l`entorse de cheville au service d`accueil et d`urgence

publicité
CONFÉRENCE DE CONSENSUS EN MÉDECINE D’URGENCE
L'ENTORSE DE CHEVILLE
AU SERVICE D’ACCUEIL ET D’URGENCE
introduction
La fréquence et le coût de l’entorse de cheville sont
un problème de santé publique. L’incidence serait,
en France, de 6 000 cas par jour, et de 5 000 cas en
Grande-Bretagne. Aux Etats-Unis, elle représenterait 24 000 cas par jour entraînant 5 millions d’examens radiologiques annuels avec un coût global de
500 millions de dollars. Les séquelles fonctionnelles
représentent environ 5 p. 100 des patients quel qu’en
soit le traitement.
Nombre de publications récentes remettent en
cause la prise en charge classique des entorses de
cheville. Un examen clinique précis pourrait limiter
les indications de l’exploration radiologique. Les critères d’appréciation de la gravité de l’entorse, ainsi
que les indications thérapeutiques sont remis en
cause par la littérature récente. Les recommandations classiques concernaient des milieux spécialisés :
chirurgie orthopédique ou médecine du sport, elles
n’étaient pas toujours adaptées aux services d’accueil
et d’urgence (SAU).
Ces considérations ont conduit à l’organisation de
la Ve Conférence de Consensus de la Société Francophone des Urgences Médicales qui s’est tenue à
Roanne le 28 avril 1995. Elle concernait l’entorse de
cheville au SAU.
• Quelle doit être l’approche clinique :
anamnèse, examen chez un patient
venant pour une « foulure » de cheville ?
Introduction
Devant un malade présentant un traumatisme de
la cheville, le diagnostic d’une entorse impose d’éliminer les lésions autres que celles atteignant les ligaments de la cheville. Ces lésions peuvent être autant
de diagnostics différentiels que de lésions associées
à une entorse de cheville. Elles réclament une démarche diagnostique spécifique.
Les lésions à envisager sont :
- fractures des malléoles (interne, externe, postérieure), du pilon tibia1 ;
- fractures du calcanéum, de l’astragale (dont
la fracture du tubercule de l’astragale), d’un métatarsien (base du 5e métatarsien, le plus souvent) ;
- luxation des tendons des péroniers latéraux ;
- lésions de la syndesmose péronéo-tibiale, de
la membrane interosseuse, fractures associées du
péroné ;
- lésions de l’articulation médiotarsienne ;
- lésions du tendon d’Achille.
Approche clinique
Correspondance : Dr B. Vermeulen, CHCE - Hôpital Cantonal
de Genève, 24, rue Micheli du Crest, 1211 Genève 4.
Elle repose initialement sur l’anamnèse et une
analyse précise de la sémiologie. La cheville est une
Réan. Urg. 1995, 4 (4 ter), 491-501
- 492 - Ve Conférence de Consensus en Médecine d’urgence
articulation superficielle aisément palpable, son examen clinique précis guide le diagnostic et précède et
oriente les examens radiologiques éventuels, ceci en
fonction des « règles d’Ottawa )), règles qui seront
explicitées au cours du texte.
Interrogatoire
- Circonstances de survenue
Quatre éléments sont à rechercher à l’interrogatoire du patient : les circonstances de survenue, la
violence du traumatisme, le délai entre le traumatisme et la prise en charge aux urgences et le mécanisme lésionnel. Le mécanisme lésionnel exact est
souvent difficile à faire préciser. Sa connaissance
oriente vers certains types de lésions. Le plus souvent le mécanisme est un varus-inversion qui entraîne
des lésions du ligament latéral. Tout autre mécanisme doit faire suspecter d’autres lésions.
- Signes fonctionnels
La perception d’un craquement et l’évolution de la
douleur sont des signes classiquement évocateurs de
gravité. En fait, ils ne préjugent pas de l’importance
de la rupture ligamentaire.
L’instabilité et l’impotence fonctionnelle, au
moment de l’accident et persistant lors de l’examen,
témoignent de la sévérité du traumatisme.
- Le terrain
L’âge modifie la nature des lésions.
l Avant 12 ans l’entorse de cheville est exceptionnelle (décollement épiphysaire le plus souvent).
l Après 55 ans, la fragilité osseuse est accrue
et la sémiologie moins typique.
Il est important de se renseigner sur les antécédents traumatiques des chevilles, les antécédents
généraux marquants (en particulier thrombose veineuse), les habitudes sportives, la profession et les
activités de loisirs.
Examen clinique
L’examen clinique se déroule en deux temps.
l Le premier temps évalue cliniquement la probabilité d’une fracture ou de complications associées.
l Le deuxième temps apprécie l’importance des
lésions ligamentaires.
Premier temps de l’examen clinique
L’inspection de la cheville recherche des épanchements sanguins. La simple ecchymose n’a pas de
signification particulière à l’inverse de l’hématome.
Réan. Urg., 1995, 4(4 ter), 491-501
L’hématome " en œuf de pigeon " correspond à une
rupture d’une branche de l’artère péronière antérieure qui accompagne une rupture du ligament talofibulaire antérieur. Il est considéré comme un signe
de rupture ligamentaire. Un hématome à la face
interne du talon oriente vers une lésion du ligament
média1 ou une fracture de la malléole interne. Un
hématome ou un œdème importants sont classiquement reconnus comme évocateurs d’une rupture ligamentaire ou osseuse. L’œdème est retrouvé dans
66 p. 100 des traumatismes de cheville.
La palpation esf un temps essentiel
Pour palper le pied et la cheville le patient sera
assis sur le bord de la table avec les jambes pendantes. Dans cette position il est relativement facile
de manipuler le pied dans des positions variées. Les
trajets ligamentaires, les repères osseux et le péroné
sur toute sa longueur seront systématiquement
étudiés :
- la palpation débute à distance de la zone douloureuse pour rassurer le patient ;
- les zones clefs de la sensibilité osseuse sont
également palpées :
l parties postérieures des malléoles interne et
externe sur 6 cm de hauteur, au moins,
l pointe des malléoles interne et externe,
l scaphoïde tarsien,
l tête du 5e
métatarsien.
