yamanouchi
ont étudié 140 enfants en bonne santé, à terme [4] : la
fréquence des tétées varie de 0 à 11 dans les 24 premières
heures et la fréquence moyenne est de 4,3 (± 2,5) ; elle est
de 7,4 ± 3,9 dans les 24 heures suivantes. Lorsque la
lactation est installée, une moyenne de 6 tétées par jour est
un minimum et sera plutôt de 8 à 12.
L’évaluation se fera également sur les conséquences
d’une bonne nutrition et hydratation.
La courbe de poids des premiers jours est une donnée
bien connue et à laquelle chacun s’attache. Elle doit être
interprétée en fonction des autres données, n’étant à elle
seule qu’un élément très insuffisant de l’appréciation clinique ; cette courbe est ininterprétable si l’enfant reçoit
des compléments. Croissante, elle peut être faussement
rassurante, décroissante elle peut inquiéter à tort. On
s’appuiera donc sur les autres éléments suivants :
– Les selles sont un fidèle témoin du bon fonctionnement de la lactation : selles transitionnelles après le méco-
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Allaitement maternel
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nium des deux premiers jours, dès J3 elles doivent prendre
un aspect liquide, jaune d’or et grumeleux et constatées au
moins deux fois par jour, et ceci durant le premier mois.
Une constipation doit faire rechercher un mauvais transfert de lait.
– La fréquence d’émission des urines, 4 à 6 fois par
jour après J3, doit être observée pour les mêmes raisons
[5].
– L’ictère recrudescent ou persistant de façon intense
(en dehors d’une hémolyse ou d’une autre pathologie) est
également un signe d’alarme d’un allaitement non démarré ou insuffisant. Il est alors associé à des selles et
urines rares et à une chute pondérale.
– L’état d’éveil et le tonus sont de fidèles reflets de la
bonne marche de l’allaitement. Méfions-nous des bébés
somnolents, trop sages, en économie d’énergie et qui font
de très bonnes nuits au troisième jour et après ; s’ils sont
regardés comme confortables par les mères et le personnel, ils peuvent être en réel danger. À l’opposé, on peut
voir des bébés irritables, hurlant et se débattant lors de la
« mise au sein » ou s’en détournant. Ces symptômes traduisent une difficulté dans l’allaitement et peut-être dans
l’établissement de la relation mère-enfant. Les soignants
auront pour rôle d’aider à rompre ce cercle vicieux et de
recréer un climat de confiance sans rechercher la performance et la rentabilité nutritive. À noter que les nouveaunés ayant subi des contraintes utérines (torticolis, siège)
doivent être repérés et aidés.
Du côté des mères
L’interrogatoire de la mère permet de repérer des
ATCD de chirurgie ou pathologie mammaire.
L’examen des seins recherche une rare pathologie
infectieuse ou malformative. Précisons que les mamelons
réellement ombiliqués sont exceptionnels ; il s’agit fréquemment de rétraction ou de mamelons plats que la
mère et le bébé peuvent lever en stimulant le mamelon.
Protège mamelons, coupelles, tire-lait ne sont pas une
solution à toutes les difficultés ; ils peuvent aider, mais leur
efficacité n’a pas été précisément évaluée.
La mère constate ou ressent des signes témoins du bon
fonctionnement de l’allaitement :
– La synthèse du lait : présence spontanée ou provoquée de colostrum puis de lait. Sensation de tension
mammaire.
– L’éjection du lait : ce sont tous les effets de l’ocytocine sur les muscles lisses et le cerveau.
– L’absence de douleurs, de crevasses, d’engorgement
conforte ces données. Des douleurs sont cependant ressenties par de nombreuses femmes en l’absence de lésion
du sein ou de mauvaise position du bébé durant la première semaine.
L’allaitement sera évalué en fonction des autres éléments de l’histoire maternelle, des antécédents (en parti-
culier les allaitements antérieurs éventuels) et du contexte
sociofamilial.
Allaitement et mécanismes
de sécurité énergétique
du nouveau-né :
la place des carburants alternatifs
L’équilibre énergétique est bouleversé à la naissance.
Celle-ci est marquée par le froid, la discontinuité des
apports énergétiques et des pertes hydriques importantes.
