Armelle RATAT, psychologue du service de radiothérapie du CHU

Compte-rendu de la rencontre-débat HELPP du 05/01/2012
Cancer : parler avec les enfants de la maladie des parents
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ERI territorial Gard
Intervenante :
Armelle RATAT, psychologue du service de radiothérapie du CHU de Nîmes
Modérateur : Anne GRANGEON, psychologue en onco-hématologie au CHU
de Nîmes (absente)
Coordination : Marion GAIDAN, animatrice ERI territorial Gard
Nb de participants : 14
Patients/proches : 11
8 patients
3 proches
Professionnels:
1 psychologue clinique Kennedy
1 cadre de santé clinique Kennedy
1 stagiaire en psychologie du service hémato-oncologie du CHU de Nîmes
Objectif de la rencontre-débat
Cette rencontre-débat a pour objectif de proposer aux patients et à leur
entourage désirant parler de la maladie avec leurs enfants, "des clefs", pour
faciliter cette communication.
La rencontre-débat initiée par HELPP, se déroule à l'Espace de Rencontres et
d'Information, dans un cadre convivial et "intimiste" pour permettre aux
participants d'échanger en petit nombre. La rencontre-débat est ainsi matière à
médiation, à rencontre, entre patients, proches et professionnels en dehors des
services de soins.
Déroulé de la rencontre-débat
Marion GAIDAN, animatrice de l'ERI territorial du Gard, présente le thème de la
rencontre et l'intervenante du jour : Armelle RATAT, psychologue du service de
radiothérapie du CHU de Nîmes.
Mme RATAT rappelle l'objectif de cette rencontre : il ne s'agit pas de vous donner
des conseils, "de vous donner des recettes, il n'y en a pas". Chaque enfant,
chaque situation est singulière et vécue de manière différente. Quoi qu'il en soit,
l'important est de mettre des mots sur ce qui se vit et cela même auprès d'un
enfant très jeune qui aura capacité à saisir "quelque chose" de ce qui est dit. La
parole, les mots c'est-à-dire une information adaptée ont des effets apaisants
pour l'enfant confronté au cancer d’un parent. A contrario, les silences, les non-
dits ne sont pas protecteurs mais sources d'angoisse. L'enfant possède une
imagination foisonnante, il peut avoir tendance à envisager pire que la réalité
lorsque celle-ci lui est cachée.
Très vite, les participants de la rencontre, patients comme proches interpellent la
psychologue.
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Cancer : parler avec les enfants de la maladie des parents
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Voici la retranscription des dialogues (en bleu, ceux des participants):
"Parle t'on de la même manière à un enfant qu'à un adolescent?" ; "Quels mots
choisir?"
Il est bien sur nécessaire d'adapter son discours en fonction de l'âge de l'enfant.
Dans ce dialogue, l'adulte doit être attentif aux attentes de l'enfant ou de
l'adolescent et à son niveau de compréhension. Que veut-il savoir ? Quels mots
utilisent-ils pour parler de la maladie? Les enfants à qui ont a posé la question
disent "on veut la vérité avec des mots gentils".
De même, il est important de veiller à ce qu'il y ai une cohérence entre ce que le
parent dit et ce qu'il pense réellement. Mieux vaut éviter de dire "Ne t'inquiète
pas " si vous êtes vous-même angoissé. L'enfant saisira votre angoisse plutôt
que le message énoncé.
"Quand doit-on en parler avec l'enfant?"
Le parent est celui qui connaît le mieux l'enfant et les moments où il est
disponible pour parler. Chaque temps de la maladie est important et doit être
accompagné d'explications : le diagnostic, l'entrée dans les traitements, la fin
des traitements, etc.
N'attendez pas que l'enfant pose des questions. Un enfant qui ne pose pas de
questions n'est pas toujours un enfant qui ne veut pas savoir. Il est aussi
possible qu'il ne s'autorise pas à poser de questions.
"Je n'ai pas annoncé mon cancer à mon enfant. Cela fait un an et demi, comment
lui dire maintenant? A l'annonce du diagnostic, nous venions de perdre deux
personnes du cancer dans la famille. Je ne voulais pas effrayer mon fils. Il sait
que je suis malade, mais je n'ai jamais prononcé le mot cancer."
Il n'est jamais trop tard, vous pouvez lui en parler en lui expliquant pourquoi
vous ne lui avez pas dit avant, pourquoi cela ne vous semblait pas être le bon
moment. Il n'y a pas de moment parfait mais le moment où cela devient
possible. Un enfant à qui on ne dit rien est dans une situation d'impuissance.
Quand il sait, il peut se rendre utile.
Intervention d'une autre patiente : "Vous pourriez dédramatiser le mot cancer
qui n'est pas synonyme de mort. Dire : tu vois j'ai le cancer mais je suis encore
là, le cancer on le soigne."
"Quand j'ai parlé avec ma petite-fille du cancer qui touche son grand-père, elle
m'a demandé "Il va mourir?". Je n'ai pas su quoi répondre, ni aller plus loin. Pour
elle c'est simple, il y a la possibilité qu'il meure. Mais faut-il aller plus loin?".
