L’HISTOIRE Toute histoire est liée à un récit et au temps. Le récit doit former une unité, un sens ayant un début et une fin. Il implique de faire un choix : on ne peut pas tout raconter, et on ne peut pas évoquer toutes les informations. Ainsi, le narrateur doit-il trancher, conserver et faire état des informations qui seules l’intéressent. Enfin, qui dit récit, dit narrateur et auditeur. Le premier a forcément une intention, le second veut connaître, découvrir. En appliquant cette approche au récit historique, nous voyons que l’histoire n’est guère différente. A part que l’historien veut « reconstruire » le passé, trouver la vérité telle qu’elle a eu lieu. Pour cela, il part de matériaux mis à sa disposition. Il a lui aussi une intention, et doit faire un choix car il ne peut pas tout étudier. Cette intention est dépendante d’une hypothèse de travail. Ainsi si l’histoire étudie le passé, l’événement passé lui, manifeste sa présence puisque le présent est issu du passé, qu’il en est la conséquence, et que les évènements passés ne prennent toute leur dimension que par la suite. I ] INTRODUCTION A – PRESENTATION Le temps ne commence pas à notre naissance et ne termine pas à notre mort. Nous sommes comme enveloppés dans le monde, et l’histoire est l’expression de cet écoulement « indéfini » du temps. L’histoire est l’expression de la conscience de l’homme de vivre dans le temps : le passé a de l’importance pour lui. [A.1] Certes, on pourrait dire que tout a une histoire : le soleil, les étoiles ayant un commencement, une fin prochaine, ont aussi une histoire d’une certaine façon ; mais dans la mesure où il n’y a pas de conscience, il n’y a pas d’histoire : En effet, Hyppolite affirme que seul l’esprit aurait une histoire, un passé, une mémoire. Cette remarque nous amène à distinguer tout de suite deux types d’histoire qu’il ne faut pas confondre : - L’histoire en tant que devenir, l’histoire qui est vécue. Elle constitue l’objet de la seconde. Cette histoire est constituée des faits, des évènements, des actes et faits du passé. - L’histoire comme science historique : Elle œuvre de synthèse en intégrant tous les différents moments historiques. Par cette acception, l’homme prend conscience qu’il a une histoire, et qu’il veut la comprendre. Hérodote, quant à lui, écrit l’histoire pour « empêcher que les actions accomplies par les hommes ne s’effacent dans le temps. » Pour la première fois ( ? : et l’Ancien Testament, ne comprend-il pas des Livres Historique ?), un historien a un but autre que le simple dessein anecdotique : une sorte d’histoire réfléchissante. Ce qui nous amènera à poser la question : Pourquoi l’histoire ? Quelle sa finalité, son but ? B – LE SENS DU MOT Le mot « histoire » vient du grec « historia » qui veut dire recherche. « Historein » signifie quant à lui : chercher à savoir ; et « histôr » est celui qui sait. De là se dégage cette première distinction entre l’histoire comme succession des états, le devenir d’une réalité (qu’il soit individuel ou collectif), et, la discipline scientifique qui étudie la première. Le mot « scientifique » ouvre à lui seul un large débat pour savoir si : L’histoire serait une science ? Aristote affirmant que l’histoire traitait non de l’universel mais du particulier – et qu’il n’y a de science que du général –, ne reconnaît pas à l’histoire le statut de science ; qui plus est on ne peut pas avoir de certitudes par les causes. Ecartons tout de suite de l’acception « histoire » : - - La mythologie qui certes veut évoquer les origines de l’homme, donc son passé et son histoire, mais l’objet n’est pas la réalité, ni la vérité qui sont substituées par des fables et des récits merveilleux dont l’absence de preuves ne gêne personne. Si toute société humaine s’est toujours référée à son passé, celui-ci n’a pas donc pas toujours été l’objet de l’histoire. Le passé est vu comme