arXiv:math.CT/0203273 v3 12 Oct 2002
NILPOTENCE, RADICAUX ET STRUCTURES MONO¨
IDALES
YVES ANDR´
E ET BRUNO KAHN
AVEC UN APPENDICE DE PETER O’SULLIVAN
TABLE DES MATI`
ERES
Introduction 3
I. Radicaux et nilpotence 7
1. Id´eaux et radicaux 7
2. cat´egories de Wedderburn 15
3. Radical infini et nilpotence renforc´ee 22
4. Radical et extension des scalaires 23
5. Extensions des scalaires na¨ıve et non na¨ıve 26
II. Radical et rigidit´
e30
6. G´en´eralit´es 30
7. Traces 35
8. Th´eor`emes de structure 45
9. Le Pair et l’Impair 50
10. Exemples et compl´ements 55
III. Sections 58
11. Cohomologie de Hochschild-Mitchell 58
12. Un “th´eor`eme de Wedderburn `a plusieurs objets” 60
13. Sections mono¨ıdales 64
14. Repr´esentabilit´e 78
15. Sections et tressages 86
16. Premi`ere application : cat´egories de Kimura 92
IV. Enveloppes 94
17. Le cas non mono¨ıdal : enveloppes pro-semi-simples 94
18. Sections mono¨ıdales et foncteurs fibres 98
19. Au-del`a de Jacobson-Morozov : enveloppes pro-r´eductives 104
20. Applications aux groupes alg´ebriques et aux repr´esentations
ind´ecomposables. 115
Appendice A. Des cat´egories semi-simples 119
Appendice B. Erratum `a [1] 126
Appendice C. Finite dimensionality of reductive envelopes, by Peter
O’Sullivan 127
R´ef´erences 142
Date: 10 octobre 2002.
1991 Mathematics Subject Classification. 16N, 16D, 18D10, 18E, 14L, 16G60, 13E10, 17C.
1
2 YVES ANDR´
E ET BRUNO KAHN
Index terminologique 145
SUMMARY. For Ka field, a Wedderburn K-linear category is a K-linear cate-
gory Awhose radical Ris locally nilpotent and such that ¯
A:= A/Ris semi-
simple and remains so after any extension of scalars. We prove existence and
uniqueness results for sections of the projection A → ¯
A, in the vein of the the-
orems of Wedderburn. There are two such results : one in the general case and
one when Ahas a monoidal structure for which Ris a monoidal ideal. The latter
applies notably to Tannakian categories over a field of characteristic zero, and we
get a generalisation of the Jacobson-Morozov theorem : the existence of a pro-
reductive envelope pRed(G)associated to any affine group scheme Gover K
(pRed(Ga) = SL2, and pRed(G)is infinite-dimensional for any bigger unipo-
tent group). Other applications are given in this paper as well as in the note [1] on
motives.
NILPOTENCE, RADICAUX ET STRUCTURES MONO¨
IDALES 3
INTRODUCTION
En alg`ebre non commutative, on rencontre d’abord, par ordre de complexit´e
croissant, les anneaux semi-simples, puis les anneaux semi-primaires, c’est-`a-dire
les extensions d’un anneau semi-simple par un id´eal nilpotent (le radical). Parmi
ces derniers, le cas o`u l’anneau semi-simple est en fait une alg`ebre s´eparable est
particuli`erement agr´eable puisque, d’apr`es un th´eor`eme classique de Wedderburn,
l’extension par le radical se scinde.
Par ailleurs, en renversant la tautologie qui identifie tout anneau `a une cat´ego-
rie additive `a un seul objet, on peut consid´erer les cat´egories additives comme des
anneaux `a plusieurs objets. Ce point de vue, popularis´e par B. Mitchell et R. Street,
permet de s’inspirer largement de l’alg`ebre non commutative dans les questions
cat´egoriques. Comme tous premiers exemples, on obtient la notion d’id´eal, et celle
de radical, d’une cat´egorie additive.
Suivant ce point de vue, le premier th`eme de cet article est l’´etude des cat´egories
semi-primaires, extensions d’une cat´egorie semi-simple par un id´eal v´erifiant une
condition convenable de nilpotence (cf. d´efinition 2.3.1), et de l’analogue cat´egorique
du th´eor`eme de Wedderburn. Le second th`eme est l’´etude du radical en pr´esence
d’une structure mono¨ıdale. Ces th`emes se rejoignent dans une version mono¨ıdale
du th´eor`eme de Wedderburn (th´eor`emes 13.2.1 et 15.3.5).
