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18/03/2009 |
Législation sociale
Selon la conception communément admise aujourd'hui, la législation sociale comprend les dispositions
juridiques particulières prises en faveur des couches économiquement faibles ou désavantagées de la
population. Ces règles répondent à des objectifs sociopolitiques de sécurité sociale et de justice; elles tendent
à résoudre la question sociale par l'atténuation et le dépassement des antagonismes sociaux. La législation
sociale fixe des normes dans le domaine des assurances sociales et de l'assistance, qui cherchent à
compenser de manière solidaire les déficits sociaux par le versement de prestations sociales. Elle englobe
aussi le droit du travail et, au moins en partie, la protection des locataires et des consommateurs, la garantie
d'un minimum vital ancrée dans le droit privé, l'encouragement à la construction de logements, l'aide aux
artisans et aux paysans, l'aide aux victimes, la protection de l'enfance, les bourses d'études, ainsi que des
dispositions liées à la fiscalité. On dispose de travaux scientifiques sur certains aspects du droit des
assurances ou du travail, mais l'étude de la législation sociale dans son ensemble est passablement négligée.
Les premiers chercheurs à avoir essayé de définir le concept de droit social sont Jakob Schollenberger (1892),
Ernst Feigenwinter (1898), Hugo Oser (1901) et Eugen Huber. Pour ce dernier, la teneur sociale du nouveau
Code civil suisse consistait à défendre les faibles par le biais du droit privé (1912). Au début du XXe s., August
Egger établit le lien entre le droit social et le droit du travail, le droit de l'enfant, la législation sur la tutelle et
celle sur le droit de bail. Edwin Schweingruber, de son côté, précisa la notion de législation sociale,
aujourd'hui pratiquement synonyme de droit social, en la définissant comme la traduction, sur le plan
législatif, de la politique sociale (1955).
1 - Buts et fondements juridiques de l'Etat social
Les objectifs poursuivis par l'Etat social portent la marque des courants intellectuels rattachés à l'humanisme
libéral, à l'éthique sociale chrétienne, au mouvement ouvrier. Ils se fondent sur l'article 2 des Constitutions de
1848, 1874 et 1999, qui dit que l'un des buts de la Confédération est d'accroître la prospérité commune.
Concrètement, les autorités fédérales se virent attribuer des compétences et des mandats pour légiférer en
matière de politique sociale à partir de 1874 et surtout au XXe s. Les objectifs de l'Etat social furent confirmés
en 1947 par l'introduction, dans la Constitution de l'article 31bis alinéa 1, puis par l'adoption de l'accord no 102
sur les normes minimales de la sécurité sociale (1952), du code européen de sécurité sociale (1964) et du
pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966). Pour des raisons liées à
l'économie de marché et aux finances, la Suisse n'a jamais introduit dans sa Constitution de droits sociaux
fondant une prétention directe à une prestation étatique. La Constitution de 1999, dans son article 41, se
contente de définir des buts sociaux auxquels l'Etat s'engage durablement, mais en complément de la
responsabilité individuelle; elle ne prévoit de droits sociaux que ponctuellement. La législation fédérale laisse,
comme par le passé, une place déterminante à la législation cantonale.