archaïque et mystérieux. [T1-p.493] L’archéologie n’est pas non plus de l’histoire puisqu’elle ne travaille pas sur des traces écrites : le travail d’interprétation en sera très différent. C – L’ORIGINE DE L’HISTOIRE L’histoire possède une histoire. Ainsi, considère-t-on Hérodote comme père de l’histoire. A travers ce premier grand historien, il est facile de constater (quand il relate des Guerres médiques), que l’histoire est considérée comme une enquête, un exposé de multiples informations. Son successeur, Thucydide (-V°s.), écrivant l’ « Histoire des Guerres du Péloponnèse », veut dégager des principes d’intelligibilité : plus de documents, plus d’exactitude, plus d’approche critique. II ] L’OBJECTIVITE HISTORIQUE A – INTRODUCTION 1) Etat de la question Nous avons distingué l’histoire comme évènements et la science historique. La première étant des actes, des faits du passé, constitue la réalité historique objective (d’ailleurs, est-elle si objective que ça ? Que vaut un fait hors de son contexte ?). Quant à la deuxième, cette science du devenir des hommes et des sociétés, elle semble beaucoup plus subjective… Peut-on imaginer une impartialité du récit historique et une conformité absolue aux évènements passés ? 2) Fondement du problème Aristote opposait l’historien au poète : le premier disait ce qui a eu lieu, le second, ce qui pourrait avoir lieu (Il en arrivait à la conclusion que la poésie était plus philosophique puisqu’elle traitait de l’universel quand l’autre s’occupait du particulier. Tout le problème de l’histoire repose sur cette situation qu’occupe l’homme : Dans toutes sciences expérimentales, la connaissance repose sur des faits indépendants de l’homme, alors que qu’en l’histoire, l’homme n’est point séparé de celle-ci (il s’étudie lui-même en quelque sorte…) : P. Veyne décrit l’histoire comme un récit d’évènements vrais qui ont l’homme pour auteur. L’histoire peut-elle être purement objective ? En fait, toute la philosophie moderne s’accorde à reconnaître que non, en répondant qu’en matière historique, subjectivité et objectivité sont liées [T3-p.533]. Ainsi est contestée la célèbre formule de Fénelon : « L’historien n’est d’aucun temps, d’aucun pays. » B – AUTEUR & ACTEUR 1) L’auteur : l’historien Les premiers historiens occidentaux furent des chroniqueurs, c’est-à-dire des témoins de leur temps. Mais comme il a été dit plus haut, l’historien doit reconstruire le fait historique, dès lors, il doit chercher, trier, sélectionner dans une immense masse de matériaux. De celle-ci, il va tirer un travail … personnel (arbitraire ?) Ainsi, à l’heure actuelle la philosophie moderne affirme que l’historien ne peut rester froid devant l’histoire. Qui plus est, il veut toujours aboutir à une thèse (d’où une hypothèse de départ), et il doit choisir des faits en vue des questions qu’il s’est donné. Parce que l’histoire implique choix, elle implique subjectivité. 2) L’acteur : le fait historique Mais même à considérer les faits en soi, sont-ils garants de toute réelle objectivité historique ? Quelle peut-être la valeur d’un fait sans son contexte ? La complexité des évènements historique nous permet-elle de bien analyser toutes les considérations à tenir ? En effet, comprendre des réalités humaines, n’est pas chose facile ! Ici intervient toute la question du matériau de l’histoire : quel est-il ? Les écrits constituent-ils le seul vrai et unique matériau ? l’histoire en tant que discipline est une connaissance de la réalité des choses. Il est évident qu’elle se travaille à partir des textes. Mais l’on peut distinguer deux sortes de documents : ceux qui racontent l’histoire et ceux qui en témoignent directement. Les deux doivent être soumis à la critique, mais de façon différente. [p.496] C – CONLUSION Certes, l’histoire ne prétend pas à une objectivité comparable aux sciences expérimentales, mais l’établissement