Les conclusions de l’examen clinique, à ce stade,
permettent de discuter de la nécessité d’une
exploration radiographique. En effet, les règles
d’Ottawa récemment proposées optimisent cette
démarche (Fig. 1).
Ces critères ne sont pas validés pour les patients
d’âge inférieur à 18 ans, supérieur à 55 ans, les femmes enceintes et les conditions d’examen cliniquement ininterprétable pour des raisons locales ou
générales (lésions cutanées, traumatisé crânien, le
polytraumatisé, troubles de la perception).
L’utilisation des critères d’Ottawa a les avantages
suivants :
- très bonne sensibilité de ces critères (sensibilité = 1,0) ;
- plus grande sécurité : si l’un des critères
est positif, le praticien s’abstient dans l’immédiat
de toute manoeuvre p o u v a n t a g g r a v e r l e s
lésions ;
- réduction des temps d’attente et de séjour au
sein du SAU pour les patients ;
- réduction des coûts de santé. L’application
des critères d’Ottawa a permis une diminution de
30 p. 100 des demandes de radiographies, sans incidence sur la qualité des soins.
Ve Conférence de Consensus en Médecine d’urgence - 493 -
Règles d’Ottawa
La radiographie est justifiée pour tout patient présentant une douleur de la région malléolaire et/ou
du tarse s’il présente l’un des critères suivants :
- Pour la cheville : existence d’une douleur de
la région malléolaire associée à :
- une incapacité de se mettre en appui immédiatement et au SAU (impossibilité de faire 4 pas),
ou
- une sensibilité à la palpation osseuse du bord postérieur ou de la pointe de l’une des deux malléoles.
- Pour le tarse : existence d’une douleur de la
région du tarse associée à :
- une incapacité de se mettre en appui immédiatement et au SAU (impossibilité de faire
4 pas)
ou
- une sensibilité à la palpation osseuse du scaphoïde ou de la base du 5 e métatarsien.
- Être âgé de plus de 55 ans
B) bord postérieur
ou pointe de la
malléole interne
A) bord postérieur
ou pointe de la
malléole externe
zone malléolaire
D) scaphoïde tarsien
(naviculaire)
C) base du 5e métatarsien
Vue latérale
Vue médiale
Une radiographie de la cheville n’est indiquée qu’en présence d’une douleur dans la zone malléolaire ainsi qu’une :
1
douleur osseuse à la palpation
: zone A
2. douleur osseuse à”la palpation : zone B
ou
3. incapacité de marche : juste après l’événement et lors de l’examen médical
Une radiographie du pied n’est indiquée qu’en présence d’une douleur dans la partie moyenne
du pied ainsi qu’une :
1. douleur osseuse à la palpation : zone C
ou
2. douleur osseuse à la palpation : zone D
ou
3. incapacité de marche : juste après l’événement et lors de l’examen médical
(Selon Strell et coll. - JAMA, 16 mars 1994, vol. 277, n° 1 1 et avec /‘autorisation de /‘éditeur)
Fig. 1 - Règle d’Ottawa.
Second temps de l’examen clinique
Il n’est réalisé
li qu’une fois le risque de fracture associée écarté. Ce temps de l’examen est consacré à la
recherche des ruptures ou laxités ligamentaires. Il
s’effectue dans les deux plans frontal et sagittal.
Dans le plan frontal :
- recherche d’un bâillement tibio-astragalien en
varus témoin de la laxité de la cheville ;
- recherche d’un sillon péronéo-astragalien
antérieur (signe de Clayton) témoin de la rupture
antérieure de la capsule ;
- recherche du choc astragalien témoin d’une
atteinte grave de la syndesmose.
Dans le plan sagittal :
- recherche d’un tiroir antérieur.
La négativité de la recherche des signes de laxité,
dans une situation post-traumatique aiguë, n’exclut
pas la rupture ligamentaire car elle peut être due à
la douleur, un œdème ou une contracture musculaire.
A ce stade de l’examen, les indications thérapeutiques initiales peuvent être posées,
mais en aucun cas définitivement figées.
Réan.
1 9 9 5 ,
4
- 494 - Ve Conférence de Consensus en Médecine d'Urgence
En fait, les données de la littérature ne permettent
pas d’attribuer à l’intensité des signes cliniques notés
à l’examen initial, les notions classiques de gravité.
Car il n’y a pas de relation cliniquement évidente
entre les données de l’examen clinique pratiqué dans
le cadre de l’urgence et les lésions anatomiques.
L’évaluation précise de ces lésions anatomiques
devrait faire appel à des techniques paracliniques qui
ne sont pas réalisables, en pratique, dans le cadre de
l’urgence (en particulier arthrographie, imagerie spécialisée et arthroscopie).
De ce fait, seul un nouvel examen pratiqué
entre le 3e et le 5e jour permettra d’apprécier
la sévérité effective et de réajuster éventuellement le choix thérapeutique initial.
Quelle est la place de la radiologie
conventionnelle ou plus spécialisée
devant une entorse de cheville ?
La prescription systématique de clichés radiographiques dans l’entorse aiguë de la cheville est actuellement discutée.
Les travaux canadiens récents (règles d’Ottawa, cf.
question n° 1) incitent fortement à ne demander des
examens radiologiques de la cheville ou du pied qu’en
fonction de critères cliniques précis.
Le but de ces clichés est d’identifier d’éventuelles
fractures.
Si des radiographies sont indiquées
dans le cadre de l’urgence,
elles comporteront des clichés simples
cheville
Les deux incidences suivantes apparaissent les plus
importantes :
- Profil.
- Face en rotation interne de 20”.
Ces clichés permettent de déceler les fractures malléolaires interne et externe, de la marge postérieure
du tibia.
Pour identifier les petits arrachements ostéopériostés, il faut des clichés de qualité permettant une
analyse minutieuse.