Tout doit donc être fait pour permettre au nouveau-né
d’économiser ses dépenses et d’optimiser ses ressources,
limitant ainsi sa perte de poids. Le lait est évidemment une
ressource importante, mais nous nous intéresserons, dans
cet article, aux ressources internes que le nouveau-né à
terme, en bonne santé est capable de mobiliser, d’autant
plus qu’il est allaité exclusivement. Ces sources d’énergie,
encore appelées « carburants alternatifs » ou « contrerégulation glycémique » sont constituées d’une part
par des apports glucidiques provenant du glycogène et de
la néoglucogenèse, et d’autre part par les lactates et les
corps cétoniques [6].
Le glycogène, réserve immédiatement disponible en
cas d’urgence énergétique, est stocké dans le foie en fin de
grossesse, permettant la libération du glucose durant les 6
à 12 premières heures de vie.
La néoglucogenèse représente, d’après les études de
Kalhan et Parimi [7], 30 à 50 % de l’énergie disponible
pour le nouveau-né avec :
– 10 à 20 % de glucose produit à partir du glycérol
(lipides) ;
– 10 % de glucose produit à partir de l’alanine (protides) ;
– jusqu’à 50 % à partir des lactates, le pyruvate représentant le « rond-point métabolique ».
Les lactates produits par les muscles en anaérobie,
notamment par le muscle utérin lors du travail, outre leur
rôle dans la néoglucogenèse, sont également directement
utilisables comme source d’énergie, en particulier par le
cerveau. Ils sont stockés dans les astrocytes [8].
Les corps cétoniques sont utilisables également directement par le cerveau du nouveau-né, 40 fois plus que
chez l’adulte. L’allaitement favorise la cétogenèse et l’utilisation des corps cétoniques grâce à la présence d’acides
gras à longue chaîne, à la carnitine-palmitoyl-transférase
et au faible taux de lactose dans le colostrum (moitié du
lait mature) [9]. Cette cétogenèse est limitée chez le prématuré et l’hypotrophe ; cependant, l’étude de L. de Rooy
et J. Hawdon montre que la capacité de fabriquer des
corps cétoniques quand la glycémie est basse dépend plus
de la réussite de l’allaitement maternel que de l’âge gestationnel ou du statut nutritionnel néonatal [10].
Mais tous ces mécanismes sont inhibés par l’apport de
sucre qui déclenche une insulinosécrétion. Il faut au
mt pédiatrie, vol. 8, n° 5-6, septembre-décembre 2005
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contraire une diminution de l’insuline et une augmentation du glucagon pour permettre les réactions nécessaires
à la glycogénolyse, à la néoglucogenèse et à la lipolyse.
Cette inversion du rapport insuline/glucagon est déclenchée par l’élévation massive des catécholamines à la
naissance.
Le cerveau du nouveau-né a ses propres réserves en
glycogène, en lactates et en corps cétoniques dans les
astrocytes, réserves immédiatement disponibles pour les
neurones [11-13].
Un autre mécanisme de sécurité est l’augmentation du
flux sanguin cérébral quand la glycémie baisse, dirigeant
préférentiellement le glucose vers le cerveau.
Par ailleurs, le taux d’utilisation du glucose par le
cerveau est faible chez le nouveau-né. Il augmentera
durant l’enfance proportionnellement au développement
fonctionnel cérébral.
Les oligosaccharides, en grande quantité dans le lait
maternel et dans le colostrum, outre leur rôle bien identifié
sur les défenses intestinales, ont probablement un rôle
métabolique.
Rappelons le rôle important du tissu adipeux brun
chez le nouveau-né ; cette réserve lipidique est disponible
essentiellement pour la thermorégulation, mais les équilibres thermique, métabolique et hydrique sont indissociables.
Tous ces mécanismes de sécurité et carburants alternatifs sont indécelables par un dosage de la glycémie et sont
inhibés par des apports de sucre.
« La mesure de la glycémie ne reflète que le taux de
glucose sanguin mais pas celui des autres substrats énergétiques que le nouveau-né a la capacité de produire et
d’utiliser » selon Hawdon.
Ces données sur le métabolisme néonatal ont des
conséquences pour la conduite de l’allaitement.
