b arguments en faveur d`une predisposition genetique aux mici

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Cours07
HISTOIRE NATURELLE DES MICI
Les MICI sont des maladies chroniques, de toute la vie, évoluant habituellement par poussées
entrecoupées de rémissions, de façon peu prévisible, enfin de gravité très variable d'un malade à
l'autre, et chez le même malade d'une phase évolutive à l'autre. Les grandes études de cohorte,
notamment danoises (1,2) ont permis de mieux comprendre leur histoire naturelle.
1. HISTOIRE NATURELLE DE LA MALADIE DE CROHN
La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire pouvant toucher n'importe quel segment du tube
digestif, mais principalement le grêle terminal et le côlon. Elle est habituellement découverte entre 25 et
30 ans à l'occasion d'une poussée inaugurale ou d'une complication, mais elle n'est pas exceptionnelle
chez l'enfant ni chez le sujet âgé. Avant les années 2000, le traitement, essentiellement
symptomatique, n’avait pas d’effet durable sur l'histoire naturelle de la maladie. Aujourd’hui, l'utilisation
devenue plus large et plus précoce des immunosuppresseurs et les anti-TNF pourraient avoir un impact
et modifier le cours évolutif de la maladie.
1. 1. EVOLUTION ANATOMIQUE: DE L'ULCERATION APHTOIDE A LA FISTULE OU LA STENOSE
1.1.1. Evolution endoscopique post-opératoire
L'évolution anatomique globale de la maladie de Crohn est mieux connue depuis la description du
modèle de la récidive post-chirurgicale (3,4). La lésion inaugurale, observée dès les 8 premiers jours,
est un infiltrat inflammatoire focal sur l'iléon pré-anastomotique (Figure 1), puis apparaissent des
ulcérations aphtoïdes, visibles chez deux patients sur trois à 6 mois, puis des ulcérations superficielles
de plus en plus larges (Figure 2), puis creusantes, précédant la constitution d'une sténose. La sténose
peut favoriser le développement d'une fistule en amont ou celle-ci peut apparaître en pleine zone
inflammatoire. L'apparition des symptômes cliniques est décalée, de 2 ans environ suivant la récidive
endoscopique (Figure 3). Il est important de noter que l'aggravation endoscopique progressive, quoique
habituelle, n'est pas inéluctable. L'aspect lésionnel peut s'améliorer chez quelques malades, et les
ulcérations aphtoïdes disparaître.
1.1.2. Evolution chez les malades non opérés
L'évolution naturelle de la maladie de Crohn non opérée semble très proche de celle du modèle de la
récidive post-chirurgicale. Ainsi, il n'est pas rare de découvrir lors d'une laparotomie pour autre cause
(par exemple cholécystectomie ou appendicectomie), ou lors d'une coloscopie de dépistage, une
atteinte caractéristique de Crohn qui était totalement silencieuse cliniquement, et qui ne deviendra
symptomatique que plusieurs années plus tard.
L'observation à long terme des lésions buccales et des lésions anopérinéales montre que des lésions
anatomiques même sévères sont toujours susceptibles de régresser, laissant derrière elle des
cicatrices fibreuses inactives. Une sténose éteinte, ie indemne de lésions inflammatoires actives, peut
rester intacte et silencieuse des années. Une fistule peut se fermer.
1.1.3. Localisation des lésions
La maladie de Crohn peut toucher n'importe quel segment digestif, de la bouche à l'anus, mais les
atteintes iléales et coliques sont les plus fréquentes. La classification de Montréal, prenant en compte
l'extension anatomique des lésions avant la première chirurgie, distinguent 4 localisations différentes:
les formes iléales pures (débordant éventuellement sur le cæcum) codées L1, les formes coliques
pures (L2), les formes iléo-coliques (L3), et les formes proximales pures, ie touchant le tube digestif à
n'importe quel endroit en amont du dernier mètre d'intestin grêle, sans lésion associée en aval (L4).