L’incidence de face en rotation interne dégage
l’angle supéro-externe de l’astragale, et l’interligne
péronéo-astragalien. Elle facilite la recherche d’une
fracture impaction de la partie externe du dôme astragalien, parfois méconnue sur un cliché de face strict
du fait des superpositions osseuses.
Pou7 la
Pour le pied
L’examen clinique orienté par les règles d’Ottawa
(douleur du cou de pied, accompagnée d’une douleur
Réan. Urg., 1995, 4(4 ter), 491-501
à la pression d’un os du tarse) peut laisser suspecter
une lésion associée à l’entorse.
Des radiographies, centrées sur le pied, devront
alors être réalisées. Les incidences sont variables en
fonction des points d’appel cliniques ; on peut proposer certains clichés standards représentés par :
face, profil, oblique externe, oblique interne du pied.
L’arrachement de la styloïde du 5e métatarsien, fracture fréquemment rencontrée en cas de mécanisme
d’entorse de cheville, est bien mise en évidence par
l’incidence en oblique interne du tarse (ou déroulé
du pied).
Les autres examens radiographiques
L’indication de ces clichés ne devrait être posée
que par un spécialiste, en fonction des choix thérapeutiques ultérieurs et/ou des autres possibilités
d’imageries.
Les clichés dynamiques
La pratique de clichés dynamiques (tiroir antérieur,
varus forcé) vise à mettre en évidence, de façon indirecte, l’importance de la rupture ligamentaire.
Leur réalisation, leur interprétation et leur exploitation sont limitées par :
- la nécessité de conditions techniques parfaites (tel le profil strict pour la recherche d’un tiroir
antérieur) ;
- les choix de la méthode de réalisation
(manuelle, mécanique ?) ;
- les douleurs, la contracture musculaire, qui
influent sur le résultat ;
- le risque d’aggravation des lésions ligamentaires.
La sensibilité de ces épreuves est extrêmement
variable selon les auteurs.
Leur intérêt diagnostique en urgence est difficile
à évaluer rigoureusement, et paraît sans conséquence
thérapeutique immédiate.
Les autres investigations
D’autres méthodes d’imagerie prescrite par un spécialiste peuvent contribuer à apprécier la nature et
l’importance des lésions. Ainsi, le scanner permet une
bonne étude des lésions osseuses et de leur éventuel
déplacement. Les atteintes ligamentaires sont explorées de façon précise par I’arthrographie et l'arthroscanner et, de manière plus récente, par l'IRM.
L’échographie paraît être une technique assez intéressante pour l’analyse des ligaments, mais peu d’études ont été publiées actuellement et cette méthode
est très dépendante de l’opérateur.
Ces investigations nécessitent un équipement spécifique et des radiologues entraînés. Elles ne sont pas
validées dans le contexte de l’urgence, et sont du ressort du spécialiste en seconde intention.
Ve Conférence de Consensus en Médecine d’urgence - 495 -
6 Quelles sont les attitudes
et les indications thérapeutiques :
traitement conservateur,
traitement opératoire, réadaptation,
pour une entorse de cheville ?
Introduction
Les modalités thérapeutiques des entorses du ligament latéral de la cheville ont évolué ces dernières
années, particulièrement depuis dix ans. La tendance
essentielle pourrait se résumer en une augmentation
des indications du traitement fonctionnel au détriment de celles du traitement chirurgical. Le traitement fonctionnel, privilégiant la mobilité et l’appui
précoce est admis dans les entorses peu ou modérément symptomatiques.
Quand il existe une rupture ligamentaire franche
avec laxité ligamentaire importante (habituellement et
classiquement dénommée entorse grave), la littérature
est désormais en faveur du traitement fonctionnel.
De nombreuses publications récentes d’études randomisées comparent les trois méthodes les plus
employées (traitement chirurgical initial suivi d’un
plâtre ; traitement orthopédique par plâtre seul ; traitement fonctionnel). Il apparaît à la lecture de ces travaux que le traitement fonctionnel est supérieur au
traitement orthopédique et/ou chirurgical en terme
de délais de récupération fonctionnelle, de reprise des
activités physiques et professionnelles et de risque
iatrogène. Restent discutés les résultats sur la stabilité ultérieure de la cheville, le risque de voir apparaître à long terme des lésions articulaires
dégénératives. Les résultats du traitement chirurgical ultérieur des éventuelles instabilités ligamentaires séquellaires sont aussi bons que ceux d’un
traitement chirurgical primaire. L’aspect économique
de cette orientation thérapeutique n’est pas encore
précisément évalué, mais paraît favorable. De ce fait
le traitement chirurgical apparaît désormais devoir
être réservé aux cas particuliers des lésions les plus
graves survenant chez les sportifs de haut niveau
ainsi qu’à certaines entorses associées à des lésions
osseuses.
Principes généraux des différents traitements
Traitement fonctionnel
Le but du traitement fonctionnel est de limiter
l’immobilisation et la décharge au strict nécessaire.
Dès les premières heures, et pendant les premiers
jours, le traitement fonctionnel est habituellement
précédé d’un traitement symptomatique qui a pour
but de lutter contre les phénomènes hémorragiques,
œdémateux, inflammatoires et douloureux, en utilisant de façon diversement associés le repos, la cryothérapie, la compression, les postures déclives et les
médicaments.
Dès que les phénomènes initiaux ont cédé, le traitement fonctionnel se propose d’introduire un appui
partiel ou total, ainsi qu’une mobilisation protégée
de façon à favoriser les activités métaboliques circulatoires et cicatricielles. L’immobilisation partielle
pendant les trois premières semaines environ protège
les processus cicatriciels constitués par la prolifération fibroblastique dans la zone ligamentaire traumatisée, suivie par la formation de collagène. Dans le
même temps, elle évite les inconvénients d’une
immobilisation plus stricte, tant sur le plan trophique (décalcification, amyotrophie), que vasculaire
(phlébite), iatrogène (anticoagulant), et socioéconomique (délai de récupération et de reprise
d’activité physique et sportive).