de la recherche historique s’appuie tout de même sur des règles strictes (critiques internes et externes des documents, concordance, véracité, etc…) Il faut en effet que l’histoire soit capable de conférer une connaissance valide et vraie. Mais la subjectivité de l’historien est lui-même un fait avec lequel il faut composer. D’ailleurs, n’est-elle pas au fond nécessaire ? Plus que cela, en établissant la synthèse historique (lieux, évènements, causalité, conséquences, etc…), l’historien donne une intelligibilité aux faits. En plus d’expliquer fondamentalement la subjectivité de l’historien et des faits, cet aspect soulève tout le problème du sens de l’histoire : L’histoire a-t-elle un sens ? III ] LE SENS DE L’HISTOIRE Qui fait réellement l’histoire ? A-t-elle un sens, une orientation ? Parce que l’histoire est une conséquence du temps et donc du mouvement, il a un commencement et une fin. L’histoire a donc un sens si l’on suppose qu’elle a une finalité. Cette conception qui s’oppose à l’histoire comme simple masse de faits. En effet face au désordre apparent des évènements qui répondent à une multiplicité d’interventions individuelles, il semble qu’il y ait un ordre d’ensemble qui s’en dégage… Il n’est pas alors nécessaire de connaître les détails de l’histoire si l’on veut en comprendre le sens. A – LE DETERMINISME HISTORIQUE 1) Hegel On reconnaît à Hegel d’avoir mis en évidence ce sens de l’histoire. Pour lui les évènements qui ont contribué à ce qui est, prennent nécessairement un sens dans l’avenir, et ce sens part forcément d’un postulat de la rationalité du devenir historique. Pour Hegel, l’histoire universelle est l’expression du progrès de la conscience et de la liberté. Il faut donc étudier l’histoire pour scruter et repérer les principales étapes de la reconquête de la liberté : Démocraties grecques, réforme protestante, révolution française, etc… Ainsi, l’histoire est objet de philosophie pour Hegel. Cette dernière permettant de comprendre, de prendre conscience de l’histoire. [T.23-p.328] La réalité historique est rationnelle et intelligible. C’est là, le fondement d’Hegel qui a voulu donner un principe d’intelligibilité à l’histoire ; il a voulu dépasser la continuité successive des formes diverses qui se déploient : « Là, un immense déploiement de forces ne donne que des résultats mesquins, tandis qu’ailleurs, des causes insignifiantes produisent d’énormes résultats. Partout, c’est une mêlée bigarrée qui nous emporte, et dès qu’une chose disparaît, une autre aussitôt prend sa place » (Hegel, La Raison dans l’histoire.) C’est l’Idée (principe suprême immanent du monde) qui gouverne le monde et l’histoire. Cette Idée devient de plus en plus claire quand elle est unifiée par la raison humaine. Ainsi le philosophe peut découvrir une histoire de plus en plus rationnelle qui se dirige vers un principe spirituel supérieur (telle la philosophie des Droits de l’Homme.) [T22-p.327] Ainsi, l’Histoire reproduit, retrace cette Idée en marche, qui d’étape en étape s’unifie et se simplifie. Le temps ne cesse de s’améliorer et si l’on veut comprendre le cours de l’histoire, il faut la voir sous l’angle du progrès. [T16-p.323] Le devenir ne se poursuit qu’à travers crises et luttes, par bonds successifs. Toute chose doit être vue sous l’angle de l’histoire (coutumes, institutions, les faits même les plus insignifiants.) Tout aura un sens tout à fait intelligible si nous savons le situer dans le temps. Ainsi conclue Hegel : « tout ce qui est réel est rationnel. » Les peuples sont donc des instruments inconscients de l’Esprit du monde qui se sert de leur passions individuelles pour triompher avec une grande ruse. [T18-p.324 / T20-p.326] 2) Marx et Engels Ils reprochent à leur maître de déposséder les hommes de leur liberté : « L’histoire ne sert pas de l’homme comme d’un moyen pour réaliser ses propres buts, elle n’est