n° 5 fiche médecine du sport Sous la responsabilité de son auteur P. Le Goux* Quelle place pour les examens d’imagerie dans les séquelles des entorses de la cheville ? Articulation tibio-fibulaire Ligament antérieur • Articulation talo-crurale • Ligament talo-fibulaire antérieur • Ligament calcanéo-fibulaire • Ligament talo-fibulaire postérieur Articulation sous-talienne • Ligament talo-calcanéen Complexe de Chopart • Ligament calcanéo-cuboïdien Figure 1. Rappel anatomique. Plan latéral de la cheville (d’après I.A. Kapandjy). Symptôme fréquent, isolé ou lié à la douleur ➔ Instabilité fréquente • signes subjectifs d’insécurité • pas de laxité à l’examen Laxité : instabilité mécanique ➔ Instabilité moins fréquente • critères objectifs constatés à l’examen clinique Figure 2. Joueur de football. © Photos Fédération française de tennis (P. Le Goux). Encadré. Instabilité chronique. © Tous droits réservés. Instabilité : instabilité fonctionnelle * Rhumatologue médecin du sport, praticien attaché à l’hôpital Ambroise-Paré, Boulogne-Billancourt ; médecin de la Fédération française de tennis, consultant à l’Institut national du sport et de l’éducation physique (INSEP). Figure 3. Joueur de tennis. F I C H E À D É T A C H E R L e rhumatologue et le médecin du sport sont fréquemment consultés pour des séquelles douloureuses dans les suites d’un traumatisme de la cheville, notamment les entorses du plan ligamentaire latéral (figure 1). Les plaintes douloureuses du patient peuvent volontiers s’accompagner d’autres symptômes, notamment d’une gêne fonctionnelle à type d’instabilité (encadré). Chez un autre patient c’est plutôt une raideur qui sera évoquée. Il est donc primordial, dans le but d’orienter au mieux la prise en charge, de reconnaître ou de savoir rechercher tous ces éléments à l’interrogatoire, ainsi que d’examiner soigneusement la cheville ou le médio-pied de façon comparative et programmée. La prescription des examens complémentaires d’imagerie dans les suites d’une entorse de la cheville se justifie avant tout par les données de l’examen clinique et selon un itinéraire précis, d’autant que le patient est sportif (figures 2 et 3) et qu’il a des exigences de récupération articulaire tant en mobilité qu’en résistance pour continuer son activité. Pour les entorses récentes de la tibio-talienne ou du médio-pied, la radiographie standard peut être demandée systématiquement ou alors être prescrite à la demande, en fonction des critères d’Ottawa (figure 4) issus d’un protocole d’examen clinique rigoureux recherchant d’une manière ciblée différents points douloureux (malléole médiale, latérale, etc.) dans le but d’éliminer toute fracture ou arrachement osseux témoignant de la gravité du traumatisme et entraînant une prise en charge différente de celle d’une entorse classique de la cheville (exemple d’une fracture malléolaire nécessitant une immobilisation plâtrée de 6 semaines, voire un traitement chirurgical). S’agissant maintenant de séquelles à distance d’un épisode initial d’entorse, il est nécessaire de s’assurer que certaines lésions osseuses ­et/­ou articulaires contemporaines du traumatisme ligamentaire initial n’ont pas été oubliées, notamment des arrachements osseux passés inaperçus et souvent gênants, et surtout les fractures ostéochondrales du dôme du talus, qui, cliniquement, donnent des signes de blocage et d’instabilité de la cheville. Ces fractures ostéochondrales situées soit à la partie médiale soit à la partie latérale du dôme talien peuvent relever d’un traitement chirurgical sous arthroscopie (ablation ou repositionnement du fragment). La Lettre du Rhumatologue • N° 355 - octobre 2009 | 37 Vue médiale Zone malléolaire 6 cm 6 cm Coup de pied Base du 5e métatarsien Bord postérieur ou pointe de la malléole externe Scaphoïde tarsien (naviculaire) Bord postérieur ou pointe de la malléole Figure 4. Critères d’Ottawa. Plans latéral et médial (cheville et pied). © J. Rodineau. Rodineau J et Besch S. La cheville traumatique : des certitudes en traumatologie du sport. 