Auteur : Jacques COSNES
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En cas de forme iléale, colique, ou iléocolique associée à une localisation proximale, on code L1 (ou
L2, ou L3) + L4. Au moment du diagnostic, la répartition est d’environ un tiers de formes iléales (1830% selon les séries), un tiers de formes coliques (20-48%), et un tiers de formes iléocoliques (1244%) ; le tube digestif proximal est atteint dans 10-15% des cas, dont de façon isolée (sans atteinte en
aval) dans 2-3% des cas (Figure 4).
La localisation initiale des lésions, au moment de la première poussée, est déterminante des
localisations ultérieures : l'atteinte iléale isolée restera presque toujours iléale, sauf atteinte colique par
contiguité; inversement dans une forme colique pure, il est rare que l'iléon soit touché secondairement,
ou cette localisation secondaire est tardive, après colectomie. Mais il n'est pas exceptionnel aussi de
constater une atteinte initiale diffuse marquée par un semis d'ulcérations aphtoïdes sur l'œsophage, le
duodénum, l'iléon et tout le côlon, puis ces lésions superficielles régressent et la maladie choisit son
siège.
L'atteinte anopérinéale (aussi appelée périanale dans la littérature anglosaxonne), plus fréquente en
cas d’atteinte colique, est observée initialement chez moins d'un quart des patients, et à un moment ou
un autre de l'évolution chez environ 50% d'entre eux (6).
1.1.3. Formes sténosantes, pénétrantes et inflammatoires
En 1988, Greenstein et al. (7) ont suggéré que les patients opérés pour complication perforante (abcès,
fistule ou péritonite), apparaissaient exposés plus vite au développement d’une récidive chirurgicale, et
que celle-ci survenait préférentiellement sur le même mode lésionnel. Cette distinction a été étendue à
l'ensemble des maladies de Crohn, en définissant 3 phénotypes différents: les formes pénétrantes (ou
perforantes), les formes sténosantes, et les formes ni perforantes ni sténosantes, appelées
inflammatoires. C'est une des composantes de la classification de Montréal, les codes respectifs étant
(B pour « behavior ») B3, B2 et B1 (5). En réalité, ce phénotype est très lié au siège initial des lésions
et chez un même individu, change au cours de l'évolution de la maladie (Figure 5). L'atteinte du grêle
se complique de sténose et de perforation, la formation d'une fistule pouvant du reste compliquer une
sténose, tandis que l'atteinte colique reste longtemps inflammatoire, sans sténose ni perforation. Il faut
mettre à part l'atteinte jéjunale, essentiellement sténosante, et les lésions ano-périnéales, le plus
souvent perforantes, c'est à dire compliquées d'ulcérations larges, de fistules et/ou d'abcès (6,8).
D'autre part, il n'est pas rare de voir coexister chez le même malade et même sur un même segment de
grêle des lésions perforantes et d'autres sténosantes. Les études de Centres tertiaires expriment l’idée
que toute maladie de Crohn se compliquera tôt ou tard au cours de son évolution, et surtout de
complication perforante (Figure 5). Les études de population telles que celle de l’Olmsted County sont
moins pessimistes et indiquent un risque cumulé de complication intestinale, perforante ou sténosante,
de 50% après 20 ans d’évolution.
1.2. EVOLUTION CLINIQUE
1.2.1.séméiologie des poussées
La maladie de Crohn acquiert une expression clinique si les lésions muqueuses sont étendues ou
distales (diarrhée, syndrome dysentérique, douleurs abdominales), s'associent à une réaction
inflammatoire systémique (fièvre, asthénie, amaigrissement, manifestations extra-digestives), ou se
compliquent de sténose ou de perforation. Avant la survenue de complications, l'évolution se fait le plus
souvent par poussées entrecoupées de phases de rémission, plus rarement sur un mode continu,
chronique actif (10-15 % des patients) (9). L'expression clinique des poussées dépend du siège des
lésions (les formes coliques sont souvent bruyantes avec des manifestations extra-digestives
fréquentes, alors que l'atteinte isolée du grêle peut ne donner aucun symptôme pendant des années) et
de l'intensité de la réponse inflammatoire. Au cours de l’évolution, environ un tiers des patients
développent à un moment ou un autre des manifestations extra-digestives, les plus fréquentes étant les
localisations articulaires, cutanées (érythème noueux, pyoderma), buccales (aphtose) et oculaires. Le
parallélisme anatomo-clinique est très relatif.
