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Société Française de Psychiatrie de
l'Enfant et de l'Adolescent et
Disciplines Associées (SFPEADA)
Association des Psychiatres de
secteur Infanto-juvénile (API)
DIRECTION
DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE
SOUS-DIRECTION
DES MISSIONS DE PROTECTION JUDICIAIRE
ET D’ÉDUCATION
BUREAU K1
DE LA LEGISLATION ET DES AFFAIRES JURIDIQUES
POLE RECHERCHE
La consultation en urgence psychiatrique des adolescents
pris en charge par l’ASE et la PJJ
-
Qui sont-ils ? Quels sont leurs parcours ?
Dr Aurélien Chatagner1, Luc-Henry Choquet2, Dr Jean Philippe Raynaud3
Septembre 2012
1 Psychiatre, Centre hospitalier Bourran, Rodez
2 Responsable du Pôle Recherche, DPJJ
3 Professeur de psychiatrie de l'adolescence et de l'enfance, CHU Toulouse - Hôpital La Grave
Revue de littérature
Une revue de littérature récente (1)4 a mis en évidence les caractéristiques cliniques et socio-
démographiques des adolescents venant consulter en urgence.
L’accueil d’urgence en pédopsychiatrie a connu une augmentation importante ces dernières
décennies autant en France (2) qu’aux Etats-Unis (3–6). Cette augmentation est expliquée par
de nouveaux motifs de consultation tel que troubles des conduites, troubles du comportement
dus à abus de substances et troubles anxieux, avec une stabilisation des tentatives de suicide
et des épisodes psychotiques aigus (7,8).
Au niveau clinique les motifs principaux de consultation sont l’agitation et la violence suivis
de près par la tentative de suicide. Concernant les diagnostics, il s’agit de façon prédominante
de troubles de l’humeur ou de troubles des conduites ou oppositionnel (2,4,8–10).
Concernant l’environnement de ces adolescents il est intéressant de noter l’importance de
l’accompagnement par l’aide sociale à l’enfance (ASE : 22,7% à 43%) (4,9,11,12). La
présence de l’ASE nous semble un indicateur intéressant du parcours chaotique vécus par ces
adolescents, que confirme Healy et al. (11) avec l’importance des antécédents familiaux
psychiatriques (21%) et de la violence domestique (25%).
Enfin, concernant le suivi nécessaire qui s’instaure à partir de cette consultation en urgence, il
apparaît comme difficile vu les nombreux arrêts de prise en charge : ainsi seul 27% des
adolescents venus pour un motif autre que TS seront encore suivi à 3 mois (11). De plus ces
consultations en urgences se répètent en proportion importante : de 17,7% à plus d’un tiers
des adolescents, selon les études (11,13–15), reviendront consulter en urgence dans l’année
suivant la première consultation urgente. Ces résultats posent la question du soin possible à
partir de cette modalité de consultation.
Au vu de ces résultats nous avons souhaité, à travers une étude comparative, mieux connaître
ces adolescents consultant en urgence. L’idée est que cette modalité de prise en charge bien
que nécessaire paraît souvent limitée et ne permet pas toujours un accompagnement
thérapeutique indispensable. Ainsi réfléchir à ces adolescents c’est aussi réfléchir à nos
pratiques cliniques et peut-être les améliorer. Nous avons souhaité également nous pencher
tout particulièrement sur ceux qui, parmi eux, connaissent une prise en charge judiciaire
pénale au titre de l’enfance délinquante ou une prise en charge judiciaire civile ou
administrative au titre de l’enfance en danger. La présentation de ces derniers résultats est
l’objet du présent rapport.
Organisation de l’étude
Cette étude a été réalisée sous l’égide de :
la Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent et des Disciplines
Associées (SFPEADA), représentée par son Président, monsieur le Docteur Jacques
Constant (Chartres) ;
l’Association des Psychiatres d’Intersecteurs (API), représentée par sa Présidente,
madame le Docteur Yvonne Coinçon (Grenoble).
4 Les numéros renvoient à la bibliographie en fin de volume.
3
Le recueil des données a été réalisé entre décembre 2010 et avril 2011 dans 10 centres
investigateurs :
5 centres API :
o Sylvain Berdah, Aulnay
o Vincent Garcin, Lille (Armentières)
o Michel Goujon, Yves Guillermin, Marseille
o Nicole Steinberg, Erstein
o Roger Teboul, Ville-Evrard, Montreuil,
5 centres SFPEADA :
o Bertrand Olliac, Jean-François Roche, Marie-Michèle Bourrat, Limoges
o Catherine Jousselme, Yohan Loisel, Jean Chambry, Gentilly
o Martine Myquel, Florence Askenazy Nice
o Vincent Berthou, Strasbourg
o Jean-Philippe Raynaud, Toulouse
avec la collaboration de François Sicot, Professeur en Sociologie de la santé, de la
dévianceet des problèmes sociaux à Toulouse.
Méthodologie
Chaque centre devait inclure une cinquantaine d’adolescents répartis en deux groupes égaux,
cible et témoin :
- le premier groupe est défini par le critère d’inclusion principal : demande d’avis
psychiatrique en urgence auprès d’une équipe de service public pour un adolescent entre 11
et 18 ans.
- le second groupe est constitué par une population appariée pour l’âge d’adolescents
consultants dans les dispositifs « tout-venant » de ces mêmes services de psychiatrie infanto-
juvénile, mais sans demande urgente.
