
150 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIII - nos 4-5 - juillet-août-septembre-octobre 2010
Résumé
Après chirurgie bariatrique, le risque de carence nutritionnelle dépend de l’importance de la perte de
poids et du type de chirurgie. Le court-circuit gastrique (CCG) entraîne une malabsorption de certains
minéraux et vitamines. La carence en fer est fréquente dans les trois cas, notamment chez les femmes
non ménopausées. Le CCG augmente ce risque ainsi que la carence en calcium-vitamine D et vitamine
B12. L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke n’est pas rare. Le risque à long terme de maladies osseuses
ou de complications neurologiques doit être connu et prévenu. Quelle que soit la technique chirurgicale,
la surveillance nutritionnelle, la prescription de suppléments appropriés et la surveillance des patients
s’imposent. Cette chirurgie nécessite une prise systématique de multivitamines pendant la phase d’amai-
grissement, à laquelle il faut ajouter de la vitamine B12 au long cours en cas de CCG. Enfin, l’efficacité de
la prévention de la lithiase biliaire par l’acide ursodésoxycholique (6 mois) est démontrée.
Mots-clés
Chirurgie bariatrique
Carence nutritionnelle
Revue
Highlights
IIn this review, we provide an
update on the long-term follow
up of nutritional and metabolic
issues after bariatric surgery.
The risk of nutritional defi cien-
cies depends on the percentage
of weight loss and the type of
surgical procedure performed;
purely restrictive procedures
(AGB, SG) can induce digestive
symptoms, food intolerance or
maladaptative eating behav-
iour due to pre or post surgical
eating disorders. GBP has also
a malabsorptive effects on
several mineral and vitamins.
Iron defi ciency is common for
the 3 types of bariatric surgery
especially for menstruating
women. GBP is associated
with an increased risk of iron,
calcium -vitamin D and vitamin
B12 defi ciency. Rare defi cien-
cies can lead to serious compli-
cations such as encephalopathy
(Gayet Wernicke syndrom).
Long-term problems such as
changes in bone metabo-
lism or neurologic complica-
tions need to be carefully
monitored. Routine nutrition
screening, recommendations
of appropriate supplements
and monitoring adherence
are imperative, whatever the
bariatric procedure. Systematic
multivitamin supplementation
is required during weight loss
period. Vitamin B12 supple-
mentation is necessary after
GBP. The prevention of gall-
stone formation using ursodes-
oxycholic acid during the fi rst 6
months is established.
Keywords
Bariatric surgery
Nutritional defi ciency
Review
sont donc susceptibles de présenter des défi cits
ou des carences spécifiques. Les plus fréquents
sont ceux en vitamines B1, B12, B9, A, C, D et E (1).
Néanmoins, le statut vitaminique ou en micronu-
triments établi sur le seul marqueur sérique est
discutable chez le sujet obèse en raison du stoc-
kage de certaines vitamines dans le tissu adipeux et
d’un volume de distribution différent. La traduction
clinique et les répercussions possibles de ces défi cits
ne sont pas établies.
Les carences après chirurgie
bariatrique : fréquence,
dépistage, stratégie
de supplémentation (tableau I)
La carence martiale
Une carence en fer est très fréquente après chirurgie
bariatrique. Elle est liée à une carence d’apports ou
à une malabsorption en cas de chirurgie malabsorp-
tive ou mixte. La prévalence élevée de la carence
en fer (environ un tiers des patients après gastro-
plastie (2) et plus de 50 % après CCG (3) justifi e une
surveillance biologique régulière. C’est en effet la
principale cause d’anémie après CCG. Cette carence
en fer est liée à plusieurs mécanismes : pour être
absorbé, le fer doit être libéré de ses ligands et
être réduit en fer ferreux (Fe++), qui est la forme
la mieux absorbée. L’acidité gastrique joue un rôle
très important dans cette transformation ; le fer
ferreux est principalement absorbé au niveau du
duodénum et du jéjunum proximal, partie court-
circuitée par le montage chirurgical. La diminu-
tion de la consommation d’aliments riches en
fer comme la viande rouge est fréquente après
chirurgie restrictive, entraînant un risque souvent
ignoré mais néanmoins important de carence en
fer après gastroplastie. La consommation de fer est
également réduite après CCG. Enfi n, ce risque est
accru chez la femme en raison des menstruations
qui entraînent une perte de fer estimée à 8 à 20 mg
de fer par cycle, soit des besoins supplémentaires
d’1 mg/j correspondant à un besoin supplémentaire
de 10 mg de fer alimentaire.
◆Comment la dépister ?
La ferritine est un indice refl étant l’état du stock
en fer de l’organisme et représente un bon test de
dépistage, mais elle peut être élevée lorsqu’il existe
une cytolyse hépatique, un syndrome infl ammatoire
ou une stéatohépatite dysmétabolique. Ce dosage
est généralement associé à la mesure de la saturation
de la sidérophylline et à un hémogramme. Une valeur
inférieure à 20 mg/ ml doit alerter, de même qu’une
saturation inférieure à 20 %. Certains auteurs tolè-
rent des valeurs plus basses. Le dosage du récepteur
soluble de la transferrine est une alternative récente.
◆Quand la dépister ?
Après CCG, un bilan ferrique, un hémogramme et
un dosage de la ferritine sérique paraissent néces-
saires à 1, 3, 6, 12, 18 et 24 mois, puis, annuellement,
jusqu’à la ménopause. Cette surveillance doit être
prolongée. En effet, les stocks de fer continuent à
diminuer 7 ans et 10 ans après CCG.
◆Comment la corriger ?
Les suppléments multivitaminiques ne permettent pas
d’éviter la carence en fer. Les doses de fer présentes dans
les suppléments vitaminiques contenant des minéraux
sont insuffi santes pour prévenir les carences chez les
femmes opérées d’un CCG et en âge de procréer (4).
Une supplémentation en cas de carence avérée est sans
doute ce qu’il faut conseiller après chirurgie restrictive
et chez l’homme après CCG. Une supplémentation
systématique peut être discutée chez les femmes en
âge de procréer, ayant subi un CCG car la diminution
du stock de fer est dans ce cas bien documentée. La
dose de fer n’est pas établie ; il faudrait 200 mg de fer
élément par jour pour éviter la carence en fer après
CCG. Cette dose permet de maintenir les stocks de
fer (correction de la ferritinémie) mais ne permet pas
de prévenir totalement l’anémie qui peut être multi-
factorielle. L’apport de fer par voie intraveineuse peut
être nécessaire en raison de la mauvaise absorption du
fer médicamenteux et/ou quand la carence est sévère.
La carence en vitamine B12
La défi cience en vitamine B12 est classique après
CCG (3) mais n’est pas rare après chirurgie restric-