Conséquences pratiques
chez le nouveau-né à terme,
eutrophe et en bonne santé [14, 15]
L’allaitement précoce et exclusif suffit aux besoins du
nouveau-né sain laissé en proximité avec sa mère.
L’apport d’eau, d’eau sucrée et de préparations pour
nourrisson est potentiellement néfaste pour l’adaptation
métabolique du nouveau-né et la prévention de l’hypoglycémie. Ces apports en effet diminuent l’utilisation des
carburants alternatifs par le nouveau-né, et augmentent
son insulinémie aux dépens du glucagon. Les pleurs du
bébé sont trop souvent interprétés comme de la « faim »,
par insuffisance de lait avant la montée laiteuse, et donc
« calmés » par des substituts de lait. Apporter une réponse
« alimentaire » peut être rassurant à court terme, mais
potentiellement délétère. Il s’agit plutôt de respecter
l’adaptation physiologique du nouveau-né aux boulever-
sements créés par la naissance et de ne pas compromettre
la bonne mise en route de l’allaitement.
La surveillance glycémique est inutile chez les bébés
en neutralité thermique, y compris si les tétées sont espacées, notamment durant les premières 24 heures. Mais
plus le bébé sera en proximité avec sa mère, plus il sera
éveillé fréquemment pour téter ; il optimisera ainsi son
apprentissage, facilitera la sécrétion du lait et augmentera
donc ses ressources. L’allaitement « à la demande » ne se
conçoit que si le bébé est au contact du sein et non laissé
de longues heures dans son berceau ou en nurserie
comme cela se pratique encore fréquemment. Le risque
est alors de voir se créer un cercle vicieux : le bébé trop
longtemps séparé de sa mère n’a pas tété pendant de
longues heures, inquiétant ainsi la mère et les professionnels ; il est « mis au sein » alors qu’il n’est pas toujours prêt
à téter, et donc complété... ce qui retardera d’autant la
tétée suivante, et donc interfèrera avec la bonne mise en
place de l’allaitement. Si certains bébés ne souffrent pas de
telles pratiques, d’autres peuvent être mis en grande difficulté.
Accueil en salle de naissance
Les objectifs sont ici de veiller à ce que le nouveau-né
reste en proximité avec sa mère, économise son énergie,
tout en respectant les règles élémentaires de sécurité.
Favoriser le contact mère-enfant
Il est souhaitable de favoriser le contact mère-enfant le
plus précocement possible, et au mieux en peau à peau.
De nombreuses études ont montré que le peau à peau
permet un maintien efficace de la température [16], une
diminution des pertes hydriques et une limitation des
pertes caloriques, une meilleure adaptation métabolique,
un effet analgésique, avec diminution des cris [17, 18] et
une augmentation du bien-être global, une colonisation
bactérienne par la flore maternelle préférentiellement à la
flore hospitalière, de meilleures interactions mère-bébé.
Durant les deux premières heures de vie, le nouveau-né,
« inondé » de catécholamines, est souvent très éveillé, et
peut ainsi utiliser sa sensorialité et ses réflexes nutritionnels pour apprendre à téter. Les bébés ne sont cependant
pas tous prêts à téter au même moment, et une tétée
différée de quelques heures ne compromet pas l’allaitement ; il est très important de rassurer les mères sur ce
point ; il n’est pas utile dans ce cas de doser une glycémie
ou de compléter par du lait artificiel si l’état clinique du
bébé est satisfaisant et s’il n’existe pas d’autres facteurs de
risque.
Les gestes
Dans cette perspective, certains gestes sont utiles,
d’autres peuvent être différés, d’autres encore sont potentiellement néfastes.
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Allaitement maternel
Le nouveau-né doit être séché immédiatement sur le
ventre de sa mère, coiffé d’un bonnet et recouvert d’un
linge chaud.
Le contrôle de la perméabilité des choanes et de
l’œsophage, s’il est réalisé, doit être le plus doux et le
moins intrusif possible, avec des sondes de faible calibre,
en évitant les aspirations répétées, génératrices de stress,
de douleur et d’encombrement nasal. Certains remettent
en cause le caractère systématique de ces gestes chez le
nouveau-né sain, réservant leur indication aux signes
d’appel [19, 20].
Le bruit, la luminosité, sont également facteurs de
stress.