Au-delà de la troisième semaine, l’augmentation
progressive de la mobilisation et de l’activité, d’autant
plus contrôlée que les signes cliniques initiaux étaient
sévères, accompagnent la maturation du collagène et
la formation du tissu cicatriciel définitif.
L’immobilisation stricte
Le traitement orthopédique non opératoire par
immobilisation complète, qu’il s’agisse d'une botte
plâtrée, ou de son équivalent en résine rigide, a pour
but la cicatrisation des lésions ligamentaires en position courte, la consolidation des fractures non déplacées et éventuellement opérées, le contrôle des
douleurs importantes et invalidantes. L’immobilisation complète introduit à l’évidence un risque inhérent notamment vasculaire, trophique, cutané,
neurologique périphérique. Ces risques particuliers
nécessitent une technique de confection rigoureuse,
un traitement médicamenteux et une surveillance
appropriée.
Le traitement chirurgical
Le principe du traitement chirurgical d’une rupture
ligamentaire est de guider la cicatrisation en réalisant une simple suture du ligament rompu. Il ne dispense pas de l’immobilisation plâtrée. Il permet
l’évacuation et le drainage de l’hémarthrose, le " nettoyage articulaire " et l’ablation d’éventuels fragments chondraux libérés. Il permet le traitement des
fractures associées de l’arrière pied. Il introduit un
risque iatrogène bien évalué dans la littérature du fait
de l’anesthésie, du garrot pneumatique et de l’ouverture articulaire.
Moyens thérapeutiques non chirurgicaux
et non médicamenteux
Le traitement symptomatique
Le traitement symptomatique initial repose sur
l’application des principes popularisés sous le terme
de " RICE " (Rest, Ice, Compression, Elevation) proposé par Ryan. Ce traitement comporte plusieurs
éléments :
- Le repos, la diminution ou l’arrêt de la mise
en charge de l’articulation au stade initial sont mainRéan. Urg., 1995, 4 (4 ter), 491-501
- 496 - Ve Conférence de Consensus
en Médecin e d’urgence
tenus tant que dure une douleur importante. Ils peuvent être nécessaires pendant plusieurs jours. Ils justifient l’utilisation de cannes anglaises pour les
déplacements.
- Le glaçage peut être réalisé par plusieurs
méthodes. La plus fréquente utilise une poche remplie de glaçons et d’eau, apposée sur la peau par
l’intermédiaire d’un linge mouillé. Elle est maintenue par une bande élastique. L’application doit en
être la plus précoce possible pendant une période de
20 à 30 minutes et être répétée quatre fois par jour
tant que persiste une évolution des signes cliniques.
On peut également proposer l’immersion de la cheville dans de l’eau glacée si elle est supportée ou
l’application d’un spray cryogène pendant 20 secondes, à 10-15 cm de la peau, technique habituellement
utilisé en médecine du sport en post-traumatique
immédiat.
- La compression peut être réalisée par des
blocs de mousse périmalléolaire maintenus par des
bandes élastiques. Elle peut être également réalisée
par des attelles comportant des compartiments gonflables.
- L’élévation du membre inférieur doit être
maintenue aussi longtemps que possible.
La compression et l’élévation du membre inférieur
visent à diminuer l’importance du gonflement périarticulaire par I’œdème et les hématomes. Elles permettront une meilleure évaluation secondaire de
l’importance des lésions.
L’efficacité de l’ensemble de ces mesures est
reconnue par la majorité des auteurs sans que la part
de l’une ou l’autre de ces mesures soit connue. Quelques études contrôlées tendent à confirmer l’effet
bénéfique de ces mesures sur la douleur.
La conten tion
La contention a pour but l’immobilisation qui peut
être plus ou moins stricte selon les moyens utilisés.
- La contention légère par chevillère élastique
ou bandage en huit (Velpeau ou adhésif) a l’avantage
de sa simplicité de mise en œuvre. Elle permet une
immobilisation modérée. Maintenue pendant deux à
trois semaines, elle est adaptée aux entorses peu
symptomatiques.
- Le " strapping " réalise une immobilisation
relative et légère à l’aide de bandes adhésives, élastiques ou non. Les bandes non élastiques (" taping ")
permettent une immobilisation plus complète mais
plus délicate à réaliser. Il a pour objectif le maintien
des éléments lésés en évitant leur mise en tension
intempestive. Il permet néanmoins une mobilisation
limitée en particulier en flexion-extension. La peau
doit être protégée (benjoin, bande de mousse, autres
techniques). Le " strapping " doit être refait régulièrement tous les cinq jours en moyenne et lorsqu’il
est détendu. I l est maintenu de deux à six semaines.
En pratique, il prend largement la cheville en
Réan. Urg., 1995, 4(4 ter), 491-501
s’appuyant sur l’avant pied et le tiers supérieur de
la jambe et en recouvrant complètement la peau. I l
permet la marche et la rééducation précoce. La technique en est relativement facile à mettre en œuvre,
mais doit être soigneuse dans sa réalisation : elle doit
éviter la compression des saillies osseuses ou les strictions par une tension excessive des bandes, les
lésions cutanées par application des bandes sur une
peau lésée, les excoriations lors du rasage et la macération.
- Les orthèses stabilisatrices préfabriquées
paraissent à l’heure actuelle le traitement le plus
adapté de l’entorse de cheville. Elles réalisent une
immobilisation limitée respectant plus ou moins selon
les modèles les mouvements de flexion-extension,
mais bloquant les mouvements de rotation et de
varus-valgus Amovibles, elles permettent la toilette,
les soins locaux et l’examen régulier. Portées sur une
chaussette, elles n’entraînent pas de lésion cutanée
et autorisent le port d’une chaussure de sport.
