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PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES ET SOCIALISATION DE L’ENFANT
CONSOMMATEUR.
Kafia AYADI
I.R.E.M (Institut de Recherche et d'Études Marketing)
ESC Rouen
C.I.M.E (Caen Innovation Marché Entreprise)
IAE Caen Basse-Normandie
Adresse professionnelle :
Groupe ESC Rouen- Département marketing
1, rue du Maréchal Juin - BP 215
76825 Mont-Saint-Aignan Cedex.
Tel : 02.32.82.58.22
Fax : 02.32.82.58.33
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PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES ET SOCIALISATION DE L’ENFANT
CONSOMMATEUR.
RÉSUMÉ
Cet article vise à comprendre le phénomène du goût chez l’enfant. L’auteur propose une revue
de la littérature des recherches sur les pratiques alimentaires des enfants avant de suggérer une
lecture de l’apprentissage et du processus de socialisation de l'enfant à travers son éducation
alimentaire.
MOTS CLEFS :
Enfants - Préférence - Socialisation - Néophobie - Formation du goût - Apprentissage.
Food preferences and consumer socialisation of children.
ABSTRACT:
This article aims at understanding children’s taste phenomenon. The author proposes a
literature review of research about children’s dietary practices before suggesting a reading of
children’s learning and socialisation process through their food education.
KEY WORDS:
Children - Preference - Socialisation - Neophobia - Taste formation - Learning.
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Préférences alimentaires et socialisation de l’enfant consommateur.
INTRODUCTION
En marketing, le goût est un élément important de différenciation1. Les laboratoires des
entreprises du secteur agroalimentaire consacrent des budgets importants dans la
compréhension des mécanismes du goût en s’intéressant aux attributs intrinsèques des
produits alimentaires (propriétés organoleptiques). Ces recherches ont pour objectif
d’améliorer la qualité des produits à travers une meilleure connaissance des mécanismes du
goût. Pourtant, l’intérêt du marketing (D’Hauteville, 2003) et des recherches en
comportement du consommateur (Steenkamp, 1993) pour la consommation alimentaire est
relativement récent. Ce manque d’intérêt est dû selon certains chercheurs à la complexité et à
la diversité des facteurs qui agissent dans les choix et la consommation alimentaire. En effet,
de telles recherches font appel à des connaissances issues de disciplines aussi variées que la
nutrition, la médecine, la psychologie, l’économie, la sociologie, le marketing et
l’anthropologie (Steenkamp, 1993). Et si l’on s’intéresse à l’enfant, nous recensons très peu
d’articles en marketing ou en comportement du consommateur ayant porté sur ses pratiques
alimentaires. Souvent considéré comme un « adulte miniature », l’enfant est au final peu
étudié dans le domaine du marketing alimentaire. Pourtant, les résultats observés chez l’adulte
ne sont en aucun cas transposables au comportement de l’enfant qui, comme nous allons le
voir, a ses propres caractéristiques liées à son développement cognitif, social et affectif. Les
enfants sont une cible importante pour les responsables marketing pour au moins trois raisons.
Tout d’abord, l’enfant est considéré aujourd’hui comme un marché à part entière. Il suffit
pour cela de voir le nombre considérable de produits qui lui sont destinés, que ce soit des
vêtements, des jouets ou des produits alimentaires ou culturels. De même, ces dernières
décennies ont vu apparaître des magasins spécialisés pour enfants tels que Apache, Du Pareil
Au Même, etc. Ensuite, le pouvoir d’achat et de prescription de l’enfant ne cesse d’augmenter
(McNeal, 1992). En effet, les enfants jouent un rôle de plus en plus important dans la
prescription de produits qui les concernent ou non et notamment dans les choix de biens
durables comme la voiture. Enfin, l’enfant est le consommateur de demain : en s’adressant à
lui, l’entreprise peut espérer le fidéliser sur le long terme. Par exemple, l’entreprise qui
commercialise les céréales pour enfant Frosties de Kellogg’s peut chercher à fidéliser ses
1 Certaines marques de produits alimentaires ont su se distinguer de la concurrence en se forgeant un
positionnement distinct. A titre d’exemple, les viandes Charal évoquent aujourd’hui la tendreté et le goût.
