U NIVERSITÉ D ENIS -D IDEROT UFR DE M ATHÉMATIQUES L ICENCE L3 T HÉORIE DES ENSEMBLES – 2015 T HÉORIE DE LA CARDINALITÉ - 2 E NSEMBLES INFINIS NON DÉNOMBRABLES (version 2.1) Cette note très succincte vise à résumer les principales définitions et propositions. Plusieurs démonstrations sont omises ou à peine esquissées. Elle ne remplace pas le cours. On rappelle que, pour tout ensemble A, il existe une bijection naturelle entre P(A) et {0, 1}A , l’ensemble des fonctions A → {0, 1}. Ce dernier ensemble est naturellement noté 2A . Le théorème de Cantor. Théorème. Pour tout ensemble A, A ≺ P(A) ; c’est à dire A - P(A) et A P(A). Démonstration. On a une injection naturelle A → P(A) donnée par x 7→ {x}, donc A - P(A). Soit f : A → P(A) une fonction quelconque, montrons que f n’est pas surjective. Soit la partie de A E = {x ∈ A | x ∈ / f (x)} . Vérifions E ∈ / Im( f ). Sinon, soit a ∈ A tel que E = f (a). On a a ∈ E ⇔ a ∈ / f (a) ⇔ a ∈ / E, ce qui est contradictoire. N Ainsi P( ) est un ensemble infini de taille strictement supérieure à celle de N. L’argument utilisé dans la démonstration est appelé l’argument diagonal. Il est à rapprocher de la démonstration de Russell que la « collection » {x | x ∈ / x} ne forme pas un ensemble. N R. Démonstration. R - P(N ) : Pour deux réels distincts r1 , r2 , les ensembles de rationnels {x ∈ Q | x < r1 } et {x ∈ Q | x < r2 } sont différents. On a donc une injection R → P(Q) r 7→ {x ∈ Q | x < r} Donc R - P(Q ). Comme Q est dénombrable, Q ∼ N entraîne P(Q ) ∼ P(N ), donc R - P(N ). P(N ) - R : Nous utilisons ici les propriétés supposées connues du développement en une base b > 2, Théorème. P( ) ∼ des réels. Pour l’argument suivant, nous utilisons la base « familière », b = 10. Soit une suite infinie s ∈ 2N . Posons j(s) = le réel 0, s0 s1 · · · ∞ si i+1 i=0 10 =∑ La fonction j est une injection de 2N dans Il s’ensuit P( ) - . N R R (de fait, de 2N dans l’intervalle réel [0, 1[). Donc 2N - R. N R. En utilisant le théorème de Cantor-Bernstein, P( ) ∼ Ce théorème important se démontre de diverses façons, certaines sans utiliser le théorème de CantorBernstein (cf. les exercices). Définition. On dit qu’un ensemble a la puissance du continu s’il est équipotent à N On vient de montrer que P( ) a la puissance de continu. 1 R. 2 Théorème. Les ensembles suivants ont la puissance du continu. (1) Tout intervalle non trivial de réels (les intervalles triviaux : ∅, et les singletons [a, a] = {a}). (2) L’espace n , où n > 1. (3) Tout ensemble ouvert non vide dans ou dans n où n > 1. R R R Démonstration. (En cours. Voir aussi les exercices.) __________________________ C OMPARAISON DES CARDINAUX INFINIS L’ AXIOME DU CHOIX . La comparaison des ensembles infinis, autres que les ensembles dénombrables et les ensembles de l’analyse classique (cf. plus haut), requiert le plus souvent l’axiome du choix, que nous rappelons. – L’axiome du choix [AC]. Pour tous ensembles A, B, et toute relation R ⊆ A × B, si (∀x ∈ A)(∃y ∈ B)(x R y), il existe une fonction γ : A → B telle que (∀x ∈ A)( x R γ(x) ). La fonction γ est dite une fonction de choix pour la relation R. Autres formulations de l’axiome : [AC1] Pour toute famille d’ensembles non vides (Ai )i∈I il existe une fonction f de