que l’activité de l’homme qui poursuit ses objectifs. » Les hommes font leur histoire selon des déterminations économiques et matérielles. Ainsi l’histoire n’est pas fatale, elle est leur œuvre. [T8-p.375] Il ne faut donc pas tant interpréter le monde et son histoire, mais les transformer. L’histoire est à faire, et c’est la production matérielle qui crée l’histoire, le matérialisme historique détermine la conscience des hommes. Le vrai moteur par lequel l’homme maîtrisera son destin est la lutte des classes. Les outils et les techniques de production déterminent les possibilités d’existence. La vie matérielle explique les activités et le devenir de l’homme. Le démiurge n’est donc pas un principe spirituel : « A l’encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la Terre, c’est de la terre au ciel que l’on monte ici. Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s’imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu’ils sont dans les paroles, la pensée, l’imagination et la représentation d’autrui. Non, on part des hommes dans leur activité réelle » (Marx et Engels, L’Idéologie allemande.) La lutte des classes est la clé d’interprétation de l’histoire où les forces productives s’affrontent dans des rapports de production. La lutte des classes est le noyau de l’histoire unitaire, et l’avènement de la révolution prolétarienne permettra le règne de la liberté : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf. En un mot, oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée » (Marx et Engels, Manifeste du parti communiste.) [T9-p.376] Ce qui fit dire à Lénine : « la guerre : accélérateur de l’histoire »… B – LA CRITIQUE DU DETERMINISME 1) Critique moderne La critique moderne concentre ses accusations en considérant le déterminisme comme une porte ouverte sur un principe totalitaire. Certes une telle vision fournit une certaine espérance et une promesse. a. Principe idéaliste ou matérialiste Que ce soit Hegel ou ses deux disciples, les historiens actuels leur reprochent de trouver des principes trop simplistes. b. Un risque de justification Avec une telle vision, le déterminisme peut tout justifier. C’est une divinisation de l’histoire qui confond fait et devoir, événement et valeur, comme l’illustre la célèbre sentence de Hegel : « L’histoire du monde est le jugement dernier du monde. » Elle peut être un principe de terreur si un groupe prétend être le détenteur de ce sens et dont il impose les conséquences à la société : « la fin de l’histoire n’est pas une valeur d’exemple et de perfectionnement. Elle est un principe d’arbitraire et de terreur » (A. Camus, L’homme révolté) [T2-p.528] Cf. les mêmes critiques de Valéry qui accuse l’histoire d’être une fausse science justifiant ce qu’elle veut ; et d’être un leurre incapable de dire la vérité. c. Le postulat non vérifié du progrès Le postulat d’un progrès en marche a été démenti pendant ce XX°s. Ainsi cet espoir d’une humanité meilleure est bien joli mais n’est-elle pas plus affaire de foi que de raison ? Une totalisation historique aujourd’hui fort contestée : il n’y aurait pas de direction inéluctable du genre humain. 2) La vision chrétienne de l’histoire a. Telle qu’elle est Si on reconnaît à Hegel d’avoir mis en évidence ce sens de l’histoire, la conception chrétienne a une vision d’un certain sens historique. Mais selon une acception différente du déterminisme. Il n’y a pas de progrès tel qu’il est défini par Hegel ou Marx. Il n’y a pas de croissance vers l’idéal. Il y a un centre de l’histoire : c’est l’avènement du Christ qui ne fut pas un simple événement banal de l’histoire ou une étape. L’histoire doit être divisée en deux périodes : l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. L’histoire ne s’accomplit pas, elle est faite : à ce titre elle n’est plus fondamentalement progressive ou évolutrice. L’histoire est la suite des