PRENDRE EN CHARGE…
34Neurologies • Janvier 2012 • vol. 15 • numéro 144
la gêne liée au regard des autres,
les dyskinésies bucco-faciales peu-
vent aboutir dans certains cas à
une gêne dans la parole et dans la
prise des repas ou des boissons. Les
dyskinésies tardives peuvent être
plus diuses et impliquer le larynx
(dyskinésies et dysphonie laryn-
gées avec respiration siante), le
diaphragme (dyskinésies respira-
toires avec respiration irrégulière),
l’axe rachidien, les épaules et le bas-
sin (mouvements de rotation d’une
épaule, de danse à type d’ondula-
tion de la colonne, de twist ou de
balancement du bassin), ou encore
l’extrémité des membres, avec une
présentation choréo-athétosique
mais comportant toujours le même
caractère répétitif et stéréotypé.
• Des manifestations dysto-
niques qui se présentent comme
des mouvements involontaires
imposant à certaines parties des
membres ou à des parties du corps
des attitudes de torsion. Comme
les mouvements choréiformes,
elles sont le plus souvent focales
au niveau de la tête ou du cou,
avec notamment rétrocolis, anté-
colis ou torticolis, mais peuvent
intéresser préférentiellement ou
s’étendre au tronc ou aux membres
au cours de l’évolution.
• Dans l’akathisie tardive, le
patient a un sentiment interne
d’agitation avec incapacité à rester
immobile et compulsion de mou-
vement, pouvant être temporaire-
ment contrôlé par la volonté. Les
mouvements les plus fréquents
consistent à croiser/décroiser les
jambes en position assise ou à mar-
cher sur place en position debout.
Compte-tenu de leur discrétion
habituelle et de l’anosognosie, le
diagnostic du syndrome tardif n’est
pas fait habituellement à la suite
d’une plainte du patient, mais lors
de l’examen systématique des pa-
tients traités par les neuroleptiques.
LE DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Il convient de diérencier les
syndromes tardifs post-neurolep-
tique d’autres manifestations mo-
trices anormales telles que :
• les dyskinésies tardives spon-
tanées : elles sont rencontrées
notamment chez le sujet âgé ;
• les dyskinésies secondaires :
- à un problème dentaire (dyskiné-
sies des édentés) ;
- à une pathologie psychiatrique
(stéréotypies, maniérisme) ;
- à un autre traitement médi-
camenteux non psychotrope
(L-dopa, phénytoïne, anticholi-
nergiques, contraceptifs oraux)
ou psychotrope mais non neuro-
leptique (antidépresseurs tricy-
cliques, benzodiazépines, lithium,
substances amphétaminiques) ;
- à une pathologie neurologique
héréditaire (maladie de Hunting-
ton), infectieuse (chorée de Sy-
denham), inflammatoire (lupus),
ou une pathologie secondaire à un
accident vasculaire cérébral.
DES CIRCONSTANCES
D’APPARITION VARIABLES
Des dyskinésies tardives des neu-
roleptiques peuvent apparaître :
• en cours de traitement (ce sont
des dyskinésies manifestes) ;
• lors d’une diminution de la poso-
logie (ce sont des dyskinésies mas-
quées) ;
• ou lors de l’arrêt du traitement
(ce sont des dyskinésies de retrait
ou withdrawal dyskinesia).
En cas d’arrêt du traitement neu-
roleptique, les dyskinésies tar-
dives peuvent s’intensifier de
façon transitoire, décroître, ou
même disparaître de façon pro-
gressive dans 25 à 50 % des cas.
En cas de maintien du traitement
neuroleptique, le syndrome tardif
s’aggrave quantitativement jusqu’à
un plateau, situé entre les 5e et 10e
années de traitement selon une
étude, et s’étend géographique-
ment dans plus de 30 % des cas.
UN TRAITEMENT
DÉCEVANT
LES MESURES PRÉVENTIVES
La stratégie thérapeutique des
dyskinésies tardives passe d’abord
par des mesures préventives et
l’établissement de règles d’usage
des neuroleptiques, devant la très
grande méconnaissance de leur
mécanisme d’apparition.
• Prévention primaire
L’objectif est la diminution de
l’incidence en évitant l’appari-
tion des dyskinésies tardives. La
prévention primaire repose sur
la pertinence et la rigueur dans
l’indication d’un traitement neu-
roleptique prolongé. L’indication
la mieux validée est les états psy-
chotiques chroniques, notamment
schizophréniques. Il convient de
bien évaluer avant la prescrip-
tion le rapport bénéfice/risque
en fonction des facteurs de risque
(patient âgé, patient de sexe fémi-
nin, antécédents de dysfonction-
nement cérébral).
• Prévention secondaire
Elle a pour but la diminution de
la prévalence en favorisant le dé-
pistage des dyskinésies tardives.
Elle s’appuie sur des principes
simples : tenter en permanence
d’utiliser les neuroleptiques si
possibles atypiques à la plus pe-
tite dose ecace (OMS, 1991),
pendant la durée de traitement la
plus brève, en limitant l’associa-
tion avec des correcteurs anticho-
linergiques (envisagés seulement