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On peut voir une évolution silencieuse sur des années vers des complications perforantes majeures et
inversement des formes iléales pures débutantes apparemment superficielles hyperalgiques.
1.2.2. prévision de la gravité globale de la maladie
Il est quasi-impossible lors de la première poussée de prédire quelle sera l'évolution ultérieure et de
répondre aux nombreuses questions des patients (pourrais-je continuer à travailler normalement ?
faudra-t-il m'opérer ? faudra-t-il me faire un anus artificiel ? …etc.). Une étude récente analysant
seulement les 5 premières années suivant l'établissement du diagnostic retient comme critères
prédictifs de gravité l'âge < 40 ans, l'existence de lésions anopérinéales et la nécessité initiale d'un
traitement corticoïde, indicateur rétrospectif de la gravité clinique de la première poussée. Noter que
l’âge au moment du diagnostic est un élément pronostique important, les maladies diagnostiquées dans
l’enfance restant en moyenne plus longtemps actives que les formes de l’adulte. Cette importance
pronostique de l’âge fait que la classification de Montréal prend aussi en compte ce critère (A1
diagnostic avant 17 ans, A2 entre 17 et 40 ans, A3 diagnostic après 40 ans). Par ailleurs, l’obtention
d’une cicatrisation endoscopique (le « mucosal healing ») au terme de la 1ère année, observée dans un
tiers des cas, est associée à une activité plus faible de la maladie au cours des 5 années suivantes
(moindre recours aux corticoïdes) (10). Enfin les malades ayant eu une maladie fortement active au
cours des 3 premières années ont plus de chance d’avoir une maladie évolutive au cours des 5 années
suivantes (années 3 à 7), et vice versa, comme si l’évolution initiale était déterminante de la suite (1).
Le risque chirurgical paraît plus élevé en cas d'atteinte iléale, car celle-ci expose davantage aux risques
de complication sténosante ou perforante dont le traitement est chirurgical. Le risque chirurgical paraît
aussi plus élevé chez les fumeurs, les patients ayant une sérologie ASCA positive, et ceux porteurs de
la mutation NOD2/CARD15. Le risque de stomie définitive est surtout lié à la présence de lésions
anopérinéales (mais celles-ci peuvent s'installer secondairement et ont souvent une évolution propre,
peu dépendante de celle de la maladie intestinale) et à l'atteinte rectale associée.
1.2.3. l'extinction de la maladie au fil du temps
Le suivi de l'activité de la maladie année par année tel qu'il a été réalisé dans la cohorte danoise,
cohorte particulièrement précieuse car non biaisée et sans perdus de vue, montre un pourcentage
constant de malades en rémission, 55%, pourcentage qui ne tend pas à augmenter avec l'ancienneté
de la maladie (Figure 6). Il n'y a pas dans cette série d'évolution évidente dans le sens de l'extinction de
la maladie avec le temps. Il existe simplement une petite tendance pour une plus forte probabilité de
passage de l'activité à la rémission que de la rémission à l'activité après 15 ans d'évolution. D’autres
études de cohorte ont noté un ralentissement plus net de l’activité de la maladie au fil des années. Il est
possible que cet « épuisement » de la maladie soit surtout le fait des maladies très anciennes, et en
partie le résultat du traitement (chirurgie). En fait, la maladie tend à évoluer par phases successives de
durée variable selon les patients, mais de l'ordre de 3 à 7 ans, tantôt d'activité, tantôt de rémission. Il
faut noter que ces constatations ont été faites dans une série de patients non traités par les
immunosuppresseurs.