Nous donnons deux applications principales de ces r´esultats. La premi`ere est la
construction de l’enveloppe pro-r´
eductive pRed(G)d’un groupe alg´ebrique lin´eaire
quelconque Gen caract´eristique nulle. Les repr´esentations ind´ecomposables de G
sont en bijection avec les repr´esentations irr´eductibles de pRed(G), et ceci car-
act´erise pRed(G)si Kest alg´ebriquement clos (proposition 19.3.4). Le prototype
est pRed(Ga) = SL2(th´eor`eme de Jacobson-Morozov). Toutefois, pRed(G)n’est
en g´en´eral pas de dimension finie : cela arrive d´ej`a pour G=Ga×Ga. L’existence
mˆeme de pRed(G)n’en implique pas moins une s´erie de r´esultats concrets sur les
repr´esentations ind´ecomposables des groupes alg´ebriques.
La seconde application concerne la cat´egorie des motifs purs construits en termes
d’une ´equivalence ad´equate quelconque (fix´ee) pour les cycles alg´ebriques. Nous
d´etaillerons ailleurs (voir d´ej`a
[1]), en nous contentant dans ce texte de br`eves allusions, notamment dans la
deuxi`eme partie. Indiquons ici seulement que l’on s’attend `a ce qu’une telle cat´e-
gorie de motifs soit semi-primaire, de radical compatible `a la structure mono¨ıdale
(cela d´ecoulerait de la conjecture de Beilinson-Murre et des conjectures standard de
Grothendieck) ; par ailleurs, nous nous appuyons dans [1] sur notre version mono¨ı-
dale du th´eor`eme de Wedderburn pour construire inconditionnellement les groupes
de Galois motiviques.
En fait, l’un des projets directeurs de ce travail a ´et´e de s´eparer nettement ce qui
dans la th´eorie encore largement conjecturale des motifs purs est de nature purement
cat´egorique, et ce qui est de nature g´eom´etrique.
D´ecrivons plus en d´etail les quatre parties de ce travail.
4 YVES ANDR´
E ET BRUNO KAHN
Les deux premiers paragraphes (et l’appendice) contiennent une discussion des
notions cat´egoriques fondamentales d’id´eal, de radical (not´e radA), semi-simplicit´e,
semi-primarit´e, etc...
On y introduit la notion de K-cat´
egorie de Wedderburn, qui joue un rˆole im-
portant dans la suite (K´etant un corps) : en supposant pour simplifier l’existence
de biproduits finis, il s’agit d’une cat´egorie Adont les ensembles de morphis-
mes A(A, B)sont des K-espaces vectoriels (la composition ´etant K-lin´eaire), telle
que les radA(A, A)soient des id´eaux nilpotents des alg`ebres d’endomorphismes
A(A, A), et telle que les K-alg`ebres (A/radA)(A, A)soient s´eparables, i.e. absol-
ument semi-simples.
Cette condition de nilpotence est assez faible, et on montre au §3 qu’on ne peut
gu`ere la renforcer sans restreindre consid´erablement le champ d’application de la
th´eorie. Dans le cas de cat´egories de modules, l’analyse de ces conditions de nilpo-
tence s’av`ere intimement li´ee `a celle des carquois d’Auslander-Reiten.
Bien que le radical se comporte “mal” en g´en´eral par extension des scalaires,
on montre au §4 que la situation est meilleure dans le cas d’une K-cat´egorie de
Wedderburn. Cette premi`ere partie se termine par l’´etude et la comparaison (§5) de
deux notions d’extensions des scalaires pour les K-cat´egories que l’on rencontre
dans la litt´erature.
L’objectif de la seconde partie est d’´etudier en d´etail le radical d’une cat´ego-
rie mono¨ıdale sym´etrique rigide (i.e. dont les objets ont des duaux). Il se trouve
qu’il n’est pas compatible `a la structure mono¨ıdale en g´en´eral (un exemple de ce
ph´enom`ene est donn´e par la cat´egorie des repr´esentations de GLpen caract´eristique
p > 0). Nous comparons chemin faisant le radical au plus grand id´eal propre com-
patible `a la structure mono¨ıdale, et analysons le quotient de la cat´egorie par son
radical. Actions du groupe sym´etrique, puissances ext´erieures et sym´etriques sont
mises en œuvre dans cette optique. Nous nous sommes largement inspir´es du r´ecent
travail de Kimura [32] sur les motifs de Chow “de dimension finie”.
