Les délibérations à propos de la loi sur la surveillance de la
révision (LSR) ont mis en évidence la nature exogène de cette
nouvelle législation. Au Conseil des États, le rapporteur de la
commission compétente avait ouvert le débat par une citation
montrant que la gestation rapide de cette loi nest plus le fruit
de notre système législatif fédéral, mais bien celui de la mon-
dialisation, qui fait fi du discours politique au profit de l’évi-
dence normative des faits (CE Hansheiri Inderkum, BO 2005
E 617). Du côté du Conseil fédéral, même musique: son porte-
parole y voyait un corsetage venu dailleurs, une bouture de
l’Acte Sarbanes-Oxley, à adopter volens nolens pour éviter les
entraves à la concurrence (CF Christoph Blocher, BO 2005 E 621).
Rien de neuf dans ces critiques: vingt ans plus tôt, on avait vi-
turé contre la pénalisation des délits d’initiés pour son al-
légeance indigne face aux pressions des USA. D’ailleurs, l’eu-
rocompatibilité de la législation suisse souffre du même ana-
thème. Point commun, ces actes législatifs sont approuvés
dans un temps record alors qu’ils sont très contestés. De tor-
tue qu’il était, le législateur suisse est devenu lapin, dixit le
professeur Peter Forstmoser.
Pression salutaire de l’extérieur. Mais il ne faut pas confon-
dre le processus législatif et son contenu. Une législation ins-
pirée d’ailleurs, ce que les Anciens appelaient fièrement ré-
ception scientifique du droit, n’est en soi pas moins bonne
qu’une législation issue du cru, mais frappée dun sceau de
qua lité que personne n’ose remettre en question. Les critiques
deviennent souvent lauriers dès que les craintes face au nou-
veau «corset» se dissipent et que son acclimatation confédé-
rale en fait oublier lorigine. La pression du dehors nest pas
toujours préjudiciable, surtout en démocratie directe. Elle
peut même être salutaire pour un système législatif connu
pour sa léthargie naturelle. Et sous cet angle, la législation
sur la surveillance de la révision ne fait pas exception.
Droit de la révision incisif. Selon Bernhard Grossfeld, profes-
seur émérite de lUniversité de Münster, la présentation des
comptes, qui a pour origine un manuel de mathématiques du
Franciscain Pacioli, datant de 1494, a considérablement mo-
difié et forgé la perception du droit dans l’histoire moderne.
La tenue des comptes est devenue le noyau du capitalisme oc-
cidental. Sa rationalité en a fait bien plus qu’un chapitre ma-
tmatique: cest devenu un vrai principe de droit. La recher-
che de la vérité mathématique a supplanté l’érudition con-
templative du droit humaniste, ce qui explique pourquoi les
juristes ont aujourd’hui encore un enthousiasme limité pour
la présentation des comptes, par trop orientée sur les chiffres.
Cette retenue affecte inévitablement le droit de la révision,
frère siamois de la présentation des comptes. Elle se comprend
peut-être sur la forme mais, sur le fond, elle est totalement
injustife. Le droit de lavision doit être incisif et, quelles
que soient les influences étrangères à son origine, la Suisse ne
peut s’en passer.
Efficacité suisse de l’Autori de surveillance et matre
de révision (ASR). Les principes de la présentation des comp-
tes ont évolué au cours de ces 25 dernières années. Le tam-tam
des pamphlets contre les réserves latentes s’est évanoui lors-
que le principe de la true and fair view s’est gentiment imposé
et que les bilans n’ont plus été inspirés par la prudence de la
comptabilité traditionnelle, mais par la recherche de la véri
de la comptabilité moderne. Les normes de présentation des
comptes ont foisonné pour essayer de couvrir tout l’éventail
des cas devant répondre à ce besoin de transparence. Ces nor-
mes ne sont plus enfermées dans des grands livres de magie
scels, mais ont été publes urbi et orbi. Il n’est donc pas éton-
nant de trouver une nouvelle loi ante portas. La transparence
nourrit la confiance, mais doit être contrôlée. C’est tout l’es-
prit de la nouvelle législation sur la révision: il se manifeste au
travers des exigences de qualité attendues des réviseurs et des
experts-réviseurs et au travers de la surveillance exercée par
l’État sur les entreprises de révision. LAutorité de surveil lance
créée à cet effet s’efforce de remplir sa mission de manière ef-
ficace, compétente et impartiale pour assurer un con trôle op-
timal et obtenir une large reconnaissance au plan internatio-
nal, sans pour autant surcharger outre mesure les acteurs as-
sujettis à cette surveillance. Les articles de l’ASR dans ce numéro
illustrent comment elle cherche à concrétiser cet objectif mul-
tiple tout en respectant notre culture helvétique. n
LA LOI SUR LA SURVEILLANCE DE LA RÉVISION,
UNE LEX AMERICANA?
HANS PETER WALTER,
PROF. DR. H.C., AVOCAT, PRÉSI-
DENT DU CONSEIL DADMINI-
STRATION DE L’AUTORITÉ DE
SURVEILLANCE EN MATIÈRE DE
RÉVISION (ASR), PROFESSEUR
DE DROIT PRIVÉ ET DE DROIT
DES AFFAIRES, UNIVERSITÉ
DE BERNE, BERNE
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COLONNE
11 | 2008 LEXPERT-COMPTABLE SUISSE
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