efforts des hommes et des sociétés pour s’appliquer aux conditions du Salut. Donc l’histoire a un sens : celui de salut des âmes. Nous sortons de Dieu et nous reviendrons à Dieu ; Il est le commencement et la fin. b. L’immanence vitale L’homme veut un sens à sa destinée personnelle et veut l’intégrer dans un devenir historique intelligible : d’où cette sorte de croyance dans le destin d’un pays ou de la providence divine. Telle est l’explication psychanalytique et nietzschéenne de la vision religieuse de l’histoire. Ce pouvoir surnaturel et bienveillant permettrait à l’homme de se grandir et d’aplanir les obstacles. Désolés par le spectacle affligeant du monde, ils trouveraient là une consolation pour ne pas se désespérer de l’humanité à laquelle ils appartiennent. A noter que pour Nietzsche l’histoire enferme l’homme dans son passé et l’empêche de vivre le présent. En conclusion, une petite question pourrait renvoyer l’ascenseur à ce qui fut dit plus haut : Les philosophes qui voient un sens de l’histoire, ne sont-ils pas de ces historiens qui lisent l’histoire dans un sens conforme à leur aspiration ? Et à contrario, ceux qui réfutent tout sens à l’histoire, ne craignent-ils pas qu’elle en ait un qui leur déplaise ? IV ] L’HISTOIRE D’AUJOURD’HUI En réaction contre l’histoire évènementielle (dite historisante), et le déterminisme historique est né un nouveau mouvement dans les années 30. A – L’ECOLE DES ANNALES A partir de 1930, les recherches historiques négligèrent les évènements et les faits au profit de longues périodes sous l’angle évolutif lié à toutes sortes de paramètres. L’Ecole des Annales considère que les faits n’ont aucun intérêt. Il faut considérer l’histoire sous tous ses paramètres : Activités économiques, organisations sociales, mentalités, etc... Un phénomène qui connut son apogée après la Seconde Guerre mondiale. [T1-p.486 / T2p.487] Sont révolues ces successions de dates et d’évènements qui ne font qu’apprendre l’histoire sans la comprendre. D’ailleurs telle était le leitmotiv de cette histoire qui préférait comprendre qu’apprendre selon l’expression de M. Bloch dans son livre « Le métier d’historien. » Cette histoire totale se désintéressait de la finalité (à cause de cette 2de guerre mondiale ?), pour se tourner vers la causalité. B – LE RETOUR ACTUEL On constate un retour vers l’événement dans l’histoire actuelle, sans pour autant retrouver l’histoire évènementielle. Un retour vers les faits dont l’influence des mass-médias n’est pas étrangère. Un retour massif de l’événement bien souvent privé de toute réflexion et soumis à une information courte (cf. la Guerre du Golfe, Timisoara, etc…) En effet, les médias avec leur extension, et leurs nouveaux moyens de communication ont favorisé une histoire de vulgarisation. [A.2] L’histoire se vit de plus en plus au présent : on n’attend plus que le temps s’écoule pour étudier historiquement les différents évènements. Il y a d’ailleurs une véritable inflation évènementielle avec une recherche excessive de nouveautés, voire de sensationnel (le moindre événement est dit « historique »). Les écrits (matériau fondamental de l’histoire) ont fait place à l’image. Cela étant, n’est pas totalement récusé tout sens de l’histoire. R. Aron admet que Hegel et Marx ont fourni des principes d’intelligibilité qui ne sont pas périmés [T8-p.519]. D’ailleurs la question « quelles leçons faut-il tirer de l’histoire ? », n’est pas totalement périmée. Mais comme dit Valéry, à chercher des enseignements dans le passé, ne risque t’on pas de se tromper ? Les interprétations pouvant être fort différentes… CONCLUSION L’histoire apparaît comme étant plus qu’une simple interrogation sur le temps qui passe. C’est le mouvement par lequel l’homme prend conscience de lui-même au-delà de son présent immédiat. L’homme a besoin d’une largeur d’horizon pour appréhender l’humanité. D’ailleurs, qui