Ainsi, l’Histoire reproduit, retrace cette Idée en marche, qui d’étape en étape s’unifie et se simplifie. Le
temps ne cesse de s’améliorer et si l’on veut comprendre le cours de l’histoire, il faut la voir sous
l’angle du progrès. [T16-p.323]
Le devenir ne se poursuit qu’à travers crises et luttes, par bonds successifs. Toute chose doit
être vue sous l’angle de l’histoire (coutumes, institutions, les faits même
les plus insignifiants.) Tout aura un sens tout à fait intelligible si nous savons le situer dans le temps.
Ainsi conclue Hegel : « tout ce qui est réel est rationnel. » Les peuples sont donc des instruments
inconscients de l’Esprit du monde qui se sert de leur passions individuelles pour triompher avec une
grande ruse. [T18-p.324 / T20-p.326]
2) Marx et Engels
Ils reprochent à leur maître de déposséder les hommes de leur liberté : « L’histoire ne sert pas de
l’homme comme d’un moyen pour réaliser ses propres buts, elle n’est que l’activité de l’homme qui poursuit ses
objectifs. » Les hommes font leur histoire selon des déterminations économiques et matérielles. Ainsi
l’histoire n’est pas fatale, elle est leur œuvre. [T8-p.375]
Il ne faut donc pas tant interpréter le monde et son histoire, mais les transformer. L’histoire est
à faire, et c’est la production matérielle qui crée l’histoire, le matérialisme historique détermine la
conscience des hommes. Le vrai moteur par lequel l’homme maîtrisera son destin est la lutte des
classes. Les outils et les techniques de production déterminent les possibilités d’existence. La vie
matérielle explique les activités et le devenir de l’homme. Le démiurge n’est donc pas un principe
spirituel : « A l’encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la Terre, c’est de la terre au ciel que
l’on monte ici. Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s’imaginent, se représentent, ni non plus
de ce qu’ils sont dans les paroles, la pensée, l’imagination et la représentation d’autrui. Non, on part des hommes
dans leur activité réelle » (Marx et Engels, L’Idéologie allemande.)
La lutte des classes est la clé d’interprétation de l’histoire où les forces productives s’affrontent
dans des rapports de production. La lutte des classes est le noyau de l’histoire unitaire, et l’avènement
de la révolution prolétarienne permettra le règne de la liberté : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours
n’a été que l’histoire de la lutte des classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf. En un mot,
oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt
dissimulée » (Marx et Engels, Manifeste du parti communiste.) [T9-p.376] Ce qui fit dire à Lénine : « la
guerre : accélérateur de l’histoire »…
B – LA CRITIQUE DU DETERMINISME
1) Critique moderne
La critique moderne concentre ses accusations en considérant le déterminisme comme une porte ouverte
sur un principe totalitaire. Certes une telle vision fournit une certaine espérance et une promesse.
a. Principe idéaliste ou matérialiste
Que ce soit Hegel ou ses deux disciples, les historiens actuels leur reprochent de trouver des
principes trop simplistes.
b. Un risque de justification
Avec une telle vision, le déterminisme peut tout justifier. C’est une divinisation de l’histoire
qui confond fait et devoir, événement et valeur, comme l’illustre la célèbre sentence de
Hegel : « L’histoire du monde est le jugement dernier du monde. » Elle peut être un principe de
terreur si un groupe prétend être le détenteur de ce sens et dont il impose les conséquences à la
société : « la fin de l’histoire n’est pas une valeur d’exemple et de perfectionnement. Elle est un principe
d’arbitraire et de terreur » (A. Camus, L’homme révolté) [T2-p.528] Cf. les mêmes critiques de
Valéry qui accuse l’histoire d’être une fausse science justifiant ce qu’elle veut ; et d’être un
leurre incapable de dire la vérité.
c. Le postulat non vérifié du progrès
Le postulat d’un progrès en marche a été démenti pendant ce XX°s. Ainsi cet espoir d’une
humanité meilleure est bien joli mais n’est-elle pas plus affaire de foi que de raison ?