1.2.4. le risque de chirurgie
La progressivité des lésions anatomiques finit tôt ou tard par conduire au développement de
complications qui ne sont pas accessibles au traitement médical et doivent être opérées. Il arrive aussi,
quoique plus rarement, que la maladie échappe au traitement médical. Dans la cohorte danoise, le
risque cumulé de chirurgie d'exérèse intestinale est de 82% à 20 ans (1) (Figure 7). De plus, il est
fréquent d’être ré-opéré, la récidive n’étant pas toujours accessible au traitement médical. Environ 30%
des sujets doivent être réopérés 10 ans après une première chirurgie. Chaque année environ 2 à 5%
des patients doivent subir une résection intestinale.
1.2.5. mortalité
La mortalité est légèrement augmentée par rapport à une population normale dans la plupart des
études de population. Dans la cohorte Danoise, cette surmortalité est tardive, plus de 20 ans après le
diagnostic, et porte surtout sur les femmes diagnostiquées avant l'âge de 50 ans.
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Une métaanalyse des études de mortalité des 25 dernières années donne un taux de mortalité
standardisé (rapporté à la population générale) de 1,50 (1,32-1,70), avec une tendance, mais non
significative, à la baisse. En d’autres termes, avoir une MC augmente de 50% le risque de mortalité
dans l’unité de temps considérée. Dans ces diverses études, seulement un quart à un tiers des morts
sont directement imputables à la maladie de Crohn (formes étendues du grêle, dénutrition,
complications opératoires, cancer). Le tabagisme, plus fréquent dans une population de malades de
Crohn que dans la population générale (cf cours sur les facteurs d'environnement), explique
probablement une partie de l'excès de mortalité.
1.3. EFFET DES TRAITEMENTS
Si les poussées de maladie de Crohn peuvent avoir une évolution spontanée favorable (25 à 40%
s'arrêtent d'elles-mêmes), leur symptomatologie bruyante nécessite habituellement un traitement
rapide. Les poussées franches sont classiquement traitées par les corticoïdes qui entraînent une
rémission complète à partielle chez 60 à 90% des patients, mais un tiers d'entre eux deviennent corticodépendants (11). La corticothérapie n'influence pas l'évolution à long terme de la maladie. Les formes
corticodépendantes et chroniques actives justifient un traitement immunosuppresseur, dont la
prescription devient de plus en plus fréquente et précoce. Dans les séries récentes plus de la moitié
des patients ont déjà reçu des immunosuppresseurs au cours des 5 premières années de la maladie.
1.3.1. Les immunosuppresseurs modifient-ils l'histoire naturelle de la maladie de Crohn?
L'efficacité à long terme des immunosuppresseurs dans la maladie de Crohn, notamment leur effet
d'épargne corticoïde, est incontestable. Cette efficacité clinique est souvent associée à une efficacité
endoscopique et histologique. L'azathioprine par exemple permet de contrôler durablement l'activité de
la maladie une fois sur 2, mais cet effet est seulement suspensif, l'arrêt du traitement exposant le
malade à un risque accru de reprise évolutive au cours des mois suivants, quelle que soit la durée du
traitement immunosuppresseur. Au début des années 2000, le risque d’être opéré n’avait pas encore
clairement diminué, probablement parce que les immunosuppresseurs étaient débutés trop
tardivement, à un moment où les lésions étaient déjà anatomiquement trop évoluées. Dans une série
pédiatrique, et dans une série britannique plus récente, l'utilisation précoce des immunosuppresseurs
est associée à une diminution du risque de chirurgie.
1.3.2 Les anti-TNF pourraient-ils modifier l'histoire naturelle de la maladie de Crohn?
L'Infliximab est le premier traitement capable d'entraîner une réponse clinique et anatomique rapide et
complète. L'effet sur les fistules (une sur 2 se ferme) est particulièrement notable car on pouvait penser
ces lésions inaccessibles au traitement médical. Les résultats des autres anti-TNF sont similaires. Mais
si le traitement anti-TNF est interrompu, la maladie reprend son cours, une récidive clinique survient et
la fistule se rouvre de façon quasi-inéluctable. La répétition programmée des perfusions d’Infliximab ou
la poursuite des injections d’Adalimumab permet le plus souvent de maintenir le résultat obtenu à
l’issue du traitement d’induction, et donc d’infléchir durablement l’évolution de la maladie. Chez
quelques malades, ce traitement itératif doit être arrêté en raison de l’apparition de manifestations
d’intolérance ou d’une perte d’efficacité. Mais l’évolutivité de la maladie et le dégât anatomique qui
l’accompagne peuvent être contrôlés plusieurs années chez les sujets répondeurs durables, et une
diminution des indications chirurgicales a été constatée au cours des MC fistulisantes.
