Chapitre 14
S´eries de Fourier
14.1 introduction
L’histoire des s´eries trigonom´etriques remonte `a la solution du probl`eme de la corde vibrante
donn´ee par Bernouilli. Mais en 1750 on ne croyait pas pouvoir d´ecomposer une fonction en
somme de cos et de sin. Il a fallu attendre 50 ans pour que Fourier ´etudiant l’´equation de la
chaleur donne multes exemples de telles d´ecomposition (1822). Il croyait pour sa part que la
s´erie convergeait toujours vers la fonction. Mais il est `a la base d’un d´emarage d´ecisif de l’analyse
math´ematique. Son intuition a permis quelques ann´ees apr`es `a Lebesgues d’´elaborer sa fameuse
int´egrale. C’est en fait Dirichlet (1829) qui d´emontra les principaux r´esultats et cr`ea la notion
moderne de fonction. Beaucoup de math´ematiciens ont suivi les traces de Fourier et encore en
1966 Carleson trouva des r´esultats non montr´es. Enfin signalons bien entendu l’importance de
cette th´eorie dans le traitement du signal et donc l’ouverture au monde du num´erique.
14.2 Coefficients de Fourier
Soit nun entier relatif. Notons en, cosnet sinnles fonctions d´efinies sur IR `a valeurs complexes,
d´efinies par en(x) = einx, cosn(x) = cos nx et sinn(x) = sin nx.
efinition 1 On appelle El’ensemble des fonctions `a valeurs complexes d´efinies sur IR, contin-
ues par morceaux et 2π-p´eriodiques et C2πle sous-espace vectoriel de Econstitu´e des fonctions
continues.
Proposition 1 Soit <·,·>la forme d´efinie sur Epar:
f, g ∈ E < f, g >=1
2πZ2π
0
f(t)g(t)dt.
<·,·>est une forme hermitienne positive et sa restriction `a C2πest un produit scalaire.
[Ind] Le v´erifier.
Notons N2l’application de Edans IR d´efinie, pour f∈ E par N2(f) = s1
2πZ2π
0|f(t|2dt.On a
vu, lors du cours sur les espaces pr´ehilbertiens que l’in´egalit´e de Cauchy-Schwarz ´etait v´erifi´ee
par une forme hermitienne positive, on en d´eduit alors que
f, g ∈ E N2(f+g)N2(f) + N2(g)
Si f∈ C2π, on notera N2(f) = ||f||2, car la restriction de N2`a C2πest une norme.
2 S´eries de Fourier
Proposition 2 (en)nZZ est une famille orthonormale de C2π, c’est `a dire:
n, m ZZ < em, en>=δmn.
[Ind] Calculer les produits scalaires.
14.2.1 Polynˆomes trigonom´etriques
Soit nINet Pnle sous-espace vectoriel de C2πengendr´e par la famille Fn:
{1,cos,cos2,...,cosn,sin, . . . , sinn}.
Un ´el´ement Pde Pns’appelle un polynˆome trigonom´etrique et
a0, a1, . . . , an, b0, . . . bnCxIR P(x) = a0+
n
X
k=1
akcos kx +
n
X
k=1
bksin kx.
On peut alors poser P(x) =
n
X
k=0
(akcos kx+bksin kx) en donnant `a b0la valeur 0 (ou toute autre
valeur).
Proposition 3 Pnest un C-espace vectoriel de dimension 2n+ 1 et la famille (ek)k[n,n]en
est une base orthonorm´ee.
[Ind] Utiliser les sous-espaces vectoriels engendrs par des vecteurs et ce qui pr´ec`ede.
Soient ε1, ε2∈ {−1,1}et net mdeux entiers positifs. On a:
< em+ε1em, en+ε1en>=δm,n(1 + ε1ε2) + (ε1+ε2)δm,n,
on en d´eduit donc que la famille Fnest une famille orthogonale et que, si met nsont deux
entiers non simultan´ement nuls:
<cosm,cosn>=1
2δm,n
<cosm,sinn>= 0
<sinm,sinn>=1
2δmn.
Ainsi
Proposition 4 {1,2 cos,2 cos2, . . . , 2 cosn,2 sin, . . . , 2 sinn}est une base orthonorm´ee
de Pn.
