Droit et morale
On appelle la simple conformité ou non-conformité d’une action avec la loi, abstraction faite des
mobiles de celle-ci,
légalité
et, en revanche,
moralité
(éthique) la conformité en laquelle l’Idée de devoir
selon la loi est en même temps le mobile de l’action.
Les devoirs qui découlent de la législation juridique ne peuvent être que des devoirs extérieurs,
car cette législation n’exige pas que l’Idée de ce devoir qui est intérieure, soit par elle-même principe de
détermination de l’arbitre du sujet agissant et, comme elle a besoin de mobiles appropriés aux lois, elle ne
peut lui rattacher que des mobiles extérieurs. La législation morale, au contraire, fait aussi des actions
intérieures des devoirs sans exclure les actions extérieures et s’applique à tout ce qui est devoir en
général. Mais précisément parce que la législation éthique intègre le mobile interne de l’action (l’Idée du
devoir) à la loi, détermination qui ne saurait exercer quelque influence sur la législation extérieure, il
s’ensuit que la législation éthique ne peut être extérieure (fût-elle celle d’une volonté divine), bien qu’elle
admette les devoirs en tant que
devoirs
qui relèvent d’une autre législation, c’est-à-dire d’une législation
extérieure, comme mobiles en sa législation.
I. Kant,
Métaphysique des mœurs
(1796), « Doctrine du Droit »,
trad. A. Philonenko, Vrin, 1979, I, pp. 93 sqq.