
J Pharm Clin, vol. 30 n◦4, décembre 2011 251
Dossier
nombreuses études mentionnant la cystatine C comme
marqueur fiable de la fonction rénale, celle-ci est modifiée
par de nombreux facteurs tels qu’un dysfonctionnement
thyroïdien [13], un traitement par corticoïdes à de fortes
doses, la présence de troubles cardiovasculaires et poten-
tiellement les pathologies malignes [14].
Les formules d’estimation du DFG
Ainsi est-il nécessaire en pratique d’utiliser les formules
d’estimation du DFG “classiques”, basées sur la créatininé-
mie, en prenant garde aux conditions pouvant influencer
la créatininémie, à savoir en particulier l’indice de masse
corporelle.
La formule de Cockcroft et Gault (CG)
La formule de CG [9], publiée en 1976, a été largement uti-
lisée pour estimer la clairance de la créatinine à partir des
taux sériques de créatinine. La formule de CG s’exprime
en mL/min et prend en compte l’âge, le poids et le sexe.
Elle reste la méthode de référence, la formule de CG sous-
estime la fonction rénale chez le sujet âgé et la surestime
largement chez l’obèse si le poids utilisé dans la formule
est le poids réel du patient. En effet chez l’obèse, le poids
réel ne reflète pas la masse musculaire, origine de la pro-
duction de la créatinine. Il est à noter qu’il existe dans
la littérature quelques études ayant porté sur l’utilisation
du “poids idéal” ou du poids “corrigé” chez l’obèse. Ces
études manquent pour la plupart de puissance, et sont
désormais obsolètes. En effet, la formule aMDRD a mon-
tré sa précision chez le sujet obèse, ainsi que chez le sujet
âgé [15, 16]. Une calculette automatique d’estimation de
la fonction rénale à l’aide de la formule CG est disponible
sur le site internet www.sitegpr.com.
La formule Modification of Diet in Renal Disease
(MDRD)
Issue de l’étude MDRD [15], elle a été publiée en 1999
puis simplifiée et appelée aMDRD (a pour abbrevia-
ted), ne tenant plus compte que de quatre paramètres
au lieu de six. Elle s’exprime en mL/min/1,73 m2. Cette
formule, de plus en plus utilisée, prend en compte
la créatininémie, l’âge, le sexe, l’ethnie (uniquement
“afroaméricaine” ou “autre”) mais non le poids. Elle est
normalisée pour 1,73 m2(surface corporelle moyenne
chez l’adulte). La formule aMDRD a été largement vali-
dée pour les patients entre 18 et 70 ans. Au-delà de
70 ans, elle reste néanmoins plus fiable que la formule
de CG [15]. La formule aMDRD est particulièrement effi-
cace dans certaines circonstances : production basale de
créatinine anormale, masse musculaire anormale (obésité,
amputés, paraplégie, dénutrition, diabétique), apports
diététiques inhabituels (végétariens, supplémentation en
créatine). Elle tend néanmoins à sous-estimer le niveau
de fonction rénale pour des valeurs de DFG supé-
rieures à 60 mL/min [15]. La National Kidney Foundation
(NKF) et le National Kidney Disease Education Program
(NKDEP) recommandent en cas de valeur supérieure à
60 mL/min/1,73 m2l’interprétation suivante : «supé-
rieure à 60 mL/min/1,73 m2», en lieu et place d’une
valeur chiffrée exacte. La formule aMDRD peut, bien
entendu, être utilisée pour l’adaptation posologique. Dans
ce cas, la valeur obtenue devra être multipliée par la sur-
face corporelle du patient et divisée par 1,73 m2, afin
d’obtenir une valeur en mL/min. Une calculette automa-
tique d’estimation du DFG à l’aide de la formule aMDRD
est disponible sur le site internet www.sitegpr.com, ainsi
que sa valeur corrigée à la surface corporelle du patient.
La formule CKD-EPI
(Chronic Kidney Disease Epidemiology)
Cette formule fut créée en 2009 afin d’être généralisable
aux divers tableaux cliniques. Elle avait la particularité
d’inclure des variables telles que le diabète, le surpoids,
la transplantation. Mais elle fut par la suite simplifiée
et prend désormais en compte les mêmes variables que
la formule aMDRD [17]. Elle évalue de fac¸on plus pré-
cise la valeur du DFG chez les personnes ayant un DFG
>60 mL/min/1,73 m2que la formule aMDRD [17, 18].
Ainsi, la formule CKD-EPI est idéalement utilisée en
épidémiologie, dans le screening des patients insuffisants
rénaux légers, limitant ainsi le nombre de faux positifs
[18].
Conclusion
L’insuffisance rénale est fréquente et sous-estimée à
l’hôpital. Pourtant, ses conséquences ne sont pas ano-
dines car elle peut engendrer des complications ainsi
que des modifications de la pharmacocinétique des médi-
caments. De plus, elle constitue un facteur de risque
de morbi-mortalité cardiovasculaire important. Afin de la
dépister, il est essentiel d’évaluer la fonction rénale en
ayant au moins recours à une estimation de la fonction
rénale à l’aide d’une des formules disponibles. Parmi les
deux recommandées (CG et aMDRD), la formule aMDRD
est meilleure dans un certain nombre de conditions,
comme les patients obèses, les patients âgés et les dia-
bétiques [16, 19, 20]. De plus, la Société Internationale
d’Oncologie Gériatrique (SIOG) la recommande chez les
patients atteints de cancer [15]. Il est donc important d’être
vigilant quant au choix de la formule selon le profil du
patient.
Conflits d’intérêts : aucun.
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