fait l’histoire : les peuples ou les individus ? Tout peuple a une histoire et tout peuple y accorda une grande importance. Les peuple heureux n’auraient-ils donc pas d’histoire, comme le suggère le proverbe ? TEXTES EN ANNEXE ANNEXE 1 L'Histoire désigne à la fois la description des événements du devenir de l'humanité et la science de ce devenir. « Le même mot, en français, en anglais, en allemand s'applique à la réalité historique et à la connaissance que nous en prenons. Histoire, history, Geschichte désignent à la fois le devenir de l'humanité et la science que les hommes s'efforcent d'élaborer de leur devenir [... ]. Cette ambiguïté me paraît bien fondée ; la réalité et la connaissance de cette réalité sont inséparables l'une de l'autre d'une manière qui n'a rien de commun avec la solidarité de l'objet et du sujet. La science physique n'est pas un élément de la nature qu'elle explore (même si elle le devient en la transformant). La conscience du passé est constitutive de l'existence historique. L’homme n'a vraiment un passé que s'il a conscience d'en avoir un, car seule cette conscience introduit la possibilité du dialogue et du choix. Autrement, les individus et les sociétés portent en eux un passé qu'ils ignorent, qu'il subissent passivement. Ils offrent éventuellement à un observateur du dehors une série de transformations, comparables à celles de espèces animales et susceptibles d'être rangées en un ordre temporel. Tant qu'ils n'ont pas conscience de ce qu'ils sont et de ce qu'ils furent, ils n'accèdent pas à la dimension propre de l'histoire. » R. ARON, Dimensions de la conscience historique. ANNEXE 2 Les médias modernes ont créé un « événement » monstrueux « Dans nos sociétés contemporaines, c'est par les médias et par eux seuls que l'événement nous frappe, et ne peut pas nous éviter. Les mass media ont fait de l'histoire une agression, et rendu l'événement monstrueux. Non point parce qu'il sort par définition de l'ordinaire ; mais parce que la redondance intrinsèque au système tend à produire du sensationnel, fabrique en permanence du nouveau, alimente une faim d'événements. Non qu'il les crée artificiellement, comme voudraient le faire croire les pouvoirs en place quand ils ont intérêt à supprimer l'événement, ou comme pourraient le faire croire certaines performances d'une information ivre de ses nouveaux pouvoirs, telle la célèbre émission d'Orson Welles sur le débarquement des Martiens. L’information secrète elle-même ses anticorps et la presse écrite ou parlée, dans son ensemble, aurait plutôt pour effet de limiter le déchaînement d'une opinion sauvage. Elle assure aux media une prise croissante sur l'événement. Mais le système de détection que constituent les mass media ne peut que favoriser l'éclosion d'événements massifs, ces volcans de l'actualité. C'est pour l'historien que, monstrueux, l'événement moderne l'est toujours davantage. Car de tous ceux qui le reçoivent, il est le plus démuni. L’événement demeurait, dans un système traditionnel, le privilège de sa fonction. C'est lui qui lui donnait sa place et sa valeur et nul ne pénétrait en histoire sans son estampille. L’événement s'offre à lui désormais de l'extérieur, de tout le poids d'un donné, avant son élaboration, avant le travail du temps. Et même avec d'autant plus de force que les media imposent immédiatement le vécu comme histoire et que le présent nous impose davantage de vécu. Une immense promotion de l'immédiat à l'historique et du vécu au légendaire s'opère au moment même où l'historien se trouve dérouté dans ses habitudes, menacé dans ses pouvoirs, confronté à ce qu'il s'applique ailleurs à réduire. » Pierre NORA, Faire de l’histoire. ANNEXE 3 Toute l'histoire est fausse et inutile. « Toute l'histoire est fausse, et d'ailleurs inutile. Elle ne séduit pas mon esprit. Mais ne croyez-vous pas qu'une culture est fragile si