L’administration de vitamine K et de collyre, les mensurations, le bain devraient idéalement pouvoir être différés, réalisés seulement après que le bébé ait effectué sa
première tétée.
Ceci dans le respect des règles de sécurité.
Les règles de sécurité
Les nouveau-nés doivent être surveillés par un professionnel en salle de naissance ; il faut veiller à leur installation correcte pour permettre la liberté des voies aériennes, notamment chez les mères ayant des seins
volumineux et les primipares. Les textes réglementaires
concernant la périnatalité prévoient d’ailleurs une obligation de surveillance dans les deux heures suivant la naissance.
La surveillance doit être particulièrement attentive
chez les nouveau-nés à risque : terme inférieur à 37 SA,
souffrance fœtale chronique, ou aiguë même si la récupération a été rapide, prise de toxiques ou de médicaments
par la mère, mère fatiguée par un travail long.
Le respect de ces objectifs alliant sécurité et confort
pour le nouveau-né et sa mère nécessite de modifier les
pratiques et de réfléchir à l’organisation et au fonctionnement de la salle de naissance puis des soins en suites de
couches. L’initiative « hôpital ami des bébés » (et on pourrait ajouter « des mères ») (tableau 2) peut être en cela une
aide précieuse. La modification des pratiques en salle de
naissance peut s’appliquer avec bénéfice aux nouveaunés alimentés au biberon.
Les compléments
à l’allaitement maternel
Pourquoi compléter ?
L’apport de compléments de lait artificiel est une pratique courante, banale en maternité. En l’absence de
consensus dans la littérature et rarement sous-tendus par
des protocoles, ces compléments sont souvent donnés
spontanément et sans aucune indication médicale, réponse immédiate à de nombreuses difficultés ou questions
se posant devant un bébé allaité :
318
Tableau 2. Les dix conditions pour le succès
de l’allaitement maternel (OMS/Unicef 1989)
1. Adopter une politique d’allaitement maternel formulée par écrit et
systématiquement portée à la connaissance de tous les personnels
soignants.
2. Donner à tous les personnels soignants les compétences nécessaires
pour mettre en œuvre cette politique.
3. Informer toutes les femmes enceintes des avantages et de la pratique de
cet allaitement.
4. Laisser le bébé et sa mère en peau à peau immédiatement après la
naissance et pendant une heure au moins et encourager l’allaitement
lorsque le bébé est prêt (révision 2005).
5. Indiquer aux mères comment pratiquer l’allaitement au sein et comment
entretenir la lactation même si elles se trouvent séparées de leur
nourrisson.
6. Ne donner aux nouveau-nés aucun aliment ni aucune boisson autres que
le lait maternel sauf indication médicale.
7. Laisser l’enfant avec sa mère 24 heures par jour.
8. Encourager l’allaitement au sein à la demande de l’enfant.
9. Ne donner aux enfants nourris au sein aucune tétine artificielle ou
sucette.
10. Encourager la constitution d’associations de soutien à l’allaitement
maternel et leur adresser les mères dès leur sortie de l’hôpital ou de la
clinique.
– Questions quant à la qualité et la quantité de lait
absorbé, avec crainte d’hypoglycémie et de déshydratation. Précisons que la quantité de colostrum absorbée par
24 heures varie de 7 à 122 ml (7,5 ml par tétée en
moyenne à J1) [21].
– Difficultés à gérer les pleurs des bébés, les angoisses
des mères, notamment la nuit. Les compléments nocturnes sont fréquemment donnés pour « permettre aux mères
de se reposer », et pour « calmer les bébés ». Ceci est
préjudiciable à la mise en route de l’allaitement, et risque
d’engendrer d’autres problèmes douloureux et générateurs d’insomnie, d’engorgement notamment. Des études
effectuées en maternité montrent que la durée de sommeil
des mères qui restent en proximité la nuit avec leur bébé
n’est pas significativement diminuée, et que la qualité du
sommeil des bébés est meilleure [22].
La réflexion doit être menée dans chaque maternité
pour permettre la cohabitation mère bébé particulièrement la nuit en respectant les règles de sécurité.
L’apport de compléments comporte pourtant de réels
inconvénients pour la mère :
– Obstacle à l’instauration de la lactation, risque d’engorgement, mais aussi risque de crevasses puisque l’apprentissage de la succion est perturbé. Ajoutons la perte de
confiance de la mère en ses compétences et en celles du
nourrisson.