Plusieurs modèles sont disponibles. Certains comportent des coussins pneumatiques dont le gonflage
réglable permet l’adaptation aux variations de
l’œdème ; d’autres des coussinets en gel de silicone,
éventuellement réfrigérables ; d’autres encore sont
constitués d’une lame de matériau thermoformable
ajusté et maintenu par des sangles de velcro. Certaines chevillères, élastiques ou non, permettent une
stabilisation satisfaisante grâce à des renforts, laçages et sangles réglables. Les travaux les plus importants ont été réalisés depuis 1980 avec les attelles
pneumatiques amovibles (type A i r c a s t ) Ces essais
concernent tout type d’entorses, mais plus particulièrement des entorses dites sévères. Les résultats
cliniques sont supérieurs à ceux de l’immobilisation
plâtrée permettant une récupération fonctionnelle de
meilleure qualité et plus rapide. La tolérance est
excellente. Le risque thrombo-embolique pourrait
être limité par la mobilisation précoce, de même que
le risque d’algodystrophie. La rééducation peut être
entreprise précocement. L’arrêt de travail ou d’activité sportive est limité.
Les or-thèses stabilisatrices préfabriquées représentent une amélioration thérapeutique significative.
Cependant, leur prescription aux consultants externes dans les services d’urgences des hôpitaux publics
français est freinée par une imputation au budget global. Une facturation des produits orthopédiques
(or-thèses, cannes anglaises, . . .) prescrits au cours des
consultations externes doit être rendue possible par
les pouvoirs publics.
- L’immobilisation par botte plâtrée est historiquement le traitement de référence. Elle assure une
immobilisation stricte de la cheville et était la règle
dans les entorses " graves ". La durée de l’immobilisation est de trois à six semaines selon l’importance
de l’entorse. Cette attitude a pour inconvénient de
réduire l’autonomie du patient, de favoriser l’atrophie
musculaire, les lésions d’algodystrophie et les risques
Ve Conférence de Consensus en Médecine d’urgence - 497 thrombo-emboliques. Sa prescription. sa réalisation,
son contrôle sont sous la responsabilité du médecin
prescripteur. Après ablation du plâtre, la cheville est
souvent raide et douloureuse. Il est alors nécessaire
de poursuivre le traitement par quatre à six semaines de rééducation.
Une attelle postérieure plâtrée peut réaliser un
compromis momentané entre la botte plâtrée et
l’orthèse amovible. Bien faite, elle réalise une immobilisation assez stricte mais amovible. Elle doit monter haut sur le mollet sans comprimer le creux poplité
et aller jusqu’à l’extrémité des orteils en fixant le pied
à angle droit. Elle doit modeler soigneusement les
reliefs en évitant les compressions et en réalisant une
immobilisation efficace.
- L’apparition de résine semi-rigide peut permettre un nouveau mode de contention intéressant.
Ces résines assurent une immobilisation relative évitant les inconvénients des contentions plâtrées. Leurs
résultats dans le traitement des entorses restent à
évaluer.
La kinésithérapie
Les objectifs de la kinésithérapie sont la lutte
contre la douleur et l’œdème auxquels s’ajoute secondairement la mobilisation articulaire en décharge puis
en charge pour améliorer la mobilité des articulations
lésées et des articulations voisines. L’entretien ou le
renforcement musculaire, la rééducation proprioceptive permettent de maintenir les sensations articulaires et leur contrôle musculaire réflexe.
La mise en route de la rééducation doit être aussi
précoce que possible dès que la douleur l’autorise.
Le nombre de séance est fonction de l’importance des
lésions et peut nécessiter dix à vingt séances dans
les formes d’importance moyenne.
Stratégie de la prise en charge thérapeutique
Sur le lieu de l’accident
La cryothérapie immédiate, précoce, dans les minutes qui suivent le traumatisme peut être conseillée.
Il n’y a certes pas de preuve scientifique, mais la
convergence des traditions populaires et des
pratiques des milieux sportifs va dans ce sens.
L’appui est déconseillé chaque fois qu’il est douloureux jusqu’à ce qu’un examen médical soit fait.
Ces mesures initient en fait le traitement symptomatique.
Au SAU
L’attitude thérapeutique ne pourra être décidée que
lorsque le bilan diagnostique, clinique, et éventuellement radiographique aura évalué le niveau de sévérité du traumatisme. Cettesévérité est appréciée par
le terrain à risque, l’existence ou non d’une rupture
ligamentaire et/ou l’existence de lésions associées,
osseuses en particulier. Schématiquement, deux
situations peuvent être différenciées :
Une prise en charge spécialisée peut être
d’emblée décidée dans certains cas particuliers :
l un avis chirurgical doit étre demandé chaque
fois qu’il existe une fracture associée. L'indication
opératoire est essentiellement posée pour les fractures articulaires, particulièrement si elles sont déplacées. Dans certaines entorses particulièrement
sévères chez les sujets jeunes et sportifs. une suture
ligamentaire peut être envisagée et justifie alors un
examen ligamentaire dynamique avant toute décision, mais il ne s’agit plus désormais que de cas particuliers ;
l les sportifs de haut niveau, du fait de leurs
contraintes spécifiques, seront le plus souvent pria
en charge directement en milieu spécialisé.
- En fait, la grande majorité des malades porteurs d’entorses de cheville vues aux urgences doit
bénéficier actuellement d’un traitement symptomatique. Lors de cette prise en charge, une cryothérapie,
un traitement compressif confortable et prudent sont
mis en place. Un traitement médical adjuvant notamment antalgique est prescrit. Suivant l’intensité des
douleurs initiales, une immobilisation plus stricte peut
être réalisée par or-thèse ou attelle postérieure maintenant la cheville à angle droit. A l’inverse, l’appui
peut être autorisé avec un simple bandage. Il est rare
qu’une prescription de rééducation soit nécessaire à
ce stade. Le repos doit être conseillé ainsi que la surélévation du membre. L’information du patient doit être
claire sur les raisons de ce choix thérapeutique, la
nécessité du traitement et de sa surveillance. Celle-ci
peut être confiée au médecin traitant qui doit être de
toute façon informé. Compte tenu de la grande variabilité de l’évolution précoce, il est souhaitable que le
patient soit revu avant la fin de la première semaine
(entre le 3e et le 5e jour) pour réévaluation diagnostique et thérapeutique.