elle se fonde sur un héritage artificiel ? Pourquoi ne pourrait-on faire de l'histoire une science ou une philosophie ? La science est nécessairement transmissible. La philosophie est chose rigoureusement personnelle. Mais on ne peut transmettre l'histoire, ni en faire une chose personnelle. D'autre part, quelle importance pourrait-elle avoir ? Mes amis ne comprennent point mon indifférence à l'égard du passé. Pour nous, qu'est-ce l'histoire ? Des témoignages, écrits généralement, qui sont en réalité le résultat de deux choix : le choix des contemporains, partial sinon tendancieux, et le choix de l'historien. Le premier est déjà une source d'incohérence, un ensemble de choses mortes. Le second est toujours arbitraire. Nous prêtons à l'histoire notre énergie actuelle et toutes nos ressources en images, inévitablement prises dans le présent. Nous lui adaptons nos sympathies et nos antipathies ; nous bâtissons des systèmes d'événements, et nous donnons selon notre arbitraire une sorte d'existence et de substance à des personnages, à des institutions ou à des drames, dont les documents ne nous offrent qu'un argument verbal, parfois des plus sommaires, sinon des plus fragmentaires. Peut-être ne connaissons-nous de l'histoire que des faits absolument négligeables, et en ignorons-nous d'infiniment plus importants. » Paul VALERY, Conversation sur l’histoire. FICHE TECHNIQUE 1) Définitions * Vérité : N°123 * Témoignage : N°118 * Sociologie : N° 113 * Valeur historique : N°122 * Synthèse : N° 116 * Histoire : N° 55 + L’histoire est la connaissance du passé humain 2) Citations 1 – « L’Histoire justifie ce que l’on veut. Elle n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout et donne des exemples de tout. » Valéry, Regards sur le monde actuel, 1945. 2 – « L’histoire objective d’un peuple commence lorsqu’elle devient une histoire écrite. » Hegel, La raison dans l’histoire, 1837. 3 – « L’historien n’a pas à s’occuper des évènements tels qu’ils se sont passés en réalité, mais seulement tels qu’on les suppose s’être passés : car c’est ainsi qu’ils ont produit leur effet. » Nietzsche, Aurore, 1881. 4 – « Le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain ; le moulin à vapeur, la société avec le capitalisme industriel. » Marx, Misère de la philosophie, 1847. 5 – « La Raison gouverne le monde et par conséquent gouverne et a gouverné l’histoire universelle. » Hegel, La Raison dans l’histoire, 1837. 3) Table d’orientation Mémoire Temps Histoire Vérité Sens Liberté 4) Références a. Société, état Littéraire : Cf. tous les historiens classiques : Hérodote, Thucydide, César, tacite… Les chroniqueurs : Le sire de Joinville, G. de Villehardoin, etc… Cervantes, Don Quichotte. Tolstoï, Guerre et Paix. R. Queneau, Les Fleurs bleues. P. Valéry, Regards sur le monde. b. Philosophiques : R. Aron, Dimensions de la conscience historique. Hegel, La Raison dans l’histoire, 10-18. Kant, La philosophie de l’histoire, Gonthier, Lmédiations. C. Lévi-Strauss, Race et Histoire, Denoël-Gonthier. P. Vedrine, Les philosophies de l’histoire, Payot. c. Cinématographiques : S. Kubrick, 2001, Odyssée de l’espace. Cf. tous les films historiques ou peignant de grandes fresques : Napoléon d’abel Gance. Cf. les films du cinéma engagé : Ivan le Terrible, le Croisé Potemkine. d. Générales : Pensez à toutes les représentations historiques depuis les bas-reliefs égyptiens jusqu’au réalisme socialiste en passant par la tapisserie de Bayeux et les peintres académiques du 19°s. Il convient de s’intéresser à l’actualité et aux différents livres et travaux historiques actuels. Cf. Doc. Une considération sur les manipulations de l’histoire (massacre de Katin, Timisoara, Massacres à Koweït City, etc…) Il est évident que le sujet étant si vaste, il n’est pas possible de faire état de toutes les références. 5) Devoir Plan détaillé : Pourquoi s’intéresser au passé ?