– Il en existe aussi pour l’enfant : l’apport de compléments sans indication médicale est lié à une diminution
significative de la durée de l’allaitement [23] ; ceci implique une perte de chance d’un allaitement exclusif et
prolongé avec perte des bénéfices métaboliques, nutri-
mt pédiatrie, vol. 8, n° 5-6, septembre-décembre 2005
tionnels, immunologiques, anti-infectieux que cela comporte [24].
Une meilleure connaissance de la physiologie de la
lactation et des rythmes du nouveau-né devrait permettre
de ne garder que les indications réellement médicales des
compléments.
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Quand compléter ?
La mère peut être dans l’incapacité physique momentanée d’allaiter (réanimation, hémorragie, éclampsie),
présenter une pathologie mammaire (hypoplasie, chirurgie), prendre des médicaments présentant une contre indication documentée. Elle peut également avoir un retard de
la lactogenèse II (montée laiteuse) : césarienne, prématurité, diabète, obésité, rétention placentaire anémie.
Ces situations peuvent amener à compléter ou remplacer provisoirement le lait maternel par une préparation
pour nourrisson.
Chez l’enfant, les facteurs de risque classiquement
retenus sont :
– La prématurité, la postmaturité, la macrosomie, le
nouveau-né de mère diabétique, des pathologies induisant une dépense énergétique accrue ; l’hypotrophie, en
particulier si le Doppler anténatal est pathologique [25],
ou si le rapport périmètre brachial/périmètre céphalique
est diminué [26], est une situation à haut risque.
Ce sont aussi les nouveau-nés qui présentent :
– Une hypoglycémie documentée.
– Une perte de poids > 8 % associée à l’un des signes
suivants : déshydratation, succion inefficace, retard de
lactation, ictère, somnolence et hypotonie, succion immature, plus rarement agitation et pleurs.
Un seul facteur de risque n’est pas une indication
absolue à compléter mais invite à une vigilance particulière. L’association de plusieurs facteurs de risque peut
constituer une indication.
Tous ces enfants nécessitent une surveillance particulière – clinique, température, glycémie – et doivent avoir
des apports nutritionnels précoces, suffisants et réguliers
pouvant nécessiter des compléments s’ils ne tètent pas
suffisamment souvent. Les nouveau-nés sains, à terme,
eutrophes ne nécessitent pas de compléments
(OMS 1997).
Figure 7. Expression manuelle du lait (photo : Co-naître©).
Figure 8. Tire-lait double pompage (photo : Co-naître©).
Comment extraire le lait ?
Il est très souvent possible de compléter avec du lait
maternel exprimé.
– Par massage de l’aréole et expression manuelle :
durant les deux premiers jours de vie, alors que le colostrum est en faible quantité, il est facile de l’extraire par
pression des aréoles et de le recueillir dans une cuillère ou
une coupelle (figure 7), ensuite le recueil au jet se fait dans
un récipient. Ce geste doit être bien maîtrisé par les
professionnels.
Figure 9. Dispositif d’aide à l’allaitement (photo : Co-naître©).
– Avec un tire-lait électrique, efficace pour amorcer et
entretenir une lactation en remplacement des tétées par le
bébé. Soulignons l’intérêt du double pompage qui augmente la production de lait en économisant temps et
fatigue maternels (figure 8). Le tire-lait manuel peut également être utilisé.
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Allaitement maternel
Le tire-lait doit être proposé et jamais imposé ; son
intérêt et son fonctionnement doivent être correctement
expliqués aux mères. Il est habituel de ne pas recueillir de
lait, ou seulement quelques gouttes, lors des premières
extractions. Ceci ne doit pas faire augmenter l’intensité du
vide, ce qui aurait pour effet de créer des traumatismes au
niveau des mamelons.
– Dans tous les cas, cette extraction du lait, qu’elle soit
faite par une tétée efficace, par extraction manuelle ou au
tire-lait, doit être effectuée le plus précocement possible
après l’accouchement et suffisamment souvent, 6 fois
minimum et plutôt 8 fois/24 heures dont au moins une fois
la nuit. La plupart des insuffisances de lait et des nécessités
de complément sont induites par une fréquence insuffisante des tétées ou d’extraction du lait, et création d’un
cercle vicieux insuffisance de lait/complément.
