25 ans. Toutefois, ce n’est pas tant la légère augmentation de la température à un stade particulier de la plante
qui est en cause que le dépassement d’un seuil critique. Sachant qu’au-delà d’environ 25° C, les céréales à paille
entrent en sénescence et que le remplissage du grain est interrompu, Philippe Gate a retenu le nombre de jours
où la température avait dépassé le seuil critique des 25° C. Ensuite, il a vérifié si depuis 1995, l’effet seuil s’était
manifesté de façon accrue. Il a relevé – en tout cas pour les stations de Châlons, Nîmes et Toulouse – une
augmentation du nombre de jours accusant des températures supérieures à 25° C. Avec 30° C presque partout
en France dès la fin du mois de mai en 2003, 2005 et 2006, l’hypothèse du rôle négatif du climat sur le
remplissage du grain tient la route.
Observations sur le terrain
Peut-on pour autant écarter aussi catégoriquement toutes les autres pistes, presque réduites à des
épiphénomènes ? Car sur le terrain, des écarts de rendements très importants sont observés, alors qu’ils ne sont
clairement pas attribuables au réchauffement climatique. Le cas deGuillaume Hache, un céréalier installé en
Gaec avec son frère dans une exploitation de 166 hectares située dans le Nord, confirme une hétérogénéité des
rendements bien supérieure aux 10 à 14 q/ha manquants relevés par l’Académie d’Agriculture. « Le rendement
moyen de blé obtenu sur les 60 ha atteint 109 q/ha, avec des extrêmes qui s’échelonnent de 70 q/ha dans le cas
de blé sur blé à 130 q/ha », note Guillaume Hache, qui fait partie des agriculteurs qui établissent leur programme
de fertilisation annuel sur des analyses de sol précises, effectuées tous les quatre ou cinq ans aux mêmes
endroits grâce au positionnement GPS. Or, depuis les années 80, le pourcentage des rotations où le blé a
succédé à une légumineuse n’a cessé de régresser, alors que ce type de rotations entraîne à lui seul une
augmentation de rendement pouvant facilement atteindre 3 à 4 q/ha (Brisson et al., 2010). C’est ce
qu’observe Didier Le Ray, un agriculteur éleveur installé dans la région d’Angers. « Dans l’une de mes parcelles
de blé, j’ai obtenu 110 q/ha en 2009, mais il est vrai que les conditions étaient idéales : rotation de blé sur de la
féverole, permettant une disponibilité en azote tout au long du cycle végétatif, et précipitations au moment
adéquat », témoigne-t-il.
Même constat de la part de Richard Dambrine, ingénieur agronome et consultant dans le nord de la
France : « En 2008, les agriculteurs qui avaient fini la moisson avant le 6 août ont eu des rendement meilleurs
qu’en 2009. En revanche, ceux qui ont moissonné parfois jusqu’à fin septembre ont eu des pertes de rendements
de l’ordre de 25 % par rapport à leurs meilleures parcelles, et ont seulement eu un rendement normal. » Sur les
parcelles de ses clients, Richard Dambrine observe des écarts de rendement de 35 q/ha selon les pratiques
individuelles (de 85 q/ ha à 120 q/ha, avec des moyennes allant de 90 à 95 q/ha). « En 2009, ces écarts ont été
plus restreints : de l’ordre de 15 q/ha, d’où des résultats plus élevés et des moyennes au-dessus de 115 q/ha.
Même les terres plus délicates ont eu des rendements aux alentours de 100 q/ha en moyenne, en hausse de 12
q/ha par rapport à 2007 et 2008 », poursuit l’agronome. Ces excellents résultats sont le fruit de l’extrême attention
portée par ces agriculteurs aux traitements phytosanitaires : « Qu’ils soient en labour ou en TCS, mes clients
n’ont pas abandonné une fertilisation P, K, Mg plus élevée et régulière que la moyenne des agriculteurs ! Mais
leurs résultats économiques sont aussi plus élevés, la plupart ayant des résultats situés dans le quart supérieur,
et souvent avec une marge meilleure que ceux qui fertilisent moins ou pas du tout. En revanche, leur utilisation
de fongicides est généralement raisonnée, avec 1,35 intervention fongique depuis dix ans (sauf pour les années
1997 et 2008, où ils avaient une moyenne de 1,65 intervention). »
Bien entendu, il serait aventureux d’extrapoler ces quelques exemples de terrain pour obtenir des tendances
nationales de fond. Tout comme il est facile de faire disparaître les spécificités locales dans des moyennes
nationales, comme le font l’essentiel des modèles mathématiques. Toutefois, ces exemples témoignent bien de
l’importance de l’agronomie et des pratiques agricoles dans les rendements.
Une évolution logique