[Ind] Utiliser les formules pr´ec´edentes.
Remarque: Les coefficients d’un polynˆome trigonom´etrique sont donc uniques.´
Ecriture sur
la base (ek)k[n,n].k´etant un entier strictement positif, aket bk´etant des complexes, on a:
akcos kx +bksin kx =1
2(akibk)eikx +1
2(ak+ibk)eikx.
Posons ck=1
2(akibk), ck=1
2(ak+ibk) et c0=a0. On peut alors ´ecrire:
P(x) =
n
X
k=0
(akcos kx +bksin kx) =
n
X
p=n
cpeipx.
14.2. Coefficients de Fourier 3
Exercice 1 Calculer Za
0
cos mt cos ntdt,Za
0
cos mt sin ntdt et Za
0
sin mt sin ntdt,a´etant un r´eel
et met ndes entiers.
Exercice 2 Montrer qu’un produit de deux polynˆomes trigonom´etriques appartenant `a Pnest
un ´el´ement de P2n. En d´eduire que [
nINPnest une C -alg`ebre.
Exercice 3 Quel est le nombre maximal de z´eros d’un polynˆome trigonom´etrique, situ´es dans
l’intervalle [0,2π[.
14.2.2 S´eries de Fourier
Soit fune fonction continue par morceaux 2π-p´eriodique. Si on cherche un polynˆome trigonom´etrique
qui approche f, on doit d’abord d´ecider le mode d’approximation. Un des moyens parmi les
plus simples est l’approximation au sens des moindres carr´es: on cherche donc Pn∈ Pntel
Z2π
0|fPn|2soit le plus petit possible. Si f∈ C2π, nous savons alors que Pnest la projection
orthogonale de fsur Pnet donc:
Pn=
n
X
k=n
< ek, f > ek.
Montrons que la propri´et´e est vraie pour f∈ E. Notons encore Pn=
n
X
k=n
< ek, f > ek. On
v´erifie que, pour tout entier k[n, n], < f Pn, ek>= 0, on en d´eduit que, pour tout P∈ Pn,
< f P, f P >=< f Pn, f Pn>+< P Pn, P Pn>
ainsi
N2(fPn) = inf
P∈Pn
N2(fP)
On note dans tous les cas d(f, Pn) = N2(fPn).Les coefficients < ek, f > sont appel´es coeffi-
cients de Fourier (exponentiels) de fet souvent not´es ck(f).
Si on cherche la d´ecomposition de la projection orthogonale de la foncton fsur la base orthog-
onale {1,cos, . . . , cosn,sin, . . . , sinn}, on trouve alors:
Pn=<1, f > +
n
X
k=1
<cosk
||cosk||2
, f > cosk
||cosk||2
+
n
X
k=1
<sink
||sink||2
, f > sink
||sink||2
=<1, f > +
n
X
k=1
(ak(f) cosk+bk(f) sink),
en posant, pour tout entier naturel non nul n:
an(f) = 1
||cosn||2
2
<cosn, f >=1
πZ2π
0
f(t) cos nt dt
bn(f) = 1
||sinn||2
2
<sinn, f >=1
πZ2π
0
f(t) sin nt dt.
appel´es coefficients de Fourier en cosinus et sinus.Le coefficient <1, f > est ´egal `a 1
2πZ2π
0
f(t)dt;
on unifie les formules en posant:
a0(f) = 1
πZ2π
0
f(t)dt.
4 S´eries de Fourier
Pns’´ecrit alors:
Pn=a0(f)
2+
n
X
k=1
(ak(f) cosk+bk(f) sink).
efinition 2 La s´erie de Fourier de fest alors la s´erie de fonctions:
S(f) = a0(f)
2+
+
X
n=1
(an(f) cosn+bn(f) sinn).
Elle est ´egale `a la s´erie:
S(f) =
+
X
n=−∞
cn(f)en.
Nous noterons, par la suite, pour tout entier naturel n:
Sn(f) = Pn=
n
X
k=n
< ek, f > ek=a0(f)
2+
n
X
k=1
ak(f) cosk+bk(f) sink,
appel´ee somme partielle de la s´erie de Fourier de f.
Proposition 5 Sn:C2π→ C2πest la projection orthogonale sur Pn.