A contrario, lors de la « montée laiteuse » à J3-J4,
lorsque les seins sont très tendus, un bébé peut avoir
davantage de difficulté à téter ; une ou deux expressions
manuelles ou au tire-lait facilitent parfois la tâche et
soulagent la maman, rompant cette fois le cercle vicieux
de l’engorgement.
Comment donner le lait maternel exprimé ?
Ce lait peut être donné directement à l’enfant durant
les 48 heures (conservation au réfrigérateur)2 qui suivent
son extraction ; les sérologies maternelles doivent avoir
été contrôlées pendant la grossesse et l’autorisation d’allaitement doit être signée par le médecin. Au-delà de
48 heures, une circulaire oblige de plus à une pasteurisation ou au transit du lait par un lactarium, et à un prélèvement bactériologique du lait [27]. Ces données sont à
respecter lorsque le don de lait de la mère à son bébé sans
tétée directe se fait de façon répétée (prématuré, bébé
hospitalisé...).
Durant les deux premiers jours de vie, lorsque les
quantités sont encore minimes, l’enfant peut sucer, lécher,
le lait exprimé par la mère qui fait sourdre les gouttes de
colostrum progressivement. Ceci peut être l’amorçage ou
le complément d’une succion peu efficace ou mal organisée initialement mais qui peut initier une succiondéglutition de plus en plus efficace au fil des jours.
Le lait peut être donné à la cuiller, à la tasse, à la
seringue ou en gavage avec les précautions d’usage. Avec
le dispositif d’aide à l’allaitement (figure 9) qui, en apportant du lait en même temps que le bébé tète, crée un
conditionnement où téter et recevoir du lait stimule la
succion déglutition.
Le biberon ne sera proposé qu’exceptionnellement.
Citons le biberon Haberman avec une tétine particulièrement longue indiquée spécialement pour les enfants pré2
320
Recommandations Afssa, juillet 2005. www.afssa.fr
sentant une fente palatine, mais qui peut avoir son indication chez les bébés hypotoniques.
Un protège-mamelon, souvent appelé « bout de
sein », facilite parfois la succion de certains bébés, en cas
de mamelon rétracté ou plat ou très douloureux ; son
indication doit être réservée à des cas très particuliers. Il
faudra veiller soigneusement au choix et au bon placement du protège-mamelon (en particulier à l’absence
d’obstruction narinaire), et à la bonne « prise en bouche »
par le nourrisson, en vérifiant rigoureusement l’efficacité
de la tétée et en limitant si possible la durée d’utilisation.
Complications maternelles
de l’allaitement
La prévention, qui consiste en des tétées quand le bébé
est prêt, des tétées efficaces, en bonne position, non
limitées dans le temps, reste la meilleure approche des
difficultés [1].
Les crevasses
Les crevasses sont des lésions plus ou moins profondes
du mamelon.
Les causes
Le plus souvent, elles sont causées par une mauvaise
position et/ou une ouverture insuffisante de la bouche du
bébé, elles sont aussi la conséquence :
– d’un nettoyage trop fréquent des seins. Une douche
par jour suffit. Les crèmes à base de lanoline purifiée
actuellement utilisées ne nécessitent pas de nettoyage
avant la tétée ;
– d’un frein de langue trop court, empêchant la bonne
mobilité de la langue ;
– d’un retrait intempestif du mamelon de la bouche du
bébé, sans prendre la précaution de glisser préalablement
un doigt entre les gencives.
Le traitement
La douleur doit être reconnue, et les mères particulièrement entourées, avec observation des tétées suivantes.
La correction de la position du bébé, le rappel des
conseils appropriés pour l’hygiène, la bonne prise et le
retrait correct du sein, sont rapidement efficaces.
La section du frein de langue par une personne compétente a de très bons résultats si l’indication est bien
posée [28].
Le colostrum, le lait maternel, la lanoline ou autres
topiques sont de pratique courante. Les données de la
littérature ne permettent pas de conclure sur leur efficacité. Les écrans siliconés sont parfois utiles pour passer la
phase douloureuse.