1.3.3. Effet de l'arrêt du tabac
L'évolutivité moyenne de la maladie de Crohn des anciens fumeurs est égale à celle des non fumeurs,
et moindre que celle des fumeurs actifs. Surtout une étude d'intervention a montré que, dès un an
après l'obtention du sevrage tabagique, la maladie devient moins agressive avec des risques de
poussée et de recours aux corticoïdes et aux immunosuppresseurs diminués par rapport aux fumeurs
et identiques aux non fumeurs. Malheureusement seulement une faible proportion des malades
(environ 10%) parvient à s'arrêter de fumer.
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1.3.4. la chirurgie a-t-elle un rôle?
Le temps de la chirurgie large dont le but était de guérir définitivement par une exérèse étendue est
révolu. Enlever les lésions macroscopiques de maladie de Crohn peut amener un intervalle libre de
symptômes mais ne guérit pas la maladie, qui récidive quasi-inéluctablement. Moins de 5% des
patients opérés sont indemnes de lésions endoscopiques 10 ans après la chirurgie. Il faut donc
concevoir la chirurgie comme soit le traitement électif des complications, soit une aide au traitement
médical. De ce point de vue, l'intérêt se porte sur la stricturoplastie et ses variantes. Il est montré
qu'elles peuvent entraîner la cicatrisation des lésions muqueuses en regard de l'incision et ne semblent
pas exposer l'opéré à un risque de récidive supérieur à celui suivant les exérèses.
2. HISTOIRE NATURELLE DE LA RCH
La RCH touche exclusivement le rectum et le côlon, de façon continue et rétrograde (le rectum est
pratiquement toujours atteint, le côlon gauche dans 2 tiers des cas, et le côlon droit dans un tiers à la
moitié des cas). La maladie débute le plus souvent vers l'âge de 25-30 ans, et le délai diagnostique est
habituellement de brève durée (les saignements conduisent le malade à consulter rapidement). Il existe
aussi des formes du jeune enfant et aussi des RCH du sujet âgé, surtout masculin, apparaissant
notamment après l'arrêt d'une intoxication tabagique.
2.1. EVOLUTION ANATOMIQUE
2.1.1. Aspect lésionnel
En cas de poussée, les lésions sont d'abord superficielles, localisées à la muqueuse qui devient
érythémateuse, dépolie, granitée, de façon continue et homogène, puis au sein de cette muqueuse
malade peuvent apparaître des ulcérations plus ou moins larges et qui vont éventuellement devenir
creusantes. Entre les poussées, la muqueuse reprend un aspect subnormal, souvent marqué par la
visualisation anormale du liseré vasculaire sous-muqueux, et il peut persister une fragilité avec
saignement facile au contact.
2.1.2. Extension rétrograde
La particularité de la RCH est de s'étendre du rectum au caecum de façon continue sans intervalle. Les
lésions commencent en règle au niveau du bas rectum. Le suivi de patients ayant au moment du
diagnostic une atteinte purement distale montre que la maladie s'étend vers l'amont dans près d'un cas
sur deux après 20 ans d'évolution. Cette extension vers l'amont est d'autant plus fréquente que les
lésions initiales sont déjà étendues en amont de la charnière rectosigmoïdienne. Une atteinte
pancolique, sans intervalle de muqueuse saine, est observée dès la première coloscopie chez un quart
des patients, mais après 20 ans d'évolution touche près d'un patient sur 2 (Figure 8). A noter qu'en cas
d'atteinte pancolique, l'iléon est souvent inflammatoire voire ulcéré au niveau de ses derniers
centimètres (iléite "de reflux"). Il est inhabituel, mais possible, qu'au cours de l'évolution un segment
lésé redevienne macroscopiquement et histologiquement normal, faisant ainsi reculer le niveau
proximal des lésions. Enfin, les coloscopies systématiques de patients ayant une RCH en apparence
seulement distale ont démontré dans près d'un tiers des cas des lésions caecales ou
périappendiculaires, et plus exceptionnellement des lésions éparses sur le côlon droit. Ces RCH parfois
appelées RCH bipolaires n'ont pas de spécificité évolutive par rapport aux formes distales classiques.
