Compte rendu de la rencontre-débat : Le couple, les proches face au cancer
05/04/2012 - ERI CHU de Nîmes
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Le couple, les proches face au cancer
Jeudi 5 avril 2012, ERI CHU de Nîmes
Durée : 2h
Intervenants :
- Pascale STEFANI, psychologue du service d'urologie et sexologue, CHU de
Nîmes.
- Modérateur : Anne GRANGEON, psychologue en onco-hématologie au CHU
de Nîmes.
- Coordination : Marion GAIDAN, animatrice ERI territorial Gard.
Participants : 7
4 patients
1 proche
2 professionnels
Objectif de la rencontre-débat
Cette rencontre-débat a pour objectif de permettre aux patients soignés pour
un cancer et à leurs proches d'exprimer leur vécu de la maladie au sein de la
famille, au sein du couple et d'échanger leur expérience avec d'autres
malades et proches concernés.
La rencontre-débat initiée par HELPP, se déroule à l'Espace de Rencontres et
d'Information, dans un cadre convivial et "intimiste" pour permettre aux
participants d'échanger en petit nombre (15 personnes maximum par
rencontre). La rencontre-débat est ainsi matière à médiation, à rencontre,
entre patients, proches et professionnels en dehors des services de soins.
Déroulé de la rencontre-débat
Après avoir présenté le thème de la rencontre-débat et l'intervenant, Anne
GRANGEON, modératrice, donne la parole à Pascale STEFABNI, psychologue
du service d'urologie au CHU de Nîmes et sexologue.
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Compte-rendu des échanges :
Pascale STEFANI rappelle la mission du psychologue en centre hospitalier :
accompagner le patient et son entourage.
Lorsqu'une maladie comme le cancer arrive dans un groupe : un couple, une
famille, cela altère le groupe. L'événement maladie quelque peu traumatique
fait rupture, c'est comme s'il y avait un avant et un après. La personne
malade, les proches doivent parvenir à se réapproprier cet événement, pour
l'intégrer à leur parcours de vie, "réintroduire de la pulsion de vie". Ce
parcours de vie étant toujours singulier, la psychologue n'a pas de recettes à
donner.
Donner du sens à la maladie
La maladie est "hors sens". Pourtant on ressent le besoin d'y donner du sens,
un sens. Parfois trop, quand on laisse l'imaginaire s'emballer.
C'est une aventure pour le couple, la famille; dont on fait quelque chose.
On entend beaucoup les patients dire "grâce à mon cancer". Ça peut choquer
mais c'est quelque chose que l'on entend souvent en tant que psychologue.
La maladie est pour beaucoup l'occasion de revoir ses priorités, de renouer
son couple, de changer de profession. La maladie peut ainsi donner du sens.
Chaque personne y trouve un sens singulier, construit une histoire.
"Cette année, j'ai appris que j'allais être malade, le cancer prend un autre
sens".
Il faut se réapproprier une nouvelle image de soi, ou de ce nouveau
partenaire qui est moins "présent", souvent fatigué, dont le corps a changé.
Il y a altération des sens. Dans le couple, la sexualité passe souvent à l'as.
On n'en parle pas aux médecins, il y a d'autres choses qui s'imposent. Les
patients n'osent pas aborder cette question, pourtant c'est la vie.
La psychologue interpelle les participants : Avez-vous des questions? Des
témoignages de "Comment ça a résonné chez vous" ?
"C'est dur pour les proches, la vue du crâne nu, sans turban. C'est
traumatisant".
"C'est pas beau, ça fait malade. On prend en pleine figure : ma mère est
malade".
"J'essaye de ne pas trop montrer que je suis malade. J'y arrive, j'ai de la
chance parce que je n'ai pas eu trop d'effets secondaires."
"Avec mon mari, il n'y a plus de sexualité. Plus envie avec le corps qui
change."
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"On ne va plus faire de balades, on ne part plus en vacances. Tout change :
l'alimentation, les loisirs, le rythme de vie."
"Faut être armés, ça perturbe".
"C'est dévalorisant, on se sent dégradé."
"C'est un trou noir, je ne sais pas comment ça va se passer".
"C'est une épreuve pour eux aussi (les proches), on ne sait pas comment les
aider."
"Ils sont maladroits parce qu'ils ne savent pas comment faire".
"J'ai une fille de 30 ans. C'est peut-être elle qui a le plus souffert, elle ne
voulait pas me voir sans cheveux".
"Mon mari était plus effondré que moi."