[Ind] Comprendre ce qui pr´ec`ede.
Calcul pratique des coefficients de Fourier Dans certains cas, il est possible de simplifier
les calculs des coefficients de Fourier d’une fonction f.f´etant une fonction 2π- p´eriodique, pour
tout r´eel a, on a
nZZ cn(f) = 1
2πZa+π
aπ
f(t)eintdt
et des formules analogues pour les coefficients an(f) et bn(f).Si fest une fonction r´eelle, pour
tout nIN, les coefficients an(f) et bn(f) sont r´eels et cn(f) = cn(f); an(f)=2<(cn(f)) et
bn(f) = 2 Im(cn(f)) = 2 Im(cn(f)).
Si fest paire, pour tout nIN:
bn(f) = 0 et an(f) = 2
πZπ
0
f(t) cos ntdt.
Si fest impaire, pour tout nIN:
an(f) = 0 et bn(f) = 2
πZπ
0
f(t) sin ntdt.
Exercice 4 Soit fune fonction de Ev´erifiant l’une des propri´et´es suivantes:
a) xIR f(x+π) = f(x)
b) xIR f(x+π) = f(x)
c) xIR f(πx) = f(x)
d) xIR f(πx) = f(x)
Repr´esenter l’allure de f, de ses parties paire et impaire et montrer que certains coefficients de
Fourier de fsont alors nuls.
14.3. Convergence de la s´erie de Fourier d’une fonction 5
14.3 Convergence de la s´erie de Fourier d’une fonction
14.3.1 Convergence en moyenne quadratique
Pour une fonction continue quelconque f, les sommes partielles Sn(f) ne convergent pas n´ecessairement
vers fau sens usuel (convergence simple ou uniforme). Soit f∈ E. On d´eduit de l’´egalit´e
< f Sn(f), Sn(f)>= 0 la relation
N2(f)2=N2(Sn(f))2
2+d(f, Pn)2
ainsi que l’in´egalit´e de Bessel:
n
X
k=n|ck(f)|2N2(f)2
On en d´eduit alors que
Proposition 6 Soit f∈ E, la s´erie de terme g´en´eral |ck(f)|2+|ck(f)|2est convergente.
[Ind] Pourquoi une s´erie `a termes positifs converge-t-elle ?
En exploitant le fait que la suite d(f, Pn)nIN est ecroissante et le th´eor`eme de Stone-Weierstrass
(version trigonom´etrique), on montre alors :
Th´eor`eme 1 Soit f∈ C2π.
lim
n+||Sn(f)f||2= 0.
On dit alors que la suite (Sn(f)) converge vers fdans l’espace C2πmuni de la norme || · ||2
(convergence en moyenne quadratique.
[Ind] Un peu difficile `a trouver tout seul. On fait un raisonnement par densit´e.
De ce th´eor`eme, on en d´eduit:
Th´eor`eme 2 (Formule de Parseval). Soit f∈ C2π. La s´erie des carr´es des modules des coeffi-
cients de Fourier complexes (cn(f))nZZ converge ainsi que les s´eries des carr´es des modules des
coefficients de Fourier (an(f)) et (bn(f)) et
||f||2
2=1
2πZ2π
0|f(t)|2dt =
+
X
n=−∞ |cn(f)|2=|c0|2+
+
X
n=1
(|cn(f)|2+|cn(f)|2)
=|a0(f)|2
4+1
2
+
X
n=1
(|an(f)|2+|bn(f)|2)
[Ind] La convergence entrˆıne la convergence des normes.
Remarque: (Pour les applications en Physique) Les deux th´eor`emes restent vrais lorsque f∈ E
en rempla¸cant || · ||2par N2(·).
14.3.2 Convergence simple, convergence uniforme
Soit fune fonction 2π-p´eriodique, continue et C1par morceaux, on trouve alors que, pour tout
entier relatif nnon nul :
cn(f) = 1
incn(˜
f0)
La s´erie ¯¯¯c0(˜
f0)¯¯¯
2+
+
X
n=1 µ¯¯¯cn(˜
f0)¯¯¯
2+¯¯¯cn(˜
f0)¯¯¯
2´etant convergente, on en d´eduit:
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