2.1.3. Evolution nosologique
Une proportion de RCH authentiques développe secondairement des lésions ano-périnéales ou de
l'intestin grêle conduisant au diagnostic secondaire de maladie de Crohn. Cette éventualité a été
chiffrée de l'ordre de 10% après 25 ans d'évolution. Elle paraît d'autant plus fréquente que la MICI a
débuté jeune, que le sujet fume, et qu'il existe des antécédents familiaux de maladie de Crohn.
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2.2. EVOLUTION CLINIQUE
2.2.1. mode évolutif
La RCH évolue habituellement sous forme de poussées s'exprimant par un syndrome dysentérique fait
d'évacuations glairo-sanglantes afécales, de durée brève sous l'effet du traitement, entrecoupées de
rémissions parfois très longues. L'intensité des poussées et leur sensibilité au traitement médical sont
très variables et peu prévisibles, même si la symptomatologie est conditionnée par l'étendue de
l'atteinte (du syndrome rectal isolé à la diarrhée sanglante) et que des poussées rapprochées
annoncent souvent une mauvaise réponse au traitement. Dans une cohorte de population, le
pourcentage de patients en rémission chaque année et non opérés est de l’ordre de 50%. Dans environ
10% des cas, la maladie évolue d'emblée selon un mode continu, chronique actif, sans rémission. Une
autre possibilité évolutive imprévisible est le développement d’une poussée grave, observée au total
chez un patient sur 5, et cause principale de colectomie dans les 1ères années de la maladie. Lorsque
la poussée clinique est contrôlée, il s’y associe une rémission endoscopique observée à 1 an chez
environ la moitié des patients ; dans ce cas, le risque de colectomie ultérieure (au cours des 5 années
suivantes) est plus faible que chez les patients non cicatrisés. Noter enfin la gravité particulière de la
RCH de l’enfant, qui se complique fréquemment de poussée grave, souvent réfractaire au traitement
médical et nécessitant la colectomie.
2.2.2. l'extinction de la maladie au fil du temps
Les études de cohorte ont montré que l'évolutivité de la RCH tend plutôt à diminuer au cours des
années, diminution en partie liée à l'exclusion progressive des malades opérés (2) (Figure 9). La
probabilité de rechute dans l'année qui suit une poussée est plus élevée au début de la maladie, de
l'ordre de 50% les premières années, puis diminue pour atteindre 10 à 15% après 10 ans d'évolution.
Le risque de rechute dans l'année est voisin de 20% lorsqu'une année complète sans rechute s'est
écoulée. Inversement, environ un tiers des malades ne font pas de nouvelle poussée au cours des 10
premières années suivant la poussée inaugurale. L'intensité de cette poussée inaugurale ne permet
aucun pronostic à long terme: une maladie très active au départ ayant fait discuter la chirurgie peut se
calmer et ne pas récidiver avant plusieurs années ou avoir une évolution bénigne.
2.2.3. le risque de chirurgie
Le risque cumulé de colectomie dans la RCH est très variable selon les études, le plus souvent de
l’ordre de 20-30% après 25 ans, davantage dans les séries hospitalières sélectionnées, moins dans
certaines études de population, notamment du sud de l’Europe, où moins de 10% des patients sont
colectomisés. Le risque de colectomie est plus élevé au début de la maladie, particulièrement au cours
de la première année (proche de 10% dans les séries scandinaves), puis se ralentit et après 10 ans
devient stable, d'environ 1% par an (Figure 10). L'extension et la sévérité de la RCH au moment du
diagnostic sont les meilleurs facteurs prédictifs du risque de colectomie.