A la première reconvocation
Cette nouvelle consultation avant la fin de la première semaine doit être réalisée par un traumatologue confirmé (ayant acquis une compétence
suffisante en traumatologie d’urgence quelle que soit
sa spécialité d’origine).
Le but de cette consultation est triple :
- procéder à la relecture des radiographies initiales éventuelles, plus particulièrement quand l’organisation des services intervenants ne comporte pas
une relecture systématique préalable ;
- procéder à une réévaluation de la situation clinique, en particulier si une radiographie initiale n’a
pas été prescrite ;
- préciser le niveau d’impotence résiduelle de
façon à adapter la prise en charge thérapeutique.
On peut schématiquement considérer trois possibilités :
- L’impotence est devenue discrète ou absente
(il n’y a plus de douleur à la marche, il n’y a pas
Réan. Urg., 1995, 4 (4 ter), 491-501
- 498 - Ve Conférence de Consensus en Médecine d’urgence
d’hématome, la mobilisation est peu douloureuse, on
retrouve une simple sensibilité à la palpation du faisceau antérieur du ligament latéral). Le traitement
peut être interrompu. On conseillera alors au patient
d’éviter les activités physiques et sportives pendant
trois semaines.
- L’impotence est modérée (la marche est possible mais douloureuse, un hématome ou une ecchymose est visible dans la région malléolaire externe,
la mobilisation passive de la cheville est douloureuse
ainsi que la palpation d’au moins deux faisceaux du
ligament latéral). Le traitement doit alors comporter
outre le traitement médicamenteux symptomatique,
une immobilisation relative pendant trois semaines
autorisant l’appui. Il peut s’agir d’un " strapping " ,
d’un " taping " , d’un bandage compressif, voire d’une
chevillère. Une prescription de rééducation pourra
être faite, soit d’emblée si la contention est amovible, soit à son issue, pour une quinzaine de séances.
Elle comportera initialement de la physiothérapie
antalgique puis après disparition des douleurs, une
rééducation progressive de renforcement musculaire
(essentiellement des péroniers latéraux) et rééducation proprioceptive.
- L’impotence reste importante (la marche est
impossible ou très douloureuse : hématome puis
ecchymose de la face externe mais aussi de la face
interne de la cheville, mobilisation de la cheville très
douloureuse, douleur à la palpation du ligament latéral et aussi fréquemment du ligament médial). Une
immobilisation doit être maintenue cinq à six
semaines.
Pendant les trois premières semaines, le traitement
doit comporter une immobilisation plus stricte soit
par plâtre ou résine, soit par or-thèse. Un appui partiel est autorisé pour peu qu’il reste inférieur au seuil
douloureux. Il est favorisé par la prescription de cannes anglaises.
Après la troisième semaine, un appui plus ferme
est autorisé. Si une botte plâtrée a été mise en place
elle doit être remplacée après la troisième semaine
par une orthèse stabilisatrice ou un " strapping ".
Les contractions musculaires ainsi qu’éventuellement
une mobilisation active en flexion extension seront
sollicitées et une rééducation sera prescrite à but
antalgique puis de récupération de la mobilité articulaire du renforcement musculaire et de la prorioception.
Les patients doivent être revus après la troisième
semaine. Toute évolution anormale, qu’il s’agisse
de la persistance ou de l’augmentation de la symptomatologie, suggère l’existence d’une complication et invite à reprendre une réflexion diagnostique. Les arrêts de travail sont faits de consultation en consultation et modulés selon l’activité
professionnelle du patient et la tolérance fonctionnelle.
Réan Urg., 1995, 4 (4 ter). 491-501
El Quelle est la place des traitements
médicamenteux locaux et généraux
pour une entorse de cheville ?
Le but des traitements médicamenteux d’une
entorse de cheville vise essentiellement à :
- diminuer la douleur et l’impotence fonctionnelle ;
- réduire l’œdème ;
- éviter les complications liées à l’immobilisation.
Le traitement médical constitue un complément au
traitement fonctionnel ou orthopédique.
Les traitements locaux
Plusieurs préparations à usage local sont disponibles, sous forme de gels, crèmes ou pommades. Elles
peuvent comporter des salicylés, d’autres antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS), ou d’autres
composants dont l’effet thérapeutique est moins
certain.
Seuls les produits à base d’anti-inflammatoires ou
salicylés ont donné lieu à quelques études. Il apparaît que l’application de ces topiques a un effet sur
l’œdème et la douleur, en comparaison à un placebo.
Mais ces études sont peu nombreuses, d’interprétation difficile du fait de méthodologies peu comparables ou d’effectifs insuffisants. Elles ne permettent
donc pas de proposer des règles d’utilisation précises.
Les traitements locaux peuvent être une alternative aux traitements médicamenteux par voie orale.
Ils sont compatibles avec l’utilisation d’une attelle
amovible. Ils sont contre-indiqués en cas de lésion
cutanée pré-existante et comportent un risque de sensibilisation locale.
Les traitements généraux
Le traitement de la douleur
- Les antalgiques
La douleur est au centre des plaintes immédiates
et ultérieures des patients victimes d’une entorse de
cheville. Elle doit être évaluée à l’aide des échelles
adaptées à la pratique des urgences. Malgré leur utilisation habituelle et reconnue, on ne dispose pas
d’étude consacrée à l’effet des antalgiques seuls dans
le traitement de la douleur de l’entorse de la cheville.
Aucune règle thérapeutique particulière ne peut
donc être retenue. Le choix des produits, la posologie rejoignent les principes généraux du traitement
de la douleur traumatique. Le paracétamol seul ou
en association présente le meilleur rapport bénéficerisque si l’on respecte ses conditions d’emploi.
Ve Conférence de Consensus en Médecine d'urgence - 499 - Les anti-inflammatoires non stéroïdiens
(AINS)
Ils sont très largement utilisés. Toutes les familles d'AINS actuellement disponibles sont employées.