Il n’est pas nécessaire d’interrompre l’allaitement,
même en cas de saignement.
mt pédiatrie, vol. 8, n° 5-6, septembre-décembre 2005
L’engorgement
L’engorgement est physiologique lors de « la montée
laiteuse » (congestion vasculaire et œdème interstitiel). Il
est pathologique lorsque c’est un phénomène douloureux
et que l’extraction de lait devient difficile voire impossible,
conduisant à une possible baisse de la lactation.
Les causes
Il est favorisé par la mauvaise prise du sein, une
inefficacité des tétées ou une restriction de la durée ou de
la fréquence des tétées.
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Le traitement
La restriction hydrique des mères, les diurétiques et les
bandages compressifs sont inutiles, voire néfastes.
La douleur peut être calmée par des antalgiques (paracétamol) et des anti-inflammatoires, l’ibuprofène en première intention, en raison de son faible passage dans le
lait. Ce traitement sera de courte durée.
Le soutien empathique visant à restaurer la confiance
de la mère et à supprimer les freins au réflexe d’éjection du
lait est ici plus que nécessaire d’autant que l’engorgement,
lorsqu’il survient, est contemporain du « baby-blues ».
L’extraction du lait est indispensable :
– massage aréolaire facilitant la prise du sein ;
– tétées fréquentes et en bonne position ;
– éventuellement recours prudent au tire-lait pour initier l’écoulement.
Les autres « petits moyens » peuvent être un bon appoint :
– les coupelles (en plastique souple et aéré) sont parfois utiles si elles sont mises par intermittence ;
– les douches ou l’application de chaud ou de froid
soulagent certaines mères ; les coussins d’allaitement
apaisants contiennent un gel colloïdal pouvant être réfrigéré ou chauffé.
Tous les « petits moyens » susceptibles de favoriser
l’écoulement du lait peuvent être utilisés : sein plongé
dans un verre d’eau chaude, massages du dos et des
épaules de la maman...
Nous ne traiterons pas des mastites et abcès du sein, de
survenue plus tardive.
Sorties précoces
La diminution de la durée du séjour des mères et des
bébés en maternité réduit le temps nécessaire pour veiller
à la bonne mise en place de l’allaitement. Les courbes de
poids sont difficilement interprétables à J2-J3, et parfois
faussées par l’apport de compléments.
Avant la sortie il est donc indispensable :
– d’évaluer cliniquement l’allaitement ;
– d’informer les mères sur les critères d’un bon transfert de lait durant le premier mois ;
– de repeser l’enfant dans les 7 à 10 premiers jours de
vie [30], afin d’éviter les complications à type de déshydratation ou de stagnation liées à un mauvais démarrage
de la lactation durant le premier mois [31] ;
– d’organiser un réseau dont les structures pourront
informer et accompagner les mères : médecins libéraux,
sages-femmes, PMI, consultations à la maternité, consultantes en lactation, associations.
Il est inutile de prescrire à la sortie un lait de « complément éventuel » au risque de faire perdre confiance
aux mères dans leurs capacités d’allaiter.
Conclusion
Considéré comme « naturel », l’allaitement pourrait
paraître une fonction devant se mettre simplement en
place au décours de l’accouchement de femmes qui souhaitent ainsi nourrir leur enfant. C’est en fait un champ
plus vaste que la lactation et l’alimentation du bébé au
sein. Il requiert la connaissance de la physiologie, de la
clinique de l’enfant au sein, des interactions précoces,
base d’un accompagnement personnalisé de chaque couple mère-enfant [32].
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six premiers mois de vie de l’enfant. Recommandations. Mai 2002.
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2. Diplôme universitaire « lactation humaine et allaitement maternel ». Université Joseph Fourier, Faculté de médecine, 38000 Grenoble.
Difficultés liées au bébé
Elles ont été évoquées, rappelons les principales :
– Refus de téter : rechercher une pathologie ou des
résistances secondaires à un mauvais démarrage ; évoquer la douleur chez le nouveau-né, conséquence de
forceps, fracture de clavicule, torticolis par exemple.
– Hypotonie, troubles de l’éveil, quelles qu’en soient
les causes.
– Dysfonctionnement de la buccomotricité : une rééducation buccofaciale par une orthophoniste spécialisée
peut alors s’avérer utile [29].
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