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consommateurs plus tard, lorsque le modèle adulte apparaît en leur proposant Spécial K ou
une autre marque de l’entreprise. En résumé, les actions marketing qui visent l’enfant peuvent
avoir un impact sur l’enfant lui-même, sa famille et le futur consommateur qu’il deviendra
(McNeal, 1992). Ceci nécessite une meilleure connaissance du comportement de l’enfant. En
effet, pour que les actions marketing à destination de la cible enfantine soient efficaces, il faut
au préalable connaître ce marché et ses particularités. En 2004, selon une étude effectuée par
Consojunior, les marques les plus prescrites par les 10-14 ans sont celles relatives aux
produits alimentaires. Pourtant force est de constater que le comportement alimentaire de
l’enfant est peu connu des praticiens et chercheurs en marketing (Young, 2003a). Il s’avère
donc important de connaître les mécanismes et la formation du goût chez l’enfant pour mieux
cibler les actions marketing.
Lorsque nous nous intéressons au goût, nous nous référons aux travaux portant sur les
dimensions sensorielles. On recense deux perspectives d'études des processus sensoriels qui
sont décrites dans la Figure 1 :
Figure 1.- Les recherches en marketing sur les dimensions sensorielles
La première perspective de recherche regroupe les travaux portant sur les effets de
l'atmosphère du point de vente et la seconde porte sur la dimension sensorielle en tant
qu'attribut du produit (D'Hauteville, 2003). La majorité des travaux en marketing fait partie du
premier groupe. L'article précurseur est celui de Kotler, qui dès 1973, insiste sur la nécessité
de considérer l'atmosphère du point de vente comme une variable marketing à part entière. La
gestion de l'atmosphère du point de vente consiste en « l'utilisation de facteurs d'ambiance
Recherches sur la dimension
sensorielle
Atmosphère du point de vente :
- thématisation du point
de vente
- senteur d’ambiance
- ambiance sonore
- couleurs et lumières
- gestion de l’affluence
Attributs du produit :
- toucher
- odeur
- goût
- vue
- ouïe
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(physiques comme la couleur, le son, l'odeur ou le toucher et non physique comme le
personnel) faisant appel à nos sens dans le but de susciter une prédisposition favorable à l'acte
d'achat » (Ayadi, 2003). L’intérêt pour ce type de recherche est né du constat que les
distributeurs rencontrent de plus en plus de difficultés à se différencier uniquement sur la base
du merchandising, du prix, de la promotion ou de la localisation (Baker et alii., 1994). En
revanche, le magasin lui-même - et plus précisément son ambiance - peut procurer une
expérience d'achat unique. L'atmosphère du point de vente peut alors être considérée comme
un élément de différenciation des magasins. Par ailleurs, nous parlons aujourd’hui de la
« personnalité du magasin » au même titre que la « personnalité de la marque ». L'ambiance
du point de vente peut donc devenir un véritable vecteur d'identité, lorsque la musique
diffusée, les couleurs, l'odeur et autres éléments atmosphériques constituent un ensemble
cohérent qui permet au consommateur de vivre une expérience de consommation unique. Les
études dans ce domaine2 sont prolixes et ont porté sur les effets, sur le comportement du
consommateur, de la musique (Rieunier, 2000 ; Guégen, Jacob et Legoherel, 2002), de l'odeur
(Maille, 2001), de la couleur (Bellizi, Crowler et Hasty, 1983 ; Crowley, 1993) et de
l’ambiance du magasin en général (Lichtlé, Llosa et Plichon, 2002). Des résultats intéressants
ont ainsi mis en évidence l’influence de certains éléments de l'atmosphère du point de vente
sur le comportement du consommateur. A titre d’exemple, l’étude de Spies et alii. (1997) -
qui a porté sur l’influence de l'atmosphère du point de vente sur l'humeur du consommateur -
révèle qu’une atmosphère plaisante agit positivement sur l'humeur du consommateur et
l’incite à dépenser spontanément plus d'argent dans les articles qu'il aime.
Si les travaux qui ont porté sur l’atmosphère du point de vente sont abondants en marketing,
les recherches qui se sont intéressées à une dimension sensorielle en particulier sont, en
revanche, beaucoup plus rares. Le goût étant un sens peu connu des chercheurs en
comportement du consommateur et en marketing, il s’avère utile d’en connaître le mécanisme
afin de proposer des actions marketing mieux orientées vers la cible enfantine.
Dans cet esprit, l’objectif de cet article est de comprendre à travers un état de l’art la
formation du goût chez l’enfant et de montrer comment l’enfant se socialise, c'est-à-dire
devient consommateur, à travers l’apprentissage du goût. Pour cela, nous présenterons dans
2 Pour une revue voir Daucé et Rieunier (2002), Le marketing sensoriel du point de vente, Recherche et
Applications en Marketing, 17, 4, 45-65.
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