Plusieurs études rapportent l’utilisation des AINS par
voie orale dans l’entorse de la cheville. Elles concernent des molécules variées (par exemple diclofenac,
piroxicam, ibuprofène) comparées entre elles ou
contre placebo. Elles montrent un effet sur la douleur. L’effet sur l’œdème n’apparaît pas significatif
au plan statistique.
Mais aucun de ces travaux ne prouve formellement
la supériorité des AINS par rapport aux antalgiques,
ni d’une molécule par rapport à une autre. De plus,
leur utilisation doit prendre en compte les risques
d’effets secondaires.
En pratique, le traitement de la douleur doit privilégier, en première intention, les traitements antalgiques. L’inefficacité de ce traitement associé aux
autres mesures thérapeutiques conduit à reconsidérer le diagnostic initial d’entorse pure.
La préven tion de la thrombose veineuse profonde
(TVP)
L’entorse de cheville qui ne compromet pas la marche ou qui ne fait pas l’objet d’une immobilisation
stricte ne justifie pas de prévention de la TVP, sauf
pour les patients aux antécédents de thrombose ou
présentant des facteurs de risque.
En revanche, la prévention de la TVP en cas
d’immobilisation stricte est recommandée.
Le traitement préventif institué dès le premier jour
obéit aux choix des médicaments, le plus souvent
anti-thrombotiques et aux règles de prescription et
de surveillance habituelle.
Quels sont les informations
et les conseils de surveillance
à donner aux patients ?
La relation complémentaire entre le médecin et
l’infirmière est déterminante quant à la qualité, la
quantité et la chronologie du message éducatif.
L’information donnée au patient se présentant au
Service d'Accueil et d’urgence pour un traumatisme
de la cheville commence dès la prise en charge infirmière en favorisant son installation par :
- le dégagement de la cheville en ôtant la chaussure et la chaussette ;
- l’application de glace ;
- la surélévation du membre ;
- en expliquant l’effet antalgique et antiinflammatoire de ces mesures.
L’infirmière veille à la bonne compréhension des
objectifs thérapeutiques.
En créant une relation individualisée avec le
patient, elle favorise une action éducative sur les gestes pratiques nécessaires en raison du handicap lié
à l’entorse.
Après ces informations et conseils verbaux, il est
remis au patient des consignes écrites sous forme de
protocole de soins pré-établi et validé médicalement
comme ci-dessous.
Informations à donner aux patients
Madame, Monsieur,
Les soins réalisés au Service d'Accueil et
d’urgence ont permis de faire le bilan initial de votre
traumatisme de la cheville.
Il est possible que, dans les jours qui suivent, apparaissent douleur, gonflement et hématome au niveau
de la cheville et/ou du pied. De ce fait, une difficulté
à la marche plus ou moins longue est fréquente pour
une entorse.
Une surveillance ultérieure est essentielle. Il est
donc nécessaire que vous soyez revu par un médecin entre le 3e et le 5e jour après l’accident pour :
- refaire un examen clinique,
- décider de la nécessité d’examens complémentaires,
- et éventuellement modifier le traitement.
D’ici là, il faut :
- le repos,
- éviter de rester debout et immobile,
- surélever la jambe atteinte,
- appliquer de la glace sur le bord externe de
la cheville (vessie de glace avec de l’eau entourée
d’un linge humide) pendant 20 minutes 3 à 4 fois par
jour.
Conseils généraux à tout porteur de plâtre
Il ne s’agit pas d’un plâtre de marche.
- Tout appui est interdit.
- Déplacez-vous uniquement à l’aide de cannes
anglaises.
- Laissez sécher le plâtre à l’air libre (il ne sera
totalement sec qu’après 48 heures).
- Posez le membre plâtré sur un coussin, à
l’horizontale.
- Surélevez la jambe chaque fois que vous êtes
en position assise.
Toute apparition de fourmillements, gonflement,
changement de couleur du pied, sensation d’orteils
froids, d’augmentation des douleurs doit vous faire
reconsulter immédiatement au Service d'Accueil et
d’urgence ou votre médecin traitant.
Réan. Urg., 199.5, 4(4 ter), 491-501
- 500 - Ve Conférence de Consensus en Médecine d’urgence
Conseils pratiques
- Bouger le plus possible les orteils.
- Contracter plusieurs fois par heure les muscles de la jambe.
- Ne pas introduire d’objet dans le plâtre.
- Garder le plâtre le plus propre possible.
- Ne pas exposer le plâtre au soleil ou à la
chaleur.
- Ne pas mouiller le plâtre.
- Si votre plâtre se casse, revenir rapidement
à l’hôpital.
- Ne pas conduire de véhicule automobile ou
de deux roues (pas de dédommagement en cas
d’accident).
Conseil de marche avec les cannes anglaises
- Régler la hauteur des cannes avec les poignées rembourrées à la hauteur des hanches.
- Vérifier les antidérapants sous les cannes.
- Mettre les deux cannes au même niveau en
avant, à la distance d’un pas.
- Faire un mouvement de balancier avec la
jambe plâtrée, genou plié comme pour faire un pas,
mais sans poser la jambe.
- Sauter sur la bonne jambe’en ayant un bon
appui sur les cannes.
- Renouveler ce mouvement.
A T T E N T I O N : sol mouillé = glissade.
* pour descendre les escaliers :
l
pour monter les escaliers
:
Conseils de mise en place et d’utilisation :
l ne jamais la porter à même la peau, mettre toujours au préalable une chaussette en coton ;
l les deux coques latérales de votre attelle sont
réunies par une bande réglable passant sous le talon.
Une fois mise en place, la fermeture des coques est
assurée par les bandes velcro en plaçant d’abord la
bande inférieure. La chaussure est mise en place
(chaussure à lacets de ville, ou chaussure de sport),
les lacets sont serrés et la bande supérieure est
ensuite enroulée pour que les coques latérales s’appliquent sur la jambe ;
l un réglage de l’attelle est parfois nécessaire
les 24 premières heures ;
l la disparition de la douleur ne doit pas faire
arrêter le port de cette attelle sans l’avis de votre
médecin ;
l l’attelle doit être retirée pour la douche en faisant attention aux mouvements précipités et incertains : il est nécessaire d’essuyer correctement la
peau pour éviter la macération.