26e Journées de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière, Elsevier Masson, novembre 2008. E E + H Pour en savoir plus… À D É T A C en séquence T2. H Figure 6. IRM de la cheville montrant une lésion ostéochondrale du dôme talien R Figure 5. Lésion du dôme talien. Cette lésion, méconnue à la radiographie, est visualisée au scanner et à l’arthroscanner. F I C Quel que soit le diagnostic envisagé (fracture malléolaire, diastasis tibio-fibulaire, fracture du processus latéral du talus, fracture ostéochondrale du dôme talien, fracture par arrachement de la base du cinquième métatarsien, arrachement des insertions ligamentaires de Chopart), les radiographies demandées (3 clichés en moyenne sont souvent nécessaires, plus si besoin en cas de doute) doivent être centrées topographiquement sur la zone suspectée de lésion. Par exemple, une suspicion de fracture de la partie latérale du dôme du talus justifie 3 clichés : face, profil et pied de face en rotation interne à 20° pour dégager le dôme. Si une fracture par arrachement du médio-pied est suspectée, on fera en plus du cliché de face et de profil classique du pied un cliché déroulé de 3/4. Dans certains cas, un scanner centré sur la zone osseuse lésée aura toute son utilité. Mais une instabilité peut aussi se manifester par un ressaut à la face latérale de la cheville perçu par le patient, ce qui oriente cette fois vers d’autres complications lésionnelles touchant les tendons (instabilité ou luxation avec syndrome fissuraire du fibulaire ou plus rarement du tendon tibial postérieur) ou encore les faisceaux ligamentaires (laxité résiduelle parfois mal tolérée à la suite d’une entorse grave de cheville résultant d’une rupture importante en plein corps du plan latéral ligamentaire de la cheville). Dans ces situations, d’autres examens d’imagerie tels que l’échographie effectuée par un opérateur entraîné, en complément des clichés standard, en aigu comme en chronique, pourront être utiles, en particulier pour l’étude des parties molles ligamentaires (rupture d’un faisceau, désinsertion, épaississement ecchymotique). Mais la réalisation de cet examen reste toujours orientée par les données de base de la clinique et de la radiographie standard, l’échographie ne trouvant sa place que dans le cas d’entorses dites graves où elle permet de préciser l’importance de l’atteinte du plan ligamentaire ou encore d’explorer les traumatismes atypiques avec lésions tendineuses. Parallèlement à l’évaluation clinique du traumatisme, le choix du bilan d’imagerie doit se faire également en fonction de son impact sur la décision thérapeutique. On distinguera ainsi une imagerie de première intention reposant essentiellement sur la radiographie standard (parfois associée à l’échographie dans le même temps ou de façon différée) et une imagerie de seconde ligne telle que la tomodensitométrie, l’IRM, voire l’arthroscanner. Ce dernier, grâce à l’injec­tion intra-articulaire de produits de contraste, permet d’étudier idéalement la surface cartilagineuse et de mettre en évidence des lésions chondrales pures et des corps étrangers intra-articulaires. Il complète également le bilan standard radiologique et permet de mieux visualiser une fracture parcellaire malléolaire, tibio-fibulaire inférieure ou du dôme talien (figure 5). Enfin, au temps arthrographique d’un arthroscanner peut être réalisée à la demande une infiltration corticoïde, voire une injection d’acide hyaluronique en fonction de la pathologie en cause, ce qui confère à cet examen un intérêt également thérapeutique. Quant à l’IRM (figure 6), on a tendance actuellement à réserver cette exploration aux entorses dont on comprend mal l’évolution avec une symptomatologie traînante (douleur, raideur, instabilité de la cheville). Mais on peut trouver des indications d’IRM dans le suivi d’une entorse plus récente, notamment s’il existe des signes de gravité, des lésions associées du plan ligamentaire médial de la cheville ou encore une atteinte sous-talienne plus rare. L’IRM a l’avantage sur le scanner de mieux étudier l’os spongieux, de pouvoir montrer un œdème intra-osseux ou sous-chondral témoin de contusions ou d’une souffrance osseuse et de permettre au niveau de la cheville et du pied une visualisation globale de la pathologie articulaire, ligamentaire et tendineuse (par exemple les tendons fibulaires). Le scanner paraît toutefois plus performant pour détecter les petits arrachements osseux, pour suivre l’évolution d’une fracture, ou encore pour en apprécier la consolidation. ■ Vue latérale © Dr B. Rousselin, hôpital Ambroise-Paré. fiche médecine du sport n°5 Quelles radiographies pour un traumatisme de la cheville ou du pied ? 38 | La Lettre du Rhumatologue • N° 355 - octobre 2009