Cette étude descriptive avait deux objectifs principaux :
- examiner les différences entre les adolescents des deux groupes sur les différents plans du
diagnostic, du parcours familial, social, scolaire, judiciaire, des antécédents psychologiques
personnels et familiaux afin de vérifier l’idée selon laquelle ces adolescents venant dans
l’urgence ont des caractéristiques spécifiques propres (cliniques et socio-démographiques).
- examiner si les adolescents avec une prise en charge administrative (ASE) et/ou judiciaire
(PJJ) ont des spécificités cliniques et un accès aux soins particuliers (lieu de consultation
privilégié, hospitalisations nombreuses), s’il apparaît des spécificités quant à leurs
antécédents personnels et familiaux (violences, carences, pathologies parentales) 5. C’est ce
dernier examen qui fait l’objet de la présente note.
5 Il s’agit de mineurs dont la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger ou risquent de l'être, ou dont les
conditions de l’éducation ou du développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement
compromises ou risquent de l'être.
4
Les résultats de ces deux examens étant censés permettre de mieux connaître ces adolescents
afin de mieux adapter les soins à organiser autour d’eux.
Le recueil de données était effectué à la suite de la consultation grâce à une grille intitulée
Parcours de vie et de soins des enfants et adolescents réalisée en collaboration par les
sociétés savantes de la SFPEADA et de l’API.
Traitements statistiques 6
Des comparaisons ont été réalisées en analyse bivariée avec des test de Chi2 ou de Fisher et le
test de Levenne ou le test-t ont été réalisés pour les variables quantitatives (ex : âge).
Une classification a été dressée en choisissant de garder 10 classes, un nombre relativement
important compte tenu du nombre d’individus, afin de présenter des résultats suffisamment
fins.
Aspects éthiques
L’étude a fait l’objet d’une déclaration à la CNIL. Elle ne modifie pas le protocole de
consultation et de soin habituel, mais complète et standardise le relevé de données
habituelles. Elle ne relève pas de la loi Huriet7, ni d’une déclaration à un CCPPRB8. Le
recueil de données a été anonyme.
Premiers résultats
Lorsque l’on compare les adolescents avec une prise en charge judiciaire civile ou pénale, ou
avec une prise en charge administrative, avec les autres, on ne relève pas de différence
concernant les caractéristiques générales, au niveau du sexe (sex-ratio proche de 1) ou au
niveau de l’âge (autour de 14 ans), mais au niveau de la demande de consultation qui, chez
les adolescents avec une prise en charge, a pour origine les professionnels beaucoup plus
fréquemment (80% contre 52%) et beaucoup moins l’un des deux parents (10% contre 40%).
Ces données sont détaillées dans le tableau 1.
Tableau 1 : origine de la demande
Origine de la demande Adolescent avec prise en charge
judiciaire ou administrative
Adolescent sans prise en charge
judiciaire ou administrative
Un des deux parents 7 (10,4%) 105 (39,9%)
Un autre membre de la famille 1 (1,5%) 2 (0,8%)
Un professionnel 54 (80,6%) 137 (52,1%)
6 Les traitements ont été réalisés par le Dr Bertrand Olliac et EJE Ensae Etude, Junior-Entreprise de l'ENSAE
(Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique)
7 Cf. Loi n° 94-630 du 25 juillet 1994 modifiant le livre II bis du code de la santé publique relatif à la protection
des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales. Loi dite loi Huriet.
8 Comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale.
5
L’adolescent 4 (6,0%) 15 (5,7%)
Autre 1 (1,5%) 4 (1,5%)
Total 67 (100%) 263 (100%)
p = 0,000 (Chi2 de Pearson)
La différence se confirme dans les modalités de consultation puisque les jeunes avec une
prise en charge consultent de manière privilégiée au sein de structures d’urgence (35,8%
contre 22,1%, tableau 17) ou dans une structure pédiatrique en général (61,2% contre 37,3%)
et moins dans le circuit classique de soin psychique, c’est à dire dans un centre médico-
psychologique (CMP) (31% contre 56%). Ainsi ils se tiennent davantage à l’écart des
dispositifs spécifiques de santé mentale (tableau 2 et 3).
Tableau 2 : modalités de la rencontre
Modalités de la rencontre
Adolescent avec prise en charge
judiciaire ou administrativet
Adolescent sans prise en charge
judiciaire ou administrative
Consultation sur un dispositif
classique de secteur 21 (31,3%) 148 (56,3%)
Service d’urgence médico-
chirurgicales générales 22 (32,8%) 46 (17,5%)
Dispositif d’urgences
psychiatriques 2 (3,0%) 12 (4,6%)
Pédiatrie (consultation en
psychiatrie de liaison) 19 (28,4%) 52 (19,8%)
Autre lieu 3 (4,5%) 5 (1,9%)
Total 67 (100%) 263 (100%)
p = 0,003 (Chi2 de Pearson)
Tableau 3 : lieu de la consultation
Lieu de la consultation Adolescent avec prise en charge
judiciaire ou administrative
Adolescent sans prise en charge
judiciaire ou administrative
Lieu d’urgence 24 (35,8%) 58 (22,1%)
Dispositif classique 43 (64,2%) 205 (77,9%)
Total 67 (100%) 263 (100%)
p = 0,026 (test exact de Fisher)
Les adolescents pris en charge sont également beaucoup moins accompagnés lors de
la consultation (61,2% contre 90,8%). Ces données sont décrites dans le tableau 4.
Tableau 4 : accompagnement de l’adolescent lors de la rencontre
Accompagnement de l’adolescent
lors de la consultation
Adolescent avec prise en charge
judiciaire ou administrativet
Adolescent sans prise en charge
judiciaire ou administrative
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