Conseils généraux à tout porteur de contention
adhésive ou " strapping "
Il se fait à l’aide de bandes adhésives extensibles
et de bandes adhésives non extensibles.
- Surveiller un risque de striction ;
- le " strapping " ne supporte pas l’humidité.
Tout " strapping " mal toléré doit être impérativement enlevé et il faut reconsulter un médecin.
Le
/ /
Signature du médecin,
et de l’infirmier(e)
En conclusion, la contention de l’entorse de cheville est un acte fréquent au Service d'Accueil et
d’urgence.
La responsabilité médico-infirmière est partagée,
comme le souligne le décret n° 93-345 du 15 mars
1993 (législation française).
Il reconnaît l’importance de l’infirmière avec une
formation spécifique pour effectuer des soins de
qualité.
.
Conseils généraux à tout porteur
d’attelle stabilisatrice
Bien que cette attelle soit amovible, nous conseillons de la garder jour et nuit jusqu’à la nouvelle consultation.
Réan. Urg. 1995, 4 (4 ter). 491-501
L’impact socio-économique
des entorses de cheville
peut-il être évalué ?
A l’évidence, les entorses de cheville représentent
un problème de santé publique (500 millions de dollars par an en coûts directs de radiographie dans le
nord des Etats-Unis) en raison de leur fréquence et
parce qu’elles sont sources de complications secondaires invalidantes.
Ve Conférence de Consensus en Médecine d’urgence - 501 -
Les études disponibles concernant l’évaluation économique des stratégies thérapeutiques de l’entorse
de cheville sont rares et incomplètes car la qualité
dc la vie n’est pas prise en compte.
Les études d’impact socio-économique n’apportent
que des éléments incomplets d’appréciation.
- A partir de critères cliniques les équipes
d’Ottawa envisagent une réduction de 28 p. 100 des
radiographies de cheville sans perte d’information.
- L’efficacité clinique à six mois et des coûts
directs significativement diminués ont été notés dans
une stratégie " mobilisation d’emblée " par rapport
à une stratégie d’immobilisation (Sommer et Schreider, 1993).
- Mesurés en jours d’arrêt de travail, les coûts
indirects sont diminués en utilisant une attellé gonflable par rapport à une contention plâtrée (Jaeger,
1991 - Eiff, 1994).
Dans toutes ces études, les coûts intangibles liés
à la douleur, l’anxiété et la gêne provoquée par le traitement n’ont pas été pris en compte.
De même, les conséquences n’ont pas été mesurées : elles pourraient l’être
- soit en unité physique : délai de guérison par
exemple ;
- soit en utilité : délai de guérison pondérée par
la qualité de la vie ;
- soit en terme monétaire ou bénéfice économique associé.
Pour être connu, l’impact socio-économique des
entorses de cheville devra nécessiter la réalisation
d’études multicentriques menées avec la collaboration d’un épidémiologiste ou d’un médecin de santé
publique.
Couts intangibles : dans une analyse économique, ce
sont les coûts liés à la douleur, à l’anxiété, à la gène
provoquée par le traitement.
Cryothérapie : thérapeutique utilisant les propriétés
physiques de la réfrigération.
Instabilité fonctionnelle : sensation subjective de dérobernent de l’articulation ou du membre inférieur.
Ligament calcanéo-fibulaire : faisceau moyen du ligament latéral.
Ligament talo-fibulaire antérieur : faisceau antérieur
du ligament latéral.
Ligament talo-fibulaire postérieur : faisceau postérieur
du ligament latéral.
Ligament latéral : anciennement dénommé ligament
latéral externe.
Ligament média1 : anciennement dénommé ligament
latéral interne.
Physiothérapie : en France, utilisation de moyens
physiques (ondes, ultrasons, chaleur, ionisation, etc.)
en rééducation. Dans les pays anglo-saxons, il est
synonyme de rééducation.
Rééducation proprioceptive : rééducation des automatismes du contrôle moteur de l’équilibre et de la
posture.
Strapping : bandage stabilisateur adhésif et élastique.
Syndesmose tibio-péronière : ensemble ligamento-fibromusculaire assurant la cohésion du tibia et du péroné.
Taping : bandage stabilisateur adhésif et non
élastique.
Références
Glossaire
Articulation médiotarsienne : articulation de Chopart.
Clayton (signe &) : sillon fibulo-talique (péronéo-astragahen) palpable lors des lésions capsule-ligamentaires
étendues.
Coûts directs : dans une analyse économique ils correspondent aux dépenses découlant directement de
la mise en œuvre de la stratégie thérapeutique.
Coûts indirects : dans une analyse économique ils correspondent aux pertes de production, du fait de la
maladie.
S TIELL I.G., GREENBERG G.H., Mc K NIGHT RD., NAIR RD., Mc
D OWELL I., W ORTHINGTON J.R. - A study to develop clinical decision rules for the use of radiography in acute ankle injuries. Ann.
Emerg. Med., 1992, 21, 384-390.
S TIELL I.G.. GREENBERG G.H.. Mc KNIGHT RD. and coll. - Decision rules for the use of radiobraphy in acute ankle injuries : Refinement and prospective validation. JAMA, 1993, 269, 1127-l 132.
STIELL I.G., Mc KNIGHT R.D., GREENBERG G.H., Mc DOWELL I., NAIR
R.D., WELLS A.G., JOHNS C., WORTHINGTON J.R. - Implementation of the Ottawa Ankle.rules. JAMA, 1994, 277, 827-832.
Livres de références
D E L EE J.C., DREZ D. - Orthopaedic Sports Medicine. W.B.
Saunders Ed., Philadelphia, 1994. Injuries offhe foot andankle,
pp. 1705-l 767.
M ANN R.A., COUGHLIN M.J. - Surgery of the foot and ankle.
Mosby Ed., Saint Louis, 1993.
Réan. Urg., 1995, 4 (4 ter), 491-501
Téléchargement