2 - Evolution des différents domaines
Le développement des différentes branches du droit des assurances sociales, principal moyen de garantir la
sécurité sociale, s'est fait de manière organique en fonction des besoins. L'assistance aux pauvres, les
mutuelles basées sur la réciprocité, l'assurance privée et la législation sur la responsabilité civile figurent
parmi les précurseurs des assurances sociales. Dès le XIXe s., les institutions d'entraide privées furent
remplacées par des assurances publiques inspirées de la législation sociale bismarckienne en Allemagne
(1883-1889), du plan Beveridge en Grande-Bretagne (1942) et des conventions et recommandations
successives de l'Organisation internationale du travail (1919, 1925, 1944, 1952). Les premières démarches
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législatives importantes eurent trait à la création des caisses maladie au niveau cantonal. À la fin du XIXe s.,
quelques villes et cantons mirent en place des institutions remplaçant les caisses pour chômeurs, créées par
les syndicats (Assurance chômage); les premières caisses de pensions pour fonctionnaires datent aussi de
cette période. Dans le domaine de la prévoyance vieillesse et survivants, ce sont les cantons de Glaris (en
1916), d'Appenzell Rhodes-Extérieures (en 1925) et de Bâle-Ville (en 1930) qui esquissèrent les premières
solutions. Avant la fin du XXe s., les compétences constitutionnelles en matière d'assurances sociales
passèrent toutes aux mains de la Confédération, qui édicta des lois d'exécution dans la majorité des
domaines prévus. Citons les lois fédérales sur l'assurance militaire (1901), l'assurance maladie et l'assurance
accidents (1911), l'assurance vieillesse et survivants (1946), l'assurance invalidité (1959), la prévoyance
professionnelle et l'assurance obligatoire contre le chômage (1982). Le grand morcellement de la législation
sociale, développée au gré des besoins, est à l'origine de nombreuses difficultés de coordination; il a alimenté
la revendication d'un cadre juridique général pour l'ensemble des assurances sociales. Il est reconnu que ces
dernières ont notoirement amélioré les conditions sociales.
Les conséquences sociales de l'industrialisation amenèrent quelques cantons germanophones à légiférer sur
la protection des travailleurs durant les premières décennies du XIXe s. Les lois du canton de Glaris sur la
protection des ouvriers d'usine (1864, 1872) figurent parmi les premières mesures au monde visant à limiter
la durée du travail. Elles furent relayées, au niveau fédéral, par les lois sur les fabriques (1877, 1914) et la loi
sur le travail (1964). Dans le domaine du droit privé, il faut citer les lois sur la responsabilité civile des
fabricants (1881, 1887), qui introduisirent une assurance accidents avant la lettre, la législation sur les
contrats de travail figurant dans le droit des obligations (1881, 1911), celle sur les contrats collectifs de
travail (1956) et la révision du titre dixième du Code des obligations concernant le contrat de travail (1971).
Grâce à la législation sociale, la question ouvrière du XIXe s. peut désormais être considérée comme résolue.
3 - Institutions chargées d'exécuter les lois
Sur le plan administratif, la création de l'Office fédéral des assurances sociales date de 1913. Il assuma des
fonctions de surveillance, tout en se chargeant du travail législatif préparatoire, d'abord pour l'assurance
maladie et accidents, puis pour l'ensemble des assurances sociales. Néanmoins, la mise en œuvre
administrative de la législation sociale continue de relever largement des cantons. Sur le plan judiciaire, les
litiges en la matière furent d'abord traités comme des recours selon une procédure administrative interne. On
améliora considérablement la protection juridique en les portant devant des instances extérieures et
spécialisées (ce qui fit de ce domaine une discipline relativement autonome): tribunaux administratifs
cantonaux (dès le début du XXe s.), Tribunal fédéral des assurances (1918), tribunaux compétents pour les
affaires liées au droit du travail (dès 1874) et au droit de bail, créés dans de nombreux cantons pour des
raisons sociales.
Références bibliographiques
Bibliographie
– E. Schweingruber, Sozialgesetzgebung der Schweiz, 1955 (21977)
– L. Carlen, «Zur Geschichte des Arbeitsrechts in der Schweiz», in RDS, 91, 1972, 233-260
– A. Maurer, Geschichte des schweizerischen Sozialversicherungsrechts, 1981
– F. Schmid, Sozialrecht und Recht der sozialen Sicherheit, 1981
– P. Greber, Les principes fondamentaux du droit international et du droit suisse de la sécurité sociale, 1984
– H.P. Tschudi, Geschichte des schweizerischen Arbeitsrechts, 1987
– H.P. Tschudi, Entstehung und Entwicklung der schweizerischen Sozialversicherungen, 1989
– T. Locher, Grundriss des Sozialversicherungsrechts, 32003
– Ph. Gnaegi, Hist. et structures des assurances sociales en Suisse, 1998 (22004)
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Auteur(e): Alain Prêtre / UG
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