tent de dépister ces interpolations. La critique interne étudie la vérité
du document lui-même et, pour cela, s’efforce de confronter des
témoignages indépendants dont la non-contradiction est gage de
vérité. Bien sûr, à côté des témoignages volontaires, il y a les vestiges
que le passé laisse derrière lui sans préméditation et que l’archéologie
découvre et interprète (monnaies, outils, inscriptions, etc.).
B. La subjectivité de l’historien
●Même si une connaissance du passé est possible indirectement,
cette connaissance, dira-t-on, demeure subjective. L’historien est
l’homme d’un pays, d’une classe sociale, d’une époque. Il ne donnera
vie au passé qu’en se projetant en lui avec ses valeurs et ses préoccu-
pations contemporaines. La subjectivité de l’historien est-elle un obs-
tacle insurmontable ?
●Jules Michelet, par exemple, pour écrire son Histoire de France
(1833-1844), voulait oublier l’époque contemporaine, s’interdisait de
lire le journal, s’enfermait toute la journée aux Archives. Cela ne l’a
pas empêché d’écrire une histoire à la fois jacobine et romantique de
la France. Il a projeté dans son œuvre des valeurs sentimentales et des
partialités politiques, si bien qu’on a pu dire que l’Histoire de France
de Michelet nous apprend plus de choses sur Michelet lui-même que
sur la France ! L’historien serait en somme lui-même prisonnier du
cours de l’histoire. La conscience de l’histoire, elle-même conscience
dans l’histoire, ne pourrait prétendre à l’objectivité. Mais si la subjec-
tivité de l’historien est à peu près inévitable, il faut se garder de la
valoriser. Il faut au contraire essayer de l’éliminer le plus possible. La
découverte de la subjectivité historique, bien loin de légitimer le tru-
quage, à des fins politiques par exemple, des matériaux de l’histoire,
doit donner à l’historien le sentiment le plus vif de sa responsabilité et
lui imposer l’honnêteté la plus stricte.
C. Le problème de la causalité en histoire
●Mais si l’établissement du fait historique est un processus scienti-
fique, comment le récit historique, asservi à la succession d’événe-
ments singuliers et toujours nouveaux, serait-il scientifique ? On
oppose souvent l’esprit scientifique, généralisateur et abstrait, à l’es-
prit historique, amoureux du détail, du singulier, du concret mouvant.
L’événement historique est unique, il ne se répète pas. Et il est à plus
forte raison impossible de le reproduire en laboratoire pour préciser
86
▲▲