Les enfants n'ont pas, comme les adultes, "le sens du drame". Ils s'adaptent,
même dans des situations extrêmement difficiles. C'est le concept de résilience
proposé par le psychiatre
Boris Cyrulnik
.
"J'ai mis du temps à parler avec ma fille de cinq ans. J'avais peur de me mettre à
pleurer, j'étais inquiète. J'ai dit le mot cancer et qu'on allait me soigner. La
réponse de ma fille m'a surprise, elle a dit "OK, ça va alors". Ma fille me fait
confiance, elle ne dramatise pas. Elle m'a rassuré moi-même".
La confiance est réciproque, vous avez fait preuve de confiance envers votre fille
en vous confiant à elle.
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"L'annonce de la perte des cheveux a été moins évidente pour elle. Elle m'a dit
"mais je ne vais plus te reconnaître?". Quelques jours plus tard, elle m'a
demandé "et moi, quand est-ce que tu m'achète une perruque?". Cette histoire
de cheveux la travaille, surtout quand je mets le bonnet. Elle me dit "je veux
voir!", puis "Ah, tu me fais peur!". Quand je suis dans la salle de bain, elle
essaye de rentrer, comme si elle voulait apprivoiser cette nouvelle image de sa
mère. C'est dur pour moi, parce que je ne peux pas lui donner l'insouciance
qu'elle mérite à cinq ans; lui donner le meilleur".
Oui, mais vous pouvez lui donner le meilleur par rapport à une situation donnée,
la vôtre.
"La perception que les enfants ont du mot cancer est différente de la notre. Pour
nous, il y a trente ans, c'était synonyme de mort. Eux, ne connaissent pas cette
époque".
Effectivement, c'est pour cela qu'il faut partir de ce que l'enfant sait, de ce qu'il a
compris. Quels sont ses mots, ses représentations à lui ? Parler avec l'enfant
c'est l'accompagner depuis là où il est.
"C'est difficile de faire la part des choses. De jouer son rôle de parent,
d'éducateur, quand la maladie est là."
"Est-ce que ce n'est pas plus difficile avec des enfants plus âgés?"
Ce qui est frappant chez les ados et les enfants de 10-12 ans, c'est le sentiment
de honte, de peur et de colère qu'ils peuvent témoigner envers leurs parents, qui
pour eux, ne sont plus les mêmes.
"Ma fille m'a dit hier, alors que je me préparerais pour l'accompagner à l'école,
"surtout n'oublie pas ta perruque!".
L'adolescence est une période durant laquelle va se construire l'identité, c’est un
moment de crise souvent d’opposition avec les parents. Pour se faire,
l'adolescent a besoin d'attaquer la figure parentale, pour se différencier, se
singulariser. Mais comment le faire quand le parent est fragilisé par la maladie?
Il est important de dire à l'enfant qu'il n'est en rien responsable de ce qui arrive,
car les enfants culpabilisent facilement. De même, expliquez qu'un cancer n'est
pas contagieux.
***
Mme Ratat propose ensuite de visionner un court-métrage de 16 mn réalisé par
l'Institut de cancérologie Gustave Roussy. Intitulé "Il faut parler savoir", il a
été conçu pour susciter les échanges entre enfants et adultes au sein de groupes
de soutien proposés depuis 10 ans à Paris, par l'Institut de cancérologie Gustave
Roussy.
On voit dans le film un petit garçon dont la mère a un cancer, on le voit en parler
avec un copain, visiter sa mère à l'hôpital. Une partie du film est consacré aux
groupes de soutien, on y voit les enfants discutés entre eux et avec un
psychologue et dessiner pour exprimer leurs émotions et leurs craintes.
Ce type de groupe de soutien pour enfants sera proposé prochainement au CHU
de Nîmes et co-animé par Mme Ratat et un soignant. Il a pour vocation de faire
se rencontrer des enfants qui vivent la même situation, celle d'avoir un parent
atteint d'une maladie grave à risque létal, le cancer. Entendre que d'autres
tiennent les mêmes propos, partagent les mêmes angoisses, rassurent les
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participants. Les inscriptions se feront auprès de l'ERI. Plusieurs parents se
déclarent intéressés.
***
Une question est posée par une patiente "doit-on dire, on fait tout pour me
guérir ou pour me soigner?"
Les avis des professionnels sont partagés sur cette question. Le terme soigner
permet de laisser une ouverture en cas de récidive. Je pense que le parent doit
choisir les mots avec lequel il est le plus à l’aise…
Les patients expriment leur besoin de parler de la maladie autour d'eux, mais
"pas à n'importe qui, parce que quand on est malade, on est perçu
différemment".
Une parole vraie et une information adaptée sur la maladie peut aider les
enfants à se sentir moins impuissants et atténuer leurs angoisses.
C'est très dur pour les proches quand il y a comme une chape de plomb
au sein du foyer. "L'épreuve familiale" du cancer ne devrait pas être
vécue dans le silence.
Il n'y a pas de mots justes, ni de "recettes miracle", mais une confiance
à instaurer. A instaurer envers soi-même, pour trouver les bons mots, le
bon moment : les vôtres ; et une confiance envers l'enfant pour recevoir
cette parole et y donner du sens au regard des ses propres
représentations. Un enfant a besoin de pouvoir faire confiance à ses
parents et réciproquement pour se construire.
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