On montre que le radical d’une cat´egorie tannakienne sur un corps de caract´e-
ristique nulle est toujours mono¨ıdal, et qu’une telle cat´egorie est toujours de Wed-
derburn. Les th´eor`emes 8.2.2 et 8.2.4 de ce paragraphe, beaucoup plus g´en´eraux,
contiennent une version abstraite des r´esultats de Jannsen sur les motifs num´eriques
et de Kimura sur les motifs de Chow [25, 32]. Une attention particuli`ere a ´et´e port´ee
aux variantes Z/2-gradu´ees, en vue des applications aux motifs. En particulier, nous
faisons le lien entre la th´eorie de Kimura [32] et la question de l’alg´ebricit´e des
projecteurs de K¨unneth pairs (th´eor`eme 9.2.1). Notre r´esultat le plus abouti est le
th´eor`eme suivant : si on d´efinit une cat´
egorie de Kimura comme ´etant une cat´ego-
rie K-lin´eaire pseudo-ab´elienne mono¨ıdale sym´etrique rigide, o`u Kest un corps de
caract´eristique z´ero, dont tout objet est de dimension finie au sens de Kimura (voir
section 9), on a (th´eor`eme 9.2.2) :
Th´
eor`
eme 1. Toute cat´
egorie de Kimura Aest de Wedderburn. Son radical Rest
mono¨
ıdal, et la cat´
egorie quotient A/Rest semi-simple tannakienne, apr`
es change-
ment convenable de la contrainte de commutativit´
e.
NILPOTENCE, RADICAUX ET STRUCTURES MONO¨
IDALES 5
La troisi`eme partie d´ebute sur le rappel d’une version cat´egorique, due `a Mitchell,
de la cohomologie de Hochschild ; elle nous sert `a prouver le point a) de l’analogue
cat´egorique suivant du th´eor`eme de Wedderburn-Malcev (cf. th´eor`emes 12.1.1, 13.2.1
et 15.3.5).
Th´
eor`
eme 2. a) Soit Aune K-cat´
egorie de Wedderburn, et soit π:A → A/rad(A)
le foncteur de projection. Alors πadmet une section fonctorielle. Deux telles sec-
tions sont conjugu´
ees.
b) Si Aest mono¨
ıdale avec End(1) = K, et si le radical est compatible `
a la struc-
ture mono¨
ıdale (de sorte que πest un foncteur mono¨
ıdal), πadmet une section
mono¨
ıdale. Deux telles sections sont conjugu´
ees par un isomorphisme mono¨
ıdal.
c) Si enfin Aest sym´
etrique, toute section mono¨
ıdale est sym´
etrique (c’est-`
a-dire
respecte les tressages) `
a condition que car K6= 2.
La preuve de b), tr`es technique, se trouve au §13. Elle utilise aussi la cohomologie
de Hochschild pour l’alg`ebre libre sur les objets de la cat´egorie. Ainsi, a) repose
essentiellement sur le fait qu’une K-alg`ebre s´eparable est de dimension 0(au sens
de [11, ch. IX, §7]), tandis que b) repose sur le fait qu’une K-alg`ebre libre est de
dimension 1...
La compatibilit´e des sections mono¨ıdales `a des tressages, dont il s’agit au point
c) du th´eor`eme 2, est ´etudi´ee en d´etail au §15. Elle n’est pas automatique ; toute-
fois, en caract´eristique diff´erente de 2, si le tressage r´esiduel est sym´etrique, son
image par toute section mono¨ıdale sdonne lieu `a un tressage sym´etrique canonique
sur A, ind´ependant du choix de set qui ne co¨ıncide avec le tressage originel que
si celui-ci ´etait sym´etrique. Ceci s’applique notamment, en caract´eristique z´ero, `a
la quantification de Drinfeld-Cartier d’une cat´egorie mono¨ıdale sym´etrique munie
d’un tressage infinit´esimal (exemple 15.3.6).
Le th´eor`eme 2 s’applique en particulier aux cat´egories de Kimura, en vertu du
th´eor`eme 1 (cf. th´eor`eme 16.1.1).
Au §14, on conf`ere une structure g´eom´etrique aux constructions pr´ec´edentes :
groupo¨ıdes pro-unipotents des sections (resp. des sections mono¨ıdales).
La derni`ere partie explore les cons´equences des r´esultats pr´ec´edents en th´eorie
des repr´esentations.
Le §18 est consacr´e `a l’´etude de A/rad(A), lorsque Aest la cat´egorie des re-
pr´esentations d’un sch´ema en groupes affine G(par exemple un groupe alg´ebrique
lin´eaire) sur un corps Kde caract´eristique nulle. On peut conclure des r´esultats
pr´ec´edents que A/rad(A)est ´equivalente `a cat´egorie des repr´esentations d’un sch´e-
ma en groupes pro-r´eductif pRed(G)contenant G.
Il est plus technique de rendre cette construction canonique. La question se sim-
plifie si l’on travaille, comme au §19, dans la cat´egorie GaffKdont les objets sont
les K-groupes affines et les morphismes GHsont donn´es par les ensembles
quotients de HomK(G, H)par la relation d’´equivalence telle que fgs’il ex-
iste hHKtel que g=hfh1. Soit GredKla sous-cat´egorie pleine form´ee des
groupes pro-r´eductifs. Alors (cf. th´eor`eme 19.3.1) :
Th´
eor`
eme 3. Le foncteur d’inclusion GredKGaffKadmet un adjoint (et quasi-
inverse) `
a gauche : G7→ pRed(G).
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