domaine I telle que pour tout i ∈ I, f (i) ∈ Ai . (La fonction f est dite une fonction de choix pour la famille donnée.) [AC2] Pour tout ensemble E il existe une fonction F : (P(E) − {∅}) → E telle que pour tout partie non vide X ⊆ E, F(X) ∈ X. (La fonction F est dite une fonction de choix pour les parties de E.) S [AC3] Pour toute partition d’un ensemble E, E = i∈I Ai (les Ai sont des ensembles non vides deux-àdeux disjoints), il existe un ensemble C ⊆ E tel que pour tout i ∈ I, C ∩ Ai est un singleton. Proposition. Les énoncés [AC], [AC1], [AC2] et [AC3] sont équivalents. Démonstration. (En cours.) Théorème. [AC] Pour tout ensemble infini E, N - E. Démonstration. Soit F une fonction de choix pour E. Comme E est infini, pour toute partie finie X ⊆ E, E − X 6= ∅. Définissons G : → Pfin (E), par récurrence N G0 = ∅ Gn+1 = Gn ∪ {F(E − Gn )} . On obtient la suite croissante G0 ⊆ G1 ⊆ · · · où pour tout n ∈ N , Gn+1 − Gn est un singleton. Posons h(n) = l’unique élément de Gn+1 − Gn = F(E − Gn ) . La fonction h : N → E est injective. Donc N - E. Corollaire. [AC] Pour un ensemble E, les conditions suivantes sont équivalentes : (1) E est infini. (2) - E. (3) E possède une partie dénombrable. N 3 Théorème. [AC] Soit E un ensemble infini. (1) Si F est au plus dénombrable, E ∼ (E ∪ F). (2) Si on retranche de E un ensemble au plus dénombrable F ⊆ E, et l’ensemble E − F est infini, alors (E − F) ∼ E. Démonstration. (1) On peut supposer F disjoint de E. Soit D ⊆ E une partie dénombrable de E. D ∪ F est dénombrable, donc D ∼ D ∪ F ; soit f : D → D ∪ F une bijection. On étend f à une bijection f : E → E ∪ F en posant : f (x) = x si x ∈ E − D et f (x) = f (x) si x ∈ E. (2) Comme E − F est infini et F est au plus dénombrable, par le (1), (E − F) ∼ (E − F) ∪ F, c-à-d (E − F) ∼ E. Théorème. [AC] Un ensemble E est infini si et seulement si il existe une injection f : E → E non surjective. Démonstration. [⇒] Supposons E infini. Soit D ⊆ E une partie dénombrable de E et soit d : → D une bijection. On peut ainsi écrire D = {di | i ∈ }, où l’énumération de D est bijective. Définissons f : E → E par : f (x) = x si x ∈ / D et f (di ) = di+1 . f est injective, non surjective. N N [⇐] Vu en partiel : Si f : E → E est injective non surjective, soit a ∈ E − f [E]. On montre que la suite donnée par a0 = a, an+1 = f (an ) est formée de termes distincts, c-à-d n 7→ an est une injection de dans E, et donc - E. N N Le théorème suivant ne sera pas démontré en cours ; son énoncé est équivalent à l’axiome du choix. (On esquissera, plus bas une démonstration utilisant le lemme de Zorn, équivalent à l’axiome du choix.) Théorème de comparabilité cardinale. [AC] Pour tous ensembles A, B, A - B ou B - A. Théorème. [AC] Pour tous ensembles A, B où A 6= ∅. A - B si et seulement si il existe une surjection B → A. Démonstration. (En cours. Noter que l’implication [⇒] est triviale et ne requiert pas AC.) Théorème. [AC] Soit (Ak )k∈N une suite d’ensembles non vides au plus dénombrables. La réunion S k∈N Ak est au plus dénombrable. Démonstration. Posons Fi = { f | f est une surjection f : Fi sont aussi non vides. N → Ai}. Comme les Ai sont non vides, les Par l’axiome du choix, soit F une fonction de choix pour la famille (Fi )i∈N : pour tout i ∈ → Ai est une surjection. N N N N , F(i) : Soit la fonction h : × → i∈N Ai donnée par h(i, n) = F(i)(n). Notons U = i∈N Ai . h est une surjection × → U donc, par le théorème précédent, U - × . Or × ∼ , donc U - , ce qui entraîne : U est au plus dénombrable. N N S N N S N N N N Corollaire. [AC] Si E est un ensemble au plus dénombrable, dont les éléments sont des ensembles au S plus dénombrables, alors E est au plus dénombrable. Démonstration. En passant à E − {∅}, si nécessaire, on peut supposer ∅ ∈ / E . Si E est vide, E = ∅, S donc E est fini. S Sinon, soit A : → E une surjection. La famille (Ak )k∈N satisfait l’hypothèse du théorème, et E = S k∈N Ak . S N __________________________ 4 L E LEMME DE Z ORN . Définition. Soit A = (A, 6A ) un ensemble partiellement ordonné. (a) Une chaîne de A est une partie C ⊆ A qui est totalement ordonnée par la relation 6A . (b) A est dit inductif si toute chaîne de A est majorée. Soit Z l’énoncé suivant : || Tout ensemble partiellement ordonné inductif possède un élément maximal. Cet énoncé est connu sous le nom de lemme de Zorn. Théorème. Les énoncés Z et AC sont équivalents. Démonstration. L’implication AC ⇒ Z est admise. Sa démonstration sera donnée dans un document séparé. Z ⇒ AC. Supposons l’énoncé Z. Soient des ensembles A, B, et une relation R ⊆ A × B telle que (∀x ∈ A)(∃y ∈ B)(x R y). Il faut montrer l’existence d’une fonction γ : A → B telle que (∀x ∈ A)( x R γ(x) ). C’est à dire, une fonction de choix pour R. Posons F = {s | s est une fonction & s ⊆ R}. On peut munir F de l’ordre partiel d’inclusion. On notera F = (F, ⊆). Notons que, pour cet ordre partiel, un élément maximal est une fonction de choix pour R. Vérifions que l’ensemble partiellement ordonné F est inductif. Soit C ⊆ F une chaîne. Les éléments de S C sont des fonctions deux à deux compatibles. Donc f = C est une fonction. Il est évident que f ⊆ R, donc f ∈ F et, comme s ∈ C ⇒ s ⊆ f , f est un majorant de la chaîne C. Par le lemme de Zorn, F possède un élément maximal, qui est donc une fonction de choix pour R. Deux applications du lemme de Zorn. Théorème. [AC] Tout espace vectoriel sur un corps commutatif K possède une base. Démonstration. (En cours.) Théorème de comparabilité cardinale. [AC] Pour tous ensembles A, B, A - B ou B - A. Démonstration. Soient les ensembles A, B. Posons F = {s | s est une fonction injective & Dom(s) ⊆ A & Im(s) ⊆ B} . On peut munir F de l’ordre partiel d’inclusion. On notera F = (F, ⊆). Notons que, pour cet ordre partiel, un élément maximal est une fonction injective s telle que Dom(s) = A et Im(s) ⊆ B, ou telle que Dom(s) ⊆ A et Im(s) = B. Dans le premier cas, s est une injection s : A → B et, dans le second, s−1 est une injection s−1 : B → A. Ainsi, l’existence d’un élément maximal dans F entraîne A - B ou B - A. Vérifions que l’ensemble partiellement ordonné F est inductif. Soit C ⊆ F une chaîne. Les éléments de S C sont des fonctions deux à deux compatibles. Donc f = C est une fonction. Il est facile de vérifier que f est injective et Dom( f ) ⊆ A et Im(s) ⊆ B. Donc f ∈ F et, comme s ∈ C ⇒ s ⊆ f , f est un majorant de la chaîne C. Par le lemme de Zorn, F possède un élément maximal, donc A - B ou B - A. __________________________