2.2.4. mortalité
La survie des patients ayant une RCH ne paraît pas globalement différente de celle de la population
générale, avec quelques nuances (12). Il semble en effet exister un petit décrochage initial, dans
l'année suivant le diagnostic, décrochage en rapport avec les formes graves et fulminantes et les décès
péri-opératoires; cette surmortalité initiale a considérablement diminué avec la standardisation de la
prise en charge thérapeutique des formes graves. La deuxième nuance par rapport à la population
générale porte sur les causes de décès à long terme, on note en effet une augmentation des cancers
digestifs et des affections hépatobiliaires ; en particulier la cholangite sclérosante primitive (CSP)
augmente les risques de cancer colique et de cholangiocarcinome et son évolution peut nécessiter une
transplantation hépatique. Par contre on note une diminution des affections cardiovasculaires et
respiratoires liées au tabac du fait de la faible proportion de fumeurs dans la population RCH. La
mortalité directement imputable à la RCH représente moins de 20% des causes de décès.
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2.3. EFFET DES TRAITEMENTS
2.3.1. traitement médical
Les poussées de RCH sont en règle sensibles au traitement médical, proportionné à la gravité clinique
(dérivés du 5-ASA, puis corticoïdes, puis ciclosporine ou anti-TNF) et modulé en fonction de l'étendue
des lésions (suppositoires, lavements, puis prise orale, puis administration intraveineuse). La
corticothérapie orale entraîne une rémission complète à partielle chez 55 à 85% des patients, avec un
taux de corticodépendance à 1 an de l'ordre de 20% (11). La corticothérapie doit être limitée aux
phases actives de la RCH et ne jamais être poursuivie en entretien. Par contre, un traitement
d'entretien bien suivi par 5-ASA ou ses dérivés est capable d'espacer les poussées. La plupart des
poussées paraissent débuter au niveau du bas rectum en s'étendant rapidement vers l'amont, si bien
que le traitement local de la poussée dès les premiers signes pourrait empêcher le développement de
celle-ci. Il est ainsi conseillé d'éduquer les patients de façon telle qu'ils puissent s'autotraiter très vite
par des suppositoires ou des lavements de 5-ASA ou de corticoides.
2.3.2. les immunosuppresseurs modifient-ils l'histoire naturelle de la RCH?
Le traitement médical intraveineux intensif selon le protocole de Truelove a transformé le pronostic des
formes graves autrefois mortelles jusque dans un tiers des cas. Ce traitement permet de contrôler
environ 2 tiers des poussées graves. La ciclosporine depuis les années 90 et l’infliximab de façon plus
récente sont utilisés chez les non-répondeurs au traitement intensif. La ciclosporine intraveineuse ou
orale permet d'obtenir une réponse complète et prolongée dans un tiers des cas, incomplète ou de
courte durée (récidive dans l'année, conduisant à la chirurgie) dans un deuxième tiers, et nulle
(colectomie immédiate) dans le dernier tiers. Les résultats de l’infliximab sont comparables, avec
réponse immédiate dans 2 tiers des cas, réponse qui se maintient si l’infliximab est poursuivi. On ne
sait pas quels facteurs devant une poussée grave déterminent la réponse au traitement intensif
classique et à la ciclosporine ou à l’infliximab, mais la présence de lésions endoscopiques graves est
de mauvais pronostic. Le point notable est que le traitement médical peut permettre à un certain
nombre de patients d'échapper à la colectomie et d'avoir ensuite une évolution bénigne.
L'azathioprine ou la 6-mercaptopurine, et aussi les anti-TNF en entretien, sont de plus en plus prescrits
dans la RCH, soit dans les formes graves en relais du traitement d'attaque par la ciclosporine ou
l’infliximab, soit dans les formes corticodépendantes et distales réfractaires au cours desquelles la
chirurgie (coloproctectomie totale) paraît quelque peu disproportionnée par rapport à l'atteinte
anatomique. Les immunosuppresseurs ont clairement un fort effet d'épargne corticoïde. mais il n'est
pas encore démontré qu'ils diminuent nettement le recours à la chirurgie.