La psychologue explique qu'il est fréquent que, au moment de l'annonce du
diagnostic, les proches soient dans un état de sidération plus important que
le malade lui-même.
"Peut-être parce que nous, on s'y est préparé, avec tous ces rendez-vous
chez les médecins, les examens, Alors que les proches ne veulent pas voir
la maladie."
"Il y a un déni de la part de l'entourage. Le cancer fait peur. On entend : tu
vas voir, ils ont fait des progrès, ça va s'arranger..."
"Comment les aider ? On essaye de rester comme on était. Mais alors les
gens ont tendance à oublier qu'on est malade, qu'on ne peut pas tout faire."
La psychologue souligne toute l'énergie psychique que peut dépenser un
patient pour protéger son entourage : en faisant semblant d'aller bien, en
s'interdisant de se plaindre et de pleurer. S'occuper des autres permet peut-
être de se donner de la force. On a parfois peur de prendre soin de soi, de
s'écouter.
"C'est peut-être le moment ou jamais de faire que les choses changent".
Un couple évoque ses difficultés à communiquer sur la maladie, sur l'avenir :
"Je pensais qu'il ne savait pas ou qu'il était dans le déni".
Le déni est un mécanisme de défense que l'on peut utiliser quand on veut. Il
fait partie du "travail de deuil", c'est une étape nécessaire.
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"On a mis longtemps à en parler ensemble. J'étais dans un schéma différent,
tout en sachant que le risque existait. C'est ma femme qui allait voir le
psychologue. J'étais dans mon scénario, après la chimio ce serait bon, donc
je n'avais pas à me lamenter et à inquiéter les autres. C'était pas dramatique
Je n'en parlais pas pour protéger ma femme."."
"Je voyais les médecins sans lui, pour comprendre, je voulais savoir. C'était
une très grande solitude pour moi."
Chacun traverse cette période à sa façon. Mais chacun est seul dans cette
traversée, la personne malade, le proche. Pour certains cette solitude est
très difficile, voire insupportable.
"On veut pas baisser les bras, aller de l'avant, ça aide à garder le moral".
"Avec cette maladie, on a pas trop le choix".
"Je veux continuer mes activités, je les fait quand les effets secondaires de la
chimiothérapie s'arrêtent. C'est le signe que je vis."
On voit souvent le ou la partenaire être trop maternant. La personne malade
est traitée comme un petit garçon ou une petite fille. Le malade qui est déjà
"objet de soins" se sent régressé lorsqu'il est trop materné.
Parallèlement, certaines personnes malades ont tendance à se décharger sur
leurs proches.
"Une psychologue m'a dit de prendre soin de moi, de ne pas laisser la
personne malade se défouler sur moi. J'ai dit à mon mari : tu abuses de la
situation".
Ces moments d’échange et de partage font apparaître à quel point chacun
est touché, bouleversé, changé par la maladie et comment il est
particulièrement difficile de parler à ses proches ou à son conjoint… le souci
de l’autre prend une grande place. Le souci de l’image de l’autre aussi.
Tout a été abordé à demi-mots ou à mots pleins, avec pudeur et sensibilité,
douleur et désir de respect de soi comme de l’autre… en interrogations et en
observations fines, concernées.
Les paroles ont témoigné de la démarche chacun se trouve engagé sans
l’avoir choisie… parfois, c’est le dialogue qui est mis à mal à travers la mise
à mal du corps, mais aussi la confiance en soi, l’autonomie, la
reconnaissance de l’autre, ou par l’autre… tout change, tout questionne, tout
effraie.
Comment préserver le dialogue, le poursuivre ou le créer, alors qu’on est
traversé par des angoisses si vives ?
Comment (re)trouver un équilibre pour continuer à avancer ?… comment
aborder les découvertes auxquelles la maladie invite, comment oser parler de
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ce que l’on ressent et parfois demander une aide psychologique pour faire
face à cette nécessité (imposée par tous les changements liés à la maladie)
d’inventer une autre façon de vivre ensemble et de se parler ?
Parler en présence de l’autre, ou seul, s’exprimer en présence de tiers,
entendre que les difficultés exprimées par les autres ressemblent à celles
que l’on pourrait exprimer ou que l’on ressent, aide déjà à se sentir moins
seul et invite, peut-être, à oser dire davantage toutes les questions qui se
posent … et tous les changements qui s’imposent.
Restitution : Marion GAIDAN, animatrice de l'ERI territorial Gard
Anne GREANGEON, psychologue, CHU de Nîmes
Relecture Pascale STEFANI, psychologue CHU de Nîmes
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