2.3.3. devenir après coloproctectomie
Si la coloproctectomie avec iléostomie guérit la RCH, les patients coloproctectomisés chez lesquels est
réalisée une anastomose iléo-anale sont exposés au développement d'une pochite, ou inflammation du
réservoir iléal. La pochite aiguë est très fréquente (50% des opérés à 5 ans) mais en règle contrôlée
par l'antibiothérapie. La pochite chronique est une éventualité rare (5 à 10%) mais de traitement
difficile, et peut être interprétée comme une récidive de la MICI au niveau du réservoir iléal. L’apparition
de lésions iléales en amont du réservoir et de lésions anopérinéales de type Crohn est une autre
éventualité. Il est nécessaire d'informer les futurs opérés de ces possibilités évolutives car la chirurgie
est trop souvent perçue comme un traitement radical et définitif de la maladie. Ceci n'est vrai que dans
le cas de la réalisation d'une iléostomie définitive.
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SYNTHESE
Les MICI sont des maladies chroniques, débutant le plus souvent vers 25-30 ans, durant toute la vie, et
évoluant habituellement par poussées. RCH et maladie de Crohn ne menacent pas le pronostic vital
(effet faible sur la mortalité) mais pénalisent de façon importante la qualité de vie.
La maladie de Crohn peut toucher n'importe quel segment digestif, de la bouche à l'anus, mais les
atteintes iléales et coliques sont les plus fréquentes. L'évolution anatomique globale de la maladie de
Crohn est mieux connue depuis la description du modèle de la récidive post-chirurgicale. La maladie
débute par un infiltrat inflammatoire local qui évolue vers des ulcérations aphtoïdes, puis superficielles,
puis creusantes, puis la constitution d'une sténose et/ou d'une fistule. Les signes cliniques suivent les
signes anatomiques de 2 ans environ. Les complications dépendent essentiellement du siège initial des
lésions: l'atteinte du grêle se complique de sténose et de perforation, la formation d'une fistule pouvant
du reste compliquer une sténose, tandis que l'atteinte colique reste longtemps inflammatoire, sans
sténose ni perforation. La chirurgie d'exérèse intestinale est quasi-inéluctable, avec un risque cumulé à
20 ans supérieur à 80%.
Le traitement immunosuppresseur permet de contrôler l'activité à long terme de la maladie dans 1 cas
sur 2, mais cet effet est seulement suspensif.
La RCH touche exclusivement le rectum et le côlon, de façon continue et rétrograde. Les lésions
commencent en règle au niveau du bas rectum. Le suivi de patients ayant au moment du diagnostic
une atteinte purement distale montre que la maladie s'étend vers l'amont dans près d'un cas sur deux
après 20 ans d'évolution Une atteinte pancolique, sans intervalle de muqueuse saine, est observée dès
la première coloscopie chez un quart des patients, mais après 20 ans d'évolution touche près d'un
patient sur 2. Environ 10% des RCH développent secondairement des lésions ano-périnéales ou de
l'intestin grêle conduisant au diagnostic secondaire de maladie de Crohn. Les études de cohorte ont
montré que l'évolutivité de la RCH tend plutôt à diminuer au cours des années. La probabilité de
rechute dans l'année qui suit une poussée est plus élevée au début de la maladie. Le risque cumulé de
colectomie dans la RCH varie selon les séries entre 10 et 30% après 25 ans.
Le traitement médical intraveineux intensif des RCH graves en a transformé le pronostic, autrefois
léthal jusque dans un tiers des cas. Ce traitement permet de contrôler environ 2 tiers des poussées
graves. La ciclosporine et l’infliximab peuvent être efficaces dans les formes graves et les
immunosuppresseurs classiques ont clairement un fort effet d'épargne corticoïde. La coloproctectomie
avec iléostomie guérit la RCH, mais les patients coloproctectomisés chez lesquels est réalisée une
anastomose iléo-anale sont exposés au développement d'une pochite, dont l'évolution peut devenir
chronique chez 5 à 10% des opérés.
Auteur : Jacques COSNES
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Cours07
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Auteur : Jacques COSNES
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